François Savary de Brèves (1560-1628) fut ambassadeur de France à la Porte (empire ottoman) de 1592 à 1605, avant d’être nommé à Rome pour cette même fonction, en 1607.
Fervent défenseur des relations de son pays avec l’Orient, il a rassemblé une importante collection de manuscrits turcs et persans qui sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France. Il travailla également à la création d’une école de langues orientales, mais ce projet en resta au stade embryonnaire..
Le récit de ses voyages fut édité en 1628, sous le titre Relation des voyages de Monsieur de Breves, tant en Grèce, Terre saincte et Aegypte, qu’aux Royaumes de Tunis et Arger. (noter l’orthographe - une coquille ? - de l’actuelle capitale algérienne)
Une courte description est consacrée aux monuments du plateau de Guizeh : un aperçu rapide de l’intérieur de la Grande Pyramide et tout juste quelques mots sur les deux autres pyramides majeures, pour rappeler qu’elles existent. Par contre, une observation présente une réelle originalité, du moins dans sa formulation : si vous ne saviez pas que la Grande Pyramide abritait et abrite toujours, sur l’une de ses arêtes (celle par laquelle on monte au sommet du monument), une “taverne”, désormais, grâce au Sieur de Brèves, vous le savez. Il s’agit, bien entendu, de l’encoche dont il fut maintes fois question dans notre inventaire des récits consacrés à la pyramide de Khéops. Selon notre auteur, cet espace non seulement permettait aux escaladeurs de se reposer quelques instants, mais, durant la construction de la pyramide, il était utilisé pour l’installation de “quelques engins à porter les matériaux”.
“Nous traversâmes un champ marécageux, dont l’eau s’était écoulée, et où passait force bétail. Et de là, nous entrâmes dans une campagne sablonneuse, au bout de laquelle se hausse une colline, où sont bâties les pyramides. Il y en a trois de différente grandeur, assez voisines l’une de l’autre, dont la moyenne paraît à ceux qui la regardent de loin, beaucoup plus haute que la grande, à cause qu’elle est bâtie en lieu plus haut, bien qu’elle soit moindre.
Au reste, ce sont des ouvrages admirables, qui épouvantent ceux qui les regardent, pour leur extrême hauteur, et qui ressemblent plutôt à des montagnes qu’a autre chose : aussi les Turcs les appellent en leur langue Pharaon daglaré, (ce) qui signifie montagnes de Pharaon.
Ces pyramides donc, étant par chaque face (un) triangle parfait, sont aussi hautes que larges, et la plus grande a par chacune de ses faces, d’un angle à l’autre, quatre cents pas de largeur, qui sont seize cents de circonférence ; et de terre jusqu’à la sommité, il y a deux cent douze, ou deux cent quatorze pierres, aucunes larges et épaisses de quatre pieds, et aucunes de trois, mais plus longues.
On monte jusques à la cime, par un des angles, sans danger de tomber, mais non sans travail, de pierre en pierre, comme de degré en degré, et n’y a homme si gaillard qu’il soit que de la pointe tirant une pierre puisse arriver à son pied.
Sur la cime de cette pyramide, manque la pointe, qui fait un autre espace, lequel espace n’est pas uni, y ayant des pierres, les unes hautes, et les autres basses. Elle a vingt et un pieds de carrure, où peuvent demeurer soixante-dix ou quatre vingts hommes, encore que de loin, cela paraisse pointu.
Et après que nous l'eûmes regardée par dehors, assez longtemps, avec toute la curiosité et étonnement que la nouveauté d’un si étrange et merveilleux ouvrage nous apportait, nous entrâmes dedans avec des flambeaux, par une ouverture carrée, faite au milieu de la face qui regarde la ville, descendant l’un après l’autre, courbés et baissés, cinquante pas, sous une voûte de marbre carrée, large et haute de cinq pieds, mettant nos pieds dans des trous faits à force de ferrements, qui servent de degrés. car tous les escaliers qui sont dans ladite pyramide n’ont point de degrés, ains (mais) sont tous unis et lissés, comme du verre.
Au fond de cette descente, (il) y a un espace à main gauche, duquel se voit une autre descente, qui va beaucoup plus bas sous la pyramide, mais l’entrée en est murée. Et après avoir grimpé, avec les pieds et les mains, sur une roche droite, haute de douze ou quinze pieds, nous entrâmes courbés dans une allée, haute et large de cinq pieds, et longue de trente pas, au bout de laquelle (il) y a une chambre carrée, longue (de) huit ou dix pas.
Retournant par la même allée, nous vîmes à main droite la bouche d’un puits, ou citerne, fort profonde et obscure, et montâmes sous une voûte haute et large de cinq pas, toujours baissés (comme dessus avons dit) l’espace de soixante pas. Puis la voûte venant à se hausser et élargir, continuâmes à monter tout droit et plus commodément, l’espace de quatre-vingt cinq pas, et après nous passâmes, à quatre pieds, sous une petite allée, large et haute (de) quatre pieds, et longue de quatorze pas, et entrâmes dans une chambre où est la sépulture de Pharaon, longue de quarante pieds et large de vingt, haute de trente, toute bâtie de grandes pierres très dures, d’un certain marbre, mêlé de petites taches rouges, noires et blanches, si bien conjointes qu’entre les commissures, on n’y peut mettre que difficilement la pointe d’une aiguille. Le solier est fait de huit pierres seulement, de même marbre. À un des bouts de ladite chambre, à main droite en entrant, est ladite sépulture, découverte, longue de neuf pieds, large de 4 et profonde de cinq, épaisse de quatre doigts, faite d’un porphyre de plusieurs couleurs, si fin qu’en le touchant avec les mains ou d’une pierre, il sonne comme une cloche.
La seconde pyramide est tout de même, mais un peu moindre. On n’y monte point, ni moins l’entrée en est connue.
La troisième est beaucoup plus petite.
Non loin desdites pyramides, se voit une grande tête, qu’on appelle la Sphinge, de la hauteur d’une grande pique, et plus, faite d’un rocher qui s’élève hors de terre. On dit que c’était anciennement un oracle qui donnait réponse à ceux qui lui parlaient et demandaient son avis et conseil, en beaucoup de choses.”
(*) l’auteur emploie ce mot au féminin, avec les accords qui correspondent.
Source : Gallica
Fervent défenseur des relations de son pays avec l’Orient, il a rassemblé une importante collection de manuscrits turcs et persans qui sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France. Il travailla également à la création d’une école de langues orientales, mais ce projet en resta au stade embryonnaire..
Le récit de ses voyages fut édité en 1628, sous le titre Relation des voyages de Monsieur de Breves, tant en Grèce, Terre saincte et Aegypte, qu’aux Royaumes de Tunis et Arger. (noter l’orthographe - une coquille ? - de l’actuelle capitale algérienne)
Une courte description est consacrée aux monuments du plateau de Guizeh : un aperçu rapide de l’intérieur de la Grande Pyramide et tout juste quelques mots sur les deux autres pyramides majeures, pour rappeler qu’elles existent. Par contre, une observation présente une réelle originalité, du moins dans sa formulation : si vous ne saviez pas que la Grande Pyramide abritait et abrite toujours, sur l’une de ses arêtes (celle par laquelle on monte au sommet du monument), une “taverne”, désormais, grâce au Sieur de Brèves, vous le savez. Il s’agit, bien entendu, de l’encoche dont il fut maintes fois question dans notre inventaire des récits consacrés à la pyramide de Khéops. Selon notre auteur, cet espace non seulement permettait aux escaladeurs de se reposer quelques instants, mais, durant la construction de la pyramide, il était utilisé pour l’installation de “quelques engins à porter les matériaux”.
“Nous traversâmes un champ marécageux, dont l’eau s’était écoulée, et où passait force bétail. Et de là, nous entrâmes dans une campagne sablonneuse, au bout de laquelle se hausse une colline, où sont bâties les pyramides. Il y en a trois de différente grandeur, assez voisines l’une de l’autre, dont la moyenne paraît à ceux qui la regardent de loin, beaucoup plus haute que la grande, à cause qu’elle est bâtie en lieu plus haut, bien qu’elle soit moindre.
Au reste, ce sont des ouvrages admirables, qui épouvantent ceux qui les regardent, pour leur extrême hauteur, et qui ressemblent plutôt à des montagnes qu’a autre chose : aussi les Turcs les appellent en leur langue Pharaon daglaré, (ce) qui signifie montagnes de Pharaon.
Ces pyramides donc, étant par chaque face (un) triangle parfait, sont aussi hautes que larges, et la plus grande a par chacune de ses faces, d’un angle à l’autre, quatre cents pas de largeur, qui sont seize cents de circonférence ; et de terre jusqu’à la sommité, il y a deux cent douze, ou deux cent quatorze pierres, aucunes larges et épaisses de quatre pieds, et aucunes de trois, mais plus longues.
On monte jusques à la cime, par un des angles, sans danger de tomber, mais non sans travail, de pierre en pierre, comme de degré en degré, et n’y a homme si gaillard qu’il soit que de la pointe tirant une pierre puisse arriver à son pied.
Photo Marc Chartier
Il y a apparence qu’elles n’ont jamais été parachevées, et qu’elles attendaient encore quelque dernière main, vu même qu’au milieu du coin de la pyramide, par où l’on monte, a été laissé un grand espace (*), pour dresser quelques engins à porter les matériaux ; et en cet espace, qui est la moitié de sa hauteur, se reposent et rafraîchissent ordinairement ceux qui la montent, et pour cet effet, est appelée de nous autres la taverne.Sur la cime de cette pyramide, manque la pointe, qui fait un autre espace, lequel espace n’est pas uni, y ayant des pierres, les unes hautes, et les autres basses. Elle a vingt et un pieds de carrure, où peuvent demeurer soixante-dix ou quatre vingts hommes, encore que de loin, cela paraisse pointu.
Et après que nous l'eûmes regardée par dehors, assez longtemps, avec toute la curiosité et étonnement que la nouveauté d’un si étrange et merveilleux ouvrage nous apportait, nous entrâmes dedans avec des flambeaux, par une ouverture carrée, faite au milieu de la face qui regarde la ville, descendant l’un après l’autre, courbés et baissés, cinquante pas, sous une voûte de marbre carrée, large et haute de cinq pieds, mettant nos pieds dans des trous faits à force de ferrements, qui servent de degrés. car tous les escaliers qui sont dans ladite pyramide n’ont point de degrés, ains (mais) sont tous unis et lissés, comme du verre.
Au fond de cette descente, (il) y a un espace à main gauche, duquel se voit une autre descente, qui va beaucoup plus bas sous la pyramide, mais l’entrée en est murée. Et après avoir grimpé, avec les pieds et les mains, sur une roche droite, haute de douze ou quinze pieds, nous entrâmes courbés dans une allée, haute et large de cinq pieds, et longue de trente pas, au bout de laquelle (il) y a une chambre carrée, longue (de) huit ou dix pas.
Retournant par la même allée, nous vîmes à main droite la bouche d’un puits, ou citerne, fort profonde et obscure, et montâmes sous une voûte haute et large de cinq pas, toujours baissés (comme dessus avons dit) l’espace de soixante pas. Puis la voûte venant à se hausser et élargir, continuâmes à monter tout droit et plus commodément, l’espace de quatre-vingt cinq pas, et après nous passâmes, à quatre pieds, sous une petite allée, large et haute (de) quatre pieds, et longue de quatorze pas, et entrâmes dans une chambre où est la sépulture de Pharaon, longue de quarante pieds et large de vingt, haute de trente, toute bâtie de grandes pierres très dures, d’un certain marbre, mêlé de petites taches rouges, noires et blanches, si bien conjointes qu’entre les commissures, on n’y peut mettre que difficilement la pointe d’une aiguille. Le solier est fait de huit pierres seulement, de même marbre. À un des bouts de ladite chambre, à main droite en entrant, est ladite sépulture, découverte, longue de neuf pieds, large de 4 et profonde de cinq, épaisse de quatre doigts, faite d’un porphyre de plusieurs couleurs, si fin qu’en le touchant avec les mains ou d’une pierre, il sonne comme une cloche.
La seconde pyramide est tout de même, mais un peu moindre. On n’y monte point, ni moins l’entrée en est connue.
La troisième est beaucoup plus petite.
Non loin desdites pyramides, se voit une grande tête, qu’on appelle la Sphinge, de la hauteur d’une grande pique, et plus, faite d’un rocher qui s’élève hors de terre. On dit que c’était anciennement un oracle qui donnait réponse à ceux qui lui parlaient et demandaient son avis et conseil, en beaucoup de choses.”
(*) l’auteur emploie ce mot au féminin, avec les accords qui correspondent.
Source : Gallica
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