mercredi 23 décembre 2009

"Les Égyptiens se croient les premiers et les plus anciens de tous les peuples, avec assez de fondement" (Charles de Sainte-Maure - XVIIIe s.)

Je n'ai trouvé aucun élément biographique sur Charles de Sainte-Maure (16..-17..), auteur du texte ci-dessous qui est extrait de l'ouvrage Nouveau voyage de Grèce, d'Égypte, de Palestine, d'Italie, de Suisse, d'Alsace et des Pais-Bas, fait en 1721, 1722 et 1723, La Haye, 1724.
Une certitude toutefois : cet auteur ne doit pas être confondu avec Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier (1610-1690), célèbre personnage de la cour de Louis XIV.


"J'ai été voir les pyramides bâties à quatre lieues du Caire, et à une demie du Nil, par les anciens rois d'Égypte. Ces édifices furent mis au nombre des merveilles du monde. Hérodote et plusieurs autres auteurs décrivent que deux cent vingt mille hommes travaillèrent à la première durant vingt années, par ordre du roi Chaemis ou Chresomis. Chaque face de son carré par le bas est de plus de deux cents toises, et sa hauteur de huit cents pieds.
La seconde qu'on croit avoir été bâtie par les soins du roi Chaeops, prince qui fut indigne du trône, n'est pas si considérable ; et la troisième qu'on attribue à la courtisane Rodope, sans pouvoir l'assurer, est un diminutif des deux autres.
On ne peut entrer que dans la première, parce que le roi qui l'avait fait bâtir, n'ayant pas été jugé digne des honneurs de la sépulture, n'y fut point enterré ; par cette même raison, l'entrée n'en a point été fermée. J'ai craint d'étouffer dans ce terrible labyrinthe où je me suis bien promis de ne rentrer jamais de ma vie. On y grimpe avec beaucoup de peine et assez d'apparence de s'y casser le cou si l'on fait un faux pas. On y trouve après bien des difficultés une chambre de douze pas de longueur, de six de large, et d'environ vingt pieds de haut ; neuf pierres larges de quatre pieds chacune, qui couvrent cette chambre, s'appuient sur deux murs dont les murailles en dedans sont d'un marbre granite noir parfaitement poli et merveilleusement employé. Dans le fond de cette chambre, on voit un tombeau dans lequel il n'y a rien ; il est long en dedans de sept pieds ; il en a trois de large, près de quatre de haut et cinq pouces d'épaisseur. Il est d'une pierre grisâtre approchante de l'orphire (*) sans être rouge, et la pierre qui est fort dure résonne (**) comme une cloche quand on frappe dessus.
Au surplus, Monsieur, il n'y a point de potentat en Europe qui ne pût immortaliser son nom par de semblables édifices, s'il était malheureusement infatué des mêmes principes où étaient les Égyptiens. Pour les Mumies ou Momies, comme il vous plaira de les nommer, telles qu'on les trouve dans le désert, je suis persuadé que le moindre pharmacien qui saurait son métier pourrait s'acquitter aussi bien que les anciens de vider un corps après sa mort, de l'emplâtrer, de le remplir de gomme et de parfums et de le serrer avec une si grande quantité de bandages que l'air n'y pouvant entrer, l'accès en serait interdit à la corruption
(...) Ce qui me paraît de plus clair, c'est que les Égyptiens se croient les premiers et les plus anciens de tous les peuples, avec assez de fondement, et si les Phéniciens n'avaient pas inventé l'écriture, les Égyptiens auraient la gloire d'être les auteurs ou les pères des Arts les plus utiles. Ces derniers avaient deux sortes de lettres : les sacrées et les vulgaires. Les sacrées étaient des sculptures et des figures fort extraordinaires que les auteurs ont nommées hiéroglyphes : ils les faisaient tailler sur des pierres, sur des obélisques, ou sur des pyramides, où des prétendues figures sacrées représentaient les principaux dogmes de leur théologie et de leur science politique et morale; mais ils ont toujours fait un si grand mystère de cette science hiéroglyphique que Pythagore, comme bien d'autres philosophes, l'ont étudiée sans y avoir compris grand-chose."

(*) il faut lire "porphyre"

(**) l'auteur a écrit "raisonne"

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