Photo Marc Chartier
Du sieur Caesar Lambert qui visita l'Égypte dans les années 1627,1628,1629 et 1632, on ne sait rien, sinon qu'il était de Marseille. Le récit qu'il rédigea de ses divers voyages a été publié en 1651 dans l'ouvrage Relations véritables et curieuses de l'isle de Madagascar et du Brésil, avec l'histoire de la dernière guerre faite au Brésil entre les Portugais et les Hollandais, trois relations d'Égypte et une du royaume de Perse.
Le bref extrait ci-dessous relate la visite qu'il fit au site de Guizeh (pyramides et Sphinx).
Pour une meilleure lecture du texte, j'ai rétabli, sauf en quelques rares exceptions, l'orthographe actuelle.
À noter deux mentions particulières :
- l'espace, au milieu de la pyramide, "duquel, suivant l'apparence, l'on tirait les pierres pour fabriquer la pyramide" ;
- les nombreuses "chambrettes", à proximité des pyramides, pour les ouvriers du chantier.
À trois lieues de la ville du Caire pour aller aux pyramides, l'on passe par la petite ville de Gizé, sur le bord du Nil, qui est à moitié chemin. De là on entre dans une grande plaine cultivée de lins, trèfles, fèves et autres herbages en quantité ; étant cette place arrosée par divers canaux tirés par des roues comme dessus, laquelle passée l'on trouve un lieu aréneux (1) et relevé d'un grand et long rocher, sur lequel est cette pyramide qui reste entière de trois grandes qui sont en cet endroit, accompagnées d'un nombre de moyennes et de petites. Les deux grandes ont leur sommet entier et le reste vers le bas gâté par l'antiquité, comme toutes les moyennes et petites dont la plupart sont demeurées imparfaites, par où il se voit que cela leur servait de sépulture.
La susdite pyramide la plus grande en ce lieu-là et entière n'a jamais été finie ; elle est carrée en tout sens et de trois cent soixante pas d'un angle à l'autre, autant de hauteur et davantage : y en ayant partie dans le sable qui ne se voit.
Il y a deux cent six pierres par lesquelles l'on monte au-dessus d'épaisseur, et largeur avec leur mortier et ciment de trois à quatre pieds, longues de six à douze, quelques-unes de vingt et plus. Le sommet est couvert de douze grandes pierres, entre lesquelles il y en a une qui surpasse en largeur et longueur la croyance des hommes, pour la peine que l'on doit avoir eue en la montant si haut.
Ce sommet semble pointu de loin, ce néanmoins il y a d'un angle à l'autre près de vingt pans. En descendant il se trouve, comme au milieu de la pyramide, un espace duquel, suivant l'apparence, l'on tirait les pierres pour fabriquer la pyramide ; au pied de laquelle, du côté de Gizé, et au milieu, il y a une entrée par un petit corridor, par lequel l'on monte à peine dans la pyramide, à cause qu'il est de pierre de taille, fort unie et droite.
On trouve en montant et à côté une chambrette, et plus haut une chambre de dix pas de long et cinq de large, assez haute et couverte de grandes pierres qui la traversent d'une part à l'autre. Au milieu, un sépulcre de marbre tirant sur le noir fort entier, de huit pans de long, quatre de haut et trois de large, sans couverture, pièce très rare, qui a été mise en fabriquant la pyramide, lequel devait servir à ce grand Pharaon.
En descendant il se voit un grand puits à côté, qui va sous terre fort loin ; ce devait être l'entrée secrète si l'on eût fini cette pyramide.
Proche de là on voit entaillé dans le roc même une tête qui a une pique de hauteur proportionnée, bien travaillée avec un frontal de lettres hiéroglyphiques qui montraient les heures et certains signes par le Soleil : au moyen de quoi ils auguraient sur les affaires qui se présentaient. C'était le Sphinx d'alors qui servait d'oracle. Les Genitzaires (2) le gâtent de mousquetades qu'ils lui tirent.
On voit entre cette pièce et lesdites pyramides les carrières d'où sont sorties toutes ces pierres ; et au long du rocher nombre infini de chambrettes entaillées et enrichies d'un nombre de lettres hiéroglyphiques de diverses figures. L'on dit et avec apparence que ce sont les chambres de ceux qui travaillaient aux-dites pyramides. Ces pierres contreviennent à ce que tant d'auteurs ont écrit, qui marquent qu'à cent lieues de là, il ne se trouvait aucunes pierres.
(1) couvert de sable
(2) Janissaires
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire