Extrait de Petite histoire de l'art, 1896, par Henri Motte (1846-1922), peintre, architecte, illustrateur notamment (vingt-quatre grandes compositions) de l'Iliade, de Homère, traduction par Émile Pessonneaux.
À 35 mètres de l'entrée, à peu près au niveau du sol, le couloir en rencontrait un autre montant vers l'axe du monument. Au point de jonction de ces deux couloirs se trouvait un bloc de la grandeur du passage.
À une distance d'environ 40 mètres, le couloir débouchait dans une galerie inclinée et dans un passage horizontal. Par le passage, on arrivait à la chambre de la reine, tout en granit rose ; par la galerie on arrivait à une salle, dite du sarcophage, dont l'entrée était bouchée par quatre pierres faisant herse ; le visiteur, par conséquent, n'avait plus qu'à rebrousser chemin ; s'il avait la chance toutefois d'écarter les quatre herses, il entrait dans la grande salle ; après avoir traversé un vestibule, il se trouvait en face du sarcophage. Cette salle avait été construite avec un soin tout particulier ; elle est couverte par cinq plafonds de granit rose superposés et composés chacun de neuf pierres de 5 m. 64. L'espace qui sépare ces plafonds forme des chambres. Un seul côté des pierres est taillé, celui qui fait plafond.
Enfin, pour faire peser sur les côtés la pression qu'exerce la masse de pierres qui s'élève à 100 mètres au-dessus de cette chambre, les blocs sont placés en triangle, comme la charpente d'un toit, et dépassent dans leur projection la grandeur totale de plafonds inférieurs.
Quand on examine avec soin la structure de la pyramide, on constate que l'introduction d'un sarcophage en granit rose, comme celui que l'on y a découvert, était impossible à exécuter une fois le monument terminé : d'abord, à cause de la faible dimension des overtures, puis à cause de la disposition des passages intérieurs.
Le sarcophage faisait donc partie de la construction, et était mis en place avant la pose des monolithes formant le plafond. Non seulement le sarcophage était placé, mais la momie devait y être posée ; car il eût été presque impossible de la faire passer renfermée dans sa boîte par les ouvertures étroites donnant accès dans la salle royale.
En outre, le couloir est bouché par un bloc de grandeur égale à celle de ce passage et l'on ne peut admettre qu'on l'ait apporté quand le monument était terminé : où aurait-on pris son point d'appui ? Ni en arrière, puisque le bloc obstruait complètement l'ouverture ; ni en avant, puisqu'on se trouvait dans un couloir de 40 mètres de longueur, formant à un certain endroit un angle de 45 degrés dans le plan vertical.
S'il en est ainsi, la construction du monument aurait eu lieu après la mort du pharaon et les salles qui se trouvent au-dessous et qui ne contenaient aucun sarcophage auraient eu une destination inconnue.
La présence de l'eau dans la chambre, au-dessous du niveau du sol, ferait croire à l'idée, chez l'architecte, d'assurer la sécheresse du monument en construisant une sorte de puisard pour recevoir les eaux d'infiltration.
Quant à l'extérieur de la pyramide, qui aujourd'hui se présente sous la forme de grandes marches en calcaire, il est prouvé que ses gradins étaient recouverts de pierres triangulaires formant un revêtement lisse depuis le haut jusqu'en bas. Ce revêtement avait été placé en commençant par le haut, car il eût été impossible de se tenir et de travailler en montant sur une surface lisse.
D'après Philon, auteur grec, le revêtement aurait été fait par bandes de pierres : marbre blanc, basalte, porphyre et brèche verte.
Au sommet, il y aurait eu une pyramide dorée. À la base, un soubassement contribuant à l'aspect majestueux du monument.
Les pyramides étaient précédées de temples où se célébrait le culte en souvenir du défunt ; de larges chaussées bâties en gros blocs et élevées de plus de 16 mètres y conduisaient après avoir servi au transport de tous les matériaux.
Le grand sphinx y figurait le gardien de la nécropole ; sa tête était taillée dans un rocher et le reste du corps était en maçonnerie. La tête mesure 20 mètres de hauteur. On a retrouvé sur le monument des traces de peinture et l'on peut supposer que cette couleur avait pour objet de dissimuler la disparate des matériaux dont il était formé.
Bædeker, effrayé a l'idée de l'immensité du travail qu'il aurait fallu exécuter pour construire la pyramide d'un seul coup, émet l'hypothèse d'un système de construction partant d'un noyau central en pyramide.
Ce noyau aurait été enveloppé successivement par une série de constructions formant des parallélépipèdes et recouvertes par des plans inclinés.
Lepsius et d'autres supposent une série de plans parallèles recouvrant une pyramide centrale.
Ces explications, quoique ingénieuses, ne sont pas admissibles, car alors on trouverait dans les couloirs les points de raccord de ces travaux qui auraient du reste subi des tassements ou des glissements. Il faut admettre, comme nous l'avons dit, un plan arrêté d'avance, et, ce qui le prouve, c'est l'existence de pyramides inachevées, n'ayant que leur base de complète.
On trouve à Dachour d'autres pyramides en briques cuites qui n'ont pas été exécutées d'après un seul plan : elles sont formées par une pyramide tronquée recouverte par une pyramide ayant un sommet. Celle d'Illahoun est construite sur un roc ; deux murs de briques sont construits en forme de croix, suivant les diagonales du plan ; contre eux viennent s'appuyer d'autres murs parallèles au côté du rectangle de base, et formant comme les nervures d'une plante. Cette ossature est remplie par de la maçonnerie.
Il y avait aussi des pyramides à degrés qui paraissent avoir été construites au moyen de revêtements parallèles.
Au total, le principe de la pyramide rentre dans l'idée religieuse du mastaba. Le puits est remplacé par la chambre du sarcophage, le serdab par le couloir, la chambre d'offrande par le temple qui se trouve au pied du monument."