mercredi 6 octobre 2010

“Rien de plus simple et de plus primitif que cette construction” (François Bonnelière - XIXe s., à propos de la Grande Pyramide)

La lecture des textes traitant d’égyptologie, et plus particulièrement de “pyramidologie”, réserve parfois des surprises de taille. C’est à se demander où certains “voyageurs” sont allés chercher leurs informations. Pire : comment ils ont pu ou cru “voir”, donc relater par la suite dans leurs écrits, tel ou tel détail plus ou moins important, plus ou moins signifiant, de l’aménagement des pyramides, à commencer par la plus grande d’entre elles.
La relation de l’abbé François Bonnelière, dans ses Souvenirs de mon pèlerinage en Terre-Sainte (1878) est à ce sujet particulièrement révélatrice. Décrivant sa visite à l’intérieur de la Grande Pyramide, l’auteur mentionne - tenez-vous bien ! - une “immense salle”, au sommet d’un “immense escalier de pierres brutes”, “remplie de sépulcres creusés dans une seule pierre”... mais pouvant quand même contenir les dépouilles de deux ou trois pharaons. On croit rêver ! Décidément, l’égyptologie - la vraie ! - revient de loin...




Illustration extraite du site de Jon Bodsworth
“Après nous être refaits un peu, nous reprîmes notre chemin et nous arrivâmes, en avançant et en reculant dans le sable, toujours escortés de nos Arabes, jusqu'au pied de la pyramide de Chéops, la plus grande et la plus belle. (...)
Mes deux compagnons refusèrent d'entrer ; je pénétrai donc seul avec trois Arabes pour m'indiquer le chemin dans l'intérieur ; l'un marchait en avant, une lampe à la main, et les deux autres en arrière pour me soutenir et m'empêcher de tomber... Je descendis d'abord, ou plutôt je me laissai glisser dans la poussière et les ténèbres jusqu'au bas d'un énorme couloir en pente assez rapide, profond de quarante ou cinquante pieds ; arrivé là, je ne trouvai devant moi que le dos poli et luisant d'une roche blanche ; le guide, qui était parti devant avec sa lampe, avait déjà grimpé, je ne sais comment ni par où, jusque sur la tête de la roche blanche, où il m'attendait. Je refusai de monter plus haut, mais il m'encouragea en me disant qu'après il n'y avait plus de difficultés ; du reste, pendant que je voulais m'expliquer, il avait déjà lancé une corde à ses deux compagnons, qui me l'attachèrent sous les bras et me hissèrent avec lui jusqu'au-dessus de l'obstacle, où je trouvai l'immense escalier de pierres brutes qui conduit à la grande chambre des sarcophages : impossible de trouver une seule marche dans cet escalier monumental, qui m'a paru ressembler assez à cette rampe longue et rapide du Mont St-Michel sur laquelle la grande roue du tour tire le chariot chargé de provisions.
Quand je fus arrivé au sommet de cette rampe avec mes trois Arabes qui me portaient presque tout entier, je me trouvai, sans transition, dans une immense salle remplie de sépulcres creusés dans une seule pierre : chacun de ces sépulcres ouverts est de taille à pouvoir y coucher, à leur aise, deux ou trois Pharaons sans qu'ils puissent se toucher.
Toutes ces pierres funéraires sont vides, leurs parois sont couvertes d'hiéroglyphes qui ont été déchiffrés par le savant Champollion. Je m'arrêtai longtemps à considérer ces cercueils étranges qui avaient certainement enfermé la dépouille des maîtres de l'Égypte, des Ramsès et des Sésostris, des contemporains de Moïse, de David et de Salomon.
Le guide me conduisit tout autour de la grande salle pour me montrer, à la lueur rouge de sa lampe, un grand nombre d'autres tombeaux creusés et superposés dans la muraille ; puis, quand nous eûmes fait le tour, il enflamma, sans me prévenir, un fil d'aluminium qui jeta tout d'un coup sa lumière blanche et vive sur la voûte sévère et les murailles noires. Je découvris à l'instant une multitude de figures monstrueuses et grimaçantes sculptées en relief sur le mur : c'étaient celles des Pharaons ensevelis dans cette chambre sépulcrale ; ils étaient là tous rangés par âges et par dynasties ; je crus voir un instant leur ombre passer devant moi et leurs yeux farouches me fixer comme pour me demander compte de ma présence en ce lieu de leur sépulture profanée ! (...)
Quand je fus un peu remis, je m'éloignai du pied de la pyramide pour la mieux regarder. Il est certain que ce n'est pas un monument de gracieuse architecture ; rien de plus simple et de plus primitif que cette construction : c'est une masse énorme qui s'élève par assises de pierres carrées dont chacune mesure un mètre et demi. Ces assises vont en diminuant du pied jusqu'au sommet de l'édifice qui a 215 mètres de largeur à la base sur 142 de hauteur. Cette pyramide de Chéops est de beaucoup la plus belle ; deux autres plus petites s'élèvent derrière elle.
Un peu plus loin, du côté du désert, un autre monument étrange, le Sphinx, se dresse isolé au fond d'immenses carrières de sable : c'est une espèce de buste aux proportions gigantesques, taillé dans le rocher même ; sa tête peut avoir vingt mètres de circonférence ; il s'élève au-dessus d'un temple souterrain qui renferme d'immenses galeries de tombeaux vides.”
Source : Gallica

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