dimanche 22 décembre 2019

"Les Pyramides commandent la vénération, encore plus que l'admiration" (Charles Lallemand)


photo extraite de l'ouvrage de Ch. Lallemend
 "L'Égypte est le "pays des Pyramides"; le Caire est la "ville des Pyramides".
Les Pyramides sont comme la signature historique et nationale de cette contrée d'où la lumière, la civilisation, les lettres et les arts ont pris leur essor, pour rayonner sur le monde entier, en passant par la Grèce. À ce tire, les Pyramides commandent la vénération, encore plus que l'admiration.
Expression colossale de ce qui a pu sortir des mains des hommes, elles sont là depuis cinquante ou soixante siècles, inrenversables ; et elles diront bien encore à cinquante ou soixante autres siècles que l'Égypte fut le berceau des civilisations du vieux monde, et que les populations riveraines du Nil ont pu édifier en ces temps reculés des constructions gigantesques, "merveilles du monde". Merveilles d'architecture surtout, si, sans s'attacher à la prodigieuse accumulation des matériaux, l'on considère, pour admirer sans réserves, la conception de l'intérieur de l'édifice, conception qui permet de ranger l'architecte de la pyramide de Chéops parmi les plus grands artistes de n'importe quel temps.
Les "savants d'à côté", comme il y en aura toujours, n’ont pas manqué d'attribuer aux Pyramides les destinations les plus variées : astronomique, météorologique ou climatérique. Il en est qui ont poussé la fantaisie jusqu à voir dans ces édifices le suprême refuge de la race humaine pour le cas de quelque nouveau déluge universel.
Les constatations scientifiques indiscutables qui ont eu raison de ces chimères, d'accord en cela avec les auteurs anciens, permettent d'affirmer une fois pour toutes, que les Pyramides sont des constructions tumulaires royales, remontant aux premières dynasties pharaoniques. Tumulaires, puisque les sarcophages y ont été retrouvés ; royales, parce que l'on connaît le nom des monarques qui y avaient été ensevelis et que, du reste, les tombes royales pouvaient, seules, être terminées en pointe. Hérodote, le père de l'histoire, qui a visité Les Pyramides quatre siècles et demi avant J.-C., alors qu’elles portaient encore des revêtements couverts d'inscriptions, nous a transmis les noms des rois qui les ont construites. Ces renseignements concordent avec ceux d'autres écrivains, comme Eratosthène et Diodore, et aussi avec les découvertes modernes, qui ont montré le nom de Chéops écrit dans l’une des chambres supérieures.

Il est donc avéré que les trois grandes Pyramides de Gizèh ont été construites par Chéops, Chephren et Mikérinus, dont les noms sont écrits Khoufou, Khafra et Menkéra, dans les inscriptions.
On connaît, entre le Delta et Fayoum, sur un parcours d'environ 75 kilomètres, plus de 80 Pyramides mais lorsqu'il est question des "Pyramides d'Égypte", on entend surtout parler des trois Pyramides de Gizèh, qui sont les plus grandes, les mieux conservées et les plus commodes à visiter, étant à peine à 12 kilomètres du Caire, auquel elles sont reliées par une fort belle route.
Vues de loin, de la citadelle du Caire ou des rivages du Nil, silhouettes dorées, empourprées, roses ou grises, selon l'heure du jour et l'éclat de la lumière, les Pyramides font aux paysages verdoyants de l'immense vallée un horizon dentelé, délicieusement original.
Et, sur la grande route qui mène en ligne droite du Nil à Gizèh, quand elles apparaissent encadrées par les branches des arbres ou reflétées dans quelque vaste mare laissée par l’inondation retirée, elles s’arrangent en des motifs gracieux et pittoresques.
De plus près, en bas de la côte, on éprouve quelque déception. Le défaut d'échelle ne permet pas une juste appréciation, et la masse rocheuse sur laquelle elles sont établies, leur fait, au point de vue du volume, une visible concurrence. Mais aussitôt que l’on parvient sur le plateau, on se sent empoigné et comme écrasé par leurs proportions colossales, par ces masses énormes, auprès desquelles les Bédouins groupés contre les assises inférieures apparaissent comme des fourmis au pied d'un gros chêne. On a alors le sentiment du volume prodigieux de ces édifices étonnants, de leur âge extraordinaire, et aussi de leur indestructibilité. On a devant les yeux des œuvres humaines qui dureront autant que les montagnes."


extrait de Le Caire, de Charles Lallemand (1826-1904), écrivain, peintre dessinateur et illustrateur

samedi 23 novembre 2019

Bilan des recherches de ScanPyramids (fin 2019)

La vidéo qui suit expose le bilan (novembre 2019) et les nouvelles orientations de recherche de la mission #ScanPyramids.
À ce stade des recherches, les différentes techniques mises en œuvre sont parvenues au constat que le "Big Void" au-dessus de la Grande Galerie de la Grande Pyramide de Giza est plus long qu'annoncé initialement. Il serait de 40 mètres de long. Son orientation reste encore à déterminer.
Les recherches portent également sur le couloir situé derrière les gigantesques chevrons de la face nord de la Grande Pyramide. 


 

ScanPyramids 2019 French Video Report from HIP Institute on Vimeo.

Sur ce sujet, un article de Science et Avenir, par Bernadette Arnaud : cliquer ici

La vidéo en anglais 

vendredi 8 novembre 2019

Seila : une modeste, mais vraie pyramide !



Pyramide de Seila (Seïlah) est située au sud de Kom el-Hammam
dans la région du Fayoum
Évidemment, elle ne peut rivaliser avec les stars du plateau de Guizeh. Elle ne joue pas dans la même cour. Quand on ne mesure que 7 ou 8 m de haut et que l’on ne comporte comme éléments structurels que 4 degrés ou rangées de pierres, de surcroît dans un piteux état, on adopte le profil bas. 
Et pourtant ! Elle peut quand même se prévaloir d’être attribuée à Snéfrou, dont le “patrimoine immobilier” inclut - excusez du peu ! - la pyramide Rouge, la pyramide Rhomboïdale et la pyramide de Meïdoum.

La pyramide de Seila (Seïlah) - car c’est bien d’elle qu’il s’agit - est située un peu au sud de Kom el-Hammam dans la région du Fayoum. Ses quatre côtés sont presque parfaitement alignés sur les quatre points cardinaux, “faisant de cette pyramide la première à offrir cette particularité”. Elle est la plus au nord d’une série de sept petites pyramides à degrés, échelonnées dans la vallée du Nil, la plus au sud étant sur l’île Éléphantine.  

Ses caractéristiques sont modestes. Elle ne possède même pas de chambre funéraire ! Édifiée sur un monticule, elle devait mesurer, dans son état originel, une vingtaine de mètres de hauteur (les évaluations varient de 17,8 m à 21 m). Toujours à l’origine, chacun de ses côtés, à la base, mesurait une trentaine de mètres, soit un “coeur” de 15 m + 2 fois 3 couches d’accrétion de 2,50 m chacune. Aujourd’hui, la base est réduite à 25 m. L’inclinaison des gradins est évaluée à 76°.

Pyramide de Seila (Seïlah) est située au sud de Kom el-Hammam 
dans la région du Fayoum
Faisant suite à une première description de la pyramide par William Matthew Flinders Petrie, qui qualifie l’édifice de “mastaba”, Ludwig Borchardt (1863-1938) se rend sur le site en 1898, mais n’entreprend pas de fouilles proprement dites. Il se contente d’étudier brièvement le monument et d’en publier une très courte description ("Die Pyramide von Silah," ASAE I, 1900). Ce qu’il observe des vestiges, avec notamment des inscriptions du constructeur, l’amène à penser qu’il s’agit bien d’une pyramide à degrés, non d’un mastaba, et qu’elle doit être attribuée au roi Snéfrou

En 1937, l’archéologue français André Pochan revient sur le site. Lui aussi se contente d’une prospection de surface et la datation qu’il propose, dans le “Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale” (28 mai 1937), reste floue. Elle diffère en tout cas de celle de Borchardt : “Cette pyramide, écrit-il, pourrait dater de la XIIe dynastie ; elle se dresse dans un paysage vraiment imposant. Éventrée, elle pourrait néanmoins fournir des renseignements importants pour l’histoire du lac Moeris, car elle se trouve à proximité d’un site, non encore fouillé à ma connaissance, et qui semblerait correspondre à l’ancienne Sanah de Maqrizi et d’Abû Sâlih.”

La première étude “sérieuse” de la pyramide est à attribuer à Jean-Philippe Lauer. Cet égyptologue français effectue en 1962 des relevés de l’édifice, établis comme suit : 50 coudées égyptiennes (une coudée = environ 50 cm) pour chaque côté ; 40 coudées de hauteur ; 2,60 m pour l’épaisseur de chaque accrétion. Il attribue la pyramide à Houni, père de Snéfrou, ou à la reine Hétep-Hérès Ire, épouse de Snéfrou. La période de construction du monument serait donc à situer à la jonction entre la IIIe et la IVe dynasties.


Pyramide de Seila (Seïlah) est située au sud de Kom el-Hammam 
dans la région du Fayoum
En 1987-1988, succédant à une courte mission géologique menée en 1981 par Leonard H. Lesko, président du département d’égyptologie à l’Université Brown (USA), une nouvelle mission de fouilles prend la direction de l’oasis du Fayoum. Elle est dirigée par l’Américain C. Wilfred Griggs. Elle réunit des chercheurs des universités de Berkeley (Californie) et de Brigham Young, ainsi que l’égyptologue égyptien Nabil Swelim. Les archéologues découvrent à proximité de la pyramide une nécropole d’époque romaine et copte. Ayant entrepris de dégager la pyramide, ils constatent eux aussi, confirmant en cela l’étude de Lauer, qu’il s’agit d’une structure pleine à quatre degrés. Ils remarquent par ailleurs que des pillards ont autrefois éventré la construction et creusé à l’intérieur dans l’espoir, resté vain, d’y trouver quelque trésor dans une éventuelle chambre funéraire. Ils découvrent enfin sur le site les restes d’une statue brisée représentant le roi Snéfrou et une stèle comprenant les noms de ce pharaon. Aucune mention par contre de Houni. La conclusion s’impose donc : la pyramide de Seila a bien pour constructeur le premier pharaon de la IVe dynastie !

En l’absence de chambre funéraire, quelle était donc la fonction de cette pyramide ?
“Il pourrait s'agir, écrit Sébastien Polet dans “Scribium”, d'un lieu pour rendre hommage au roi divinisé (après sa mort). Ainsi, les habitants du Fayoum pouvaient rendre hommage à Snéfrou en allant à Seila, ils n'étaient pas obligés d'aller jusqu'à Dachour ou Meidum. Mais aussi séduisante soit cette théorie, il ne s'agit que d'une hypothèse.”

Dans son ouvrage “Architecture, Astronomy and Sacred Landscape in Ancient Egypt”, Giulio Magli établit un lien “strict” entre la pyramide de Meïdoum et celle de Seila, “as a companion to Meidum”, pour transmettre un “message de pouvoir”.

C’est ce que confirme Pascal Vernus, dans son “Dictionnaire amoureux de l’Égypte pharaonique” (Plon, 2009), lorsqu’il écrit à propos des sept pyramides mineures implantées dans la vallée du Nil : “Ces petites pyramides ne servaient pas de tombes à proprement parler, aucune ne comportant de dispositif sépulcral. Au mieux auraient-elles pu jouer le rôle de cénotaphe, extension du vaste dispositif funéraire dont la sépulture réelle était le centre, en la préfigurant dans l’espace et, sans doute, dans le temps, comme une sorte d’avant-garde monumentale. Par ailleurs, nul doute qu’elles signalaient et proclamaient à travers leur masse déjà ostensible, somme toute, la présence du pharaon dans les différentes circonscriptions de son territoire. Mais on ne saurait s’en tenir à ce genre d’explications, plausibles, recevables même, mais bien vagues. Il se pourrait qu’elles fussent intégrées dans des dispositifs rituels visant à réaffirmer et à régénérer la puissance du pharaon à certains moments de son règne, jugés cruciaux.” 
Marc Chartier

sources


La pyramide de Seila en Égypte” (Sébastien Polet)

Architecture, Astronomy and Sacred Landscape in Ancient Egypt, by Giulio Magli
Cambridge University Press, 2013 


Les pyramides "affirment l'espoir, mais seulement l'espoir de l'éternité" (Gabriel Hanotaux)


photo attribuée à Lekegian (circa 1875).
Les premières utilisations de la colorisation photographique datent du milieu du XIXe s.


"3 mars.  Réveil, le matin, dans une brume légère, délicate, transparente, qui enveloppe, éclaire, tamise et fait valoir tout.
Sur le balcon : Stupeur !... Les Pyramides. Elles sont là, - un peu là, - sur l'autre rive du Nil, suspendues dans cette brume radieuse ; les trois triangles dessinent géométriquement leur repos immuable. Se sont-elles donc rangées ici, depuis je ne sais combien de siècles, pour servir de sujets de "cartes postales" aux hôtels fastueux et aux touristes futiles ?
Le Nil leur arrange un premier plan de lumière, sur lequel de longues voiles de dahabiehs, comme de puissants oiseaux aquatiques, traînent leur ombre flottante. (...)
Les trois grandes Pyramides, sans parler des petites, font comme un troupeau, affirmant le parti pris de la civilisation mystérieuse. Mais nous ne voyons que "Chéops". Sa masse ne permet ni de regarder ni de respirer ailleurs. L’impression, c'est la mort, la mort démesurée. Telle est bien la volonté indéniable de ces anciens bâtisseurs. Terre morte, visage mort, passé mort, mort en terre, mort dans le ciel, mort à fond ; et, le tout, à force d'être mort, immortel. Et sans tarder, d'instinct, par un élan extraordinaire de la pensée on se reporte au plus extrême éloignement des souvenirs humains pour avoir quelque idée de ce qui s'était passé auparavant et qui avait permis aux rois de la IIIe dynastie, héritiers ultimes, d'élever, 3 ou 4 000 ans avant Jésus-Christ, un monument aussi parfait, d'une science aussi impeccable et, surtout, d'une conception philosophique aussi surprenante.
S'il n’y a pas une erreur de calcul d'un dix-millième dans l'égalité des mesures de chacun des côtés d’un carré de 233 mètres ; s'il en est de même pour le calcul du nivellement, bien qu'un accident de terrain, à la place même de la construction, ait rendu impossible la mesure directe d’un point à un autre ; si l'orientation de cette aiguille, qui marque le pas du soleil sur le sable, est impeccable ; s'il n’y a rien à relever dans l'équation et l'épure de l'immense bloc mathématique ; si l’on ne trouve pas une fissure où glisser un cheveu dans le jointement de ces lits de pierres qui pèsent en moyenne, chacune, deux tonnes et demie, à tel point que le colossal édifice a pu être assimilé à un "chef-d'œuvre d’orfèvrerie" ; s’il en est ainsi et que la science comme l’art soient sans défaut, il faut bien admettre qu'une préparation antérieure de milliers et de milliers d'années a, seule, permis à ces manieurs de pierres et de peuples de réaliser un si absolu prodige. Et il n’est pas isolé ! L'Égypte entière est pavée de chefs-d'œuvre. (...)
Tel est le problème auquel aboutit cet entassement de choses d'une si haute perfection géométrique et mécanique. Dans sa rigidité, elles affirment l'espoir, mais seulement l'espoir de l'éternité. C'est un premier pas, non le triomphe."

extrait de Regards sur l'Égypte et la Palestine, par Gabriel Hanotaux (1853-1944), de l'Académie française, diplomate, historien et homme politique français.

jeudi 8 août 2019

"La véritable pyramide géométrique à parois lisses est devenue, aux yeux des peuples modernes, comme le symbole même de l’Égypte" (Charles Boreux)

La grande Pyramide de Gîzeh (Pyramide de Khéops). Calcaire. IVe dynastie (environ 2800 ans avant J.-C.) 
(D'après Béchard et Palmieri, L 'Égypte et la Nubie, pl. XLIII)


"En Égypte, le culte du mort exigeait en principe deux monuments : d’une part, la chambre funéraire, qui constituait la sépulture proprement dite, et, d’autre part, la chapelle funéraire, ou, plus précisément, l’ensemble des pièces dans lesquelles étaient célébrées, ou censées l’être, les multiples cérémonies de l’offrande destinées à assurer la survie de celui qui en était l’objet. 
Déjà, lorsqu’il s’agissait de tombes de particuliers, le souci de séparer soigneusement la chambre - où le mort, à partir du jour des funérailles, était muré pour l’éternité - d’avec les salles de culte dont l’accès devait, au contraire, au moins à certaines dates, être laissé libre aux membres de la famille et aux prêtres, avait conduit les architectes égyptiens à ménager celles-ci au-dessus de celle-là, en avant et à l’intérieur d’énormes massifs en briques ou en pierre calcaire, élevés au-dessus du sol de la nécro- pole, et auxquels on donne aujourd’hui le nom de "mastabas". 
Quiconque a visité, à Sakkarah, les grands mastabas de la Ve et de la VIe dynastie - le mastaba de Tî, par exemple, ou encore celui de Mérérouka, lequel ne compte pas moins de trente-deux salles - ne saurait plus jamais oublier l’effet saisissant qu’ils produisent ; mais même les mastabas de dimensions moindres, lorsqu’ils alignaient les unes à côté des autres, en files régulières, les nobles proportions de leurs façades, ne devaient leur céder en rien à cet égard. L’impression laissée par les tombes royales était certainement plus grandiose encore, puisque, dans ces tombes, la distinction entre la chapelle et la chambre était réalisée au moyen d’un ensemble architectural beaucoup plus important. Ici, en effet, la chapelle, agrandie au point d’être remplacée par un véritable temple, formait une construction spéciale, accolée extérieurement à la façade orientale de la pyramide, et à laquelle on accédait par une longue chaussée couverte partant d’une autre construction bâtie sur la rive du Nil. Et, quant à la chambre funéraire, c’était, comme l’on sait, cette pyramide elle-même. 
Si les mastabas des hauts fonctionnaires de l’Ancien Empire ont été visiblement élevés à l’imitation des mastabas en briques dans lesquels les rois égyptiens se faisaient ensevelir au commencement de l’époque historique, ce dernier type de sépulture royale paraît être tombé assez vite en désuétude - peut-être, précisément, parce que les particuliers se l’étaient trop facilement approprié -, et les Pharaons, à partir de la IIIe dynastie, ont remplacé le mastaba en briques par la pyramide en pierre. Celle-ci, au début, n’est encore que la réunion de plusieurs mastabas édifiés en retrait les uns au-dessus des autres, et affecte, en conséquence, cette forme en escalier dont la pyramide à degrés du roi Djosir à Sakkarah (IIIe dynastie) et celle du roi Snéfrou à Meidoum (commencement de la IVe dynastie) nous ont conservé de si curieux exemples. Au contraire, les successeurs immédiats de Snéfrou adoptent définitivement la véritable pyramide géométrique à parois lisses, qui va rester dorénavant, jusqu’à la fin du Moyen Empire, la tombe royale par excellence, et qui est devenue, aux yeux des peuples modernes, comme le symbole même de l’Égypte. On peut dire, en tout cas, qu’elle représente l’expression la plus parfaite de l’art de ce pays, si cet art se caractérise bien, en effet, par la recherche des proportions colossales. 
Ce n’est pas seulement parce que ces proportions, quand on songe que les trois grandes pyramides de Gîzeh datent de la IVe dynastie, prennent l’aspect d’une sorte de défi constructif - la plus grande, celle de Khéops (Khoufou) devait mesurer autrefois près de 150 mètres de hauteur sur une longueur de côté de 230 mètres environ - ; c’est aussi, et surtout, parce que ces pyramides - prodigieux amoncellement de pierres entassées au-dessus d’un caveau de quelques mètres - 10 de haut - traduisent, bien moins encore que le désir de mettre le sarcophage d'un roi à l'abri des profanations, celui d'égaler à la majesté divine de ce roi l’énormité du monument dans lequel était dissimulée sa sépulture. 
Et sans doute le grand Sphinx de Gîzeh, gardien silencieux de la nécropole, accroupi depuis cinq mille ans devant la seconde pyramide, est-il né, lui aussi, d'une préoccupation analogue : avant d'être pris pour l'image du dieu solaire Harmakhis, il ne visait, très probablement, qu'à symboliser par ses énormes dimensions (sa hauteur est d'une vingtaine de mètres, et sa longueur de près de soixante) la grandeur et la toute-puissance du roi Khéfren."

(extrait de L'Art égyptien, 1926, par Charles Boreux (1874 - 1944), conservateur-adjoint au Musée du Louvre 

Un autre morceau choisi de cet auteur proposé par l'Égypte entre guillemets :

"Le sentiment de la grandeur est à ce point inné chez les Égyptiens qu’il caractérise déjà les œuvres les plus anciennes de leur architecture et de leur sculpture" (Charles Boreux)







samedi 25 mai 2019

"Thônis-Héracléion, poids et pierres de pivotement", par Franck Goddio et Jean Kuzniar

Jean Kuzniar, dont la théorie sur la "construction pharaonique : les outils et leurs utilisations" a été relayée par ce blog, porte à notre connaissance un article de Franck Goddio (président de l'Institut Européen d'archéologie sous-marine et directeur des fouilles de Thônis), publié en 2018 dans la revue Göttinger Miszellen sous le titre "Thônis-Héracléion, poids et pierres de pivotement", et à la rédaction duquel il a contribué.
Présentant cet article, Jean Kuzniar précise : "Les pierres de pivotement sont les outils les plus importants retrouvés en Égypte, mais l'utilisation de ces outils est un savoir-faire perdu. Franck Goddio en a retrouvé dans le site englouti de Thônis-Héracléion. Que sont ces pierres ? La question restait sans réponse. Mon livre lui a été offert et la réponse lui paraît évidente."
Pour les notes et la bibliographie de cet article, on se référera au texte original : Jahrgang 2018 (254-256)- Inhaltsverzeichnis GM 256 (2018), revue de la Georg-August-Universität Göttingen.
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"Le vaste site de l'ancienne bouche Canopique submergée en baie d'Aboukir s'étend sur 110 km2 et toute la partie est de la ville de Canope, ainsi que le port de Thônis, situé 3,5 km plus à l'est, sont maintenant sous les eaux. La ville de Thônis-Héracléion a été localisée sur la rive ouest de l'embouchure du fleuve et, avant la création d'Alexandrie, cet emporion, fluvial et maritime à la fois, fut le lieu privilégié d'échanges avec le monde méditerranéen durant l'époque saïte et le règne des dernières dynasties indigènes. La cité égyptienne resta cependant très prospère après le détournement du commerce international au profit de la capitale des Lagides, en raison du rôle dynastique joué en faveur des Ptolémées par le grand temple des 'maîtres du gereb', à savoir le dieu Amon et son fils Khonsou. 
De nombreux poids grecs et égyptiens ont été mis au jour sur l'aire de ce port qui fut en fonction entre le septième siècle et la première moitié du deuxième siècle avant J.-C. La plupart sont en plomb, un matériau trouvé en grande abondance sur ce site, et ils accroissent considérablement le nombre de poids faits de ce métal trouvés en Égypte. 
Les seuls qui soient datables sont des poids grecs carrés et plats inscrits de symboles de type athénien utilisés au cours de la seconde moitié du quatrième siècle avant J.-C. Aucun des poids proprement égyptiens provenant de Thônis-Héracléion n'est inscrit. Leur origine est cependant aisément identifiable par leur aspect soit en dôme déjà attesté à l'Ancien Empire, soit en tronc de cône à calotte (cupcake shape) qui est la forme la plus courante de poids égyptien. Sur le site de Thônis-Héracléion, les premiers sont presque tous en plomb, et les seconds majoritairement de bronze. Dans le reste de l'Égypte, ces deux types de poids au sommet arrondi sont surtout en pierre, mais aussi en bronze, d'autant que l'usage du métal se développe au premier millénaire. Ces deux formes dômées sont particulièrement fréquentes à la Basse Époque et dans le Delta, ce que viennent encore confirmer les fouilles de la région Canopique. 
Alors que la majorité des poids, qu'ils soient grecs ou égyptiens, pèsent moins de 50 gr, deux exemplaires en pierre de cônes à calotte provenant de Thônis-Héracléion, l'un de quartzite et l'autre de granite, se distinguent par leur matière, leur taille et surtout par leur poids, 46,5 kg pour le premier et 28 kg pour le second (figures 1 et 2). 


Ces deux spécimens ont été découverts sur la zone nord de la ville. Celui de granite rose a été localisé sur une aire utilisée pour la découpe de grands éléments architectoniques et de statuaire de granite provenant du démontage ou de la destruction d'un sanctuaire. D'autres spécimens granit de grande taille sont connus : de grosses pierres taillées en cônes à calotte semblables à celles découvertes à Thônis-Héraclèion, certaines pesant plus de 50 kg, sont les collections du Petrie Museum de Londres et du Musée du Caire. 
Cette singularité, sans exclure leur utilisation pour la pesée (grain, bois...), attire l'attention sur une autre fonction possible, à savoir celle de "pierres de pivotement". Ces pierres étaient utilisées par les Égyptiens pour déplacer ou élever des monolithes de cinq à plusieurs centaines de tonnes. De dimensions très variées, en moyenne 20 cm, elles sont taillées dans un matériau très dur, diorite ou granite. La partie conique est destinée à être encastrée dans une poutre de bois ou un billot ; serties dans le bois par le poids de la charge, elles acquièrent alors stabilité et résistance, cependant que le dessus bombé qui dépasse assure le point de pivotement. 
Ces pierres ont été découvertes en grand nombre dans les carrières antiques ou dans les dépôts de fondation. Même celles de petites dimensions pouvaient servir aux manipulations de blocs de construction : insérées dans des billots espacés et disposés de chaque côté du bloc, elles étaient utilisées comme point de pivotement et d'appui à des leviers qui permettaient à plusieurs ouvriers, travaillant à la manière des rameurs, de faire avancer une lourde charge. Les dômes usés, voire même presque aplatis de quelques exemplaires (figure 3) attestent de leur emploi au maniement d'objets massifs. 


Les curieuses formes égyptiennes en dôme ou tronc de cône à calotte s'expliquent ainsi beaucoup mieux. À l'origine, les poids égyptiens de formes très variées, sont faits de pierre. À l'Ancien Empire, les poids gravés d'un cartouche royal ou d'un nom de particulier sont, eux, volontiers rectangulaires, soigneusement polis et constitués de belles pierres (jaspe, serpentine verte, albâtre...). De nombreux poids du Nouvel Empire provenant de Deir el-Medineh sont de simples cailloux ramassés dans la montagne thébaine, ou des remplois de morceaux de monuments brisés, et c'est leurs inscriptions hiératiques peintes à l'encre noire ou rouge qui indiquent leur rôle dans la pesée. On s'en servait pour vérifier le poids des outils en métal confiés aux ouvriers, et pour peser des biens de consommation ou des vivres. Le plus lourd, en calcaire, pèse 13,870 kg. À toutes les époques, les exemplaires à dôme ou de troncs de cône à calotte étaient susceptibles d'être à la fois utilisés par les carriers ou de servir pour la pesée, et ces formes auront été données aux poids faits de minéraux plus tendres ou prestigieux, ou de métal, même très mou comme le plomb. 
Nous ne disposons pas de textes égyptiens sur la science des bâtisseurs, car, comme on l'a fait remarquer, "tout ce qui relève des techniques de l'ingénieur n'a jamais été formalisé par écrit, du moins dans l'état actuel de nos connaissances... La transmission des savoirs techniques artisanaux, du maître au disciple, s'apparentait à une initiation où la religion avait sans doute une part importante." Le secret ayant été la règle, seule l'ouverture large de l'archéologue aux avis des "sachants" permettra d'éclairer bien des points qui restent encore obscurs." 

samedi 18 mai 2019

Le pourquoi de la Grande Pyramide de Gizeh, d'après Michel Sélaudoux

Michel Sélaudoux, dont 'Pyramidales' a déjà relayé les études à propos du plateau de Gizeh, porte à la connaissance des lecteurs de ce blog une nouvelle évolution des recherches qu'il a menées avec la collaboration de son épouse Camille. Il les consacre au "pourquoi de la Grande Pyramide de Gizeh".


Résumé 

La Grande Pyramide a été conçue afin d'être un outil pérenne pour les siècles à venir, destiné à être un témoin de la connaissance, de sa conservation et de sa transmission, au moyen de différents langages de communication, qu'ils soient écrits, mathématiques ou résultant de la simple perception.
Depuis le premier temps de sa construction, la Grande Pyramide est intimement imbriquée avec celles de Khéphren et de Mykérinos, tel que cela est démontré par les valeurs de leur positionnement réciproque.
Nous n'en connaissons qu'une infime partie qui nous confirme cependant la réalité et l'importance des divers savoirs de l'Égypte antique.
Jamais égalée, la Grande Pyramide demeure la référence.
Michel & Camille Sélaudoux

Michel et Camille Sélaudoux

Chercheurs indépendants, nos recherches ont porté essentiellement sur la Grande Pyramide dite "Pyramide de Khéops", durant les années 1990-2019.
Nos publications à partir de 2003 ont été reprises en 2007 sur notre site Internet Numérus  et se poursuivent encore en 2019.

Selon le classement de Philon, la Grande Pyramide était "la septième Merveille du monde". C'est l'unique merveille qui a résisté au temps depuis plus de quatre mille cinq cent ans, tout en ayant conservé la majeure partie du rôle qui avait conduit et justifié sa réalisation.

Parcourons quelques-unes de ses caractéristiques

La rigueur absolue de sa construction, vérifiable par la simple mesure physique des éléments qui la constituent démontre une mise en oeuvre mathématique que l'on pourra considérer sous divers aspects :

- témoignage des connaissances - acquises ou reçues - des bâtisseurs ;
- outil permettant la transmission de ces connaissances (Pythagore avec son célèbre triangle, Euclide père de notre actuelle géométrie, Thalès, Diophante d'Alexandrie, et d'autres ne sont-ils pas allés s'y instruire ?), connaissances dont nous ignorons encore une grande part, telle par exemple la "Brique de Pythagore" qui ne met pas en oeuvre une seule et unique équation mais, ainsi que nous le montrons, en autorise deux simultanément ;
- toutes les relations géométriques très particulières qui sont présentes dans la conception et la construction de la pyramide, bien qu'aucune nécessité architecturale ou religieuse ne le justifie ;
- maîtrise des relations avec notre environnement astronomique, non seulement par l'orientation des pyramides, mais aussi par la création et l'inclusion architecturale de phénomènes très particuliers, comme le "phénomène d'apothème" qui selon les heures et les saisons, permettait l'éclairement solaire par demi-faces successives ;
- les attributs spécifiques que constituent les quatre conduits, dont seule cette pyramide a été dotée et dont nous avons montré la fonction en février 2019 ;
- les lieux d'implantation des trois grandes pyramides de Gizeh permettent de constater que rien n'est dû au hasard et que ceci a été déterminé soit dès l'origine depuis la pyramide de Khéops, soit que cela résulte d'usages mathématiques simples en vigueur ou transmis durant la construction de l'ensemble.
Le sarcophage de la Chambre du Roi
Le non sens apparent de la chambre du Roi et de son "sarcophage" vide

Peut-on considérer qu'il s'agit d'un sarcophage (qui ne respecte aucune règle religieuse pas plus que la chambre elle-même, dénuée de toute décoration) ou d'un autre élément qui se juxtapose avec le dallage si parfait et particulier de la Chambre du Roi ? Les dalles du sol de la Chambre du Roi sont en effet parfaitement ajustées, les dimensions de chacune recouvrant des valeurs particulières.
Nous avons fait remarquer que le "sarcophage" qui mesure 4,4 coudées pouvait être positionné dans trois dimensions à 2,8 coudées des murs (2,8+4,4+2,8=10 coudées de la chambre).
Ces valeurs sont la proportion au centième de celles de la pyramide dont la base est 440 coudées et la hauteur 280 coudées.
La Chambre elle même est la seule à avoir été construite en granit pour en assurer la pérennité, la diagonale de la base permettant de générer les valeurs de la "Coudée Royale", et pouvant en être le conservateur étalon.


L'apparente absence d'utilité de la Grande Pyramide elle-même

Fut-elle construite pour conserver ou préserver un ou plusieurs défunts (il y a en effet de la place pour plusieurs) ?
Les mastabas ont toujours fait leur office, et si tel avait été l'unique raison de la construction de la Grande Pyramide, nous serions face à une pathologie mégalomaniaque.

Ce point de vue, inenvisageable du seul fait de la qualité et de la quantité des richesses scientifiques qui y sont incluses, ainsi que la culture dont témoigne l'Égypte antique font que nous ne pouvons retenir cette option.
La première question qui s'impose demeure de savoir pourquoi un tel édifice aurait pu être construit.




L'ensemble des protections considérables dont la Grande Pyramide dispose


Pour protéger quoi ?
Une ou plusieurs momies ? C'est possible.
Un tas d'or ? On ne l'emporte pas dans la mort et la construction a sans doute coûté plus qu'un seul tas d'or. Une véritable aberration !
Un monument au culte de la personnalité ?
Peu probable. Il existe bien d'autre manières plus simples, sinon plus utiles, et le niveau culturel ne l'aurait vraisemblablement pas permis.
Un témoignage du savoir et une transmission ? Sans doute.

Cette volonté de témoignage de connaissances et de leur transmission est attestée au travers des différents affirmations concordantes des voyageurs et auteurs anciens, tels Hérodote ou Platon, tant Orientaux qu'Occidentaux, qui à des siècles différents font état du fait que les faces de la pyramide étaient entièrement recouvertes d'écritures et de symboles toujours présents et demeurés encore visibles postérieurement à l'an mille de notre ère.

Voici quelques citations ou extraits de différents auteurs.
Selon certains voyageurs antérieurs au délabrement des revêtements des pyramides, celles-ci jusqu'aux XIIIe et XVIe siècles étaient demeurées encore recouvertes d'inscriptions.
Les pyramides, dit Al-Masoudi, auteur du commencement du IVe siècle de l'hégire, et qui écrivait en Égypte, sont des édifices très élevés et d'une construction merveilleuse : leur surface est "si chargée d'inscriptions écrites dans les caractères des nations anciennes, et des royaumes qui ne subsistent plus. On ne sait ce que c'est que cette écriture, ni ce qu'elle signifie."

Ebn-Khordadbèh, voyageur et auteur d'une Description géographique des pays musulmans, écrivait au IIIe siècle de l'hégire. Dans un passage cité par Al-Makrizi, il s'exprimait ainsi : "Tous les secrets de la magie et toutes les recettes de l'art médical sont écrits sur ces pyramides en caractère musnad."

Le même Al-Makrizi cite un autre écrivain, qui affirme : "Nous avons vu les surfaces de ces deux grandes pyramides couvertes d'écriture depuis le haut jusqu'en bas : les lignes étaient serrées et bien alignées les unes en face des autres ; elles étaient écrites dans les caractères dont se servaient ceux qui ont construit ces édifices; on n'en connaît point
aujourd'hui les lettres, et l'on ne peut en deviner le sens."

Ebn-Haukal, voyageur et écrivain du IVe siècle de l'hégire, atteste pareillement que les faces extérieures des grandes pyramides étaient remplies d'écriture dans un caractère qu'il nomme grec-syriaque, s'il n'y a pas de faute dans le manuscrit de son ouvrage, appartenant à la bibliothèque de Leyde, ou simplement grec, suivant que le passage d'Ebn-Haukal est cité par Al-Makrizi.

Guillaume de Baldensel, qui voyagea en Terre sainte et en Égypte au commencement du XIVe siècle, atteste avoir vu, sur les deux plus grandes pyramides, des inscriptions en divers caractères, lu quibus, dit-il, invnii scrîpturas diversorum iâiomalum ; et il rapporte une inscription en six vers latins.
Hérodote
Hérodote parle d'une inscription gravée sur la pyramide de Khéops, qui semble ne pas répondre à cette multitude d'inscriptions mentionnées par les Arabes ; mais il a pu parler de celle-là seulement, à cause de la singularité de son contenu.
À propos de ce que cet historien dit concernant cette inscription qui était en caractères égyptiens, je ne sais si l'on peut absolument en conclure, avec son savant traducteur, dont il ne m'appartient pas de faire l'éloge, que cette inscription était probablement en caractères ordinaires, et non point en hiéroglyphes.
Peut-être, au surplus, cette inscription était-elle en caractères ordinaires, et les autres en hiéroglyphes.

M. White, pour concilier le silence des auteurs grecs et latins sur les inscriptions des pyramides avec le témoignage des écrivains arabes, fait une observation judicieuse :
'Tanta scilicet hyeroglyphicorum charactum crat copia passion in AEgypto, ut sine admiratione in oculos spectantium incurrerent neque digni visi fuerint qui in historiam referrentur. Ob cxamdem causam factum est, ut in descriptionibus obeliscorum qui à solo ad summum cacumen coelati sunt notis hieroglyphicis, talium notarum memoria à plurimis veterum sit neglecta."

Je ne dois pas dissimuler cependant que, suivant le témoignage des voyageurs, la partie la plus élevée du revêtement de la seconde pyramide, qui subsiste encore, n'offre point de caractères hiéroglyphiques. Cela prouve seulement que la superficie entière des pyramides n'en était pas couverte.

On ajoute encore qu'on n'aperçoit aucun vestige d'hiéroglyphes, ni parmi les fragment nombreux qui sont répandus au pied des pyramides, ni sur les pièces de granit ou de marbre qui faisaient autrefois partie de leur revêtement, et que l'on retrouve aujourd'hui à Gizeh ou ailleurs, où ils servent de linteaux, de seuils ou de jambages à des portes. N'est-il pas permis de se demander si ces observations ont été faites avec toute l'exactitude nécessaire, et si elles ont été aussi multipliées qu'il le faudrait, pour donner la force d'une démonstration.



Sources :
La Relation de l'Égypte, par Abd-al-Allatif, médecin arabe de Bagdad (1162-1231, c'est-à-dire lui-même témoin oculaire potentiel car antérieur au règne de Barkuk et Ogier d'Anglure au XVIe siècle, ce dernier faisant mention de la destruction en cours des revêtements).

Al-Masoudi (Al-Mas'ûdî), voyageur, écrivain, géographe encyclopédiste et polygraphe arabe abbasside. En plein "âge d'or", né à Bagdad en 893, mort à al-Fustat al-Misr en 956.
Située dans l'actuel Vieux Caire, c'est également dans cette ville que Moïse Maïmonide est décédé le 13 décembre 1206.
J'apporte cette dernière précision car Al-Masoudi et Maïmonide ont pu, compte tenu des périodes auxquelles ils vivaient, avoir été des témoins oculaires des inscriptions qui figuraient sur les pyramides.

Les parements des faces des pyramides n'auraient été démantelés qu'à l'occasion des invasions des XIIe et XIIIe siècles et nombre de constructions du Caire comporteraient des éléments provenant des pyramides.

Voici ce que relatait Al-Masoudi : "Les pyramides sont très élevées, et d'une construction remarquable : leur surface présente toutes sortes d'inscriptions, écrites dans les caractères des nations anciennes et des royaumes qui n'existent plus. On ne sait ce qu'est cette écriture et ce qu'elle signifie. Ceux qui ont étudié les dimensions des pyramides évaluent leur hauteur à quatre cents coudées, ou davantage, ainsi que l'ont constaté ceux qui en ont fait l'ascension ; leur largeur (à la base) égale à peu près ce nombre. Leurs inscriptions sont relatives aux sciences, aux propriétés des corps, à la magie et aux secrets de la nature. On dit qu'une de ces inscriptions est ainsi conçue : "C'est nous qui avons bâti les pyramides. Que celui qui veut égaler notre autorité, obtenir notre pouvoir et renverser notre trône, abatte ces édifices, et en efface les vestiges, bien qu'il soit plus facile d'abattre que de bâtir, et de disperser des matériaux que de les réunir."

Al-Masoudi écrit dans Les champs d'or et les mines de pierres précieuses"Sourid (...) l'un des rois d'Égypte d'avant le déluge, construisit deux grandes pyramides... Ce roi, qui vivait 300 ans avant le déluge, rêva une nuit que la terre basculait, que les étoiles tombaient du ciel en heurtant les unes sur les autres dans un grand fracas, sous les yeux des hommes terrifiés, cherchant un refuge. Et c'est la raison pour la quelle il construisit les pyramides."
Dans ce cas, les pyramides sont un refuge, mais la suite du texte est plus éloquente : "Il ordonna aux prêtres de déposer dans celle-ci la somme de leur sagesse et de leurs connaissances dans les différents arts et sciences... en même temps que les récits... contenant...les sciences d'arithmétique et de géométrie, de manière que ceux-ci puissent demeurer comme témoignage, pour le bénéfice de ceux qui, par la suite, pourraient les comprendre... dans la pyramide orientale [la Grande Pyramide] furent inscrites les sphères célestes et les figures représentant les étoiles et les planètes. Le roi mit aussi... les positions des étoiles et leur cycles ; et (...) l'histoire du temps passé, du temps à venir et de chacun des évènements futurs qui surviendront en Égypte."

Al-Masoudi affirme qu'il y avait des automates de pierre et de métal animés par des esprits dont la fonction était celle de gardiens du seuil.

D'ailleurs un autre écrivain, Ammien Marcellin, écrivait en grec vers 390 de notre ère : "Les anciens affirmaient qu'il existait sur les murs de certaines galeries souterraines des pyramides des inscriptions destinées à préserver la sagesse ancienne des destructions du déluge à venir."

D'Abou Balkh, vers 870 : "Des sages, avant le déluge, prévoyant ce châtiment du ciel... qui détruirait toute chose construite sur la terre, construisirent... en Égypte, sur un plateau, des pyramides de pierre comme refuge durant la catastrophe."

Même à la fin du XIIe siècle, ces pierres blanches restaient encore en place, revêtues d'hiéroglyphes dont Abdul Latif a donné la description que voici : "Les pierres portaient des inscriptions en caractères anciens, maintenant inintelligibles. Je n'ai jamais rencontré dans l'Égypte entière quelqu'un qui les comprendrait. Le nombre des inscriptions est si élevé que la copie de celles-là seulement qu'on peut voir à la surface des deux pyramides remplirait plus de six mille pages."

Deux ans après le passage d'Abdul Latif, l'Égypte entière connut un tremblement de terre qui détruisit la ville du Caire. Les Arabes vinrent alors prélever sur les flancs de la Grande Pyramide le matériel à bâtir destiné à la reconstruction de leur ville abattue.
photo de Lékégian

La date de construction de la Grande Pyramide demeure incertaine.
Non seulement la Grande Pyramide nous questionne sur bien des points, mais les nombreuses réponses qu'elle nous apporte et que nous présentons sont toutes exclusivement basées sur des éléments physiques parfaitement mesurables et les publications anciennes des voyageurs ou historiens.

Le seul mode de communication universel à l'homme, non soumis à erreurs ou interprétations, est le langage mathématique, cette rigueur étant incluse tant dans le concept que dans la pierre.

Ainsi, la Grande Pyramide nous questionne depuis les bases des connaissances géométriques... jusqu'aux questions astronomiques ! Voire des questions purement humaines comme la beauté et les rapports d'harmonie, si ce n'est l'ésotérisme.
Est-il nécessaire, à titre d'exemple de rappeler que l'élève Pythagore a établi la gamme musicale monocorde consonante au moyen des rapports simples utilisés dans la Grande Pyramide : l'octave (rapport 1/2, la corde est partagée en deux), la quinte (rapport 2/3, la corde vibre sur ses deux tiers) et la quarte (rapport 3/4)...
Ceci n'est évidemment pas limitatif de ce que contient et nous révèle cet outil de connaissances qu'est la Grande Pyramide et beaucoup de ces connaissances demeurent certainement encore à y découvrir.

Quand Al-Masoudi témoigne de la perte irréparable de connaissances par la destruction des revêtements des faces des pyramides, avons-nous fait mieux à notre époque avec le barrage d'Assouan à la fin du XXe siècle ?
Nombre de territoires sur des étendues impressionnantes ont été submergés de main d'homme, rendant ainsi impossibles toutes recherches ultérieures, c'est-à-dire causant une perte définitive du savoir inscrit dans l'un des berceaux de la connaissance humaine.

Comment nous pourrions transmettre nos connaissances à des générations futures ?

Comment a tenté de procéder notre génération en 1972 quand elle a adressé un message de communication hors du système solaire à des consciences dont on ne suppose ni l'existence ni le langage ni les connaissances ?



L'ancienne Égypte n'avait certes pas les mêmes contraintes puisqu'elle savait qu'elle s'adresserait en principe à des hommes des générations futures dotées de langage et de pensée.
Doit-on transmettre sa propre histoire ou les connaissances acquises ? Doit-il s'agir de connaissances abouties et "finies" ou bien des éléments de base essentiels qui permettent de les reconstituer ?
Pour l'Égypte antique, ceci pouvait s'envisager au moyen de l'ouvrage lui-même, la Pyramide, qui en assurerait la pérennité, et provoquerait le questionnement.


Demeure une autre question à nos yeux essentielle : Le rôle de la pyramide en tant que conservateur des connaissances peut s'admettre comme étant du domaine du possible, tel que l'avait formulé Platon lorsqu'il fait transmettre l'Histoire de l'Atlantide par le prêtre de Saïs en Égypte, c'est-à-dire depuis des lieux diamétralement opposés par rapport au monde de l'époque : "Alors un des prêtres, qui était très vieux, lui dit : Ah ! Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants, et il n'y a point de vieillard en Grèce."
À ces mots : "Que veux-tu dire par là ? demanda Solon. - Vous êtes tous jeunes d'esprit, répondit le prêtre ; car vous n'avez dans l'esprit aucune opinion ancienne fondée sur une vieille tradition et aucune science blanchie par le temps."

Puis après l'évocation de la survenue des cataclysmes et destructions cosmiques au travers du rappel du mythe de Phatéon, il fait dire : "Voilà comment et pour quelles raisons on dit que c'est chez nous que se sont conservées les traditions les plus anciennes. Mais en réalité, dans tous les lieux où le froid ou la chaleur excessive ne s'y oppose pas, la race humaine subsiste toujours plus ou moins nombreuse. Aussi tout ce qui s'est fait de beau, de grand ou de remarquable sous tout autre rapport, soit chez vous, soit ici, soit dans tout autre pays dont nous ayons entendu parler, tout cela se trouve ici consigné par écrit dans nos temples depuis un temps immémorial et s'est ainsi conservé."


Serait-ce là le véritable trésor ? Combien de chambres seraient alors nécessaires ?

A contrario, la construction de la monumentale pyramide de Khéops aurait-elle pu être justifiée uniquement pour abriter la Chambre du Roi, qui mesure environ 5 mètres par 10 avec une hauteur d'un peu plus de 5 mètres pour contenir uniquement une cuve en granit vide sans aucune inscription d'aucune sorte, le tout ayant nécessité d'avoir doté la pyramide de considérables systèmes de protection sophistiqués ?
Cette vision ne nous est pas envisageable.

Formulons maintenant une autre hypothèse : celle d'une quatrième chambre que beaucoup nomment "la chambre secrète".
Après plusieurs décennies de recherches relatives à cette pyramide, et nous nous accordons le droit à l'erreur car à ce jour personne ne peut dire avoir de certitude, nous sommes parvenus à la conclusion d'une forte probabilité de l'existence de ce que nous avons nommé "Les chambres du Continuum", conservateurs des connaissances. Il ne s'agirait non pas d'une chambre unique, mais d'une succession de chambres ou "magasins" destinés à la conservation et à la transmission des connaissances.
La Chambre du Roi et celle de la Reine ne représentent grossièrement qu'un volume "utile" de l'ordre de 1750 mètres cubes, les autres parties connues de la Pyramide n'ayant à priori et selon nos actuelles connaissances qu'un rôle de circulation.
Construire un édifice d'un volume de 2.592.350 mètres cubes pour n'en utiliser que 1.750 environ "d'usage utile" ne peut sembler qu'extrêmement déraisonnable.
Par contre, si cet édifice est destiné à être un témoin de la connaissance, de sa conservation et de sa transmission, les choses peuvent s'envisager différemment. Ce sont alors pas une, mais de nombreuses chambres qui seraient nécessaires, qui doivent donc et peuvent alors s'envisager.

Où situer ces chambres ?
La pyramide est divisée principalement en deux parties selon l'Axe Nord Sud : La partie Ouest qui correspond au royaume des morts et la partie Est du levant.
L'étude des possibles phases de construction de la Grande Pyramide montre un mouvement ascensionnel du Nord vers le Sud jusqu'au niveau de la Chambre du Roi dont l'axe Est-Ouest est lui-même décalé de 21 coudées vers le Sud.
Cela signifie que toute la moitié Sud de la pyramide, inférieure à ce niveau, serait totalement inutilisée. Pire ! il aurait fallu la combler...

À partir de ce que nous avons pu étudier ou rechercher, dès 2003, nous avons mentionné la position d'un "point clé"qui figure sur l'un de nos schémas, toujours conservé en ligne sur note site Internet Numérus. (altitude entre 38 Cr. et 44 Cr., éloignement Sud depuis l'axe entre 55 Cr. et 66 Cr.)

Des travaux complémentaires nous ont conduits à modifier cette position en 2016 avec une tolérance plus réduite, soit une valeur unique pour ce point clé de 56 coudées tant pour l'altitude que l'éloignement Sud.
Ce point et cette valeur de 56 sont précisés sur nos schémas du site depuis cette date.
Dans cette hypothèse,"Les chambres du Continuum" seraient fédérées, au moins pour leur construction et accès, selon ce point clé.

De nos jours, des recherches sont poursuivies par de nombreuses équipes au moyen de technologies de plus en plus performantes.
Il y a une trentaine d'années, c'est au moyen de la micro gravimétrie et des différences de densité que des volumes creux étaient recherchés.

ScanPyramids
La plus récente mise en oeuvre par ScanPyramids est celle de la physique des particules.
Des mesures par infrarouge ont été réalisées afin de détecter les possibles écarts de température qui résulteraient de la présence de tels volumes et aideraient ainsi la mise en place des capteurs de muons.
Les muons peuvent se comparer à des électrons lourds et qui se forment de par les rayonnements de la haute atmosphère.
Ces particules à haute énergie ont la capacité de pénétrer et traverser la matière avec laquelle elles vont interagir.
Mesurer la perte d'énergie du muon lors de cette traversée permet par exemple d'en mesurer l'épaisseur... ou bien sa densité ou son absence.
Nous souhaitons bien évidemment le succès de telles entreprises de même que pour toute contribution qui peut permettre un nouveau pas sur les sentiers de la connaissance.

Nous ne pouvons nous-mêmes transmettre l'ensemble de ce qui serait peut-être utile de l'être... En particulier la présence de la transmission mathématique pure par le concept de la Grande Pyramide elle-même ou encore, par exemple, au moyen des dimensions des blocs, dalles et linteaux de la Chambre Haute.
Nous avons été heureux de pouvoir présenter en février 2019 une explication rationnelle "au pourquoi" des conduits dits de ventilation, autre exemple du rôle mathématique dans la Grande Pyramide.

Sensibilisés depuis 1959 à ces sujets par l'archéologue Marthe de Chambrun Ruspoli et Michael Scott de Glénaros, soixante ans plus tard nos recherches leur sont dédiées.

Camille et Michel Sélaudoux Avril 2019

Nos principales contributions figurent sur notre site http://numerus.free.fr/m5_1.php