vendredi 17 décembre 2010

Construction des pyramides d’Égypte : recueil de textes, traduits en français, de John Greaves (XVIIe s.) - 2e partie

Suite des extraits de textes, traduits en français, de John Greaves (1602-1652), publiés dans l’ouvrage collectif Relations de divers voyages curieux, qui n'ont point été publiées ou qui ont été traduites d'Hacluyt, de Purchas et d'autres voyageurs anglais, hollandais, portugais, allemands, espagnols et de quelques persans, arabes et autres auteurs orientaux..., tome 1,1663-1696, par Melchisédech Thévenot (1620-1692), Richard Hakluyt (1552?-1616) et Samuel Purchas (1575?-1626).
Ce second texte a pour titre “Description des pyramides d’Égypte, comme je les trouvai l’an 1048 de l’Hégire, ou l’an 1638 et 1639 de Notre Seigneur, selon le calcul de Dionysius”. Il traite, pour commencer, de “la première et la plus belle” de ces pyramides.


“La première et plus belle des trois grandes pyramides est située sur le haut d’une roche qui est dans le désert de sable d’Afrique, à un quart de lieue de distance vers l’ouest des plaines d’Égypte. Cette roche s’élève environ cent pieds au-dessus du niveau de ces plaines, mais avec une rampe aisée et facile à monter. La dureté de la roche sert de fondement proportionné à son édifice, outre qu’elle contribue quelque chose à la beauté et à la majesté de l’ouvrage.
Chaque côté de cette pyramide, suivant la description d’Hérodote, a huit cents pieds de longueur ; selon Diodore Sicilien, sept cents. Strabon dit qu’elle a quelque chose de moins de six cents pieds de Grèce ou six cent vingt-cinq pieds romains. Pline lui en donne huit cent quatre-vingt-trois. Entre toutes ces mesures, celle de Diodore, selon mon jugement, approche plus de la vérité, et peut servir en quelque façon pour confirmer la proportion que j’ai donnée en un autre discours aux mesures de la Grèce ; car ayant mesuré le côté qui regarde le Nord à l’endroit où elle pose sur sa base, avec un excellent instrument de dix pieds de diamètre par deux différentes stations, comme les mathématiciens ont accoutumé de faire dans les distances inaccessibles, je trouvai qu’il avait six cent nonante-trois pieds d’Angleterre, c’est-à-dire un peu moins que Diodore ne lui en donne. Je pris d’une autre manière la mesure des autres côtés, à cause que je n’avais point de distance commode pour faire la même opération que j’avais faire de l’autre côté, et que la campagne était inégalement haute de ce côté-là, au lieu que du côté du Nord, elle est fort unie. (...)

“Imaginer un carré, et sur chacun de ses côtés, un triangle équilatéral”
Mais pour avoir une parfaite connaissance de la grandeur de cette pyramide, il se faut imaginer un carré, et sur chacun de ses côtés, un triangle équilatéral ; que ces quatre triangles s’inclinent l’un vers l’autre, jusqu’à ce que leurs sommets se rencontrent un un point qui est aussi le sommet de la pyramide ; car à la voir d’en-bas, il semble qu’ils se rencontrent en un point. Le périmètre ou tour du carré de la base aura deux mille sept cent soixante-dix-neuf pieds, et toute son aire ou superficie quatre-vingt mille deux cent quarante-neuf pieds ; ou, pour accommoder la chose à nos mesures, onze arpents de terrain, ou quatre cent quatre-vingt mille deux cent quarante-neuf pieds carrés. Ce que nous aurions de la peine à croire, si nous n’avions le témoignage des Anciens, entre lesquels il y en a qui lui donnent encore plus d’étendue. (...)
L’on peut monter de tous côtés par degrés jusques au haut de la pyramide. Le premier degré a quatre pieds de hauteur et trois de largeur ; il tourne tout autour de la pyramide, et est de niveau partout ; et quand les pierres étaient entières (car elles sont maintenant un peu ruinées), il faisait un chemin étroit tout autour de la pyramide. Le second degré est semblable au premier, ayant autant de hauteur et de largeur, mais il est en retraite de trois pieds, et tourne autour de la pyramide, comme le premier. Le troisième est semblable en tout aux premiers, et ainsi des autres qui continuent jusqu’au haut. Le haut de la pyramide ne finit pas en un point comme la pyramide mathématique, mais en un petit plan carré. (...)

Inutile de monter au sommet de la pyramide pour des observations astronomiques
Si nous en voulons croire Proclus, les Égyptiens faisaient leurs observations astronomiques sur le haut de ce plan ou de la pyramide (...). Le lieu élevé, ou la roche sur laquelle la pyramide est fondée, est à la vérité fort propre pour faire des observations astronomiques. Le voisinage de Memphis le rendait aussi fort commode pour ce dessein ; mais on ne doit pas croire le seul rapport de Proclus, cependant qu’on peut prouver par les passages de tant d’autres auteurs qu’elles ont été bâties pour des sépulcres. Y a-t-il apparence de croire que ces prêtres égyptiens eussent pris la peine de monter là haut, pouvant aussi bien faire leurs observations astronomiques au pied de la pyramide où ils étaient logés, car toute l’Égypte n’est qu’une plaine ; et du haut de cette roche qui est un peu plus élevée, ils avaient la vue du ciel aussi libre que du haut de la pyramide. (...)
Lorsque j’y montai [en haut de la pyramide], je mesurai beaucoup de degrés de la pyramide ; je trouvai qu’ils n’étaient pas tous de la même hauteur : il y en avait quelques-uns qui avaient près de quatre pieds, et les autres un peu moins de trois ; ceux qui étaient les plus hauts de la pyramide n’avaient pas tant de retraite ou largeur que les autres, et leur largeur n’est pas toujours la même ; et selon ma conjecture, ils ont autant de largeur que de hauteur, et ainsi une ligne droite qu’on tirerait du bas de la base jusqu’au haut toucherait les angles de tous les degrés. (...)

Des degrés en forme d’autels
Hérodote dit que ces degrés sont faits en forme d’autels, car ils sont élevés les uns sur les autres en forme d’autels ; ils sont faits de pierres massives et bien polies, lesquelles, selon Diodore et Hérodote, ont été taillées dans les montagnes d’Arabie qui regardent l’Égypte du côté de l’ouest ; ces pierres ou marches sont si grandes qu’une seule pierre fait toute leur largeur et leur hauteur. Hérodote et Pomponius Mela disent que la moindre de ces pierres a trente pieds. Je demeure d’accord qu’il y en a bien quelques-unes qui ont cette longueur, mais cela ne se peut pas dire généralement de toutes, si ce n’est que l’on entende des pieds cubiques, car dans ce sens, j’en demeurerais facilement d’accord, y en ayant mesuré beaucoup; de celles qui se voient qui en contiennent davantage.
Les Anciens ne nous ont point laissé le nombre de ces degrés ; les modernes ne s’accordent point dans le nombre qu’ils en donnent, et j’ai été par cette raison plus soigneux de les compter avec deux autres personnes qui étaient avec moi. (...) Je dirai seulement que j’en ai compté deux cent sept, quoiqu’un de ceux qui m’accompagnaient en descendant en ait compté deux cent huit. (...)
[Il y en a qui disent que la pyramide] consomme et porte elle-même son ombre, ce qui n’est point vrai en hiver, car dans ce temps-là en plein midi, j’y ai remarqué de l’ombre ; et quand même je n’aurais pas fait cette remarque, je n’aurais pas laissé de venir en connaissance de cette vérité par les règles qui enseignent aux géomètres à connaître et mesurer les hauteurs des corps par leurs ombres, et les ombres par la hauteur de leur corps. Et comment est-ce que Thalès Milesius aurait pu mesurer les pyramides par leurs ombres, comme Pline et Laërce l’ont écrit, si elles n’en ont point ? Pour réconcilier ces auteurs, et faire dire vrai à Solin, Ausone, Ammiam Marcellin et Cassiodore, il faut supposer qu’ils ont entendu que presque durant toute l’année, à l’heure de midi, elles ne font point d’ombres.”
Source : Gallica

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