samedi 24 novembre 2012

Présentation d’une machine correspondant à la description d’Hérodote et "validée" par trois indices archéologiques, par Jean-Pierre Dupeyron

Plusieurs notes de ce blog/inventaire ont été consacrées à Jean-Pierre Dupeyron (suivre ce lien).
En complément de développements déjà présentés ici, cet auteur nous invite à découvrir sa lecture du texte d’Hérodote relatif à la célébrissime “machine faite de courts morceaux de bois”, dont on sait qu’elle a suscité une foultitude d’interprétations les plus diverses.
J’ai reproduit les illustrations jointes au texte de Jean-Pierre Dupeyron, bien que certaines se retrouvent réduites par la maquette de ce blog. Pour les agrandir et les voir dans de meilleures conditions, il suffit de cliquer dessus.

“Pour commencer mon explication, voici une traduction du texte d’Hérodote décrivant cette fameuse machine.

“Voici comment fut construite cette pyramide : d’abord une succession de degrés, que certains appellent crossais (pierres en saillie), et d’autres bômides (pierres formant un socle) ; après que la pyramide eut été édifiée sous cette forme, on éleva le reste des blocs à l’aide de machines faites de morceaux de bois courts ; de terre on les hissait à la première assise des degrés ; la pierre montée là était placée dans une autre machine dressée sur la première assise. De cette première assise, elle était amenée à la seconde et placée sur une autre machine. Car, autant il y avait d’assises de degrés, autant il y avait de machines ; ou bien la même machine, unique et facile à porter, était installée successivement sur chacune des assises, après que l’on en ait à chaque fois retiré la pierre ; indiquons les deux procédés suivant les deux versions que nous avons entendues.”

Bien que la plupart des spécialistes considèrent ce texte comme peu fiable, certains pyramidologues y font référence pour justifier leurs propositions. Même, les égyptologues pensent que cette description correspond tout simplement à un traîneau classique. En fait, je pense qu’il faut être de mauvaise foi pour voir dans un traîneau une machine faite de morceaux de bois courts. Cependant, nous verrons par la suite que je valide en partie cette supposition.
Lorsque, vers les années 1990, j’ai commencé à m’intéresser à la grande pyramide, c’était plutôt la structure interne qui m’a interpellé et non son mode de construction. Or, un jour, j’ai superposé le traîneau dessiné par G. Goyon sur les mortaises de la grande galerie et, du fait de ma formation d’électronicien, une solution inédite s’imposa. J’ai publié, en 1997, un livre intitulé "L’horizon de Khéops" qui décrit, en autres, cette idée.
Avant de décrire sommairement le principe de cette machine, je vais commencer par expliquer pourquoi je fais paraître cette note seulement aujourd’hui.
En fait, j’ai mis très longtemps avant de m’apercevoir que le densitogramme de H.D Bui (qui est pour moi l’indice archéologique n°3) avait peut-être quelque chose à voir avec ma proposition sur la construction de la grande pyramide. Ce densitogramme se présente sous la forme de la figure n°1 ci-dessous.
Cette figure est la représentation des mesures de microgravités faites par EDF en 1986 décryptées et mises en forme par Huy Duong Bui, Directeur de Recherches à l'Ecole Polytechnique. Cette figure est plutôt connue sous le terme de spirale de H.D. Bui.
Lorsque vers 2006, j’ai pris connaissance de cette spirale, j’ai bien remarqué qu’elle avait une petite ressemblance avec les rampes de ma proposition, comme vous pouvez le constater sur la figure n°2 ci-dessous. (a)


Cependant, je ne voyais absolument pas pourquoi mes rampes auraient laissé de telles traces. Initialement, je pensais que si mes rampes avaient laissé leurs empreintes, cela ne pouvait être que sur le parement mais pas dans le massif de la pyramide. J’ai, du reste, effectué un voyage en Egypte uniquement dans le but d’examiner avec soin le parement de la pyramide de Khéphren, afin de détecter d’éventuelles marques. Je dis bien sur la pyramide de Khéphren et non pas sur celle de Khéops, car il ne m’était pas venu à l’esprit qu’une fois les blocs de parement ôtés, les rampes puissent avoir laissé la moindre marque sur les blocs de libage. L’absence de traces des rampes sur la pyramide de Khéphren ne veut pas nécessairement dire que leurs ablations ont été parfaitement réalisées, car je pense maintenant qu’elles se sont certainement arrêtées avant la zone de revêtement intacte.
Ce n’est que très récemment que je me suis rendu compte que mes rampes pouvaient éventuellement avoir laissé leurs empreintes dans le massif de la pyramide. En effet, si le soubassement des rampes a été réalisé avec plus de soin (avec moins de vide) que le reste du bâtiment, alors peut-être les surdensités détectées par H.D. Bui seraient les vestiges en profondeur de mes rampes.

L’explication complète de cette machine étant un peu longue, je ne ferai ici qu’une description sommaire.
Pour le transport des blocs de libage, je propose deux rampes étroites hélicoïdales (voir la figure 3 ci-dessous) ; la rampe descendante ne servant qu’au retour des traîneaux vides.

Arbitrairement, j’ai imaginé que ces rampes auraient pu avoir la disposition décrite figure n°2.
Pour réaliser ce moyen de hissage, j’ai mixé les mortaises de la Grande Galerie (indice archéologique n°1) avec la représentation modifiée du traîneau faite par P-H Lauer et G. Goyon (indice archéologique (b) n°2), pour obtenir ce que j’appelle la machine d’Hérodote.
Ci-dessous - A -, les traîneaux dessinés par G. Goyon et P-H Lauer et, B, le même type de traîneau, mais avec des traverses plus longues.
A
B

Le principe de cette machine est résumé par la figure ci-dessous. On peut assimiler le déplacement de cet engin à un moteur linaire pas-à-pas électrique où l'avancement n'est pas réalisé par des impulsions électromagnétismes mais par des hommes disposés de chaque côté.

Chaque couple de "pulseur" fait avancer le traîneau, à l’aide d’un levier, sur une distance d’un cinquième de la distance inter-mortaise et chaque couple doit donner cinq impulsions à chaque passage.
Le plus étonnant dans cette disposition est que la moindre modification de l’un de ces indices archéologiques n°1 ou n°2 entrave son fonctionnement.
Jugez par vous-mêmes :
- Le rapport entre la distance des traverses du traîneau et des mortaises ne doit pas excéder un certain pourcentage. Au-delà d'approximativement ± 10 %, le moteur pas-à-pas ne fonctionne plus.
- Si la distance entre les mortaises (celle mesurée dans la grande galerie) est plus courte, les hommes se gênent.
- Si la distance entre les mortaises est plus longue, il faut rallonger le traîneau, son poids augmente et la puissance au mètre linéaire diminue. Au-delà d’une certaine distance, les hommes ne peuvent plus faire avancer le traîneau.
- Si le traîneau a moins de cinq traverses, il ne peut pas avancer.
- Si le traîneau a plus de cinq traverses, et moins de dix, cela l'alourdit inutilement sans procurer plus de puissance. Un traîneau avec dix traverses est possible : il aura une puissance double, mais il tournera moins bien sur les étroites plates-formes des angles.
Coïncidence ou fond de réalité ?
Les deux principaux avantages de cette machine sont, d’une part, la réduction du volume des rampes et, d’autre part, les rampes en dur autorisent une bonne lubrification des traîneaux et, donc, un meilleur rendement. Pour mes rampes, suivant diverses options, je trouve un volume compris entre 1% et 1,7% du volume de la grande pyramide. Par comparaison, c’est beaucoup mieux que la rampe de J-P Lauer qui est de l’ordre de 70% ; et même de celle de G. Goyon qui est estimée à environ 17%. Par contre, c’est moins bien que les propositions de L. Albertelli et de M. Michel qui sont à 0%, et celle de J-P Houdin qui est aux environs de -1%.
Le problème avec cet engin a été de déterminer la pente maximale qu’il pouvait gravir. Le calcul est difficile à faire, car la dextérité des hommes intervient et, de ce fait, la modélisation est impossible. Après avoir effectué un certain nombre de calculs en prenant en compte le plus de paramètres possibles, une pente d’un doigt sur une coudée pharaonique m’a paru convenir (1/28 = pente à 3,57%)
Si j’essaie de faire correspondre ma rampe principale à la spirale de HD Bui (l’indice archéologique n°3) en prenant en compte que cette rampe nécessite un soubassement plus homogène et donc plus dense, j’obtiens deux configurations.
La première, avec un sens horaire, a la forme suivante :
Cette disposition a l’avantage de permettre à la rampe principale de ne passer sur les zones de basses densités (traits noirs) que sur environ 11% de son parcours. Cependant, sa pente est aux environs de 5%, ce qui me paraît un peu trop pentu pour ma machine.
La seconde, avec un sens antihoraire, a la forme suivante :
Avec cette disposition, la rampe passe sur les zones de basses densités sur environ 15 % de son parcours. Cependant, sa pente est aux environs de 3,5 %, ce qui est étonnamment proche à ce que j’avais imaginé initialement (3,57%).
Nota bene : la rampe s’arrête aux environs de 95 mètres, ce qui est conforme à mes suppositions, car, au-dessus de cette hauteur, avec la réduction du volume à monter, je pense qu’un autre moyen a été mis en oeuvre (élévation en biseau avec utilisation, sûrement, d’échafaudages).
Pour faire avancer cette idée, il faudrait, dans un premier temps, pouvoir démontrer que la machine d’Hérodote peut réellement hisser une charge de trois tonnes sur une pente de 3,57 % mais, pour le moment, faute de moyens, je suis dans l’incapacité d’effectuer des essais à taille réelle.

Une dernière remarque : pendant très longtemps, j’ai pensé que ce genre de "machine", n’avait été mise en oeuvre que pour la construction des deux grandes pyramides du plateau de Guizeh. Or, en janvier 2012, j’ai eu la surprise de voir un engin similaire, lors d’une émission de télévision. Ce documentaire de la série "Mégastructure de légende", sur la chaine National Geographic, traitait du problème de la construction par les Incas du Machu Picchu au XVe siècle. Un architecte américain, Vince Lee, émet l’hypothèse, sans en apporter la moindre preuve, que les gros blocs de granit ont été transportés par la juxtaposition de deux échelles, comme le montre son dessin ci-dessous.
L’avancement du traîneau (l’échelle supérieure) s’effectuant à l’aide de deux leviers actionnés de chaque côté, comme dessiné ci-dessous.
C’est le même principe, en plus rustique, que celui de la machine que j’ai décrite. Le plus étonnant, dans ce document, c’est que V. Lee, pour justifier son idée, explique que ce principe a été utilisé par les Égyptiens (il ne précise pas l’époque, mais, a priori, il semblerait bien qu’il pense à la période pharaonique). Or, à ma connaissance, il n’existe aucun document épigraphique qui valide cette supposition.”
Jean-Pierre Dupeyron

(a) Extraits de la note de Pyramidales consacrée à l’ouvrage “L’horizon de Khéops” de l’auteur : “Concernant l'aspect technique de l'élévation des blocs de pierre, Jean-Pierre Dupeyron réinterprète la relation d'Hérodote, décrivant ainsi la "machine" de l'historien grec : pour pouvoir fonctionner, cette machine comportait une partie mobile, une partie fixe et une source d'énergie. La partie mobile devait ressembler à un traîneau : d'où son nom de "traînor". La partie fixe (ou "stator") devait être réalisée en pierres, d'excellente qualité, en forme de mortaises : pour l'auteur, elles correspondent aux bômides ou "pierres formant socles" mentionnées par Hérodote. La source d'énergie, enfin, provenait des ouvriers, "hommes forts et habiles, utilisant des morceaux de bois courts (des leviers) et organisés en chaîne humaine". Contrairement aux tireurs qui devaient hisser le bloc de pierre, le chariot et eux- mêmes, à chaque voyage, ces "pulseurs" ne progressaient pas avec l'avancement du traîneau : ils prenaient leur poste de travail au début de la journée de travail et ne le quittaient pas de la journée pour exécuter leur tâche répétitive (insérer leur levier dans la mortaise correspondant à leur niveau pour prendre le relais des "pulseurs" précédents) une fois que le traîneau parvenait à leur hauteur, poussé par les "pulseurs" précédents.
Ce dispositif d'élévation des blocs de pierre était adapté autant à la Grande Galerie qu'à la rampe extérieure, de forme hélicoïdale (telle que celle proposée par Georges Goyon, mais beaucoup plus étroite). Sur cette rampe extérieure, nous retrouvons la terminologie d'Hérodote, avec toutefois quelques nuances importantes :"Deux rampes sont prévues [pour les manœuvres des traînors], précise Jean-Pierre Dupeyron : l'une assure la montée et l'autre, le retour des traînors vides." Cette disposition a, pour l'auteur, le mérite de "procurer une interprétation plausible à une explication qu'Hérodote n'a manifestement pas bien comprise". Selon l'historien grec, les crossais (pierres en saillie) et les bômides (pierres formant socles) étaient deux mots correspondant à une même configuration des pierres. Jean-Pierre Dupeyron pense plutôt que ces deux mots représentaient deux dispositions différentes des pierres, mais pour une même fonction, les bômides étant la rampe de montée ("stator") et les crossais, le chemin de retour des traîneaux.
Quant à savoir si ce dispositif d'élévation des blocs de pierre a été effectivement utilisé, à l'intérieur de la pyramide, dans la Grande Galerie, la réponse de Jean-Pierre Dupeyron est claire :"D’après moi, a-t-il répondu à une question que je lui posais, la Grande Galerie n’a jamais servi à l’élévation des blocs. La principale fonction de cette machine à l’intérieur était un leurre servant à justifier une grande cavité permettant de dissimuler l’entrée secrète de la chambre funéraire de Khéops. Pour que cette galerie ne soit pas vue par les profanateurs comme une anomalie, il fallait trouver une astuce. La machine permettait de justifier cette réalisation et, éventuellement, à ajuster le couloir descendant à la taille des blocs-bouchons."
Pour le cas spécifique des monolithes en granite mis en place pour les chambres de décharge au-dessus de la Chambre du Roi, voici la suite de la réponse de l'auteur :"L’élévation des monolithes est, à mon avis, un faux problème : il suffisait de disposer de tous les blocs nécessaires au tout début de la construction. Ensuite, au fur et à mesure de l’élévation de la pyramide, il fallait élever ces blocs de seulement une assise. Dans mon livre, j’envisage le cas où, s’il manquait un bloc, il fallait bien pouvoir le hisser. Dans ce cas, seules les cordes [et non les leviers] devaient pouvoir réaliser cette fonction ; la force développée par les leviers étant trop faible pour être efficace."

(b) Je n’ai pas réussi à trouver le dessin original ayant servi de modèle aux égyptologues (je ne pense pas que ce dessin provienne uniquement de leur imagination). (JPD)