Comme auteur, il est notamment connu pour son roman Anastasius, inspiré par la culture musulmane et le monde ottoman.
Dans son ouvrage An historical essay on architecture (édition posthume en 1835), traduit en français, sous le titre Histoire de l’architecture, par A. Baron en 1839, il dresse une comparaison entre les architectures indienne et égyptienne, dans le but de démontrer leurs rapprochements, mais surtout les spécificités de l’une et de l’autre.
Bien qu’aucun chapitre de son livre ne soit consacré à la construction des pyramides d’Égypte, Thomas Hope apporte toutefois ces deux précisions :
- reprenant ce qu’affirmait déjà Aristote, il pense que le recrutement massif des paysans égyptiens pour le chantier des pyramides était “un moyen tout naturel d'occuper cette population si nombreuse” ;
- apportant quelques nuances par rapport au “récit naïf d’Hérodote”, il affirme que Khéops, par-delà son “despotisme inouï”, payait ses ouvriers, au point d’ “épuiser son trésor dans l’entreprise”.
Hope en habit oriental, d’après un portrait de William Beechy
(Wikimedia commons)
“Les Égyptiens, dans leurs connaissances et leurs monuments astronomiques, dans leurs doctrines et leurs pratiques religieuses, dans leurs mœurs et leurs habitudes, dans leurs œuvres d'art et d'industrie, originales ou imitées, dans leur architecture surtout, ont avec les Indiens de frappantes analogies ; ils conservent certaines traditions semblables à celles des Indiens ; ils croient à la métempsycose ; ils admettent que les âmes, originairement dégagées de l'essence suprême, de l'âme universelle du monde, doivent finir par aller s'y confondre de nouveau ; comme les Indiens, ils ont de larges excavations et d'immenses monuments isolés ; les premières s'appuient sur des piliers massifs et écrasés, les seconds préfèrent la forme pyramidale, mais les unes et les autres ont pour ornements favoris le lotus, le palmier, et beaucoup d'autres symboles homogènes dans les deux pays ; les figures représentées sur les monuments égyptiens sont raides et immobiles comme celles des antiquités indiennes ; de tout cela, bien des personnes ont conclu que les arts et les sciences de l'Égypte, et particulièrement son architecture, ne sont qu'une dérivation ou plutôt une imitation de l'Inde ; à leurs yeux les grottes de la Thébaïde sont nées des excavations d'Ellora, et les pyramides d'Égypte des pagodes indiennes.Analogies entre les arts égyptien et indien
Ces prémisses ne suffisent cependant pas pour amener une telle conclusion. En tout pays, les phénomènes naturels les plus généraux et les plus frappants, ceux qui exercent sur la condition des habitants l'influence la plus marquée et la plus étendue, doivent aussi devenir les premiers objets des observations, des recherches, de la science, en un mot. L'architecture, ainsi que tous les arts d'utilité positive, dérive essentiellement, comme nous l'avons vu, des spécialités du climat, de la localité et des matériaux que produit un pays ; elle doit donc nécessairement offrir certaines analogies dans deux pays divers, quand ces pays ont les mêmes caractères primitifs, et cette uniformité de traits n'empêche pas qu'elle soit originale dans l'un et dans l'autre, car il arrive souvent qu'ils n'ont eu aucune communication entre eux.
L'Égypte a, comme l'Inde, un climat chaud, une rivière qui prend sa source dans de hautes montagnes et qui est sujette à des débordements annuels dont dépend la fertilité du sol, un terrain d'alluvion coupé par des canaux et des ruisseaux nombreux destinés aux irrigations indispensables ; les deux pays produisent des animaux et des végétaux de même espèce, dans les amphibies comme dans les autres classes ; la nymphaea croît sur les eaux, le bananier et le palmier, le long des rivages, avec une égale abondance. Autour de ce pays plat et humide, s'élève un cercle de roches arides, servant uniquement de magasins pour les provisions, de demeures pour les vivants, de tombeaux pour les morts, et produisant, en conséquence, chez les habitants, une grande conformité dans la manière de vivre, dans l'industrie, dans la nature des espérances, des craintes, des plaisirs, des études, des méditations. Aussi chacun de ces pays présente avec l'autre des analogies remarquables, mais qui s'expliquent aisément par le caractère même des contrées où elles existent. Ajoutez à cela que, partout, dans l'enfance de l'architecture, la difficulté de clore un vaste espace et d'allier la solidité à la légèreté, produit la lourdeur à l'intérieur, et à l'extérieur, la forme en talus.
De même, dans l'enfance de la sculpture, l'impuissance à saisir et à fixer les phénomènes toujours variés du mouvement et de l'expression, fait naître la raideur des membres et l'immobilité des traits ; c'est ce qui explique comment ces caractères se rencontrent les mêmes en divers lieux. On ne trouve donc rien, dans les arts de l'Égypte et spécialement dans son architecture, qui l'empêche de prétendre à l'originalité, ou qui oblige à la considérer comme une dérivation et bien moins encore comme une imitation de l'architecture indienne.
En effet, si l'art égyptien présente avec l'art indien quelques analogies qui pourraient faire soupçonner entre eux une sorte de filiation, il existe d'une autre part des différences assez notables pour éloigner complètement cette idée.(...)
Les Égyptiens, aussi admirables que les Indiens dans leurs excavations, leur sont de beaucoup supérieurs dans ces édifices qui, comme les temples de Thèbes et les pyramides de Memphis, se détachent de la surface du sol, et se composent de blocs de pierre d'un poids énorme, transportés à une distance immense de la carrière, élevés à une hauteur surprenante, taillés et unis entre eux de la manière à la fois la plus ingénieuse et la plus solide ; or, tout cela suppose des connaissances en mécanique et une adresse extraordinaire, dont les constructions de l'Inde n'offrent aucun exemple. (...)
Non pas imitation, mais similitude de circonstances
Ainsi donc, si l'architecture égyptienne semble devoir renoncer à la priorité d'origine, si elle n'est supérieure que par une plus grande originalité de formes à l'architecture indienne, d'ailleurs plus ancienne qu'elle, il faut reconnaître aussi que les analogies incontestables qui existent entre l'une et l'autre sont l'effet non de l'imitation, mais de la similitude de circonstances que nous avons signalée. (...)
(...) en Égypte, comme aux Indes, la facilité de l'alimentation ne tarda pas à multiplier le nombre des habitants ; ceux-ci quittèrent alors le voisinage des montagnes et se répandirent dans des plaines plus éloignées ; peu à peu ils furent forcés de bâtir à la surface de la terre, au lieu de se ménager des retraites dans son sein ; ils réservèrent dès lors pour les édifices d'une destination importante et durable, ces pierres solides, mais pesantes, qu'il fallait chercher au loin , et ensuite transporter, travailler et élever à grands frais. Quant aux constructions moins essentielles et plus transitoires, ils y employèrent des matériaux plus fragiles, comme la terre glaise et le jonc, que les eaux fournissaient en abondance ; leur architecture réunit ainsi les deux extrêmes, d'un côté la plus massive indestructibilité, de l'autre la fragilité la plus périssable.
Dans ce pays, comme nous l'apprend Diodore de Sicile, toutes les classes de la société, frappées de la rapidité de l'existence humaine sur la terre, se firent une règle d'attacher peu d'importance aux commodités de la vie, et de se donner peu de peine pour tout ce qui pouvait ajouter à la pompe de ce monde ; ils appelaient les passagères demeures de l'homme vivant du nom d'hôtelleries, et ne voulaient de durée que pour le séjour des morts ; il suivait de là que complètement indifférents à l'insignifiance de leurs maisons, ils s'appliquaient uniquement à donner toute la solidité possible aux asiles qui les attendaient après la mort, et aux temples des dieux immortels ; les habitations privées de toutes les classes, des nobles comme du peuple, des riches aussi bien que des pauvres, semblent avoir toutes été faites avec des matériaux également fragiles. C'était uniquement quand il s'agissait des monuments de la science, des lieux consacrés au culte, des temples, des aqueducs, des catacombes, que l'on transportait avec d'incroyables travaux, des entrailles des montagnes sur le dos des plaines, les blocs immenses de pierre ou de granit ; et c'est, sans doute, pour cette raison que, sur l'emplacement de leurs cités les plus fameuses, dans les lieux mêmes où l'on voit des restes d'édifices publics d'une grandeur extraordinaire, on ne trouve aucune trace de maisons particulières. Celles-ci disparurent avec la civilisation ; formées de boue et de roseaux, elles furent bientôt entraînées par les inondations périodiques et rentrèrent au sein des eaux, d'où elles étaient originairement sorties.
Traiter de l'architecture égyptienne, c'est parler de ce que l'art a produit de plus étonnant sous le rapport des dimensions, de l'énormité des parties, et de la solidité de l'ensemble. Les descriptions qu'Hérodote et Diodore de Sicile donnent des édifices de l'antique Égypte paraîtraient incroyables, s'il ne restait assez de ces merveilles pour témoigner en faveur de la véracité des écrivains. Elles ont survécu aux injures du temps et aux injures bien autrement funestes des derniers habitants, qui en ont changé quelques-unes en véritables carrières d'où ils tirent les matériaux de leurs maisons, et qui n'en ont laissé d'autres intactes que pour bâtir sur le faîte, comme au sommet d'autant de rocs, des villages entiers, qu'on dirait des oiseaux de proie perchés sur la carcasse d'un géant.
Peut-être ne sera-t-il pas inutile de s'arrêter ici pour faire une observation. L'Égypte n'est qu'une langue de terre étroite ; elle se forme tout entière des rives d'un seul fleuve ; elle n'est susceptible de culture qu'autant que son terrain tout d'alluvion peut recevoir, naturellement ou artificiellement, l'inondation annuelle de ses eaux ; cette étroite vallée est bornée des deux côtés par des déserts, et à son extrémité par une mer où les Égyptiens ne s'aventuraient jamais ; les dogmes de leur religion et leurs préjugés leur défendaient tout commerce, tout rapport avec les nations étrangères ; or, dans un tel état de choses, comment les maîtres de ce pays ont-ils pu, sans opprimer leurs sujets, élever un si grand nombre d'édifices tellement prodigieux qu'il en est plusieurs dont la construction défierait aujourd'hui les ressources et le pouvoir du plus grand potentat de la terre, de celui dont la plus petite province surpasse en étendue tout l'empire des Pharaons d'Égypte ?
Je dis sans opprimer leurs sujets, car Chéops, qui bâtit l'une des pyramides, est le seul que les prêtres aient accusé d'avoir employé des moyens tyranniques pour subvenir à ses dépenses. (1) Les autres fondateurs d'édifices non moins prodigieux n'ont pas été en butte aux mêmes reproches. Le frère et successeur de Chéops, Chephren, put trouver de quoi élever une seconde pyramide aussi magnifique que la première ; après Chephren, Mycerinus, qui en ajouta une troisième, non seulement n'encourut aucun blâme, mais est même cité avec éloge. Et quant à Chéops lui-même, le crime d'impiété qu'on a joint à celui de tyrannie fait supposer que, s'il fut exposé à cette dernière inculpation, c'est qu'au lieu de demander à la masse de la nation l'argent qui lui était nécessaire, il le chercha dans la bourse des prêtres qui l'accusèrent. (...)
Loin que le défaut de bras se fît sentir et qu'il fallût recourir à la tyrannie pour élever ces monuments, peut-être n'étaient-ils qu'un moyen tout naturel d'occuper cette population si nombreuse, si pressée, qui, sans eux, serait restée complètement oisive, et au sein de laquelle auraient pu fermenter des agitations destructrices de l'autorité souveraine ; peut-être la vénération superstitieuse envers les dieux et les soins religieux à l'égard des morts n'étaient-ils inspirés au peuple, que pour qu'il se soumît plus aisément au travail et oubliât de menacer l'existence des vivants.”
(1) Chéops, trouvant dans le calendrier égyptien trop de jours fériés et trop peu de jours de travail, prit la liberté de réduire le nombre des premiers, pour accélérer son ouvrage. Le clergé, par cette suppression, perdit une partie des sacrifices ordinaires, et représenta ce prince comme le pire des hommes et le plus cruel des tyrans. Dans le récit naïf d'Hérodote, les motifs qui déterminèrent le clergé se trahissent eux-mêmes ; car tout en prétendant qu'il força le peuple à travailler pour lui par un acte de despotisme inouï, les prêtres admettent qu'il payait les ouvriers, puisqu'ils ajoutent qu'il épuisa son trésor dans cette entreprise. Chephren qui, nonobstant la pénurie de son prédécesseur, trouva moyen de bâtir une autre pyramide, fut aussi dénigré par le sacerdoce pour avoir refusé de rétablir les fêtes abolies par son frère ; mais Mycerinus, le fils de Chephren, qui non seulement éleva une troisième pyramide, mais se rendit coupable de crimes odieux, ne fut point compris dans cette proscription, parce qu'il rouvrit les temples et remit en honneur les fêtes supprimées. Aucun reproche de tyrannie ou de prodigalité ne fut adressé ni à Asgekis qui, par la splendeur du temple de Vulcain et par ses pyramides en brique, chercha à éclipser tous ses prédécesseurs, ni aux rois qui bâtirent les trente autres pyramides qu'on vit s'élever successivement le long des rives du Nil.
Texte original en anglais : voir ICI
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