samedi 2 octobre 2010

“Ce n'est qu'en touchant les blocs de pierre dont elles sont formées qu'on acquiert une idée juste de leur masse et de leur immensité” (abbé Rampillou - XIXe s.)

Vous trouverez ci-dessous des extraits d’une autre relation de pèlerinage en Terre Sainte : La Terre sainte, souvenirs et impressions d'un pèlerin, par M. l'abbé Rampillou, 1897. Une fois encore, nous devons ce récit à la plume d’un homme d’Église. Comme souvent, en pareille littérature, les observations relatives aux pyramides égyptiennes n’apportent guère d’informations spécifiques, sinon quelques remarques sur tel ou tel point faisant l’objet de divergences (comme, par exemple, l’éventuel rôle des Hébreux dans la construction des pyramides ou le lien entre le Sphinx et la Grande Pyramide).
Je retiens surtout de ce texte l’importance accordée par l’auteur au fait que traiter des pyramides suppose au préalable qu’on les ait réellement vues et “touchées”. Une remarque de bon sens, sans doute, mais qui ne manque pas d’être toujours d’actualité.


Illustration extraite du site de Jon Bodsworth
“Allons aux grandes pyramides, par une belle route plantée de grands arbres, laquelle, en une heure de voiture, nous conduit à ces immenses colosses qui, depuis plus de quatre mille ans, semblent défier les éléments et les hommes. À leur pied fut livrée la sanglante bataille qui porte leur nom ; ici furent prononcées ces immortelles paroles de Bonaparte : Soldats, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent.
Les pyramides n'ont pas été bâties par les Hébreux, comme plusieurs l'ont dit. Leur construction a précédé l'exode hébraïque de quatre ou cinq cents ans et date des rois de la quatrième dynastie, dont elles portent les noms et auxquels elles ont servi de tombeau. Nous en avons pour garant les doctes travaux de Champollion-Figeac, dont l'autorité en ces matières est incontestée, puisque à lui revient la gloire d'avoir le premier, au commencement de ce siècle , déchiffré les hiéroglyphes égyptiens.(...)
Laissons maintenant parler Champollion lui-même : “On peut, dit-il, en toute conscience, considérer les pyramides comme les plus anciens ouvrages sortis de la main des hommes, comme les plus anciens monuments de la terre, et antérieurs à toutes les autres preuves connues de l'antiquité des sciences, des efforts et des succès de l'intelligence humaine.
“Particularité remarquable : il n'y a jamais eu un seul trait d'écriture dans la grande pyramide ; le sarcophage en granit qu'on a trouvé dans l'une des chambres sépulcrales en est absolument dépourvu sur toutes ses faces extérieures et intérieures ; tandis que les plus anciens tombeaux de Thèbes et tous les sarcophages qui s'y sont trouvés, ceux mêmes des personnages de conditions secondaires, en sont absolument couverts : la haute antiquité des pyramides expliquera suffisamment cette différence. Il paraît donc qu'à l'époque où elles ont été élevées, l'usage de l'écriture n'était pas connu, que le système graphique n'était pas constitué ; enfin, qu'on ignorait encore l'art de fixer la parole et de parler aux yeux.”
À Ghizé, à cinq lieues nord-ouest du Caire, s'élèvent les trois pyramides les plus célèbres par leurs masses ; ces merveilles ont besoin d'être étudiées de près pour être bien appréciées ; elles semblent diminuer de hauteur à mesure qu'on en approche, et ce n'est qu'en touchant les blocs de pierre dont elles sont formées qu'on acquiert une idée juste de leur masse et de leur
immensité.
La principale est celle de Khéops. Le rocher qui fournit le socle est déjà élevé de plus de trente mètres au-dessus des plus grandes crues du Nil et il forme un solide dont on n'a pas trouvé la base à deux cents pieds de profondeur. La première assise de pierre repose sur ce rocher, qui forme la plaine ; au-dessus de la première assise encastrée dans le roc, on en compte deux cent deux autres, placées successivement en retraite, et formant autant de gradins dont chacun a près d'un mètre d'élévation. La hauteur totale de la pyramide est de 137 mètres. Elle a quatre façades régulières dont chacune, à la base, mesure 227 mètres.
C'est celle dont on fait en général l'ascension par l'extérieur, soit seul, soit à l'aide des Arabes. La montée est pénible ; mais aussi, du sommet, la vue s'étend jusqu'au Caire, dont on contemple les minarets, les dômes et la citadelle ; puis, au-delà des confins de la vallée du Nil, l'immensité du désert.
Elle est exactement orientée : chacun de ses quatre angles fait face à l'un des quatre points cardinaux ; la science moderne ne tracerait pas une méridienne plus juste. De cette orientation on a tiré ce fait d'une haute importance pour l'histoire physique du globe : c'est que, depuis plusieurs milliers d'années, la position de l'axe terrestre n'a pas varié d'une manière sensible, et la grande pyramide est le seul monument sur la terre qui, par son antiquité, puisse fournir l'occasion d'une semblable observation.
La face nord est celle où se trouve son entrée actuelle, au niveau de la quinzième assise et à douze mètres environ au-dessus de la base. Le hasard l'a fait découvrir en enlevant le parement extérieur qui recouvrait autrefois les degrés de la pyramide et en formait une surface unie. Le canal d'entrée, incliné en droite ligne dans la direction du pôle Nord, a vingt mètres de long. C'est l'épaisseur du mur de la pyramide.
Ce premier canal aboutit à un autre de mêmes proportions, mais ascendant ; à son extrémité, on se trouve sur un palier, et on a à sa droite l'entrée d'un puits très profond taillé dans le roc. Là aussi commence un canal horizontal qui conduit à une chambre d'environ cinq mètres carrés. On l'a nommée chambre de la reine. En retournant à l'entrée du canal horizontal, on monte dans une nouvelle galerie longue de quarante mètres, et qui en a huit de hauteur et deux de largeur. C'est un vrai labyrinthe, qui conduit enfin à la chambre supérieure, nommée la chambre du roi, construite en larges blocs de granit parfaitement dressés et polis ; l'entrée en était primitivement fermée et cachée par des blocs de pierre. À l'extrémité ouest de cette chambre se trouve le tombeau du roi Khéops ; c'est un sarcophage en granit de deux mètres cinquante de long sur un mètre de large et un mètre cinquante de haut.
Sans entrer dans plus de détails sur cette pyramide, nous dirons cependant qu'on pourrait encore y pénétrer en passant par le Sphinx, dont nous allons parler.(...)
Nous nous dirigeons vers le fameux sphinx couché depuis tant de siècles sur son rocher, au pied de la grande pyramide. Le monstre de pierre a la tête et le sein d'une femme, la croupe et les griffes d'un .lion ; la longueur de son corps monolithe, est de trente-neuf mètres ; la hauteur, depuis le ventre jusqu'au sommet de la tète, de dix-sept mètres. Une excavation de quelques
pieds a été pratiquée sur la tête : elle servait à y fixer les ornements et la coiffure royale ou religieuse qui déterminaient l'expression symbolique de ce sphinx. Ses colossales dimensions avaient permis de pratiquer, entre le haut de ses jambes antérieures et son cou, une entrée conduisant à des galeries souterraines creusées dans le rocher sur une très grande distance, et enfin on se trouvait en communication avec la grande pyramide.
Quelle était la destination de ce monstre ? Nous l'ignorons. Peut-être avait-il été placé la comme le gardien du temple de granit rose qui est à ses pieds et qu'on appelle le Serapeum. Ce temple est vide et presque englouti sous les sables. Nous admirons les énormes blocs superposés qui en forment les contours et les galeries intérieures. Profanes que nous sommes, nous osons prendre notre déjeuner sous ces antiques voûtes consacrées au dieu Osiris.”

Source : Gallica

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