mardi 4 décembre 2018

La Grande Pyramide "n'a jamais été finie" (François Cauche, XVIIe s.)

Extrait de Relations véritables et curieuses de l'île de Madagascar et du Brésil, avec l'histoire de la dernière Guerre faite au Brésil, entre les Portugais et les Hollandais, trois relations d'Égypte, et une du Royaume de Perse, 1651, par François Cauche (1616-16..), voyageur et explorateur, qui s'embarqua à Dieppe pour les mers des Indes en 1638. Il parvint à Madagascar où il demeura jusqu'en 1643.
 
illustration datée de 1620 - auteur non mentionné
"À trois lieues de la ville du Caire pour aller aux pyramides l'on passe par la petite ville de Gize sur le bord du Nil qui est à moitié chemin. De là on entre dans une grande plaine cultivée de lins, trèfles, fèves, et autres herbages en quantité ; étant cette place arrosée par divers canaux tirés par des roues (...), laquelle passée l'on trouve un lieu aréneux, et relevé d'un grand et long rocher, sur lequel est cette pyramide, qui reste entière de trois grandes, qui sont en cet endroit, accompagnées d'un nombre de moyennes et de petites. Les deux grandes ont leur sommet entier et le reste vers le bas gâté par l'antiquité, comme toutes les moyennes et petites dont la plupart sont demeurées imparfaites, par où il se voit que cela leur servait de sépulture.
La susdite pyramide la plus grande en ce lieu-là et entière n'a jamais été finie, elle est carrée en tout sens, et de trois cent soixante pas d'un angle à l'autre, autant de hauteur et davantage y en ayant partie dans le sable qui ne se voit. Il y a deux cent six pierres par lesquelles l'on monte au dessus d'épaisseur, et largeur avec leur mortier et ciment de trois à quatre pieds, longues de six à douze, quelques-unes de vingt et plus. Le sommet est couvert de douze grandes pierres, entre lesquelles il y en a une qui surpasse en largeur et longueur la croyance des hommes, pour la peine que l'on doit avoir eue en la montant si haut.
Ce sommet semble pointu de loin, ce néanmoins il y a d'un angle à l'autre près de vingt pans. En descendant il se trouve comme au milieu de la pyramide un espace, duquel suivant l'apparence l'on tirait les pierres pour fabriquer la pyramide ; au pied de laquelle du côté de Gize, et au milieu il y a une entrée par un petit corridor, par lequel l'on monte à peine dans la pyramide, à cause qu'il est de pierre de taille, fort unie et droite. On trouve en montant, et à côté une chambrette, et plus haut une chambre de dix pas de long, et cinq de large assez haute et couverte de grandes pierres, qui la traversent d'une part à l'autre : au milieu un sépulcre de marbre tirant sur le noir fort entier, de huit pans de long, quatre de haut, et trois de large sans couverture, pièce très rare, qui a été mise en fabricant la pyramide, lequel devait servir à ce grand Pharaon. En descendant il se voit un grand puits à côté, qui va sous terre fort loin, ce devait être l'entrée secrète si l'on eût fini cette pyramide.
Proche de là on voit entaillé dans le roc même une tête qui a une pique de hauteur proportionnée, bien travaillée avec un frontal de lettres hiéroglyphiques, qui montraient les heures et certains signes par le Soleil : au moyen de quoi ils auguraient sur les affaires qui se présentaient. C'était le Sphinx d'alors qui servait d'oracle. Les Janissaires le gâtent de mousquetades qu'ils lui tirent. On voit entre cette pièce et lesdites pyramides les carrières d'où sont sorties toutes ces pierres : et au long du rocher nombre infini de chambrettes entaillées, et enrichies d'un nombre de lettres hiéroglyphiques de diverses figures. L'on dit et avec apparence que ce sont les chambres de ceux qui travaillaient auxdites pyramides. Ces pierres contreviennent à ce que tant d'auteurs ont écrit, qui marquent qu'à cent lieues de là ne se trouvait aucunes pierres."