samedi 26 février 2011

“L’Égypte il y a 100 ans”, par Anne-Claire Déjean

Tout nouvellement édité, cet ouvrage d’Anne-Claire Déjean, diplômée en sciences de l’Antiquité, est un livre-album. Sa maquette, conformément à la collection dans laquelle il prend place, fait en effet la part belle à l’illustration, la plupart des pages comportant chacune deux ou trois photos, accompagnées de légendes et brefs commentaires.
À partir d’un important fonds iconographique, où figurent de nombreuses cartes postales d’époque peu ou pas connues, Anne-Claire Déjean nous invite à un flash-back sur l’Égypte de la fin du XIXe s et des débuts du XXe s., “photographiée” sous trois angles différents et complémentaires : au fil du Nil (la vie rurale), le développement de l’égyptologie scientifique, vers la modernisation. Le regard est ainsi porté sur la physionomie géographique, humaine, économique, culturelle et archéologique du pays, à la jonction de deux périodes essentielles de son histoire.
La partie consacrée à l’égyptologie a, compte tenu de la teneur de notre blog, plus particulièrement retenu notre attention. Elle est présentée comme un reflet des “principaux vestiges archéologiques égyptiens et (de) leur redécouverte par les Européens en descendant le Nil, du sud au nord”. Compte tenu de l’option éditoriale, seuls de brefs flashes sont proposés en accompagnement des photos, le but recherché étant assurément de laisser le plus possible “parler” les images elles-mêmes. D’où l’originalité de cette publication que l’on parcourt au gré de l’inspiration du moment, sans suivre nécessairement un quelconque ordre logique, géographique ou chronologique.
En zoomant sur les pyramides, je dois reconnaître toutefois que l’on reste un peu sur sa faim, dans la mesure où ces monuments restent le symbole majeur de l’Égypte. Quelque vingt photos seulement leur sont consacrées, privilégiant parfois le côté anecdotique, sportif, voire romantique de “l’une des destinations privilégiées du voyageur en Égypte”. (*) Mais sans doute ai-je cherché indûment dans cet ouvrage des aspects de l’histoire de l’Égypte qui étaient hors du propos de l’auteure et de l’éditeur.
La troisième partie du livre - “Vers la modernisation” - concentre tout logiquement le regard sur le Caire et son riche patrimoine architectural : des images qui sembleront insolites aux touristes d’aujourd’hui, tant la capitale égyptienne a subi de changements au cours du siècle passé, ne serait-ce qu’au vu de sa surpopulation actuelle.
La mini-introduction de cette partie (p. 93) situe le dilemme d’un pays à la croisée des chemins entre “modèle occidental”, autrement dit la “modernité”’, et la fidélité à la tradition - ou aux traditions - de l’islam et d’une société fondamentalement agraire. De longs ouvrages ont été écrits sur ce sujet aussi vaste que peut l’être l’analyse de l’évolution d’une civilisation ou d’une culture. D’où le côté “réducteur” des 35 pages regroupées sous le titre annoncé. Mais la question d’une modernité, synonyme d’authenticité (cf. le mouvement de la Nahda), qui ne singe pas nécessairement les canons de la civilisation occidentale est un autre débat. Tel n’était évidemment pas le propos de cet ouvrage que l’on consultera tel qu’il se présente au lecteur : un livre de “mémoire” écrit d’abord en “images”.

éditions Allan Sutton, collection Mémoire en Images, 2011, 128 pages

(*) pour une iconographie des pyramides plus substantielle, notamment pour la période prise en compte par l’ouvrage ici présenté, on pourra consulter le site Visualising Giza.