S’il fut, semble-t-il, un auteur très fécond dans le domaine de l’histoire des peuples et de la morale, Louis-Auguste Martin (XIXe siècle) n’aura pas, selon toute vraisemblance, contribué durablement au progrès des connaissances en égyptologie.
L’approximation de cette présentation est due au fait que, même en torturant mon ordinateur, je n’ai rien trouvé de bien certain sur cet auteur, si ce n’est que Barbey d’Aurevilly, dans Les œuvres et les hommes, aurait présenté en des termes plutôt critiques l’un de ses livres consacré à l’histoire de la morale. Mais il m’est impossible de garantir la véracité de ce rapprochement basé sur une possible homonymie.
En dépit de ce flou qui n’a rien d’artistique, je vous propose néanmoins un court texte du sieur Louis-Auguste Martin, extrait de son ouvrage Les civilisations primitives en Orient : Chinois, Indiens, Perses, Babyloniens, Syriens, Égyptiens, 1861. On y remarquera le contraste, très souvent souligné par les auteurs, entre les deux expressions les plus caractéristiques de l’architecture égyptienne ancienne : celle qui a donné naissance aux pyramides, et celle, beaucoup plus expressive et plus directement assimilée à l’art, qui a inspiré les temples de la Haute-Égypte.
Quant aux pyramides elles-mêmes, elle doivent se contenter, sous la plume de l’auteur, du strict minimum, à partir des très brèves références à Pline, Aristote, Diodore de Sicile et Champollion. Pour une fois, on aura au moins échappé à Hérodote !
“L'architecture égyptienne, cependant, subit dans les premiers temps d'heureuses modifications ; il y a loin des Pyramides aux monuments de Thèbes et de Memphis. L'architecture qui s'est formée et développée en Égypte, présente un cachet unique, original. Exécutés sous l'inspiration des rois et des prêtres, les palais et les temples ont affecté un style uniforme, et obéi comme les hiéroglyphes à une plan et à des règles déterminés. L'artiste n'inventait pas, il copiait ; aussi Platon rapporte-t-il que des modèles étaient déposés dans les temples ; qu'il était défendu aux artistes, sous peine de sacrilège, de rien changer aux règles : “Il y a plus de dix mille ans, ajoute-t-il, que ces règles ont été posées, et les œuvres de ces temps reculés n'étaient ni plus ni moins belles que celles de nos jours ; elles sont toutes, sans exception, travaillées sur un modèle.”
Et, en effet, les plus anciennes peintures sont identiquement pareilles aux plus modernes ; les différences qu'on peut y remarquer sont en faveur des premières, la domination étrangère ayant amené la décadence de toutes choses en Égypte. Les artistes n'étaient donc plus que des ouvriers chargés de faire de l'histoire plutôt que de l'art, d'exécuter des monuments et des inscriptions commémoratifs de grands événements et de hauts faits, de traiter des sujets religieux et politiques, d'après une formule consacrée.
On trouve encore à Thèbes des débris de constructions très anciennes qui ont servi de matériaux pour des édifices qui datent de plus de quatre mille ans.
Les plus simples ornements de ces édifices consistent en emblèmes qui renferment des dates et des faits historiques. Des bas-reliefs, entremêlés d'inscriptions, représentent avec fidélité la physionomie, le costume et les habitudes des peuples étrangers vaincus parles Pharaons (1).
Quant aux pyramides, les avis sont très partagés sur le mode de construction qu'on employa pour les élever. L'époque très ancienne où elles furent élevées ne saurait être déterminée positivement ; elles annoncent l'art dans son enfance, celui des constructions massives succédant aux blocs informes superposés.
Pline dit que près de quatre cent mille hommes travaillèrent à la construction de la plus grande dans l'espace de vingt ans. S'il en avait été ainsi, la population esclave, quoique très nombreuse, n'aurait pu y suffire ; elle aurait été secondée alors par celle des agriculteurs ou des industriels dans le temps de leur chômage : ce qui indique toujours, sinon une société complètement organisée, au moins de grandes ressources alimentaires mises à la disposition du gouvernement.
On a appliqué à cette construction cette observation d'Aristote, qu'un des moyens usités par les tyrans pour conserver leur puissance, est d'occuper tellement leurs sujets qu'ils n'aient pas le temps de conspirer.
Une inscription rapportée par Diodore deSicile constate que Sésostris n'employa aucun Égyptien aux monuments qu'il fit construire. Il n'est pas probable qu'on en ait agi ainsi pour les pyramides, car leur édification ayant exigé un trop grand nombre de bras, et remontant à une époque où les Égyptiens songeaient plutôt à s'organiser au dedans qu'à faire des expéditions au dehors, elles durent être à la fois les premiers temples élevés par les Égyptiens aux dieux, et les premiers tombeaux consacrés à leurs rois.”
(1) Champollion, Lettres de l’Égypte.
Source : Gallica
L’approximation de cette présentation est due au fait que, même en torturant mon ordinateur, je n’ai rien trouvé de bien certain sur cet auteur, si ce n’est que Barbey d’Aurevilly, dans Les œuvres et les hommes, aurait présenté en des termes plutôt critiques l’un de ses livres consacré à l’histoire de la morale. Mais il m’est impossible de garantir la véracité de ce rapprochement basé sur une possible homonymie.
En dépit de ce flou qui n’a rien d’artistique, je vous propose néanmoins un court texte du sieur Louis-Auguste Martin, extrait de son ouvrage Les civilisations primitives en Orient : Chinois, Indiens, Perses, Babyloniens, Syriens, Égyptiens, 1861. On y remarquera le contraste, très souvent souligné par les auteurs, entre les deux expressions les plus caractéristiques de l’architecture égyptienne ancienne : celle qui a donné naissance aux pyramides, et celle, beaucoup plus expressive et plus directement assimilée à l’art, qui a inspiré les temples de la Haute-Égypte.
Quant aux pyramides elles-mêmes, elle doivent se contenter, sous la plume de l’auteur, du strict minimum, à partir des très brèves références à Pline, Aristote, Diodore de Sicile et Champollion. Pour une fois, on aura au moins échappé à Hérodote !
Auteur inconnu - s.d. |
Et, en effet, les plus anciennes peintures sont identiquement pareilles aux plus modernes ; les différences qu'on peut y remarquer sont en faveur des premières, la domination étrangère ayant amené la décadence de toutes choses en Égypte. Les artistes n'étaient donc plus que des ouvriers chargés de faire de l'histoire plutôt que de l'art, d'exécuter des monuments et des inscriptions commémoratifs de grands événements et de hauts faits, de traiter des sujets religieux et politiques, d'après une formule consacrée.
On trouve encore à Thèbes des débris de constructions très anciennes qui ont servi de matériaux pour des édifices qui datent de plus de quatre mille ans.
Les plus simples ornements de ces édifices consistent en emblèmes qui renferment des dates et des faits historiques. Des bas-reliefs, entremêlés d'inscriptions, représentent avec fidélité la physionomie, le costume et les habitudes des peuples étrangers vaincus parles Pharaons (1).
Quant aux pyramides, les avis sont très partagés sur le mode de construction qu'on employa pour les élever. L'époque très ancienne où elles furent élevées ne saurait être déterminée positivement ; elles annoncent l'art dans son enfance, celui des constructions massives succédant aux blocs informes superposés.
Pline dit que près de quatre cent mille hommes travaillèrent à la construction de la plus grande dans l'espace de vingt ans. S'il en avait été ainsi, la population esclave, quoique très nombreuse, n'aurait pu y suffire ; elle aurait été secondée alors par celle des agriculteurs ou des industriels dans le temps de leur chômage : ce qui indique toujours, sinon une société complètement organisée, au moins de grandes ressources alimentaires mises à la disposition du gouvernement.
On a appliqué à cette construction cette observation d'Aristote, qu'un des moyens usités par les tyrans pour conserver leur puissance, est d'occuper tellement leurs sujets qu'ils n'aient pas le temps de conspirer.
Une inscription rapportée par Diodore deSicile constate que Sésostris n'employa aucun Égyptien aux monuments qu'il fit construire. Il n'est pas probable qu'on en ait agi ainsi pour les pyramides, car leur édification ayant exigé un trop grand nombre de bras, et remontant à une époque où les Égyptiens songeaient plutôt à s'organiser au dedans qu'à faire des expéditions au dehors, elles durent être à la fois les premiers temples élevés par les Égyptiens aux dieux, et les premiers tombeaux consacrés à leurs rois.”
(1) Champollion, Lettres de l’Égypte.
Source : Gallica