Quelques compléments à l’interview mentionnée ci-dessus sont apportés ici par Jean-Pierre Houdin, à l’intention des lecteurs de Pyramidales.
Jean-Pierre Houdin a été amené à induire l’existence de deux antichambres dans la pyramide de Kheops à partir d’un constat qu’il a fait dès l’été 2003, ayant déjà accumulé, à cette époque, plusieurs milliers d’heures de modélisations 3D sur ordinateur. Une “zone d’ombre” au milieu des ouvrages intérieurs connus revenait de façon récurrente dans ses recherches, zone qu’il pouvait déjà cerner suite à l’analyse de relevés de microgravimétrie, étrangement restés ignorés, mais qu’il avait en sa possession ; une observation comparative des pyramides des IIIe et IVe dynasties apportait en même temps un élément de réponse à cette zone d’ombre.
L’architecte, en effet, ne considère pas la pyramide de Kheops comme un monument isolé, fût-il le plus célèbre de l’Égypte antique. Il le replace dans une lignée, dans une logique architecturale selon laquelle, de la pyramide à degrés de Djoser aux pyramides lisses, chaque concepteur d’une pyramide reprenait les innovations mises en œuvre dans les précédentes, tout en faisant évoluer le concept architectural. C’est ce que Jean-Pierre Houdin résume sous le terme d’ “héritage”’. Et Khéops n’a pas échappé à la règle.
Deux observations
Deux observations ont retenu tout particulièrement l’attention de l’architecte.Tout d’abord, l’étrange décalage des couloirs et de la Grande Galerie, dans la pyramide de Khéops, par rapport à l’axe nord-sud. Un tel décalage ne pouvait être le fruit du hasard, ni d’un “plantage” de la part des architectes égyptiens : ceux-ci connaissaient à la perfection leur métier, nourri par une tradition bien ancrée. Donc, pas d’erreur possible de leur part, mais un projet, un plan, même s’il n’est pas nécessairement facile à comprendre de prime abord, surtout lorsqu’on est englué dans ce que Jean-Pierre Houdin appelle la “pensée unique”.
Après avoir modélisé en 3D pendant des années de nombreuses solutions potentielles, la lumière est finalement venue - telle fut la deuxième observation, véritable pivot de Kheops Renaissance - d’une autre pyramide : la Rouge, dernière réalisation de Snéfrou, père de Khéops. Or, qu’y constate-t-on ? Cette pyramide, construite juste avant celle de Khéops, renferme deux magnifiques antichambres couvertes en encorbellement, précédant l’entrée dans la chambre funéraire. Elles sont au niveau de la base de la pyramide, alors que la chambre est plus élevée de près de 8m. C’est une évolution dans l’architecture pyramidale : les appartements funéraires prennent de la hauteur.
“Pourquoi d’un seul coup, se demande alors Jean-Pierre Houdin, les architectes de Khéops auraient-ils abandonné ce type d’antichambres ? Ils avaient déjà fort à faire avec la nouvelle technique de couverture de la Chambre du Roi (plafond plat) et n’allaient pas tout changer d’une pyramide à l’autre. Ils se devaient de respecter leur tradition, c'est-à-dire “évoluer”, mais non pas “révolutionner”.
Les 2 antichambres et la chambre funéraire de la pyramide Rouge |
Les 2 antichambres et la chambre funéraire de la pyramide de Kheops : le copier-coller est parfait |
“Mon enquête progressait très nettement, ajoute l’architecte-chercheur : j’avais un modèle parfait d’antichambres, semblables à celles que l’on peut visiter aujourd’hui dans la pyramide Rouge à Dahchour. Et grâce au logiciel de conception 3D CATIA de Dassault Systèmes, il ne me restait plus qu’à coller ce modèle sur la grille de Khéops en tenant compte des différents éléments déjà connus ou que j'avais trouvés :
- pour la Chambre de la Reine : une deuxième entrée, une section du “Circuit Noble” et un conduit nord très dévié ;
- pour la Chambre du Roi : une deuxième entrée très précisément située et un conduit nord au parcours bizarre.
Et là encore : surprise ! Le modèle s'imbriquait parfaitement. Non seulement l’ensemble des deux antichambres de la pyramide Rouge “rentrait” exactement dans la grille, mais il était centré sur l’axe nord/sud. Les deux antichambres de la pyramide Rouge et le “Couloir Noble” associé s’inséraient parfaitement dans la pyramide de Khéops. L’architecture intérieure de la Grande Pyramide commençait enfin à ressembler à une architecture funéraire de la IVe dynastie égyptienne.”
Pyramide Rouge et pyramide de Khéops :
cherchez la ressemblance !
Le dossier de presse, résumant les recherches et conclusions de Jean-Pierre, et remis lors de la présentation officielle de Kheops Renaissance, le 27 janvier 2011, apporte un éclairage complémentaire :cherchez la ressemblance !
“La pyramide Rouge, y lisons-nous, possède un plan d’une grande pureté. La chambre funéraire est dans l’édifice, précédée de deux antichambres. Le couloir d’accès, les antichambres et la chambre sont parfaitement dans l’axe du monument. Les antichambres servaient à entreposer le mobilier funéraire laissé au défunt. Ce plan très pur, ces antichambres, ont amené Jean-Pierre Houdin à se poser la question de l’héritage de Khéops. Pas d’antichambres dans sa pyramide, des couloirs étrangement décalés ? Pourquoi cette apparente incohérence dans le plan de la Grande Pyramide ? Pourquoi la technique des antichambres à voûte en encorbellement, parfaitement maîtrisée depuis longtemps, n’a-t-elle pas été reconduite ? Khéops n’aurait-il pas eu de mobilier funéraire ? Difficile à envisager pour un roi qui nous a laissé le plus imposant monument qui soit ! “
D’où l’intuition de l’auteur de Kheops Renaissance de superposer les plans des deux pyramides. Poursuivons notre lecture : “Jean-Pierre Houdin remonte le couloir de la pyramide Rouge et les antichambres de manière à ce que celles-ci deviennent celles de la chambre de Khéops. La superposition est parfaite. Mieux, elle explique maintenant le fameux décalage des couloirs descendant et ascendant et de la Grande Galerie. Par contre, l' "ensemble" formé par les deux antichambres est parfaitement orienté selon l'axe nord/sud et le mur ouest de la deuxième est dans le même alignement que le mur ouest de la Chambre du Roi.
Vue de dessus |
Dès lors, le plan de la pyramide s’éclaire sous un jour nouveau. D’une part, une “filiation” architecturale cohérente entre la pyramide Rouge et celle de Khéops est rétablie ; d’autre part, l’étrange décalage de la distribution des couloirs connus jusqu’ici s’explique.”
En rouge : les deux antichambres
En jaune : le "Circuit Noble"
En violet : l'entrée "à prise multiple"
La recherche progressant, l’intuition, nourrie par des indices et une étude comparative des pyramides des IIIe et IVe dynasties, est devenue pour Jean-Pierre Houdin une évidence : la Chambre du Roi de la Grande Pyramide, à l’instar de la disposition interne de la pyramide Rouge, et selon la logique de la “filiation” architecturale, était elle-même précédée de deux antichambres à voûte en encorbellement.En jaune : le "Circuit Noble"
En violet : l'entrée "à prise multiple"
Dernière observation : à l'intérieur de la deuxième antichambre de la pyramide Rouge, en hauteur, trois paires de trous circulaires se font face. Le niveau supérieur de ces trous est exactement au même niveau que celui du sol du couloir menant à la chambre funéraire. Selon Jean-Pierre Houdin, ces trous ont servi à l’encastrement des poutres en bois en travers de l’antichambre et, sur ces poutres, les constructeurs égyptiens ont posé une sorte de “piston” fait d’une longue pièce de bois actionnée en contrebas grâce à un système de cordages. Il suffisait de tirer sur celui-ci pour faire avancer le piston dans le couloir menant à la Chambre du Roi. Le piston faisait alors avancer un bloc qui, en glissant sur une très fine couche de sable, finissait par venir buter contre le dallage de la Chambre du Roi et sceller pour toujours son entrée.
Quant à ce bloc de fermeture, il avait tout simplement été stocké dans le mur est du couloir, dans un petit passage perpendiculaire dans lequel son “jumeau” était lui aussi stocké ; un astucieux système, basé sur un bloc-poussoir et dérivé d’une technique de fermeture par herse utilisée dans la pyramide Rhomboïdale à Dahchour, poussait, une fois une cale enlevée, les deux blocs jumeaux d’un cran : le bloc de fermeture se retrouvait dans le couloir prêt à être poussé par le piston et son jumeau prenait sa place dans le mur. Ce système est observable dans la pyramide Rouge.
Le transfert de cette même technique sur la pyramide de Khéops semble, pour Jean-Pierre Houdin, devoir ici encore s’imposer : pourquoi, au nom de quel souci d’originalité, les bâtisseurs de la Grande Pyramide se seraient-ils abstenus de ce qui, dans l’art et la manière de sceller une pyramide, représentait sans nul doute le fruit d’un héritage architectural que rien, au demeurant, ne les autorisait à enfreindre ?
De nombreux siècles de myopie archéologique
Dût-il affronter les foudres des représentants nobiliaires de l’égyptologie ou des chercheurs plus ou moins aguerris dans le vaste et inépuisable domaine de la pyramidologie, Jean-Pierre Houdin ne pouvait plus échapper à ses propres convictions : le vrai tracé de la procession funéraire à l’intérieur de la Grande Pyramide réapparaissait, à ses yeux, au grand jour de l’analyse structurelle du monument. Ce faisant, sans pour autant prétendre jouer les trouble-fêtes ni, a fortiori, les kamikazes, il s’attend à devoir faire face à de nombreux siècles de myopie archéologique. Mais son nouveau plan de la Grande Pyramide a, selon lui, le mérite de se baser sur l’histoire et un raisonnement cohérent, et, tout en étant géométriquement correct, d’expliquer de nombreuses étrangetés dans le plan de la pyramide.
Il rend surtout au roi Khéops, selon l’architecte, des antichambres pour son mobilier funéraire, constat logique et bien loin des fantasmes des chasseurs de trésor.
Jean-Pierre Houdin aime à reprendre, à propos de ces antichambres (du volume creux), une phrase d’un ami qui lui a écrit pour le féliciter : “Tu as comblé un vide historique avec un trou plusieurs fois millénaire…”.
Cela résume tout…
Les indices de la pyramide Rouge
“La pyramide Rouge à Dahchour comporte deux antichambres. À l'intérieur de la deuxième, en hauteur, trois paires de trous circulaires se font face. Le niveau supérieur de ces trous est exactement au même niveau que le (exactement le même que celui du) sol du couloir menant à la chambre funéraire. J’imaginais que ces trous avaient servi à encastrer des poutres en bois en travers de l’antichambre et que sur ces poutres, les Égyptiens avaient posé une sorte de “piston” fait d’une longue pièce de bois actionnée en contrebas grâce à un système de cordages. Il suffisait de tirer sur celui-ci pour que le piston avance dans le couloir. Il poussait alors le bloc qui, en glissant sur une très fine couche de sable, finissait par venir buter contre le dallage de la Chambre du Roi et sceller pour toujours son entrée.
Ce scénario était parfait, mais il manquait le plus important : comment pousser un bloc qui ne pouvait pas avoir été hissé aussi haut et qui ne pouvait pas avoir été stocké dans le couloir (car il aurait empêché le passage de la procession funéraire). C’était la quadrature du cercle !J'ai trouvé une partie de la réponse dans une autre pyramide de Snefrou : la Rhomboïdale, construite juste avant la Rouge.” (Jean-Pierre Houdin)
Les indices de la pyramide Rhomboïdale
“Pour bloquer le passage et interdire l’accès à la chambre funéraire de Snefrou, les architectes avaient installé dans le couloir qui la dessert deux énormes herses qui, avant d’être abaissées, étaient retenues dans des logements très étroits et inaccessibles. La manière dont ces herses étaient libérées pour obturer le passage m'intéressait au plus haut point :- d’un côté, en position haute, elles étaient maintenues plaquées contre un petit bloc qui empêchait qu’elles restent collées sur place au moment de leur lancement ;
- de l’autre, une simple cale de bois (en rouge) les maintenait dans cette position haute.Pour fermer le passage, il suffisait aux ouvriers d’enlever la cale et la herse s’abaissait automatiquement.” (Jean-Pierre Houdin)
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- Em Hotep : un dossier en anglais, par Keith Payne, sur la théorie de Jean-Pierre Houdin