jeudi 4 novembre 2010

Visite des pyramides : conseils aux voyageurs du début du XXe siècle

Une pause dans le tournis de notre inventaire. Le temps de prendre connaissance des conseils que le Guide pratique : Alexandrie, Le Caire, Port-Saïd et environs (Guides Nilsson, 1907) donnait aux voyageurs (qu’on commençait à appeler “touristes”) en route vers les pyramides de Guizeh.
“Nous nous sommes surtout efforcés, annonçaient en préambule les éditeurs, de donner des indications pratiques, brèves et précises. Nous avons évité de conseiller au touriste de visiter ceux des monuments et des endroits d'où, en général, il revient en regrettant son temps perdu et l'argent dépensé. Nous n'avons cité que ce qu'on doit voir pendant un voyage d'agrément à Alexandrie, le Caire et leurs environs directs.”
L’égyptologie que je qualifierais de “scientifique” n’a sans doute pas grand chose à glaner de ce guide. Et pourtant, je pense qu’une telle lecture n’est pas inutile. Elle permet, en effet, de constater à la fois les repères d’une époque donnée (ici : début du XXe siècle) en matière de connaissance de l’Égypte ancienne, et le chemin parcouru depuis ces temps, déjà anciens, de la naissance de l’égyptologie.

“La quatrième dynastie nous a légué les monuments les plus grandioses de l'Égypte, les trois grandes pyramides de Ghizeh, construites par Kéops (Khoufoui), Khéphren (Khâfri) et Mykerinos (Menkaoui).
Leur règne fut puissant et prospère. L'art atteignit alors une finesse et une beauté remarquables comme en témoignaient les statues de Képhren et de Mykerinos. (...)
Pyramide de Khéops : construite de quatre à cinq mille ans avant Jésus-Christ.
Les pyramides furent construites pour servir de tombeaux aux Pharaons de la quatrième dynastie.
“Le nom des pyramides, nous dit Ampère dans son Voyage en Égypte, est aussi ancien qu'elles. Volney l'a voulu tirer de l'arabe, les Grecs qui voyaient du grec partout n'ont pas manqué d'y retrouver le mot pyr (feu), parce que les pyramides étaient, dit-on, consacrées au soleil et plus tard le mot pyros (blé), quand une tradition chrétienne en eut fait les greniers de Joseph.
Ce n'est ni dans l'arabe, ni dans le grec qu'il eût fallu chercher le nom des pyramides ; ces origines sont trop récentes pour leur antiquité. C'est à l'ancienne langue de l'Égypte, conservée en partie dans le copte, qu'il fallait demander le nom qui a traversé des siècles. En copte, pirama veut dire la hauteur. Peut-on douter que ce ne soit là le véritable sens du nom donné par les hommes à ce qu'ils ont construit de plus élevé sur la face de la terre ?”
La pyramide de Khéops a été appelée par les Égyptiens Yekhouel Khoufou,c'est-à-dire le lieu de la splendeur de Khoufou (Khéops) ou Akouil la brillante.
Les pyramides (tombes royales) avaient chacune leur nom. Ce nom, en général, était formé du nom royal du Pharaon qui les faisait construire.
“Khéops bâtit le vaste monument de sa gloire ou de sa folie, dans un siècle, si éloigné du temps où commencent les données certaines de l'histoire profane que nous n'avons pas de mesure qui nous permette d'évaluer les largeurs de l'abîme qui sépare les deux époques si étranges à toutes les sympathies et à tous les intérêts de la grande famille humaine qui peuple maintenant la terre, que même l'histoire sacrée ne sait rien des hommes de la génération de Khéops, rien, si ce n'est qu'ils vécurent, devinrent pères et moururent. Et pourtant, la pyramide de Khéops domine encore de haut le sable du désert, la blancheur sépulcrale de ses blocs de minnulite flamboie encore au soleil brûlant, son ombre immense s'allonge à travers les plaines stériles qui l'entourent et sur le déclin du jour vient assombrir les champs de maïs et de froment de Ghizeh.
Quand le spectateur, placé sur quelque point favorable, arrive à se faire une idée indistincte de l'immensité du monument, aucune parole ne peut décrire le sentiment d'écrasement qui s'abat sur son esprit, il se sent oppressé et chancelle comme sous un fardeau. Au contraire de bien d'autres grandes ruines, les pyramides, de quelque point qu'on les regarde, ne deviennent jamais des amas de débris ou des montagnes. Elles restent l'œuvre des mains humaines. La marque de leur origine apparaît et ressort toujours et c'est de là, sans doute, que vient le confus sentiment de crainte et de respect qui bouleverse l'esprit lorsqu'il reçoit pour la première fois l'impression distincte de leur immensité.” (Maspero, traduction d'Osburn)
Nombre d'années qu'il fallut pour construire la pyramide de Khéops : Khéops, nous dit Hérodote, contraignit tous les Égyptiens à travailler pour lui; aux uns on assigna la tâche de traîner les blocs des carrières de la chaîne arabique jusqu'au Nil ; une fois les blocs passés en barque, il prescrivit aux autres de les traîner jusqu'à la chaîne lybique.
Ils travaillaient par cent mille hommes qu'on relevait chaque trimestre. Le temps que souffrit le peuple se répartit de la sorte : dix années pour construire la chaussée sur laquelle on tirait les blocs, œuvre qui dut être de fort peu inférieure à la pyramide, car sa longueur est de 5 stades (925 mètres), sa largeur de dix orgyies (19 mètres) et sa plus grande hauteur de huit (15 mètres), le tout en pierres de taille et couvert de figures ) ; on mit donc dix années à construire cette chaussée et les chambres souterraines creusées dans la colline où se trouvent les pyramides.
Aspect de la pyramide à l'extérieur : Masse compacte de granit d'un gris jaunâtre. La pyramide a une teinte semblable à celle du sable du désert. La pyramide a la forme d'un escalier gigantesque aux marches irrégulières.
Intérieur de la grande pyramide : L'intérieur de la pyramide peut être visité par les touristes, bien que l'air y soit vicié, ce qui peut être une gêne pour certaines personnes ; on ne regrettera pas cette visite à l'hypogée millénaire.
L'entrée de la grande pyramide s'ouvre vers le milieu de la face nord. Elle débouche sur un couloir étroit de 1 m. 20 sur 1 m. 09 de large. Ce couloir descend obliquement jusqu'à 20 mètres environ de l'entrée de ce niveau ; on rencontre un orifice obturé par un bloc de granit, porte d'une galerie ascendante. Il y a là comme une sorte de carrefour d'une galerie descendante conduisant à une chambre souterraine vide et d'une grande galerie ascendante.
Suivons tout d'abord le couloir descendant dont l'accès est pénible et en partie comblé par des décombres. On parvient, à 70 mètres environ de l'entrée de la pyramide, à une ouverture donnant accès dans une chambre vide et inachevée, qui devait être vraisemblablement le premier et le plus ancien sépulcre de la pyramide.
Au delà de cette chambre, vis-à-vis de son entrée, s'ouvre une galerie horizontale,longue de 16 mètres, qui se termine en cul-de-sac.Il faut ensuite revenir sur ses pas jusqu'à l'endroit où la galerie d'entrée est fermée par un bloc de granit.
Ne pouvant déplacer cette lourde porte, on l'a contournée en creusant un long couloir de 38 mètres qui monte à la chambre de la reine. Cette chambre est située dans le grand axe vertical de la pyramide, à 22 mètres au-dessus du niveau du sol et à 120 mètres au-dessous de la plate-forme supérieure.
On revient, par ce même couloir, au bloc de granit derrière lequel on trouve l'entrée de la grande
galerie. C'est un corridor de 50 mètres de longueur, 1 m. 5o de largeur et 8 m. 50 de hauteur, qui aboutit à une pièce de 5 mètres de hauteur, 5 m. 34 de largeur, 10 m. 33 de longueur. Cette chambre est dite chambre du roi. C'est dans cette pièce qu'était déposée la momie royale ; elle contient encore, à l'heure actuelle, un sarcophage de granit rose sans aucune inscription.
Toute la chambre est revêtue de granit rose. Le plafond est formé de neuf poutres monolithes également en granit.
Au-dessus de cette chambre, cinq chambres basses avaient été ménagées. On y parvient par un étroit couloir. Très basses, elles sont superposées sur une hauteur de 17 mètres environ. C'est dans un de ces réduits que le colonel Wyse découvrit le nom du constructeur de la pyramide Khoufou (Chéops) gravé en hiéroglyphes rouges.
On revient par le même chemin à la grande galerie où l'on reprend les mêmes couloirs qu'en venant.
Ascension de la grande pyramide : (en 10 ou 15 minutes) Cette ascension est difficile et pénible à faire. Les blocs de granit sont trop hauts pour qu'un homme puisse y monter d'une enjambée. Pour en faire l'ascension, deux Bédouins hissent le voyageur de bloc en bloc. Au sommet, il y a une plate-forme d'environ 10 mètres. La vue qu'on y embrasse est superbe, surtout au soleil couchant ; le désert se colore alors de teintes douces roses violacées. Le Nil devant soi coule au milieu de plaines verdoyantes. Au delà, le Caire apparaît avec ses élégants minarets. La descente s'effectue de la même façon que la montée, mais plus rapidement, toujours à l'aide de Bédouins.
À l'est de la grande pyramide se dressent la seconde pyramide, Khefren, et la troisième pyramide, Mykerinos.
Deuxième pyramide, Khéphren “la Grande” : À peu près à la même hauteur que la première, elle fut construite par Khéfren, frère de Khéops.
“D'après la tradition, ni Khéops, ni Khéfren ne jouirent des tombeaux qu’ils s’étaient préparés au prix de tant de souffrances ; le peuple exaspéré se révolta, arracha leurs corps des sarcophages et les mit en pièces.” (Maspero).
Troisième pyramide, Mykérinos, “la Divine” : La plus petite (sa hauteur n'atteint guère le tiers de la plus haute pyramide, 60 mètres) fut construite par Mykérinos et fut terminée par la reine Nitokris, “la belle aux joues de roses”. (...)
Les pyramides avaient été élevées pour abriter les corps des puissants pharaons, mais le sarcophage seul de Mykérinos demeura jusqu'au temps modernes dans la troisième pyramide.
Le sphinx est un monstre fabuleux dont l'origine est essentiellement égyptienne.
Les Égyptiens croyaient d'ailleurs à son existence. On le trouve généralement représenté sous la forme d'un lion couché avec le buste d'un homme, jamais avec celui d'une femme ; quelquefois il a une tête de bélier ; de là plusieurs classes de sphinx chez les Égyptiens : les andro-sphinx (hommes), les crio-sphinx (béliers).
Les sphinx hiérocephales à tête d'épervier : ils représentaient soit le soleil, soit le dieu thébain Anioura.
Le sphinx mesure 17 mètres de hauteur, du sol au sommet de la tête et 39 mètres de long jusqu'à l'extrémité des pattes. Il est l'image du dieu Harmakouli, “l'horus dans le soleil brillant”.
On a dû plusieurs fois le dégager des sables qui l'envahissent sans cesse. La première fois, en 1852, le duc de Luynes voulut le faire dégager ; ce fut M. Mariette qui dirigea les travaux. Une deuxième fois, en 1880, Maspero, à l'aide d'une souscription du Journal des Débats se chargea du déblaiement.
“Enfoui jusqu'au poitrail, rongé, dévoré par l'âge, tournant le dos au désert et regardant le fleuve, ressemblant par derrière à un incommensurable champignon et par devant à quelque divinité précipitée sur terre des hauteurs de l'Empyrée, il garde encore, malgré ses blessures, je ne sais
quelle sérénité puissante et terrible qui frappe et saisit jusqu'au profond du coeur.”
Le sphinx est antérieur à la pyramide de Khéops.                             
Le temple de granit : Ce temple, à ciel ouvert, est enfoui dans le sable. On y accède par une pente douce. Un Bédouin ouvre une grille en fer et l'on pénètre dans une suite de chambres en blocs d'albâtre et en granit rose.
Quelle a été la destination de ce temple ? On ne sait. Aucune inscription, aucun dessin ne permettent de donner une date précise de la construction de ce monument.
Des statues ont été trouvées par M. Mariette, gravées au nom du roi Khéphren. Ce qui démontre que ce temple existait déjà à l'époque de ce Pharaon. “                                        
Source : Gallica

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