Extraits de Manuel d'archéologie égyptienne, tome II : Les grands époques - L'architecture funéraire, 1954, par Jacques Vandier, conservateur en chef du Département des Antiquités égyptiennes au Musée du Louvre
"La construction d'un monument comme une pyramide pose de difficiles problèmes architecturaux (...). Pour Lauer, l'emploi "d'instruments de levage" reste, en tout cas, très hypothétique. Il est probable que les Égyptiens se servaient de rampes perpendiculaires, ou, peut-être, enveloppantes, et de traîneaux, sur lesquels étaient chargés les blocs. Des traces de ces rampes ont été trouvées à Meïdoum, à Abou Gourob et ailleurs , et on sait que cette méthode a toujours été prisée des Égyptiens. S'il reste un doute sur la nature exacte du procédé de construction, on ne saurait, en revanche, mettre en doute la perfection de ce procédé, et les pyramides, surtout les plus anciennes, comptent parmi les plus grands chefs-d’œuvre architecturaux de tous les temps. L'appartement funéraire est creusé, en partie, dans le plateau, au-dessous du niveau du sol extérieur - cette partie fut très rapidement abandonnée - et, en partie, dans la maçonnerie de la pyramide.
On ne sait pas exactement pourquoi les architectes modifièrent leur plan primitif. On peut supposer que ceux-ci, ignorant évidemment la date de la mort du roi, avaient voulu que leur maître eût toujours un caveau prêt pour l'enterrement. Le caveau souterrain est contemporain des premiers travaux en superstructure, et ils avaient pensé assurer, ainsi, une plus grande sécurité à la sépulture du roi. Les travaux prévus par le deuxième projet (fig. 19,2) commencèrent sans que rien n'eût été changé (...); on déplaça, approximativement à 19 m. de l'entrée, une des dalles du plafond pour amorcer un couloir ascendant. Après l'enterrement du roi, le plafond fut refait avec une telle habileté que les violateurs, incapables de déceler l'entrée primitive, durent percer un nouveau passage.
Le couloir ascendant, qui a les mêmes dimensions que le couloir descendant, monte, avec une pente de 26° 2' 30", sur une longueur de 39 m. (129 pieds), puis devient horizontal, à un niveau à peine supérieur à celui de l'entrée de la pyramide. Le tronçon horizontal, un peu plus court que le tronçon ascendant (36 m.), aboutit à une salle, placée dans l'axe de la pyramide, à une vingtaine de mètres au-dessus du sol. Les Arabes, à tort, ont appelé cette pièce "la chambre de la reine". En fait, il s'agit d'un caveau, préparé pour le roi, mais laissé inachevé, par suite d'une nouvelle modification du plan. La salle est voûtée en encorbellement, et les blocs de calcaire des parois et de la voûte sont si bien ajustés qu'on a l'impression de se trouver dans une pièce creusée dans le roc. Une niche, ménagée dans la paroi Est, avait, peut-être, été prévue pour abriter une statue du roi.
Ces deux premiers projets qui, sur le plan technique, témoignent d'une habileté et d'une perfection extraordinaires, sont, en quelque sorte, effacés par la réalisation du troisième projet (fig. 19, 3), mis en œuvre (...) lorsque la construction de la pyramide eut été très avancée. Il s'agissait de construire le caveau définitif, toujours à l'intérieur de la pyramide, mais à une hauteur plus grande.
illustration extraite de la Description de l'Égypte - 1799 |
Cette galerie, connue sous le nom de "grande galerie", est dans un admirable état de conservation, n'ayant souffert qu'en un seul endroit, à son point de jonction avec le premier couloir ascendant et avec le couloir horizontal qui conduit à la chambre dite "de la reine". On y voit actuellement un trou, créé par le déplacement des blocs qui reliaient entre eux ces passages. Au fond de ce trou se trouve un puits, primitivement dissimulé par une dalle, qui se développait ensuite en un long boyau au tracé irrégulier. Ce boyau qui traverse, d'abord, la maçonnerie de la pyramide, puis le plateau rocheux, rejoint le couloir souterrain à quelques mètres de l'endroit où il devient horizontal. Ce fut évidemment par ce chemin que les ouvriers, chargés, après l'enterrement du roi, de mettre les herses en place et de bloquer l'entrée du couloir ascendant, purent sortir de la pyramide. Le couloir descendant ne fut fermé au niveau du sol extérieur, que lorsque tous ces travaux furent achevés.
illustration extraite du livre de J. Vandier |
Dans la paroi Nord et dans la paroi Sud du caveau, à un mètre environ au-dessus du sol, se trouve une ouverture, point de départ d'un long boyau qui relie le caveau à l'air libre. Le boyau Nord débouche dans la face Nord, à 76 m., environ, au-dessus du niveau du sol, sa pente étant de 31°; le boyau Sud débouche dans la face Sud, à une hauteur à peine plus faible, mais sa pente est de 45°. Un dispositif semblable avait été prévu dans la chambre dite de la reine, mais les travaux n'avaient jamais été achevés. Il est probable que ces cheminées ont été de simples manches à air, destinées à ventiler le caveau, mais on peut, également supposer qu'elles ont eu un rôle religieux, encore que celui-ci ne soit pas évident.
Le sarcophage du roi, directement posé sur le dallage, se trouve à l'extrémité Ouest du caveau. C'est une belle cuve, aujourd'hui très dégradée, dont le couvercle a disparu. Ce sarcophage de granit avait certainement été apporté dans le caveau, par l'extérieur, avant l'achèvement de la pyramide. Le corps du roi avait été amené dans un cercueil de bois, qu'on avait placé dans la cuve de granit. Le transport de ce cercueil , par la voie d'accès normale, sans être aisée, n'était pas au-dessus des forces humaines. Le passage du couloir descendant au couloir ascendant, dont l'entrée, on l'a vu, était pratiquée dans le toit, avait dû, cependant, exiger de gros efforts."