vendredi 12 octobre 2012

“Une connaissance approfondie des lois de la statique et l'usage de moyens mécaniques propres à obtenir ces étonnants résultats” (Sarrasi - XIXe s. - à propos de la construction des pyramides)

Dans son ouvrage L'Antique Orient dévoilé par les hiéroglyphes et les inscriptions cunéiformes provenant des dernières fouilles exécutées en Égypte, Assyrie, Chaldée, Perse et Phénicie, publié en 1880, Sarrasi a omis en tout premier lieu de nous “dévoiler” le véritable nom qui se cache sous son pseudonyme.
Nous nous en tiendrons donc là pour son identité.
Hormis ses élucubrations sur l’utilisation de la pyramide de Khéops à des fins d’épreuves initiatiques (comment les interpréter ? quel crédit leur donner ?), notre mystérieux Sarrasi s’adonne à des considérations somme toute de bon sens sur l’art et la manière de construire mis en oeuvre par les bâtisseurs égyptiens. Mais son admiration nous laisse sur notre faim. La question n’est même pas posée sur les techniques appliquées par le “pays de l'antiquité le plus curieux à étudier sous le rapport de l'architecture”. Sans doute l’auteur se jugeait-il incompétent pour se livrer à un tel exercice. D’où des zones de silence que l’on interprétera comme une bien compréhensible prudence de sa part.




“Le nombre considérable de temples, de palais, de pyramides, d'hypogées, de tombeaux, de souterrains que renferme l'Égypte fait de la vallée du Nil le pays de l'antiquité le plus curieux à étudier sous le rapport de l'architecture. On peut dire qu'à chaque pas sourd du sol une ruine qui vient témoigner de la grandeur et de la civilisation de la vieille terre de Kémé. A Thèbes, à Saïs, à Memphis, à Héliopolis, dans toute la plaine d'El-Assassif et jusque dans l'oasis de Thèbes, ce ne sont que monuments architecturaux.

Pyramides : une destination complexe
Parmi eux, les plus anciens sont incontestablement les Pyramides. Nous avons déjà dit que l'époque de leurs construction se perd dans la nuit des temps. Le calcul de probabilité de Mahmoud-Bey assigne trois mille trois cents ans d'existence avant notre ère à la grande pyramide de Giseh, et toute l'antiquité grecque vient à l'appui de cette opinion.
La destination de ces monuments en pierre taillée est longtemps demeurée indéterminée parce qu'elle était complexe. Aujourd'hui, on s'accorde à penser qu'ils servaient de tombeaux aux rois qui les firent construire, d'observatoires aux prêtres, de lieux d'initiation et enfin de magasins pour enfermer les trésors. Des souterrains les faisaient communiquer avec les temples voisins et avec des hypogées dans lesquels vivait toute une population constamment soustraite à la lumière du jour.
On monte au sommet des pyramides par d'immenses gradins de pierre ayant chacun près d'un mètre de haut. On en compte deux cent sept pour arriver à la plate-forme carrée de dix mètres de côté qui surmonte celle de Chéops. Relativement à cette pyramide, il est probable que quelques assises de granit du sommet ont été enlevées soit pour construire au Caire les palais des califes et des soudans, soit par suite des intempéries des saisons répétées pendant cinq mille ans.

Une “explication de l'origine de la légende d'Adam et d'Ève”
Les blocs immenses employés à la construction de ces édifices, leur taille artistique, aussi bien que la manière scientifique dont ils sont assemblés, indique une connaissance approfondie des lois de la statique et l'usage de moyens mécaniques propres à obtenir ces étonnants résultats.
Des cavités sont pratiquées dans l'intérieur des massifs. Ce sont des galeries. Pour la pyramide de Chéops, l'entrée de la galerie se trouve à la soixante-dix-septième marche à partir du sol. C'est une sorte de grotte à parois de marbre et à voûte triangulaire. Pour y pénétrer, on est obligé de placer les pieds sur deux rainures qui règnent en descendant tout le long du couloir voûté trop bas pour qu'on puisse s'y tenir debout. Entre les deux rainures existe une fissure profonde et longitudinale qui est longue d'environ cent cinquante pas. Pour aller plus avant, il faut alors passer en rampant sous une voûte obstruée, au bout de laquelle se trouve une galerie qui conduit à un carrefour. Au centre du carrefour existe un vaste puits. Un escalier part aussi de là pour conduire à la chambre du roi, petite pièce voûtée de treize mètres environ de superficie.
C'est par le puits central que l'on communiquait avec les souterrains inférieurs où avaient lieu les diverses épreuves de l'initiation. La dernière de ces épreuves, qui du reste ressemblaient beaucoup aux mystères d'Eleusis, de Samothrace, du Liban et à ceux de la franc-maçonnerie, ne manque pas d'une certaine importance en ce sens qu'elle nous donne l'explication de l'origine de la légende d'Adam et d'Eve.
L'initié ayant satisfait aux épreuves de l'enfer (loci inferi), était endormi au moyen d'un breuvage préparé et transporté pendant son sommeil dans l'oasis de Fayoum où l'attendaient toutes les séductions des sens. Il pouvait céder à toutes, sauf à celle de la chair. Un bas-relief qui a quatre mille ans d'existence, bien antérieur à Moïse, par conséquent, nous montre, sous un arbre, autour duquel est enroulé le serpent Typhon (le dieu du mal), une femme nue qui présente la pomme à l'initié. Si le candidat, après trois mois d'abstinence charnelle, cédait à cette suprême tentation, il était chassé du paradis et condamné à errer dans le monde. Un dessin d'un cercueil égyptien, du musée du Louvre, antérieur de plusieurs siècles à l'auteur de la Genèse, retrace la même légende. (...)

Une grande connaissance dans l'art de construire
Telle est, dépouillée des inventions métaphysiques de Moïse, la légende que ce législateur a partout pu trouver en Égypte.
Une seule des pyramides est construite en briques : elle est l'oeuvre des Hébreux captifs et fait partie de celles de Sakkarah.
Il est probable que les habitations des primitives cités égyptiennes furent construites avec des briques; les découvertes de Lepsius, dans ses fouilles pratiquées autour du lac Moeris et sur l'emplacement de l'ancien labyrinthe, ont confirmé cette opinion en remettant au jour des villes entières de briques enterrées sous le sable du désert. Quoi qu'il en soit, Homère nous apprend (Odys., liv. IV), qu'en 1209 av. J.-C, les maisons de Thèbes avaient, en Grèce, la réputation d'être fort confortables et pourvues d'objets de luxe.
Les nombreuses tourmentes politiques qui, à diverses époques, ont traversé l'Égypte dans tous les sens, n'ont laissé debout que peu de temples et de palais. C'est sous le sol qu'il faut presque toujours aller chercher leurs vestiges. Ces traces toutefois témoignent, de la part des Égyptiens, d'une grande connaissance dans l'art de construire et de moyens puissants en usage pour mouvoir les grosses masses.
Les hypogées, grâce à leur situation et au respect que tous les peuples de l'antiquité ont porté aux dépouilles des morts, sont parvenus jusqu'à nous dans un état de conservation plus complet. Percés pour la plupart dans le flanc des montagnes libyques, leurs voûtes ont à en supporter le poids, et elles ont jusqu'ici si bien rempli leur rôle qu'on ne trouve encore aujourd'hui que peu de dégradations. Il existait des nécropoles pour les hommes, d'autres pour les chats, d'autres pour les crocodiles, d'autres pour les ibis, d'autres enfin pour les Apis.”

Source : Galllica