jeudi 16 décembre 2010

Construction des pyramides d’Égypte : recueil de textes, traduits en français, de John Greaves (XVIIe s.) - 1e partie

Notre blog-inventaire comporte déjà une note sur John Greaves (1602-1652), avec un lien vers la version originale (en anglais) de ses textes : voir ICI.
Greaves faisant partie de notre patrimoine égyptologique, auquel nous avons sans doute à nous référer régulièrement, j’ai cru utile de reprendre ici, ainsi que dans d'autres notes à venir, de longs extraits, traduits en français, de cet auteur.
Le premier a pour titre : “À quelle fin les pyramides ont été bâties ?”
Il a été publié dans l’ouvrage collectif Relations de divers voyages curieux, qui n'ont point été publiées ou qui ont été traduites d'Hacluyt, de Purchas et d'autres voyageurs anglais, hollandais, portugais, allemands, espagnols et de quelques persans, arabes et autres auteurs orientaux..., tome 1,1663-1696, par Melchisédech Thévenot (1620-1692), Richard Hakluyt (1552?-1616) et Samuel Purchas (1575?-1626).
Pour la commodité de la lecture (et afin de ne pas affoler le correcteur orthographique de mon logiciel de saisie de texte !), j’ai rétabli l’orthographe actuelle.

“Les Anciens qui ont parlé des Pyramides sont tous d'accord qu'elles ont été bâties pour servir de monuments ; Diodore et Strabon le disent clairement ; les Arabes confirment la même chose et le tombeau qu'on voit encore aujourd'hui dans la plus grande Pyramide, soit qu'il soit de Chéops, comme dit Hérodote, ou de Chemmis selon Diodore, met la chose hors de doute.
C’est une recherche curieuse de savoir pourquoi les rois d’Égypte entreprirent ces grands bâtiments. Aristote dit que ç’a été pour exercer leur tyrannie ; Pline croit qu’ils les ont bâtis en partie par ostentation de leur puissance, et aussi pour tenir leurs sujets occupés, et les divertir des pensées de révolte. Quoique la raison de Pline rapporte ait pu entrer en considération, toutefois selon mon sens, elle n’a pas été la principale. Pour moi, je crois l’avoir trouvée dans la théologie des Égyptiens. Servius, lorsqu’il explique ce vers de Virgile animamque sepulchro condimus, dit que les Égyptiens  croyaient que l’âme demeurait attachée au corps tant qu’il demeurait en son entier ; que les Stoïciens étaient de la même opinion ; les Égyptiens, ce dit-il, embaument leurs corps, afin que l’âme ne s’en sépare pas sitôt pour passer dans un autre corps. Les Romains, au contraire, les brûlent afin que l’âme puisse plutôt retourner à son principe, et se réunir à son Tout. C’est pour conserver les corps plus longtemps que les Égyptiens ont inventé ces précieuses compositions dont ils les embaument, et qu’ils leur ont bâti de si superbes monuments, espérant par là les préserver de la pourriture, et les rendre en quelque façon éternels. (...)

“Ces excessives dépenses et ces superbes bâtiments”
Longtemps après la résidence des rois de Thèbes, ayant été transportée à Memphis, et la même religion continuant dans l’esprit des Égyptiens, que l’âme demeurait en son entier, non pas pour l’animer, mais pour le servir et pour le garder, et comme si elle eût eu peine à quitter sa première habitation, il ne faut point douter que l’amour de la gloire n’ait été leur motif, et n’ait porté les rois de Memphis à entreprendre ces excessives dépenses et ces superbes bâtiments. Les Égyptiens de moindre condition faisaient la dépense de faire tailler ces caves que nous voyons encore aujourd’hui dans les déserts de Lybie, et que les Chrétiens appellent momies.
Diodore explique fort particulièrement leurs pensées sur ce sujet. Les Égyptiens, dit-il, comptent pour peu de chose le temps de la vie des hommes, qui est limité à peu d’années ; mais ils estiment infiniment cette mémoire de vertu et de gloire, qui dure dans la postérité. Ils disent que leurs maisons sont des hôtelleries, pour ce qu’ils y demeurent peu de temps, mais que leurs sépulcres sont leurs véritables demeures, à cause qu’ils y demeurent des espaces infinis de temps. Ils sont peu soigneux, par cette raison, de bâtir de belles maisons, mais ils ne croient point pouvoir faire trop de dépenses à se dresser des sépulcres.
Si l’on vient à chercher la raison de la figure qu’ils ont donnée à leurs monuments, et celle de ces termes dont parle Strabon, sans m’arrêter à ce qu’en a dit l’auteur anonyme qui est à la fin de Pierius, et sans me jouer comme lui de la vérité, je crois qu’ils les ont bâtis de la sorte à cause que cette figure de bâtiment est fort durable, le haut ne chargeant point le bas comme il arrive aux autres, et la pluie qui ruine ordinairement les autres bâtiments ne la pouvant pas gâter, à cause qu’elle ne s’y arrête pas. Peut-être aussi qu’ils ont voulu représenter par là quelques-uns de leurs dieux, car l’on sait qu’en ce temps-là, les Égyptiens et les Païens les représentaient par des colonnes et des obélisques. Ainsi nous voyons dans Clément Alexandrin que Callithoé, prêtresse de Junon, mit au haut de la colonne de sa déesse des couronnes et des guirlandes, c’est-à-dire, comme l’a expliqué Scaliger dans son Eusèbe, au haut de l’image de sa déesse, car en ce temps-là, les statues des dieux avaient la forme de colonnes et d’obélisques.”

Source : Gallica

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