mardi 20 octobre 2009

John Greaves, précurseur de l'égyptologie scientifique

La parution, en 1646, de l'ouvrage Pyramidographia : A Description of the Pyramids in Egypt marque assurément une date-clé de l'histoire de l'égyptologie.
Son auteur - l'astronome John Greaves (1602-1652) - était spécialiste de l'étude des poids et des mesures. Il avait également acquis, au cours de sa formation, de sérieuses connaissances dans les langues grecque, arabe et persane.
En 1638-1639, au cours d'un voyage qui le conduisit de Rome à Constantinople, il fit une halte en Égypte pour y effectuer des mesures scientifiques des pyramides du plateau de Guizeh.
Une lecture critique de différents auteurs anciens lui permit de conclure tout d'abord que la Grande Pyramide avait été construite par Khéops pour lui servir de tombeau (il ne s'agissait donc nullement d'un observatoire), puis que l'énorme masse du monument avait pour fonction la protection, en toute sécurité, du corps embaumé du pharaon, support de la transmigration de l'âme du défunt.
De ses observations de l'extérieur de la pyramide, John Greaves conclut que le monument était construit sur un tertre rocheux. Puis, "on aurait premièrement construit une large et spacieuse tour au milieu du carré de la base de la pyramide ; cette tour était aussi haute que le devait être toute la pyramide. Je m'imagine qu'aux côtés de cette tour on avait appliqué les autres parties de cette fabrique pièce à pièce, jusqu'à ce qu'on fût arrivé au premier degré." (cité par Jean-Philippe Lauer, in Le mystère des pyramides, Presses de la Cité, 1974, p. 44).
La découverte de l'intérieur de la pyramide fut pour John Greaves, compte tenu des moyens et connaissances de l'époque, très méticuleuse, sur fond d'exploit quelque peu aventureux : "Ayant longé cet étroit passage [la descenderie], des bougies à la main et non sans difficulté (car à l'extrémité nous dûmes ramper à plat ventre comme des serpents), nous aboutîmes à une place assez grande et d'une belle hauteur, mais perturbée ; elle avait été fouillée soit par curiosité, soit par cupidité, dans l'espoir de découvrir un trésor caché ; ou plutôt, sur l'ordre d'al-Ma'moun, le calife de Babylone à la réputation justifiée. Peu importe qui l'a fouillée, la question ne vaut pas d'être posée, pas plus que la place ne mérite d'être décrite, mais je ne voulais rien préjuger ; ce n'était qu'une habitation de chauves-souris d'une hideur et d'une grandeur (plus d'un pied de long) telles que je n'en ai pas du de pareilles ailleurs." (cité par Joyce Tyldesley, À la découverte des pyramides d'Égypte, éditions du Rocher, 2005, pp. 166-167 - traduction de Nathalie Baum)
Après avoir découvert et mesuré, à l'intersection où le couloir ascendant rejoint la Grande Galerie, le trou ouvrant sur le puits circulaire qui débouche en contrebas sur le couloir descendant, John Greaves pénétra dans la Chambre de la Reine (terminologie non utilisée par l'auteur), qu'il décrivit en ces termes : "Cette chambre s'étend d'est en ouest ; sa longueur est inférieure à vingt pieds, sa largeur est d'environ dix-sept pieds et sa hauteur, de moins de quinze pieds. Les murs sont entiers et recouverts de chaux. Le plafond, fait de larges pierres lisses, n'est pas plat, mais courbe, les pierres formant comme une sorte d'arc, ou plutôt un angle. Sur le côté est de cette chambre, il semble y avoir eu un passage conduisant à un autre endroit. Ce pouvait être le chemin emprunté par les prêtres pour pénétrer à l'intérieur du Sphinx (pour reprendre le terme de Strabon ou de Pline) ou de l'Androsphinx, comme l'appelle Hérodote, (...) qui n'est pas très loin en dehors de la pyramide.(...) Il se peut aussi que telle n'était pas la fonction [de cette ouverture] et que c'était plutôt une niche comme disent les Italiens, à l'intérieur de laquelle pouvait être placée quelque idole ou autre pièce d'ornementation architecturale (...)."
Puis, après avoir emprunté la Grande Galerie, John Greaves pénétra dans les deux antichambres précédant la Chambre du Roi (terminologie, une fois encore, non utilisée par l'auteur), puis dans la chambre dont il fit la description suivante : "Cette chambre riche et spacieuse, dans laquelle l'art semble avoir rivalisé avec la nature, le travail curieux n'étant pas inférieur aux riches matériaux, se situe comme si elle était au cœur et au centre de la pyramide, à égale distance de tous les côtés, et presque au milieu entre la base et le sommet [de la pyramide]. Le sol, les côtés et le plafond sont construits avec de grandes et très belles plaques de marbre thébaïque qui, si elles n'avaient pas été recouvertes et obscurcies par la fumée des bougies, apparaîtraient brillantes et reluisantes. (...) À l'intérieur de cette pièce merveilleuse (car je peux l'appeler ainsi à juste titre), comme dans un oratoire sacré, repose le monument de Khéops, ou Chemnis, d'un seul morceau de marbre, creux à l'intérieur et découvert sur le haut, résonnant comme une cloche. (...) Concernant la nature et à la qualité de la pierre de ce monument, elle est identique à celle dont est revêtue toute la chambre ; en brisant un petit fragment, j'ai clairement constaté qu'il s'agit d'une sorte de marbre moucheté de taches noires, blanches et rouges comme également mélangées, que certains auteurs appellent marbre thébaïque, mais qui est plutôt selon moi du porphyre (...)."
Quant à savoir comment le sarcophage royal a été mis en place, John Greaves relève le bien-fondé d'une telle question, compte tenu des dimensions du "monument" et de l'étroitesse des passages donnant accès à la Chambre du Roi. Puis il poursuit :"Nous devons en conséquence imaginer que ce fut à l'aide d'une machine (...), avant que l'oratoire ou la chambre fussent terminés et que le toit fût fermé."

Le texte de John Greaves peut être trouvé ici : http://www.archive.org/details/miscellaneouswo01bircgoog

Textes de Greaves traduits en français : cliquer ICI

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