lundi 28 février 2011

“Si l'homme est un atome à côté de ces gigantesques merveilles, il peut par le génie s'élever bien au-dessus d'elles” (Henry Bohan - XIXe s.- à propos des pyramides de Guizeh)

Juge au Tribunal civil de Roanne, ancien Procureur du Roi en Inde, le “Breton” Henry Bohan (XIXe s.), était un patriote au verbe bien tranché. Le récit qu’il fit de son séjour en Inde (Voyage aux Indes orientales, 1866) atteste, sur fond d’antagonisme déclaré à l’égard de l’Angleterre, qu’il était “un homme qui, jeune alors, plein d'ardeur et dévoré du désir de savoir, a voulu par lui-même étudier et observer les mœurs de l'Inde.” Tels sont en tout cas les propos du présentateur de l’ouvrage - un certain E.P. - qui ajoute: “Tout ce que dit M. Bohan, il l'a vu ; tout ce qu'il décrit, il s'en est rendu compte par lui-même, ou bien s'il est entraîné à parler de quelque chose qu'il n'a pu observer en personne, il se met en garde et met en garde le lecteur contre l'erreur involontaire qu'il pourrait commettre et propager. Je ne sache pas de livre écrit avec plus de conscience et d'honnêteté, et ce trait, fût-il le seul, suffirait à prouver l'extraction bretonne dont se glorifie l'auteur.”
Quoi qu’il en soit, hormis une belle déclaration de patriotisme et d’humanisme au pied des pyramides, l’auteur ne semble pas avoir trouvé les mots qu’il fallait pour relater son passage, sans doute très bref, dans la vallée du Nil. Dommage ! “Dgyzé” valait mieux...

Bonaparte devant le Sphinx
Illustration de Jean-Léon Gérôme (Wikimedia commons)
“Je n'ai pas la prétention de parler longuement de l'Égypte ; elle porte trop l'empreinte française, pour que je m'arrête à décrire l'ancien royaume de Cléopâtre. Les souvenirs immortels du Sultan du feu et du Sultan juste sont trop vivaces ; ils semblent dater d'hier, et d'ailleurs pour moi, simple voyageur, que resterait-il à glaner, puisqu'une commission de savants a passé par là ?
Il m'est cependant venu une idée en visitant les mémorables pyramides qui sont situées à trois petites lieues du Caire ; ces pyramides, du sommet desquelles quarante siècles nous contemplent. Comment, parmi tous ces savants, ne s'en est-il pas trouvé un pour faire la proposition de graver sur l'airain aux pieds de Dgyzé, la plus haute des pyramides, ces simples mots : Napoléon Bonaparte. Il y aurait eu du patriotisme et de la philosophie dans cette idée. Une pareille inscription eût certainement été respectée ! Et puis, ce nom, placé aux pieds de ces géants des siècles, n'aurait-il pas démontré au penseur que, si l'homme est un atome à côté de ces gigantesques merveilles, il peut par le génie s'élever bien au-dessus d'elles. Il peut enfin laisser des institutions aussi durables que ces témoignages de hardiesse, appelés à braver les temps passés, présents et futurs !
Les trois pyramides s'élèvent majestueusement sur une hauteur, montagne de sable à l'extrémité du désert. Elles dominent la plaine fertile qui s'étend à leurs pieds et se déroule jusqu'au Nil. Le Nil sépare toute cette plaine du vieux Caire ; en face, et au milieu du Nil, est la Cité qui renferme le palais du Coran, une poudrière et des jardins de plaisance appartenant au pacha.
La première des pyramides, la plus belle, la mémorable Dgyzé, est précédée d'un énorme buste grotesque, que l'on est convenu d'appeler sphinx. La forme des trois pyramides est quadrangulaire ; partant d'une base de 380 mètres sur chaque face, ces masses gigantesques s'élèvent en s'effilant et forment, à leur sommet, des cônes tronqués, conservant la forme rectiligne. Les énormes blocs de rochers qui les composent sont superposés de manière à présenter à chaque ligne du carré une arête phénoménale ou escalier titanique, qui permet de grimper à l'extérieur.
Du côté du nord, et nous ne parlons que de Dgyzé, est percé ce que l'on appelle la Porte. C'est effectivement l'entrée d'un souterrain où l'on descend d'abord, pour s'élever ensuite avec de grandes difficultés dans l'intérieur de la pyramide ; on rampe à la lueur des torches dans un gouffre sans air, jusqu'à un premier endroit de repos, appelé chambre des Dames. On peut arriver ainsi jusqu'au sommet ; mais j'étais assez asphyxié pour m'arrêter à la chambre des Dames. Au Caire, les curieux feront ce que j'ai fait moi-même : ils visiteront la citadelle, le harem (ici c'est une visite extérieure), la nouvelle mosquée et le palais, deux chefs-d'œuvre d'art et de luxe, placés entre le vieux Caire, la nouvelle ville et une partie appelée Boulac.”

samedi 26 février 2011

“L’Égypte il y a 100 ans”, par Anne-Claire Déjean

Tout nouvellement édité, cet ouvrage d’Anne-Claire Déjean, diplômée en sciences de l’Antiquité, est un livre-album. Sa maquette, conformément à la collection dans laquelle il prend place, fait en effet la part belle à l’illustration, la plupart des pages comportant chacune deux ou trois photos, accompagnées de légendes et brefs commentaires.
À partir d’un important fonds iconographique, où figurent de nombreuses cartes postales d’époque peu ou pas connues, Anne-Claire Déjean nous invite à un flash-back sur l’Égypte de la fin du XIXe s et des débuts du XXe s., “photographiée” sous trois angles différents et complémentaires : au fil du Nil (la vie rurale), le développement de l’égyptologie scientifique, vers la modernisation. Le regard est ainsi porté sur la physionomie géographique, humaine, économique, culturelle et archéologique du pays, à la jonction de deux périodes essentielles de son histoire.
La partie consacrée à l’égyptologie a, compte tenu de la teneur de notre blog, plus particulièrement retenu notre attention. Elle est présentée comme un reflet des “principaux vestiges archéologiques égyptiens et (de) leur redécouverte par les Européens en descendant le Nil, du sud au nord”. Compte tenu de l’option éditoriale, seuls de brefs flashes sont proposés en accompagnement des photos, le but recherché étant assurément de laisser le plus possible “parler” les images elles-mêmes. D’où l’originalité de cette publication que l’on parcourt au gré de l’inspiration du moment, sans suivre nécessairement un quelconque ordre logique, géographique ou chronologique.
En zoomant sur les pyramides, je dois reconnaître toutefois que l’on reste un peu sur sa faim, dans la mesure où ces monuments restent le symbole majeur de l’Égypte. Quelque vingt photos seulement leur sont consacrées, privilégiant parfois le côté anecdotique, sportif, voire romantique de “l’une des destinations privilégiées du voyageur en Égypte”. (*) Mais sans doute ai-je cherché indûment dans cet ouvrage des aspects de l’histoire de l’Égypte qui étaient hors du propos de l’auteure et de l’éditeur.
La troisième partie du livre - “Vers la modernisation” - concentre tout logiquement le regard sur le Caire et son riche patrimoine architectural : des images qui sembleront insolites aux touristes d’aujourd’hui, tant la capitale égyptienne a subi de changements au cours du siècle passé, ne serait-ce qu’au vu de sa surpopulation actuelle.
La mini-introduction de cette partie (p. 93) situe le dilemme d’un pays à la croisée des chemins entre “modèle occidental”, autrement dit la “modernité”’, et la fidélité à la tradition - ou aux traditions - de l’islam et d’une société fondamentalement agraire. De longs ouvrages ont été écrits sur ce sujet aussi vaste que peut l’être l’analyse de l’évolution d’une civilisation ou d’une culture. D’où le côté “réducteur” des 35 pages regroupées sous le titre annoncé. Mais la question d’une modernité, synonyme d’authenticité (cf. le mouvement de la Nahda), qui ne singe pas nécessairement les canons de la civilisation occidentale est un autre débat. Tel n’était évidemment pas le propos de cet ouvrage que l’on consultera tel qu’il se présente au lecteur : un livre de “mémoire” écrit d’abord en “images”.

éditions Allan Sutton, collection Mémoire en Images, 2011, 128 pages

(*) pour une iconographie des pyramides plus substantielle, notamment pour la période prise en compte par l’ouvrage ici présenté, on pourra consulter le site Visualising Giza.

vendredi 25 février 2011

L’entrée “à usage multiple” de la Grande Pyramide, selon Jean-Pierre Houdin


30 mars 2007 :
Khéops Révélé.
27 janvier 2011 : Khéops Renaissance.
Deux dates qui ponctuent, pour l’architecte Jean-Pierre Houdin, quelque douze années de recherches sur le “pourquoi” et surtout le “comment” des pyramides d’Égypte. Deux temps forts, ponctuant l’évolution d’une “théorie” dont les prémisses remontent à 1999, lorsque l’ingénieur Henri Houdin, père de Jean-Pierre, eut l’intuition que quelque chose clochait dans la présentation “normalisée” du chantier de construction de la Grande Pyramide. D’où l’idée de la rampe intérieure, qui connaîtra par la suite les développements que l’on sait.
Dans une interview exclusive accordée à Pyramidales, Jean-Pierre Houdin présentait les grandes lignes de Khéops Renaissance, à savoir sa nouvelle lecture des structures internes et de l’environnement de la pyramide de Khéops.
Différentes notes de ce blog ont déjà été consacrées à cet inventaire : les antichambres, la Chambre du Roi, le “Circuit Noble”, l’aménagement du Plateau de Guizeh... (voir liens ci-dessous)
L’entrée de la pyramide a, elle aussi, fait l’objet d’une relecture sur laquelle Jean Pierre Houdin apporte, à l’intention des lecteurs de Pyramidales, les précisions qui suivent.

L'entrée de la pyramide et son échafaudage

Nous sommes (approximativement) en l’an - 2550. Le roi Khéops, pharaon et maître souverain d’Égypte, est mort. Vive le Roi !
Son corps est transporté à Guizeh dans sa Barque Solaire jusqu’au temple bas, où les prêtres doivent procéder à la momification, rituel qui durera soixante-dix jours. Le pharaon est alors prêt pour son grand voyage vers les Étoiles Impérissables, en transitant par la Voie Royale de sa pyramide, construite pour cette seule circonstance des funérailles solennelles.
La procession funéraire commence par remonter la chaussée monumentale qui relie le temple de la

Cérémonie au Temple Haut
vallée au temple haut, au pied de la face est de la pyramide. “Là, commente Jean-Pierre Houdin, les prêtres procèdent à la cérémonie de l’ouverture de la bouche afin de rendre au Roi l’usage de ses sens. Celui-ci retrouve alors la parole et peut comparaître devant Osiris pour la pesée des âmes.
Aucun reproche n’étant apparu lors de sa confession, il est prêt pour l’éternité dans l’au-delà.”
Au soleil couchant, la procession rejoint l’entrée de la dernière demeure du pharaon -”sa” pyramide -, à plus de dix-sept mètres au-dessus du sol sur la façade nord. Pour ce faire, elle emprunte un échafaudage en bois, construit depuis de nombreuses années, qui donne accès à l’intérieur du monument. Elle s’apprête alors à pénétrer dans les entrailles du monument pour rejoindre la Chambre du Roi, où le volumineux sarcophage de granit a été mis en place, pour cause d’encombrement, dès l’année de la construction de cette chambre.


Circuit de service” et “Circuit Noble”

Selon Jean-Pierre Houdin, la procession funéraire pénétrera bien par le débouché du couloir descendant en face nord mais, contrairement à ce qui est communément admis, abandonnera ce dernier quelques mètres plus loin en ignorant tout le tracé lui faisant suite : couloir ascendant (auquel nous ajouterons désormais la précision “N° 1”), Grande Galerie, chambre des herses, couloir d’accès (auquel nous ajouterons également la précision “N° 1”) à la Chambre du Roi, un tracé que les visiteurs du monde entier rejoignent, depuis que le tourisme et la curiosité existent, en empruntant le tunnel d’effraction creusé dans l’axe nord/sud par le calife al-Ma’moun en 820 de notre ère.
Cet itinéraire ne sera pas suivi, et pour cause : il a été bouché en plusieurs endroits. Il fut utilisé, comme “circuit de service”, durant toute la période de la construction de la Chambre du Roi et de l’étrange structure qui la chapeaute. Au terme de ce chantier, devenu inutile, il a été abandonné au silence des pierres, jusqu’à ce qu’il retrouve la fréquentation de “visiteurs”, plus ou moins bien intentionnés, lesquels étaient à cent lieues d’imaginer que tel n’était pas le vrai circuit pour les obsèques royales.
La procession suivra, d’après les indications de Jean-Pierre Houdin, ce que nous pourrions appeler un “itinéraire bis”, mais qui en réalité, pour reprendre les termes de l’architecte, est le “Circuit Noble”, celui qui a été conçu et construit pour le seul jour de la cérémonie solennelle des obsèques royales.
Conséquence de cette configuration, à ce jour inconnue : l’entrée originelle de la Grande Pyramide, pour donner accès non seulement au “circuit de service”, mais également et surtout au “Circuit Noble”, doit comporter dans sa structure même cette dualité fonctionnelle, censée rester secrète pour ne donner aucune indication aux éventuels profanateurs de la sépulture royale. Preuve en est que le calife al-Ma’moun et ses soldats-sapeurs n’ont pas réussi à détecter la véritable entrée du monument, mais ont entrepris de creuser à un niveau inférieur pour déboucher sur... le “circuit de service” !



Présence d’indices


Exclusion étant faite de la trouée d’al-Ma’moun, qui est comme une verrue, même très utile aujourd’hui pour l’accès des touristes, dans la façade nord de la pyramide, et compte tenu du fait que cette pyramide est, depuis plusieurs siècles, privée de ses blocs de revêtement en calcaire de Tourah, quels indices peuvent être révélateurs de la véritable entrée du “Circuit Noble” ?

Jean-Pierre Houdin les énumère ainsi :



Chevrons et "pierre de Strabon"

- les chevrons en calcaire de Tourah au-dessus de l’entrée d’origine sont surdimensionnés pour la couverture du couloir descendant (deux coudées de large, soit 1m 05) et, par ailleurs, bien trop hauts par rapport à celui-ci ;
- on peut constater sur place, en mesurant les butées obliques existantes, qu’il manque six paires de chevrons en partie basse et trois paires en partie haute : la série inférieure couvrait un vide, tandis que la série supérieure constituait un chevauchement de toiture, en prolongement d’un second vide “que les bâtisseurs égyptiens, précise Jean-Pierre Houdin, économes en temps et en matériaux, avaient dû avoir une très bonne raison de bâtir. Le grand trou actuel n’existait pas à l’époque. Tout ce qui est visible aujourd’hui était noyé dans la masse de maçonnerie et en retrait derrière la face nord d’origine, à une dizaine de mètres. Au plus près de la façade, une première pièce (à la place du trou actuel), était située juste au-dessus du couloir descendant et un puits vertical d’accès, centré dans la pièce, reliait directement ces deux ouvrages. Le reste du couloir descendant est censé avoir été emprunté par la procession funéraire, mais, en réalité, il ne fut utilisé que par les ouvriers du chantier de construction de la pyramide” ;

Flèche : zone de surdensité

- “des mesures effectuées il y a 25 ans par microgravimétrie,
poursuit Jean-Pierre Houdin, ont détecté une anomalie, à savoir la présence d’une zone en forte surdensité sous la face nord de la pyramide, dans le prolongement exact des chevrons de l’entrée. Celle-ci se situe à l’est de l’axe nord/sud, donc dans l’alignement des couloirs connus de la pyramide. Plus encore, cette surdensité s’arrête à l’aplomb de la 2ème section de la rampe intérieure supposée. (1)
- le bloc cannelé inséré sous la première rangée de chevrons, et auparavant stocké au fond de la deuxième pièce, a visiblement été poussé de l’intérieur, des traces de mortier débordant sous le chevron droit. Devant ce bloc, on peut constater que le sol en calcaire a été jointoyé au plâtre et a reçu une finition surfacée et parfaitement plane ;
- le bloc cannelé ne va pas jusqu’à la pointe de l’ouverture ; un triangle d’une quarantaine de centimètres de hauteur a été comblé avec de la maçonnerie axée sur la faîtière des chevrons.
À propos de cette pierre, le géographe grec Strabon (1er siècle avant notre ère) écrivait : “À une certaine hauteur sur un de ses côtés se trouve une pierre qui peut s'enlever, et qui, une fois enlevée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau.” (2) D’où son appellation actuelle de “pierre de Strabon”.



Une entrée unique débouchant sur deux pièces


Face à ces constats, j’avais la preuve, poursuit Jean-Pierre Houdin, que d’autres chevrons avaient été mis en place jusqu’à une distance très réduite de la face, à l’avant des chevrons actuellement visibles. Il était dès lors évident que dans la zone du trou béant actuel, il y avait deux pièces, l’une à l’avant de la pierre de Strabon, l’autre derrière cette pierre, légèrement décalée en hauteur.
“J’ai alors compris que les Égyptiens, en très grands architectes qu’ils étaient, avaient imaginé une entrée unique pour desservir plusieurs couloirs à la fois. Cette entrée pouvait conduire à n’importe quelle chambre dans le monument, donc servir pour les funérailles de Khéops et, à tout autre moment, pour l’accès au chantier pendant la construction de la pyramide.
“Les deux pièces sous les chevrons permettaient de faire une liaison directe avec le couloir descendant et le relier avec une deuxième série de couloirs qui conduisaient à la Chambre de la Reine et à la Chambre du Roi sans passer par la Grande Galerie.”


 

Par la complexité de sa configuration, l’entrée originelle de la pyramide se caractérise donc par une astucieuse diversité d’utilisation : elle donne accès, par le couloir descendant, au “circuit de service” (sans utilité à la fin du chantier de construction), et elle ouvre sur le “Circuit Noble”, lequel comporte immédiatement deux axes distincts : l’un, horizontal, en direction de la Chambre de la Reine (n’oublions pas que cette chambre était destinée, en cas de décès prématuré du roi, à accueillir sa sépulture) ; l’autre, ascendant, comme première partie du trajet menant à la Chambre du Roi.

Les deux pièces successives ont pour fonction de faire démarrer le “Circuit Noble” (la “Voie Royale”) en profondeur dans la masse de la pyramide (le fond de la deuxième pièce est à environ 16 mètres de la façade). Contrairement à toutes les pyramides précédentes, la Chambre du Roi est très en hauteur dans la masse de la pyramide ; dès lors, il n’est plus question de la relier par une “descenderie”, qui débouche pratiquement perpendiculairement à la façade, mais tout d’abord par une “ascenderie” (plus ou moins parallèle à cette façade, débouchant tangentiellement et non plus perpendiculairement : une configuration “en sifflet” très complexe à traiter), puis par un couloir horizontal (N° 2) débouchant sur les deux antichambres. De plus, le passage de la rampe intérieure dans la zone aurait eu pour effet de couper le couloir ascendant N° 2, par lequel commence le “Circuit Noble” funéraire vers la Chambre du Roi ; la solution la plus simple et la plus économique était de repousser le départ de ce couloir plus en profondeur dans la masse, les deux pièces horizontales d’entrée servant de modules de liaison et de report.


Trajet de sortie des ouvriers

Au même point de départ, un puits est relié à la rampe interne voisine, pour l’évacuation des derniers ouvriers : “À la fin des funérailles de Khéops, précise Jean-Pierre Houdin, et après avoir scellé la pyramide en plusieurs points “sensibles” (chambre, antichambres, couloir d’accès, pièce d’entrée), les ouvriers sont supposés avoir quitté le circuit funéraire par la rampe intérieure en la rejoignant par un puits de liaison creusé juste à l’arrière de la deuxième pièce d’entrée, au point de départ du second couloir ascendant. Les concepteurs avaient au préalable simulé ce dispositif dans la maquette de chantier creusée dans le socle rocheux à une cinquantaine de mètres à l’est de la pyramide.”
Auparavant, les prêtres et autres officiels de la cérémonie des funérailles sont sortis de la pyramide comme ils y étaient entrés, en empruntant exactement le même itinéraire, noblesse de leur fonction oblige.




(1) La rampe intérieure représentait l’un des éléments majeurs de Khéops Révélé. Elle est évidemment toujours présente dans Khéops Renaissance, mais avec des variantes qui feront l’objet d’une prochaine note de Pyramidales.
(2) la traduction exacte du texte grec, telle que confirmée par exemple par Ian Lawton, auteur de Giza, the Truth, dans un courrier adressé à Jean-Pierre Houdin, est bien “aboutissant au tombeau” (et non pas “aux fondations”). C’est celle qui fut proposée par Amédée Tardieu : ”À une certaine hauteur sur un de ses côtés se trouve une pierre qui peut s'enlever, et, qui une fois enlevée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau.”


Illustrations: copyright Jean-Pierre Houdin/Dassault Systèmes
À lire également sur Khéops Renaissance :





jeudi 24 février 2011

“Les pierres des pyramides ont été prises sur place” (Thomas Dudley Fosbroke - XVIIIe-XIXe s.)

Le Révérend Thomas Dudley Fosbroke (1770-1842) fut admis, en 1799, comme membre de la société anglaise des Antiquaires. Il est auteur de nombreuses publications, dont une Encyclopédie des Antiquités (1824) et un ouvrage sur la topographie des pays étrangers (Foreign Topography), édité en 1828, dans lequel plusieurs pages sont consacrées aux pyramides égyptiennes.
Aucune théorie ou conjecture personnelle n’est à attendre de cette lecture : Th.D. Fosbroke se limite à un survol très global des opinions d’auteurs plus ou moins anciens, avec toutefois une attention particulière aux observations et conclusions de Belzoni, notamment pour l’origine des matériaux ayant été utilisés dans la construction des pyramides et la destination de ces monuments.
Deux points méritent une attention particulière : la date de l’ouverture (forcée) de la Grande Pyramide (bien antérieure à l’époque des califes arabes) et - dixit une fois encore Belzoni - la relation temporelle entre le Sphinx, la (Grande) Pyramide et le temple à l’est de cette pyramide.

“Pyramids of Ghize. These are the only wonders of the world, which have survived to our aera, a preservation owing to the amazing quantity and size of the blocks, which could not be broken or removed without an expense far over-balancing the advantage. According to the calculation of Constanstine Manasses, the kingdom of Egypt lasted 1663 years from its beginning under Misraim, the son of Ham, 2188 before Christ, to the conquest of Cambyses, 525 before Christ. The traditions of China are justly exploded, those of India are beginning to be developed, but Egypt possesses monuments, which, in reference to the tower of Babel, prove the very earliest affirmations of Holy Writ. 


Défilé d’auteurs ayant écrit sur les pyramides, d’Hérodote aux écrivains modernes
The oldest authors are recent. Herodotus says that Cleopis or Cheops, successor to Rhampsinitus, shut all the temples, forbad the Egyptians to sacrifice to the gods, and obliged them to labour at these works ; 100.000 men continually worked at them, 10.000 relieving each other, from three months to three months. The first pyramid cost the labour of twenty years. Diodorus Siculus ascribes the erection to Chemmis. The Orientalists say that one was built by Schar, son of Schavalcac, before the deluge ; the other by Hermes, who is the Hebrew Enoch, who had foreseen the universal inundation, and lodged there his books. The Sabeans believe that Agathemon, i. e. Seth, was buried in one of these pyramids, and Hermes in another, which is nearly what Kircher says. That the present is not the antediluvian surface of the world is evident, and the pyramids, if then erected, would have been, upon the resuscitation of the globe, deeply buried in so sandy a soil. And it is sufficient to state, in the sportsman's expressive phrase, that so far as the testimony of authors is attended to, Herodotus is the favourite.
Martial has the following line :" Barbara pyramidum sileat moracula Memphis" ; and it is presumed by Denon, Shaw, and others, that the pyramids of Saccarah and Gizeh formed the northern and southern extremities of Memphis. Savary disputes this, because Pliny says that Memphis was six leagues to the south of the pyramids, but the objection is not valid, that distance not being too great for the situation of tombs. Dr. Clarke supposed absurdly, that the pyramids were the works of the Hebrews during their captivity. Belzoni says that at Toske are several rocks on the plain towards the east, which resemble so many pyramids, and thinks that that they may have suggested to the Egyptians the idea of the pyramids, for some of these rocks are above 200 feet high. Some writers (see Paw, De Tott, Dupuis, &c.) have taken the pyramids for gnomons of dials, for determination of equinoxes and solstices, monuments, like obelisks, in honour of the sun, mausolea of sovereigns, built by the removal of stones from the catacombs at every new reign, tomb of Osiris, &c. All this appears to be fanciful, for they were plainly mausolea, and may be considered as in the original intention, magnificent barrows of architectural construction. They have the interior form of Tartar barrows. In some critical discussions concerning them, they are supposed to contain in the interior a large quantity of sepulchral chambers. But they were not limited to human beings, the bones of a sacred ox, or Apis of his day, having been discovered.
It is well known, that the great pyramid contained chambers, passages, a sarcophagus, and well, and was accessible by a forced entrance at some height from the ground. It was justly suspected by Belzoni and others, that the true entrance, as in barrows, was at the base, and so it proved to be upon trial. All the preceding accounts have been superseded by the spirited labours of modern travellers, especially the one named, and therefore his account shall be first given.

Photo Marc Chartier

Origine des pierres ayant été utilisées dans la construction des pyramides
The stones of the Pyramids were taken from the spot. Belzoni observed the rock surrounding them, on the north and west sides, to be on a level with the upper part of the chamber, and as the rock is evidently cut all round the pyramid, the stones taken from that rock must have been applied to the erection of the fabrick, and blocks of an enormous size have been cut out. If any traveller, he says, will go within less than half a mile of the pyramids, particularly on the east and south sides, he may see many places where the rock has been formerly quarried to a great length, and he will find that there is stone enough to build many other pyramids, if required.
It is true that Herodotus says the stones to erect the pyramids were brought from quarries on the other side of the Nile ; but Belzoni firmly believes, that he (Herodotus) was mis-informed, unless he alluded to the granite alone. As to the causeways in front of the pyramids, said to have been made to convey the stones for the erection of these masses, he thinks that they were intended for the accommodation of visitors, particularly at the time of high Nile, and if they were only to convey stones, the labour of making them must have been nearly equal to the erection of the pyramids.


Les pyramides ont été édifiées comme des sépulcres
The circumstance of having chambers and a sarcophagus, which undoubtedly contained the remains of some great personage, so uniform with those in the other pyramid, leaves, Belzoni thinks, very little doubt, but that they were erected for sepulchres, and he wonders that any doubt has ever existed, considering what could be learned from the first pyramid, which has been so long open. This contains a spacious chamber with a sarcophagus ; the passages are of such dimensions as to admit nothing larger than the sarcophagus. They had been closely shut up by large blocks of granite from within, evidently to prevent the removal of this relick. Ancient authors have pretty well agreed in asserting that these monuments were erected to contain the remains of two brothers Cheops and Cephren, Kings of Egypt. They are surrounded by other smaller pyramids, intermixed with mausolea, or burial grounds. Many mummy-pits have been found.


Dimensions de la Grande Pyramide
Mr. Davison's admeasurement of the great pyramid of Gizeh is of the square 746 feet. The perpendicular height 460 feet 11 inches. It consists of stories regularly disposed. Two hundred and six tiers compose the whole height. As the square of every tier is less than the one below it, the space of two or three feet, which is left on all sides by each of them, as they diminish towards the top, forms what is generally called the steps. They are of different dimensions. The entrance [the forced one] is upon the 16th step facing the north. It is not in the middle as is generally imagined, but only 350 feet distant from the north-east corner, whereas it is 396 feet from the north-west corner. According to the French admeasurement, the base of the three pyramids; of Cheops (the largest), Cephren (the second), and Mycerinus (the smallest), is, to their perpendicular height, nearly in the ratio of 8 to 5. Cheops 448 feet high, 728 length of base ; Cephren 398 high, 655 length of base ; Mycerinus 162 high, 280 length of base. According to Belzoni, the base is 684 feet, the apotome or central line down the front from the top to the base 568 feet, the perpendicular 456 feet ; the coating from the top to the place where it ends 140 feet. The perpendicular height is considerably more than the French made , but it may be doubted, whether any one before him worked down to the foundation.


Intérieur des pyramides
Entrance and interior of the pyramids : from a plan in the Quarterly Review, it appears that there were various true passages, which are easily delineated by the following diagram :

From this, it is not only probable that the pyramids contain, as suspected, numerous chambers, but that beneath, and around the base, are catacombs to a considerable extent.
As to the forced passage, it is not modern, nor was made by the Arabs in search of treasure in the eighth century. Strabo says that towards the middle of the height of one of the sides, was a stone that might be lifted, and that it shut up an oblique passage, which led to a coffin, placed in the centre of the pyramid. The passage, now open, is only 100 feet from the base. So that there was no primary violation, as pretended, by the caliphs Mahmoud, or Haroun Al-Raschid. Belzoni thus describes his mode of detecting the real entrances. Three marks on the north side suggested it. The other hints were spots where the stony matters were not so compact as the surrounding masses, and secondly, the concavity of the pyramid over the place where the entrance might have been expected, according to the distance of the entrance into the first pyramid from its centre.
The pyramid consists, so far as has been discovered, of sepulchral chambers and passages leading to them. As to the pretended well, Capt. Cabillia [Caviglia] found that it was only a communication with a lower passage, leading into an interior chamber, which chamber is cut out of the rock, under the centre of the pyramid. Mr. Walpole says that the discovery of the room in the great pyramid of Giza, over the chamber which contains the sarcophagus, is solely due to Mr. Davison, British Consul at Algiers.  (...)

Photo Marc Chartier

Sphinx, temple et pyramide(s) : le point de vue de Belzoni
On the east side of the pyramid, says Belzoni, were found the lower part of a large temple, connected with a portico, and reaching within fifty feet of the base of the pyramid. Its exterior walls were formed of enormous blocks of stone. Some of the blocks in the porticoes are 24 feet high. The interior part of this temple was built with calcareous stones of various size, but many finely cut at the angles, and is probably much older than the exterior wall, which bears the appearance of as great antiquity as the pyramids. There were evidently a spacious pavement from the temple to the pyramids, and Belzoni doubted not, but the same pavement went round the pyramid. It seemed to him, that the Sphinx, the temple, and the pyramid, were all three erected at the same time, as they all appear to be in one line, and of equal antiquity. (...)


“Hieroglyphicks” or not “hieroglyphicks” ?
Hieroglyphicks on the Pyramids : Savary, before quoted, has mentioned the hieroglyphicks of the great pyramid, and the disappearance of them with the casing. Mr. Davison says the greater part of the outer stones, or coverings of the two large pyramids, have been destroyed or carried away. According to Abdullatif's account, they had a prodigious number of hieroglyphical inscriptions, but Mr. Davison could find no traces of them. Belzoni observes that no hieroglyphicks are found in the pyramids, but that nothing can be inferred from this circumstance, respecting their aera ; for in one of the Mausolea, which stands on the west of the first pyramid, and is fallen in and ruinous, may be observed hieroglyphicks and figures reversed on one of the blocks, which formed this mausoleum, and the hieroglyphicks so preserved within, as if they were to be hidden from view. These hieroglyphicks were known previous to the erection of these mausolea, though they were without any of those ornaments or inscriptions.”