samedi 10 septembre 2011

Fin d'inventaire

Photo Marc Chartier

Après quelque trois années d’existence, "Pyramidales" entrevoit le terme de son itinéraire. Celui, en tout cas, que je lui avais fixé.
Je me garde bien de calculer le nombre de théories, relatives à la construction et/ou à la fonction des pyramides égyptiennes, qui y ont été présentées. Cet aspect est purement anecdotique.
Certaines théories, plus ou moins directement inspirées d’orientations ésotériques, ont été délibérément laissées sur la touche.
Mon inventaire, j’en suis bien conscient, est par ailleurs incomplet. Il comporte des lacunes. Tel ou tel auteur en est absent, pour des raisons évidentes (incompréhension, de ma part, de certaines langues, telles que l’allemand ou le néerlandais) ou plus complexes (difficulté d’identifier certains textes, impératifs du respect des droits d’auteur, intention manifeste de certains auteurs contemporains de se tenir à distance d’un support - sans doute pas assez sérieux à leur gré - tel qu’un blog...).
Je me dois, par contre, d’adresser ma plus cordiale gratitude aux nombreux auteurs contemporains qui ont accueilli, parfois amicalement, ma démarche, même s’ils attendaient peut-être tacitement une réponse, de ma part, plus affirmée, plus affichée que la simple neutralité (objectivité ?) à laquelle j’ai tenté de m’astreindre. Ce blog leur doit beaucoup.
Dois-je le préciser, pour la dernière fois : ce blog a été construit et animé de manière à 150 % bénévole, sans la moindre finalité “commerciale”. D’où l’absence totale d’encarts publicitaires.
J’ai été animé exclusivement par la passion et par une dette de reconnaissance qui me lie à cette terre d’Egypte où j’ai pu passer trois fabuleuses années de ma vie.
Ce blog entame donc une nouvelle phase de son existence. "Pyramidales" restera désormais ancré sur la “toile”, bibliothèque numérique à la disposition de celles et ceux qui cherchent le comment du pourquoi, ou bien le pourquoi du comment, ont été construits par la main de l’homme, dans la vallée du Nil, ces amoncellements de pierres voués à l’éternité...
Certes, la porte reste ouverte à d’autres publications occasionnelles, liées à l’actualité, ou encore à de nouvelles propositions spontanées. Mais, après des milliers d’heures de recherches, ainsi de que très nombreuses et interminables heures d’insomnie, je me résous à mettre un terme à l’inventaire.
Dans la foulée, je me suis lancé dans une autre aventure : un nouveau blog, lié à l’actualité culturelle, archéologique et sociale de l'Égypte : 
Egypt-actus. Si vous me faites l’amitié de m’y suivre, vous y serez notamment informés en temps presque réel de la publication des éléments nouveaux venant se greffer sur le contenu, tel qu’il est actuellement, de "Pyramidales".
Merci pour votre confiance.
Bonne route à chacune et chacun d’entre vous !
Marc

Quelques gravures de la Terre des Pharaons

Dans son ouvrage La Terre des Pharaons, tableau de l’ancienne Égypte, édité en 1888 (*), M. Legrand consacre plusieurs pages aux pyramides égyptiennes. Pour se faciliter la tâche, il se contente, après une brève introduction (extraits ci-dessous), de citer abondamment Georg Moritz Ebers.
La seule véritable raison qui m’a amené à faire figurer cet ouvrage dans mon inventaire tient aux illustrations - des “gravures d’après les monuments antiques” - qui accompagnent le texte. J’ai reproduit dans cette note celles qui concernent le site de Guizeh.

“Si l'on se rappelle ce que nous avons dit des croyances religieuses de l'Égypte, on ne s'étonnera pas de l'importance qu'avait, dans le pays des pharaons, l'architecture funéraire. La tombe de l'ancien empire, le mastaba, se compose d'une partie construite et d'une partie souterraine creusée dans le roc, la première renfermant une chambre, la seconde contenant un puits et un caveau. Mais le mastaba, c'est la tombe privée, et pendant la même période, la tombe royale revêt une autre forme : la pyramide, qui, comme le mastaba, se compose d'un puits et d'un caveau. Pour la chapelle (si l'on peut ainsi appeler la chambre où se réunissaient les parents du défunt), elle s'élevait à quelque distance de la face orientale de la pyramide.
(suit une longue citation du récit par G. Ebers de la visite qu'il fit aux pyramides de Guizeh. Cf la note de Pyramidales sur cet auteur)







Source : Gallica

(*) En dépit de la similitude du titre, dans sa traduction française, rien à voir avec le film de Howard Hawks.

Construction des pyramides égyptiennes : un travail et un coût qui n’ont servi à rien, selon Philip Sanford Marden (XIXe-XXe s.)

Une précision immédiate, pour compléter le titre de cette note : l’immense chantier des pyramides n’a été d’aucune utilité pour le but initialement recherché. “Khéops et autres pharaons, écrit Philip Sanford Marden (1874-1963) dans Egyptian days (1912), ont érigé pour eux-mêmes des tombeaux qui devaient durer des siècles, et probablement pour l’éternité, mais leurs corps n’y étaient en définitive pas plus en sécurité que s’ils avaient été ensevelis dans les plus humbles des tombes.”
On retiendra par ailleurs ce que l’auteur écrit à propos de l’accrétion, une théorie, selon lui, qui intéresse sans doute encore les étudiants, mais qui présente en réalité des incohérences, au point d’être “hautement improbable”.

“Various theories have been advanced to account for the extraordinary magnitude of the Fourth Dynasty pyramids as contrasted with those of later times. Most interesting of all, though probably fallacious, is the one which holds that these pyramids were matters of accretion - that is to say, that each king began his monument on a modest scale and added to it year after year, so that the resulting pyramid would be directly proportionate to the length of his reign.
The trouble with this is that several kings, whose reigns were of respectable length and fairly comparable to those of Cheops and Khephrên, did not leave pyramids as large as theirs. And moreover, as will be seen by referring to the drawing of the Great Pyramid in section, such an hypothesis seems irreconcilable with the arrangement of the interior passages. True it is that alterations were made in the internal design as the work advanced, but so far as appears, even the original plans called for a pyramid but little smaller than that which was finally built. The point at which the tomb-passage enters the rock of the plateau appears to fix the lower limit of size in the case of the pyramid of Cheops - and it is no modest pile, even then. Therefore, while the accretion theory is by no means dead and still finds a degree of favor among students, it seems highly improbable that it can be relied on to explain the case.
From the indications it seems necessary to assume that Cheops from the first planned a structure very nearly as large as the one he actually completed ; and plausible to account for the subsequent falling-off in size in the other monuments as due to excessive costs or possibly a failure of engineering skill.

The latter factor in the time of Cheops was indeed marvelous, as is revealed by the nicety of measurement and accuracy of orientation. The error in attempting to make the front of the tomb face the true north is practically negligible, and the same is said to be true of the slight errors in placing the four comers. Considering the primitive tools and the configuration of the land, which precluded direct sighting, the results attained were extraordinary, and could not be bettered, even if they could be equaled, by modem engineers. As for the fitted blocks of the exterior casing, while few remain, it is possible to see that their joints were of amazing accuracy, and the work in the casing of the inner hall is frequently compared for minuteness of exactitude to the best work of modem opticians. (...)
A glance at the plan of the pyramid of Cheops will serve to show more of its arrangement than a
visit to its depths. A steeply descending passage leads down to a sepulchral chamber deep in the native rock. That is not shown to visitors. Instead, one takes the ascending passage that leads up to the very centre of the pyramid, part of it spacious and lofty, but most of it abominably cramped and low.
Up this incline it is supposed the body of Cheops was carried on the last day and laid to rest in the huge sarcophagus that still occupies a place in the " King's Chamber". Then the huge plug blocks of granite which had been prepared were let down to bar future entry, the narrower passages were (perhaps) filled with rubble,
the workmen escaped by the roughly vertical shaft to the lower passage in the rock below, the entrance in the outer casing was smoothly closed - and theoretically the grave-robbers were forever foiled ! Practically the tomb was rifled within a few hundred years - possibly even during the period of unrest that closed the Old Kingdom's career in the Ninth and Tenth dynasties. The labor and cost had been all in vain. Cheops and the rest had erected for themselves tombs that would endure for centuries, probably for all time, but their bodies were no more secure at the last than if they had been laid in the humblest grave.”

Source : archive.org

“Il n’est pas étonnant que les Égyptiens aient choisi le désert, image de la mort, pour y construire leurs tombes et leurs sépulcres” (Giuseppe de Nizzoli - XIXe s.)

Le diplomate Giuseppe de Nizzoli fut, de 1818 à 1828, chancelier du consulat autrichien à Alexandrie. Spécialisé dans la collecte et le commerce d’objets archéologiques, il fut à l’origine de grandes collections qui furent accueillies par les musées de Vienne, Florence et Bologne.
Ayant pris connaissance, en 1845, de la théorie de Fialin de Persigny sur “la destination et de l'utilité permanente des Pyramides d'Égypte et de Nubie”, il écrivit Le Piramidi d’Egitto, une longue note dans laquelle il prit le contre-pied de cette hypothèse selon laquelle les pyramides auraient été construites pour servir d’abord de barrière contre l’ensablement du Nil.
En préambule, il justifia la légitimité de son initiative en ces termes : ”Je n’ai pas lu l’ouvrage de Persigny, mais j’ai visité l’Égypte, j’ai vu les pyramides, j’ai examiné ces lieux, où j’ai fait exécuter des fouilles pour mon propre compte et comme membre de la Société antiquaire d’Égypte, créée au Caire en 1821.”
La conclusion de sa démonstration est sans équivoque :”Les pyramides ont été érigées pour servir de tombes royales et de sépulcres : telle fut leur destination absolue, qui ne peut nullement être mise en doute.”

Cliché de David Gardiner (1906)
“Che le Piramidi fossero erette per servire di regie tombe e sepolcri, e che tale fosse la lor destinazione assoluta e la prima idea in chi ne escogitò l'inalzamento, pare che non possa mettersi in dubio alcuno, come pare che non possa altrimenti dubitarsi, quella essere stata l'idea principale, e non accessoria, come pretende il de Persigny, il quale le riguarda inalzate invece allo scopo di garantire la vallata del Nilo dalle invasioni sabbioniccie del deserto, appoggiandosi, come dice l'articolo, a considerazioni storiche ed archeologiche di tanti viaggiatori dell' antichità e moderni, ed a considerazioni geografiche e topografiche intorno a' luoghi su cui posano le Piramidi stesse : in una parola, secondo l’articolo, le Piramidi non sarebbero che paraventi !
Ma le considerazioni su di cui posa l’edifizio del sig. Persigny sono quelle che sembrano riflettere appunto contro il suo argomento medesimo.
Che le Piramidi fossero in origine destinate principalmente a sepolcri sembra evidentemente dimostrato da quanto ci narrano i più celebri scrittori antichi e moderni che sul luogo stesso si recarono, senza che mai la mente suggerisse loro che quei monumenti avessero potuto avere ancora la speciale destinazione che il sig. de Persigny intende di attribuirgli in principalità, considerando come puramente accessoria quella di tombe.
Non v'è credo chi non sappia che fu mai sempre usanza di porre sul luogo ove giace il defunto un mucchio di pietre sia per riconoscere il luogo, sia per vieppiù assicurarlo onde non gli sia recata ingiuria. La sua grandezza era a misura della possibilità del morto. Un principe dovea in conseguenza più che gli altri far risplendere la sua possanza in una maggiore elevazione, che ristretta ad un solo punto nè ristabilì poi la forma di una Piramide. (...)
In ogni modo ciò ch'è evidente e non soggiace a dubì si è che le Piramidi non fossero altro che tombe dei re d'Egitto, desiderosi di lasciare alla posterità opere tali, che indicassero per secoli infiniti la loro possanza e grandezza. Ed infatti esse furono visitate ed ammirate in ogni epoca dalla più gran parte dei filosofi, poeti, e viaggiatori più illustri, ma a nessuno di questi, nè di que'ch'ebbero perfino comunicazione coi sacerdoti Egiziani, non fu dato mai di scoprire o almeno d'intendere che le Piramidi, oltre lo scopo di tombe, riunissero poi una diversa principale destinazione quale vorrebbe il sig. de Persigny attribuirgli.
Infatti se ben si esamina la qualità di qué'monumenti, la loro magnificenza e struttura, a tutt'altro conduce il pensiero, fuorchè a riconoscere in essi un argine contro l'avanzamento delle sabbie del deserto. (...)
Le Piramidi menfìtiche (...) si ergono come giganti isolati, e senza verun circostante oggetto sulle creste di quei colli, piantale senz'ordine nè regola per tutto il tratto della lunghezza disopra enunciala, ed anzichè essere disposte in linea parallela dal nord al sud, come avrebbero dovuto esserlo per poter corrispondere in qualche modo all'idea del sig. de Persigny, le tre più grandi scorrono invece una linea quasi opposta, cioè da Oriente a Occidente, restringendo così la lora forza riparatrice contro la furia di venti trasversali diretti sopra la vallata, mentre le altre Piramidi sì vedono egualmente sparse quà e là senza direzione, né scopo simmetrico, ed elevate come a caso ora in una or in un' altra situazione lungo il tratto di collinette formanti la summentovata catena libica, e questo tratto, che neppure forma grandi ineguaglianze, fa parte del deserto, anzi è lo stesso deserto : e Diodoro ce lo conferma, quando ci narra che la 3.za Piramide di Gezeh, quella cioè di Micerino, fu eretta alquanto dentro del deserto.
Ne risulterebbe dunque che un deserto erano sempre quei luoghi, e che il deserto invece di essere in ogni caso trattenuto dalle Piramidi, si sarebbe avanzato anzi nella vallata verso il Nilo, come pure ne risulterebbe che le Piramidi non fossero state erette avanti a gole di montagne. (...)
Non è quindi maraviglia che siccome il deserto è l’imagine della morte, abbiano gli Egiziani scelti appunto quei luoghi tristi e silenziosi per scavarvi le loro sotterranee catacombe, e per erigervi le loro tombe e sepolcri sulla superficie della terra. (...)
Cosa è mai in sostanza una Piramide per quanto sterminata ne sia la mole in confronto dell'immensità dello spazio che presenta il deserto, per credere che una ventina di tali monumenti, d'altronde irregolarmente disposti in una linea di circa 20 miglia inglesi, potrebbero servire a trattenere l'avanzamento del deserto ? (...)
Per poter ammettere in qualche parte l'argomento portato in campo dal sig. di Persigny avrebbe convenuto, che per tutta la sua lunghezza, la catena libica o memfitica che si estende da Gizeh a Darjour, fosse stata difesa da una linea non interrotta di Piramidi : ma quante centinaia di Piramidi non avrebbe bisognato in tal caso di costruire per porre un argine di qualche utilità contro l'avanzamento materiale delle sabbie ; dico con qualche utilità, giacchè la stessa forma quadrangolare delle Piramidi terminando in punta diminuirebbe d' assai l'effetto che se ne vorrebbe ottenere. (...)
Se veramente si potesse ammettere come principal scopo dell' inalzamento delle Piramidi, quello di difendere la vallata del Nilo dall' avanzamento del deserto, e di trattenere le sabbie che i venti vi trasportano, non sarebbe in tal caso convenuto meglio a quegli antichi di erigere una grande muraglia lungo la linea memfìtica anziché inalzare delle Piramidi qua e là senz' ordine nè regola ?
Perchè infatti,o bisognava a riempire tutti i vacui della linea memfìtica, inalzando una fila di infinite Piramidi, una stretta all' altra (cosa pressoché impossibile a verificarsi), o erigere una muraglia corrispondente, lochè era tanto più facile da concepire, come da eseguirsi. (...)
E dopo di tutto questo chi è che vorrà mettere appena in dubbio che lo scopo principale, il vero e consentaneo propriamente ai principi religiosi professati da quel popolo, nell'inalzare le suddette Piramidi che andavano del pari ai tanti altri maravigliosi colossali monumenti eretti allo stesso fine, non fosse quello di tombe ?
Come sostenere che una tale destinazione funeraria delle Piramidi fosse puramente accessoria e quasi accidentale, dopo che catacombe, statue, labirinti, sfingi, mausolei e tutto finalmente nelle Necropoli, siano tali opere scavate e scolpite sotto le rocce e nel seno dei monti o erette sulla loro superficie, non avevano di mira che le tombe, e che tutto in somma dinota un solo pensiero profondamente religioso quello dei trapassati, il perché a questi pensarono molto e gran parte della vita, e tesori dedicarono al riposo di quelli. (...)
E ritornando all' argomento in questione dirò che il solo ed unico mezzo per cui potevasi dagli Egizi, senza il soccorso d'altronde inutile delle Piramidi, procurare di trattenere l'avanzamento del deserto nella vallata, anziché servirsi di quello ideato dal sig. Persigny, esser dovea quello di una savia amministrazione unita a buone leggi che valessero ad estendere i modi di agricoltura, ad aumentarne le piantagioni di alberi utili, a fertilizzare il paese, con ben regolarne le irrigazioni mediante opportuni canali onde le aque giungere potessero a deporre fino alle più possibili estremità laterali lungo la vallata coltivabile del Nilo, il prezioso e benefico suo limo da cui derivarne dovea tanta ubertosità e ricchezza.”

vendredi 9 septembre 2011

Les pyramides d’Égypte, au cœur d’un voyage initiatique, sous la plume de Samuel Johnson (XVIIIe s.)

Samuel Johnson (1709-1784), connu sous le nom de Dr Johnson, est l'un des plus grands esprits encyclopédiques de la littérature anglaise. Poète, essayiste, biographe, lexicographe, pamphlétaire, journaliste, moraliste, critique littéraire, auteur du Dictionary of the English Language, il est l'écrivain anglais le plus cité après Shakespeare.
En 1759, il publia un court roman philosophique - The History of Rasselas, Prince of Abissinia (titre original : The Choice of Life) -, dans lequel il décrivit la vie du Prince Rasselas (un Candide anglais) et de sa sœur Nekayah, gardés dans un endroit nommé Happy Valley, en Abyssinie. Cette vallée est un lieu idyllique ; mais avec l'aide du philosophe Imlac, Rasselas s'en échappe pour aller explorer le monde où il constate que la société est plutôt en proie à la souffrance.
Au cours de ce voyage initiatique, une halte est faite aux pyramides d’Égypte.
Deux traductions françaises de l’ouvrage sont disponibles sur Gallica : l’une sous le titre La Vallée heureuse, ou le Prince mécontent de son sort, 1803 (traduction de Louis ?) ; l’autre, éditée en 1819, sous le titre Rasselas, prince d'Abyssinie. C’est cette seconde version que j’ai retenue pour les extraits qui suivent.

                                 Samuel Johnson, par Reynolds (1772)                            
           
- “Je suis disposé, dit le prince, à voir tout ce qui peut mériter ma recherche.”
- “Et moi, dit la princesse, je trouverai, du plaisir à apprendre quelque chose des coutumes de l'antiquité.”
- “Les plus pompeux monuments de la grandeur de l'Égypte, et l'un des ouvrages les plus massifs de l'industrie manuelle, dit Imlac, ce sont les pyramides, ces fabriques élevées avant les temps historiques, et dont les récits les plus reculés ne nous offrent que des traditions incertaines. La plus grande existe encore, très peu endommagée par le temps.”
- “Allons les visiter demain, dit Nekayah ; j'ai souvent entendu parler des pyramides, et je n'aurai de repos que lorsque je les aurai vues en dedans et en dehors. de mes propres yeux.”
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Cette résolution prise, ils partirent le lendemain. Ils chargèrent leurs tentes sur leurs chameaux, étant résolus de ne quitter les pyramides que quand ils auraient pleinement satisfait leur curiosité. Ils voyagèrent à leur aise, se détournèrent pour voir tout, ce qu'il y avait de remarquable, s'arrêtèrent de temps en temps pour converser avec les habitants, et observèrent les divers aspects des villes ruinées et désertes, de la nature sauvage et de la nature cultivée.
Lorsqu'ils arrivèrent à la grande pyramide, ils furent étonnés de l'étendue de la base et de la hauteur du sommet. Imlac leur expliqua les principes d'après lesquels on avait choisi la forme
pyramidale pour une fabrique destinée à prolonger sa durée à l'égal de celle du monde. Il leur fit voir que sa diminution graduelle lui donnait une stabilité telle qu'elle bravait les attaques ordinaires des éléments, et pourrait à peine être renversée par les tremblements de terre eux-mêmes, violence naturelle à laquelle on peut le moins résister. Une secousse qui pourrait ébranler la pyramide, menacerait de la dissolution du continent.
Ils mesurèrent toutes ses dimensions, et dressèrent leurs tentes auprès. Le lendemain, ils se préparèrent à entrer dans les appartements intérieurs, et après avoir loué les guides ordinaires, ils grimpèrent jusqu'au premier passage, quand la favorite de la princesse, en examinant l'ouverture, recula en arrière, et trembla.
- “Pekuah, dit la princesse, de quoi es-tu effrayée ?”
- “De l'entrée étroite, répondit la favorite, et de l'obscurité épouvantable. Je n'ose entrer dans un lieu habité certainement par des âmes malheureuses. Les premiers propriétaires de ces horribles voûtes s'élanceront devant nous, et peut-être nous y enfermeront pour toujours.”
(...)
Pekuah descendit vers les tentes, et les autres entrèrent dans la pyramide. Ils traversèrent les galeries, contemplèrent les voûtes de marbre, et examinèrent la caisse où l'on supposait que le corps du fondateur avait été placé. Ils s'assirent dans une des chambres les plus spacieuses, pour se reposer quelque temps, avant d'entreprendre leur retour.
- “Nous avons maintenant, dit Imlac, satisfait notre esprit par une vue détaillée du plus grand
ouvrage des hommes, excepté la muraille de la Chine. Il est aisé d'assigner le motif de la muraille. Elle garantissait une nation riche et timide des incursions des barbares, dont l'ignorance dans les arts leur faisait trouver plus aisé de suppléer à leurs besoins par la rapine que par l'industrie ; et qui, de temps en temps, se répandaient sur les habitations du paisible commerce, comme les vautours fondent sur les oiseaux domestiques. Leur célérité et leur férocité rendirent la muraille nécessaire, et leur ignorance la rendit efficace.
“Mais quant à la pyramide, on n'a jamais donné de justes raisons de la dépense et du travail de l'édifice. La petitesse des chambres prouve qu'elles ne pouvaient offrir de retraite contre les ennemis ; et on aurait pu cacher des trésors avec bien moins de frais et avec autant de sûreté.
Elle semble n'avoir été élevée que pour se prêter à ces ardents désirs de l'imagination qui
consument constamment la vie, et qu'il faut toujours apaiser par quelque entreprise. Il faut que ceux qui ont déjà tout ce dont ils peuvent jouir, donnent plus d'étendue à leurs désirs. Il faut que celui qui a bâti pour l'utilité, lorsque ce but est rempli, commence à bâtir pour la vanité, et étende son plan jusqu'au-delà de ce que les hommes peuvent produire, afin de ne pas être bientôt réduit à former d'autres vœux.     
Je considère ce puissant édifice comme un monument de l'insuffisance des jouissances de
l'homme. Un roi, dont le pouvoir est illimité, et dont les trésors surpassent tous les besoins réels
et imaginaires, est entraîné à égayer, par l'érection d'une pyramide, la satiété de la puissance et l'insipidité des plaisirs ; et à amuser l'ennui du déclin de sa vie par la vue de milliers d'ouvriers travaillant sans cesse, et de pierres posées l'une sur l'autre sans aucun but. Qui que tu sois, qui n'es pas content d'une situation modérée, qui imagines que le bonheur est dans une magnificence royale, et qui rêves que l'autorité ou les richesses peuvent nourrir l'appétit de la
nouveauté par des jouissances continuelles, regarde les pyramides, et avoue ta folie.”


Texte anglais

jeudi 8 septembre 2011

Grande Pyramide de Guizeh : mise en place des blocs bouchons dans le couloir ascendant, selon Michel Michel

Pyramidales a déjà ouvert à plusieurs reprises ses pages aux recherches de Michel Michel, alias Khoufou (pseudonyme pour les forums), sur les pyramides égyptiennes, notamment celle de Khéops.
Sur l’un de ces forums précisément - ddchampo -, Michel vient d’ouvrir un nouveau “topic” sur le thème des blocs bouchons obturant le couloir ascendant de la Grande Pyramide de Guizeh.
Il m’a autorisé à reproduire ici la présentation de ce “topic”, dont on pourra suivre l’évolution sur le forum (inscription - rapide ! - obligatoire).

Les trois blocs bouchons situés en bas du couloir ascendant - cliché Jon Bodsworth (Wikimedia)
“J'ai longtemps adhéré à la version officielle qui suggère que les blocs bouchons étaient stockés dans la Grande Galerie, puis qu’ils ont été acheminés jusqu'à leur emplacement actuel en empruntant le couloir descendant.
J'ai commencé à avoir des doutes à propos du déplacement des bouchons dans le couloir descendant, en observant attentivement une photographie de ce couloir prise entre 1957 et 1972 par Adam Rutherford.
On observe, en effet, que le sol y est assez chaotique et que des excroissances rocheuses à la base des murs latéraux limitent la largeur praticable au sol (flèches rouges), excroissances qui ont toutes été arasées depuis.
Toutefois, faute de mesures comparatives fiables, il m'était impossible de calculer la largeur de l'espace disponible au sol.

En relisant attentivement le texte relatif aux travaux d'aménagement effectués par Émile Baraize en 1920 (us.archive.org/), page 172, je constatais que la largeur du plancher en bois était clairement spécifiée : 50 cm (2 x 25 cm).
Voici l'extrait du texte :

“Tandis que ces travaux de dégagement extérieur s'effectuaient, des forgerons préparaient les mains courantes, les traverses, les crampons, etc.
Les menuisiers, de leur côté, exécutaient le plancher. Ce dernier est composé d'une série de planches en bois du Nord , épaisses de 0 m.025 mill. et larges de 0 m. 25 cent., accouplées deux à deux, donnant ainsi au plancher une largeur de 0 m. 50 cent. Elles sont réunies à l'aide de traverses en fer fortement vissées. Sur ces planches furent fixées des barres de bois présentant une saillie de 0 m. 06 cent., espacées entre elles de 0 m. 35 cent., et garnies de bandes de tôle pour les protéger contre une usure trop rapide.”

Nous disposons ainsi d'un gabarit pour estimer la largeur disponible au sol.
J'ai donc travaillé sur l'image en y incorporant quelques lignes pour me permettre d'effectuer mes calculs. (Ces lignes sont très fines pour limiter les risques d'erreur)

2 lignes vertes de part et d'autre du plancher en bois. Elles sont donc distantes de 50 cm et se rejoigne au loin en F (point de fuite).
2 lignes rouges qui matérialisent l'espace disponible au sol en évitant les excroissances latérales (flèches rouges)
1 ligne verte horizontale (entre C/C' et D/D') qui va me permettre d'effectuer mes calculs.

Les différentes lettres majuscules signalent des intersections entre les différentes lignes.
AB = largeur du plancher en bois (50 cm)
CD = largeur disponible au sol
Pour faire mes calculs, il m’a été nécessaire de relever la position X (en pixels) de chaque intersection :
A = 142
B = 303
C = 60
D = 347
Donc AB = 303 - 142 = 161 = 50 cm
CD = 347 - 60 = 287 = (50 cm : 161) x 287 = 89,13 cm
La largeur disponible au sol est donc d'environ 90 cm, alors que les bouchons ont une largeur de 97 cm.
Il manque donc au minimum 7 cm pour que les bouchons puissent circuler dans ce couloir.

Pour que cela soit possible, il faudrait que les bouchons circulent entre la ligne bleue de gauche et la ligne rouge de droite (C'D) ou entre la ligne rouge de gauche et la ligne bleue de droite (CD'). Or, dans les deux cas, les bouchons butteraient largement contre les excroissances.


Puisque le déplacement des blocs bouchons dans le couloir est impossible selon de tels paramètres, il faut trouver une autre solution.

1°) André Pochan suggérait de les stocker provisoirement dans une logette latérale située dans la paroi Ouest, un peu en amont des bouchons. Cette logette serait aujourd'hui occultée par la terminaison de la trouée d'Al-Mamoun. Il a été maintes fois démontré que l'espace disponible est très insuffisant.
2°) On pourrait imaginer que la trouée d'Al-Mamoun ait pu servir à l'acheminement des blocs. Mais là encore, la hauteur disponible au niveau de la liaison avec le couloir ascendant est très insuffisante.
3°) Autre solution : depuis le couloir descendant, en déplaçant les bouchons de bas en haut comme le montre l'animation ci-dessous :

Mes arguments pour suspecter que c'est cette troisième solution qui a été utilisée sont les suivants :
1°) L'animation montre clairement que la découpe du plafond en arc de cercle était indispensable. Cette découpe théorique est parfaitement conforme à celle observée.
2°) Sur cette animation (réalisée à partir de deux photographies des frères Edgar en 1910), on observe des traces sombres qui suivent la courbe du plafond en haut des parois latérales. Si les bouchons ont été insérés de la façon que je suspecte, ils laisseraient assurément des traces de frottement en tout point similaires à celles observées.
3°) Ces traces sont distantes des parois latérales du bouchon d'environ 1,5 cm de chaque côté, ce qui laisse supposer l'existence d'un jeu latéral total d'environ 3 cm.
4°) On discerne un joint plâtré (?) de part et d'autre du bouchon.
5°) L’arête inférieure du bouchon est très ébréchée. C'est inévitable si des leviers ont été utilisés pour procéder au déplacement du bouchon.




J'ai bien conscience que le procédé que je préconise est illogique et presque irréalisable compte tenu de la faible marge de manœuvre des opérateurs, mais c'est la seule qui me parait envisageable.



Complément illustré :
mile Baraize précise que les traverses de bois sont espacées de 35 cm. On peut donc considérer que la distance comprise entre 6 traverses (5 intervalles) correspond grosso modo à la longueur du plus long bloc (1,67 m) puisque 5 x 35 cm = 175 cm.
J'ai donc zoomé sur la zone la plus intéressante d'une image précédente et y ai incorporé :
1°) Une zone rouge qui correspond à la surface occupée au sol par un bloc-bouchon (97 cm x 167 cm à un poil près) ;
2°) Deux zones bleues qui correspondent aux excroissances gênantes.
Il est clair que les zones bleues empiètent sur la zone rouge, ce qui interdit, en l'état, le passage des bouchons. J'ai précisé plus haut que ces excroissances auraient pu être facilement éliminées si les blocs devaient passer par là. Au pire, ça représente une heure de travail, mais cela n'a pas été fait.
J'en déduit donc que les bouchons ne sont pas passé par là."





Autres commentaires et suivi de cette publication sur le forum ddchampo.

mercredi 7 septembre 2011

“Il y a assez d’espace dans la Grande Pyramide pour contenir 3.700 pièces de la taille de la Chambre du Roi” (The Religious Tract Society)

Édité par The Religious Tract Society, une maison d’édition londonienne d’inspiration chrétienne fondée en 1799, et révisé par Daniel Parish Kidder, l’ouvrage Ancient Egypt, its monuments and history, comporte un bref passage consacré aux pyramides égyptiennes. L’auteur se contente de signaler que “diverses conjectures” ont vu le jour pour tenter d’en expliquer la “solide maçonnerie”. Sans se hasarder dans le dédale des théories, il penche toutefois pour celle d’Hérodote, même si ce dernier n’est pas cité nommément, tout en interprétant à sa façon les fameuses “machines” de l’historien grec, qu’il imagine être un échafaudage (scaffolding).


“Ten miles south-west of Cairo, on the western side of the Nile, and about five miles from the river, lie the ever-memorable pyramids of Gizeh, or Jizeh. They are built on a bed of rock, one hundred and fifty feet above the level of the surrounding desert, being a projection of the Libyan chain of mountains. This elevation, their immense size, and the clearness of the atmosphere, render them visible at a great distance.
The purpose of such massive piles of almost solid masonry is scarcely yet satisfactorily discovered, it being difficult to conceive of them only as the burying-places of the kings. Many various conjectures have been entertained respecting them, but this is after all the only one supported by evidence.
The principal pyramids are three in number, that of Cheops, or Suphis, being the largest. The ascent of this on the eastern side is easy, and there is a space at the top of thirty-two feet. The stones that formed the apex have been removed, and also the outer casing of the pyramid, in order to build the numerous mosques of Cairo. (...)
A hundred thousand men are said to have been employed for twenty years in the erection, and it is reckoned to have required six million of tons of stone. The pyramids are built due north and south, and were erected in steps and terraces for the convenience of the builders, who advanced from stage to stage by scaffolding, and smoothed the face with an outside casing as they descended. For the most part, the pyramids are solid masonry.
Caliph Mamoon, A.d. 820, first opened the great pyramid. The entrance is on the sixteenth step on the northern side, and, to deceive the seeker, it is placed twenty-eight feet from the centre. The caliph expected to find treasure, and for fear of disappointing and exasperating his workmen when no gold was found, sufficient was taken into the pyramid to cover the expenses of opening, and was then reported to be found in it. The Arabs tell a story of a statue being found in a sarcophagus, and with the statue a body, having a breastplate of gold and jewels, and an inscription in characters which no one could decipher.
There are passages and small chambers inside the pyramid, and in one of the latter the sarcophagus yet remains. When struck, it emits a sound like a bell, and from the fragments broken off by Europeans, it will very soon become transported piecemeal to Europe. It is found in one of the chambers called the king's chamber. No hieroglyphics have been discovered on it, but colonel Vyse found the name of the king from whom this pyramid is called in the stones of the upper chamber. There is space enough in the pyramid for 3,700 rooms of the size of the king's chamber, leaving the contents of every second chamber solid by way of separation.
The second pyramid, that of Cephrenes, is very similar to the first. It was opened by Belzoni, in 1816, and a sarcophagus was found sunk in the floor, containing the bones of an ox. Both pyramids, however, had probably been long ago visited by the Arabs, and despoiled of any contents which might appear valuable.
The third pyramid was opened by colonel Vyse. It contains a chamber, with a pointed roof, in which was a stone sarcophagus, which was lost at sea by the wreck of the vessel which transported it. The wooden coffin, with the name of the king inscribed on it, is one of the most valuable antiquities deposited in the British Museum. The name of the king is Mykerinus. Although this pyramid was only about half the size of the other two, yet it was the most beautiful, as its outer casing was of granite.
Besides these three pyramids, there are several others in the same neighbourhood, of inferior dimensions, and also many tombs. In one of these tombs, probably as old as the great pyramid, are representations of persons engaged in various trades, carpenters, boatmakers, etc., and persons eating, drinking, and dancing. (...)
The fourth dynasty is one in which we begin to emerge into the light afforded by existing monuments. It is remarkable for the number of the princes of which it is composed, and for the length of their reigns. The first three kings of this dynasty were the builders of the pyramids of Gizeh, and around these stupendous structures, which served as their own tombs, are to be found the burying-places of their descendants and companions. The names of the builders, in harmony with Manetho's list, have been discovered on the three pyramids by colonel Vyse. At this early age of the world's history, the arts of building and of design seem to have been as fully understood and as skilfully practised as in later ages.”