mercredi 7 avril 2010

Pyramides de Guizeh : visite guidée "minimaliste" en compagnie de René Ménard (XIXe s.)

Homme de lettres, littérateur et philosophe, René Ménard (1827-1887), l'auteur du texte qui suit, extrait de La vie privée des anciens - Les peuples dans l'antiquité (1880), avait des titres à faire valoir, notamment ceux de rédacteur en chef de la Gazette des Beaux-Arts, et professeur d’histoire à l’École nationale des arts décoratifs, en abordant l'Égypte.
Mais étrangement, il se contente, dans sa description des pyramides de Guizeh, de banalités. Il est vrai qu'un certain Hérodote est, pour la énième fois, dans les parages, avec sa renommée de référence par excellence. René Ménard prend néanmoins appui également sur Mariette et un Guide en Orient difficile à identifier.
Bref, notre visite des pyramides, sous la plume de René Ménard, ne présente aucune originalité, hormis quelques détails de lecture ou d'interprétation de la Grande Pyramide :
- si les "canaux d'aération" de la chambre du Roi font partie de la description, ceux de la chambre de la Reine ne font, par contre, l'objet d'aucune mention (ni dans le texte, ni dans l'illustration jointe) ;
- l'auteur affirme sans hésitation - contrairement à de très nombreuses relations - que la momie royale a été trouvée dans le sarcophage de la chambre du Roi ;
- on appréciera enfin la dimension "relativement très petite" des pyramides satellites de celle de Mykérinos.
Les illustrations sont de Claude Sauvageot (1832-1885).

"Les pyramides sont des tombeaux ; il n'y a plus aujourd'hui aucun doute à ce sujet. Les quatre faces sont dédiées, par des raisons mythologiques, aux quatre points cardinaux et c'est ce qui explique leur orientation qui est partout la même : l'entrée est toujours dirigée vers le nord. Les pyramides occupent le centre des nécropoles, ce qui confirme encore l'attribution funéraire que tout le monde aujourd'hui s'accorde à leur donner.
"Ce qu'on voit aujourd'hui des pyramides, dit M. Mariette, n'en est plus que le noyau. Originairement, elles étaient recouvertes d'un revêtement lisse qui a disparu. Elles se terminaient en pointe aiguë. Les pyramides étaient des tombeaux hermétiquement clos : chacune d'entre elles (au moins celles qui ont servi à la sépulture d'un roi) avait un temple extérieur qui s'élevait à quelques mètres en avant de la façade orientale. Le roi, déifié comme une incarnation de la divinité, y recevait un culte. Les trois grandes pyramides de Gizeh ont, comme les autres, un temple extérieur."
C'est aux environs de Memphis que se trouvent les principales pyramides, qui faisaient partie de l'immense nécropole de cette cité.
"Les pyramides, dit le Guide en Orient, sont toutes sur la rive gauche du Nil, entre le Delta et le Fayoum. Le nombre en est considérable. Le docteur Lepsius n'en a pas examiné moins de soixante-sept, répandues du nord au sud sur un espace d'une dizaine de lieues. Elles varient beaucoup quant à leurs dimensions et à leur état de conservation. Elles forment un certain nombre de groupes plus ou moins espacés, qu'on distingue, d'après les villages actuels qu'ils avoisinent, en pyramides de Gizeh, d'Abousyr, de Sakkarah, de Dachour, de Matanyeh et de Meidoûm. De tous ces monuments, les plus grands et les plus connus sont les trois pyramides de Gizeh : ce sont aussi les plus septentrionales et les seules que l'on veut désigner communément quand on prononce le nom de pyramides."
La plus grande pyramide et la plus rapprochée du nord est celle qui a été élevée par Chéops. Elle a 137 mètres de hauteur et la largeur de chacune des faces, à la base, est de 227 mètres. Nous donnons la coupe de cette pyramide. "A" marque l'entrée, dirigée vers le nord. : elle est située à environ vingt mètres de l'assise inférieure à égale distance des deux extrémités de la face. L'entrée donne accès à un couloir descendant où l'on pénètre en se courbant et qui mesure 1m,20 de hauteur sur 1m,06 de large. Cette galerie bifurque : si nous laissons cette bifurcation pour continuer à descendre au-dessous du niveau du sol, la galerie devient horizontale et conduit à une chambre de 6 mètres de longueur sur 4 mètres de hauteur. On ne connaît pas l'emploi de cette pièce, qui se trouve à peu près dans l'axe vertical de la pyramide, mais à 32 mètres au-dessous de sa base et conséquemment au niveau du Nil. Hérodote parle d'un canal souterrain qui amenait l'eau du fleuve à l'intérieur de la pyramide : si ce canal a réellement existé, c'est en cet endroit qu'il a dû aboutir, mais on n'en a trouvé aucun indice. À l'extrémité de la chambre, se trouve, il est vrai, une nouvelle galerie qui semble un prolongement de la première et s'enfonce à une profondeur de 16 mètres, mais elle se termine brusquement et n'aboutit à rien.
Revenons maintenant vers la porte d'entrée marquée "A", jusqu'au point où se trouve la bifurcation. La galerie montante qui se dirige vers le point "B" est fermée par un gros bloc de granit : les Arabes, chercheurs de trésors, n'ayant pu déplacer ce bloc, l'ont tourné en s'ouvrant un passage factice dans la masse même de la maçonnerie.
Quand on se retrouve dans la galerie, on arrive au point "B" que nous désignons sous le nom de grand passage parce qu'il est en effet beaucoup plus vaste que les autres galeries. Mais, à l'entrée du grand passage "B", nous trouvons une nouvelle bifurcation, et une petite galerie horizontale longue de 35 mètres nous mène à "C", qui est connu sous le nom de chambre de la reine. C'est un grand caveau dont le plafond est formé par des dalles arc-boutées : il est placé à 22 mètres au-dessus du niveau du sol, à 54 mètres au-dessus du souterrain, et à 118 mètres au-dessous de la plate-forme supérieure.
Nous devons signaler, à l'entrée du grand passage "B", une particularité (…) : c'est un puits qui va aboutir au souterrain, mais qui descend en suivant une ligne tantôt droite et tantôt oblique, de manière à former un zigzag irrégulier. Ce puits, dont on ignore la destination, est aujourd'hui bouché.
Le grand passage mène à la chambre du roi, marquée "D". Cette chambre a été appelée aussi chambre du sarcophage, à cause de la momie royale qu'on y a trouvée dans un sarcophage de granit rouge, sans ornements ni hiéroglyphes. Cette chambre est recouverte par un plafond plat, mais au-dessus d'elle, on trouve, en "O", cinq chambres basses, s'étageant à intervalles rapprochés, les unes au-dessus des autres, et qui n'ont d'autre utilité apparente que d'alléger la pression de la maçonnerie supérieure sur le caveau royal. Deux canaux d'aération, partant du caveau, vont aboutir l'un en "F" vers la face nord de la pyramide, l'autre en "E" vers le sud.
Ce gigantesque édifice, qui faisait l'étonnement et l'admiration de l'antiquité, a été décrit par Hérodote. L'historien grec rapporte que cent mille hommes furent employés pendant dix ans à faire un chemin pour voiturer les pierres, à creuser la montagne et à ménager des chambres souterraines dans la colline où sont élevées les pyramides. Il ajoute qu'il fallut vingt années de travail pour la construction même du monument.
La seconde pyramide est presque aussi haute que celle de Chéops, mais un peu moins large. En avant, était un temple, dans lequel M. Mariette a retrouvé en 1860 la statue de Chephren, le pharaon qui a élevé cette pyramide. (…) cette statue, maintenant au musée de Boulaq, (…) peut être considérée comme un des plus anciens monuments de la sculpture. D'autres statues moins importantes et une inscription donnant une liste de 40 noms de rois ont été découvertes dans le même endroit. Les restes d'une ancienne muraille se trouvent en avant de la face ouest de la même pyramide.
La troisième pyramide, celle de Mycérinus, est beaucoup moins grande que les deux autres. Un temple se trouve également à la face est de cette pyramide, et trois autres pyramides, d'une dimension relativement très petite, se voient du côté sud. (…)
Un autre monument extrêmement curieux, mais aujourd'hui presque entièrement enseveli sous le sable, est placé à côté des pyramides : c'est le fameux sphinx de Gizeh.
"Au sud-est de la grande pyramide, dit M. Mariette, est le sphinx. Le sphinx est un rocher naturel auquel on a donné, tant bien que mal, l'apparence extérieure de cet animal symbolique. La tête seule a été sculptée. Le corps est le rocher lui-même, complété aux endroits défectueux par une mauvaise maçonnerie en calcaire. La hauteur totale du monument est de 19m,97. L'oreille a 1m,79, la bouche 2m,32 ; la plus grande largeur de la figure est de 4m,15."

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