L'ingénieur, géographe et cartographe français Alain Manesson Mallet (1630-1706) est l'auteur d'une importante publication dans le domaine de l'architecture militaire : Les Travaux de Mars ou l'Art de la Guerre (1671-1684) en 3 volumes. Il publia également, en 1683, sa Description de l'univers : contenant les différents systèmes du monde, les cartes générales et particulières de la géographie ancienne et moderne, 5 volumes, d'où est extrait le texte qui suit.
L'auteur s'est contenté d'observations sommaires sur les pyramides d'Égypte, mais suffisantes toutefois pour y manifester son propre étonnement, ainsi que celui de "quelques voyageurs", face aux masses imposantes de ces monuments. Ce faisant, c'est l'expert dans l'art de la construction, reconnu comme tel par le grand Vauban, qui s'y exprimait.
"Les Égyptiens entre les peuples de l'Antiquité ont le plus affecté de laisser des marques solides et durables de leur ostentation et de leur piété envers les morts. Car s'imaginant que les âmes au sortir du corps ne laissaient pas d'errer tout autour aussi longtemps qu'il pourrait être conservé, ils lui bâtirent un séjour après la mort qui pût subsister beaucoup plus d'années que celui qui lui était destiné pendant sa vie, et dans cette vue, ils élevèrent des pyramides pour servir de tombeaux à des cadavres qu'ils embaumaient avec beaucoup de soin.
Trois des plus remarquables de ces pyramides sont à quelques lieues du rivage occidental du Nil, et à peu près vis-à-vis du Caire. Leur aspect admirable et superbe persuade facilement qu'on les avait mises avec justice au rang des 7 Merveilles du monde.
La plus grande des trois a été bâtie par un roi d'Égypte que quelques auteurs nomment Copthus ou Cheospes, et quelques autres Chemnis. Ceux qui en font Chemnis fondateur disent qu'il employa à sa construction trois cent soixante mille hommes pendant vingt années, et qu'elle lui fut inutile, parce qu'ayant oppressé le peuple par la longue fatigue de ce bâtiment, on le menaça de brûler son corps après sa mort ; ce qui l'obligea à commander qu'on l'enterrât ailleurs en secret.
Le plan de la plus grande pyramide est un carré long. Chaque face est triangulaire qui finit vers son sommet à peu près en pointe. Car à quelque distance de son extrémité vers sa pointe, on a pratiqué une plate-forme sur laquelle on monte par dehors, car les faces sont disposées par degrés, et chacune en a deux cent six ou deux cent huit, étant difficile d'en déterminer le nombre à cause que l'injure du temps en a rompu quelques-uns et qu'il s'est amassé beaucoup de sable à leurs pieds.
Toute la masse du bâtiment est de grosses et de longues pierres du pays, qui ont la dureté du marbre ; et celles qui forment des degrés sont inégales entre elles. Car il y en a qui ont quatre pieds de hauteur, et trois de retraite ou de largeur, mais il y en a d'autres qui en ont beaucoup moins.
Dans le centre ou milieu de la pyramide, il y a une salle magnifique, dont le pavé, le lambris et le plafond sont de la même pierre, et sur l'un des côtés, on voit le tombeau destiné pour son fondateur. Il est d'une seule pierre, détaché de la masse du bâtiment.
On est saisi d'étonnement quand on regarde la partie intérieure et l'extérieure de la pyramide, et que l'on fait réflexion sur les moyens inconcevables dont se sont servis les architectes pour élever si haut ces énormes masses de pierres, et en faire les assises avec tant d'ordre et de justesse. Ce qui a fait dire à quelques voyageurs qu'ils croyaient que c'a été une montagne de pierre qu'on a creusée en dedans et taillée en dehors, ainsi qu'elle paraît.
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Les momies sont des cadavres que les anciens Égyptiens embaumaient avec beaucoup de précaution, par le même sentiment de piété qui les obligeait à élever des pyramides. Ainsi le terrain où l'on trouve les momies est un vaste cimetière auprès du village de Saccara, et même on y voit encore d'autres pyramides dispersées dans les campagnes de sable qui forme tout ce terrain.
Ce sable, qui est extrêmement jaune et délié, couvre une infinité de puits ou de profondeurs qui descendent à plomb dans des grottes ou chambres taillées et pratiquées de niveau dans des carrières de pierres blanches. Chaque grotte est de figure carrée, et comprend plusieurs réduits dégagés l'un de l'autre, où l'on trouve des momies ou cadavres ; les uns dans des tombeaux de la même pierre, les autres dans des caisses ou bières faites de bois de sycomore qui résiste à la corruption des vers.
Il y a des momies qui ont sur la face une feuille d'or délicatement appliquée ; ce qui marque que la personne était de qualité. Mais toutes en général sont enveloppées avec une infinité de bandelettes de toile de lin que l'on frottait d'une gomme ou composition propre à empêcher la pourriture."
L'illustration est une reproduction extraite de l'ouvrage de Manesson Mallet. Merci au Dr. Frances W. Pritchett pour m'avoir autorisé à reprendre la copie qu'il en a faite sur son site Internet.
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