lundi 16 juillet 2012

Théorie sur l’orientation des principaux monuments de l’Égypte pharaonique, par Jean-Pierre Dupeyron

Le texte qui suit, illustré par une vidéo qu'il est indispensable de consulter en premier lieu, m'a été transmis par son auteur.
Jean-Pierre Dupeyron est déjà connu des lecteurs de Pyramidales : plusieurs de ses communications y ont en effet déjà été publiées. Suivre ce lien pour un récapitulatif.
Les savantes considérations qu'il nous propose ici prennent place en amont de l'acte de construire proprement dit, dont les bâtisseurs de pyramides avaient le secret. Avant d'entreprendre leurs travaux de terrassement et d'élévation des blocs de pierre, les constructeurs égyptiens levaient la tête pour observer le ciel. L'astronomie faisait partie de leurs "outils" : ils avaient recours aux déchiffreurs des corps célestes, révélateurs et guides de l'aménagement de la cité terrestre, pour le positionnement et l'orientation de leurs monuments.
Construire n'a jamais été un geste anodin ou banal. En Égypte plus qu'ailleurs, où, pour reprendre une terminologie moderne, le profane était imprégné de sacré. Les majestueuses pyramides sont encore là - n'en déplaise peut-être à certains autoproclamés pourfendeurs de "paganisme" - pour nous le rappeler.


Ce texte est la partie complémentaire de la vidéo sur ma théorie de l’orientation des pyramides d’Égypte.


Énoncé global de la théorie :

Tous les monuments de l'Égypte pharaonique ont été orientés par la visée d’une étoile ayant un déplacement apparent Ouest/ Est la nuit de la nouvelle lune suivant le solstice d’hiver.
Le choix du côté du monument pour cet alignement étant a priori sans grande importance.
Dans tous les cas, la fin de la visée intervient à l’apparition de l’étoile Thuban de la constellation du dragon, que celle-ci soit l’étoile choisie ou non. 


Exemple d’équation permettant de trouver le nombre de jours séparant le solstice d’hiver de la nuit de la visée pour un monument M orienté par rapport à une étoile E


SHJM est le nombre de jours après le solstice d’hiver du monument M dont le début de la construction est estimé à l’année A, avec l’étoile de référence E.
CE est une constante exprimée en jours. Elle correspond au nombre de jours nécessaires à l’étoile E pour parcourir la distance entre le solstice d’hiver et le Nord géographique.

Nota : pour l’étoile Thuban, sa valeur est approximativement égale à 11 jours. En fait, je trouve plus exactement : CE + EV + (((365 / (24 * 60)) * RM) * (360/365)) égal à environ 11,5 jours.
RM est le retard entre l’apparition de Thuban et la fin de la visée.

Nota : 4 minutes de retard rajoutent un jour de plus à SHJ. Il est possible que cette valeur soit d’environ 2 minutes pour les pyramides et moins pour les temples.
EV est l’erreur de mesure de la visée exprimée également en jours.

Nota : Pour les pyramides, j’ai estimé EV = 0.
αM est l’orientation par rapport au Nord géographique d’un des côtés du monument M exprimée ici en secondes de degrés d’arc.
αEA est le rayon du cercle de déplacement apparent de l’étoile E à l’année A exprimé ici avec les mêmes unités qu’αM.

Nota : (Pi * 2 / 365)) permet de convertir en jours le résultat d’arc tangente que mon ordinateur donne en radian. J’ai utilisé le logiciel Stellarium, version 0.11.0, pour l’obtention de ce rayon.
En dernier, il faut rajouter à SHJM le temps supplémentaire dû à l’allongement des jours après le solstice d’hiver. J’ai estimé cet allongement linéaire égal à 10 minutes/29 par jour.


Principe de la détermination de la date de la cérémonie de la tension de la corde
Ce qu’il faut bien comprendre avec cette théorie, c’est qu’elle ne permet pas, à elle seule, de trouver la date de cette cérémonie. Elle intervient uniquement en complément des autres méthodes (épigraphique ou datation au carbone 14) pour déterminer, à l’intérieur de leurs fourchettes, des dates les plus probables.

La première condition pour que cette théorie puisse être mise en œuvre est de connaître, avec une grande précision, l’orientation du monument. Ces mesures doivent être réalisées uniquement sur les côtés Est et Ouest, non pas sur les murs d’enceinte, mais sur le monument principal. Cette recommandation vient du fait que la visée de l’étoile s’est faite d’un seul côté et que le traçage définitif a été réalisé à l’aide de piquets et de cordes, comme expliqué au paragraphe "le secret du calcul des pentes" de mon livre L’Horizon de Kheops. De ce fait, à cause de l’élasticité des cordes, l’orientation du côté opposé à la visée peut être légèrement différente et ne doit pas être choisie (j’ignore s’il y avait un côté privilégié).

Une fois cette orientation obtenue, la deuxième action consiste à calculer SHJ. On peut utiliser pour ce calcul l’équation donnée en exemple au paragraphe 2.

La troisième et dernière action consiste à délimiter, dans la liste des solstices d’hiver et de nouvelle lune, la fourchette la plus probable, puis à choisir la date qui correspond à SHJ ou au maximum à SHJ + 2 jours.

Ce rajout de + 2 jours à SHJ est dans un premier temps un maximum. Je pense qu’avec l’expérience il pourra être très certainement ramené à 1 jour. J’ai rajouté ce délai, d’une part, pour tenir compte des erreurs éventuellement faites par les grands prêtres lors de la visée et, d’autre part, pour prendre en compte l’incertitude de la détermination de la nouvelle lune et du jour du solstice d’hiver.

La dernière difficulté est l’estimation du temps entre le couronnement du pharaon et la cérémonie de la tension de la corde. Par principe, on peut considérer que jamais ce délai ne peut être négatif. Raisonnablement, on peut estimer ce temps à quelques mois si le pharaon précédent s’est éteint lentement et à au moins une année de préparatif si sa mort a été soudaine.

Pour toutes ces raisons, il faudra certainement du temps pour que les égyptologues se mettent tous d’accord sur les dates les plus importantes de cette civilisation.

Explications complémentaires sur l’orientation des temples
Ce paragraphe s’adresse plus particulièrement à ceux que ma théorie sur l’orientation des pyramides n’a pas convaincus. Je vais essayer de leur démontrer deux choses : d’une part que ma théorie explique logiquement l’orientation des temples et, d’autre part, je vais vous prouver que les égyptologues auraient dû trouver la clé de cette orientation bien avant moi.

Cette photo satellite (de Google Earth) du temple funéraire de Ramsès III à Médinet Habou va me servir de fil conducteur pour mes explications.


Tout d’abord, sur cette photo, on remarque que le temple funéraire de Thoutmosis III est inséré (en bas à droite) dans l’enceinte du temple de Ramsès III (au centre). Cette disposition à de quoi surprendre : pourquoi Ramsès III, lorsqu’il a fait construire son temple, environ 300 ans plus tard, a-t-il phagocyté le petit temple sans tenir compte de son orientation ? Cette configuration est intéressante car elle élimine, d’entrée, un certain nombre de suppositions. Comme la configuration des lieux, le cours du Nil, la course apparente du soleil, n’ont pas changé en 300 ans, c’est que ces temples n’ont pas étés orientés en fonction de l’un de ces éléments.

De ce fait, il ne reste plus que deux possibilités. La première est la méthode du bâton que l’on lance en l’air ; ce qui revient à dire que les grands prêtres s’en seraient remis au hasard pour orienter leur temples. Farfelu me direz-vous, d’accord, mais nous verrons par la suite que la mise en œuvre d’une méthode similaire n’a jamais choqué personne. La seconde est connue depuis le déchiffrement des hiéroglyphes : les temples étaient orientés par rapport aux étoiles !

Problème : 

pourquoi les égyptologues ne semblent pas avoir déterminé le mode opératoire ?

En fait, il y a plusieurs raisons. La principale est certainement la perte du "livre de la fondation" où était, parait-il, inscrites les consignes relatives à la cérémonie de la tension de la corde. De nos jours, il ne reste plus sur les parois des temples que des textes sibyllins qui mettent plutôt en valeur le rôle du pharaon. Cependant, en définitive, la vraie raison est, à mon avis, le fait que les égyptologues pensent détenir la solution et qu’il n’y a plus rien à découvrir.
Effectivement, ils ont réussi à trouver que les temples Ptolémaïques étaient orientés, une nuit sans lune, vers les étoiles de la constellation de la grande ourse (sans n’en citer aucune ni à quelle date). Or, si l’on réfléchit un tout petit peu, viser n’importe quelle étoile sans définir le moment, c’est l’équivalent de la méthode du bâton (plus cette étoile est éloignée du pôle Nord céleste plus l’aléa est important) !
Voilà pourquoi je pense que les égyptologues auraient dû persévérer dans leurs recherches pour ne pas avoir à nous expliquer, sans peut-être s’en rendre compte, que l’orientation des temples avait été faite au … hasard !
Étonnant, car les textes sont clair sur ce point : ils précisent bien que cette cérémonie mobilisait un dieu indicateur du temps.

Ce reproche envers les égyptologues peut paraitre excessif car, a priori, il semble impossible de déterminer parmi les milliers d’étoiles, laquelle était visée et à quel moment. Ce n’est pas tout à fait exact. Depuis l’avènement de l’ordinateur, il était imaginable de mettre en œuvre la méthode dite de la "force brute". Ce terme désigne le fait de tester toutes les solutions possibles dans le but de voir si une solution logique apparaît. De plus, il était possible de dégrossir le problème en partant d’un détail connu qui précisait que chaque pharaon visait une étoile spécifique. Ainsi, par exemple, je trouve que les temples de Ramsès II (à Abydos et Louxor *) sont tous les deux orientés sur l’étoile béta de la constellation du petit lion. Il suffisait d’examiner plusieurs de ces cas pour se rapprocher de la solution. A ma connaissance, cette étude n’a jamais été envisagée.
En définitive, les textes relatifs à la cérémonie de la tension de la corde sont relativement précis puisqu’ils décrivent qu’il faut viser une étoile de la constellation de la grande ourse une nuit sans lune, en faisant bien attention au temps. Si vous rajoutez le solstice d’hiver, vous obtenez … ma théorie !

La preuve, je constate avec un raisonnement complètement différent, que les temples suivants ont bien été orientés vers une des étoiles de la constellation de la grande ourse :

- Temple de Karnak, orientation du fronton principal : étoile X (chi UMa) ;
- Temple de Louxor Nord, l’axe du temple est orienté vers une des trois étoiles suivantes :
Alula Borealis, Tania Borealis ou Tania Australis (µ UMa) ;
- Temple de Louxor Sud, l’axe du temple : étoile (Phi UMa) ;
- Temple de Dendérah : étoile Alpha UMa.

* Le temple d’Abou Simbel n’a pas la même orientation que ces deux temples, ce qui est logique, vu la configuration des lieux. 

Exemples de la détermination de la date de la cérémonie de la tension de la corde pour les pyramidesJe n’ai à ma disposition que cinq pyramides dont les données sont en principe suffisamment précises pour faire cette détermination. De ce fait, pour des raisons de crédibilité, je ne peux malheureusement pas donner comme avérés des résultats sur des pyramides dont je ne dispose que des orientations mesurées sur plan.
Pour ces exemples, j’utilise les dates de début de règne des pharaons compilées par Peter A. Clayton dans son livre La chronologie des pharaons, aux éditions Casterman de 1995. Ces dates sont placées au centre de listes de plus de dix ans avant et plus de dix ans après (voir les cinq exemples des paragraphes suivants).
Sur ces cinq pyramides, seule la rhomboïdale de Séfrou pose un petit problème que j’explique dans le paragraphe qui le concerne.

Nota : les listes des solstices et des nouvelles lunes ont été faites "manuellement" avec le logiciel Stellarium et sont donc relativement peu précises. 


Détermination de la date de la cérémonie de la tension de la corde de la Pyramide d’Houni

Tableau N°1 : SHJ de la pyramide d’Houni = -0,05 




Détermination de la date de la cérémonie de la tension de la corde de la Pyramide rhomboïdale de Snéfrou

On remarque pour ce pharaon que la date que j’ai validée, pour ne pas d’emblée passer pour un contestataire, est à la limite haute du nombre de SHJ que je préconise. Cette date donne un temps de règne d’approximativement 23ans pour Snéfrou et Houni. En fait, je pencherais plutôt pour l’année -2622, ce qui donnerait approximativement 15 ans de règne pour Houni et 31 ans pour Snéfrou. Cette dernière date devient beaucoup plus logique lorsque l’on sait que Snéfrou s’est fait construire deux pyramides dont le volume total est supérieur à celle de la grande pyramide et qu’en plus il a terminé celle de son père Houni.



Tableau N°2 : SHJ de la rhomboïdale de Snéfrou = 3,91  



Détermination de la date de la cérémonie de la tension de la corde de la Pyramide de Khéops

Tableau N°3 : SHJ de la pyramide de Khéops = 8,78



Détermination de la date de la cérémonie de la tension de la corde de la Pyramide de Khéphren
Tableau N°4 : SHJ de la pyramide de Khephren = 7,51


Détermination de la date de la cérémonie de la tension de la corde de la Pyramide de Mykérinos
Tableau N°5 : SHJ de la pyramide de Mykérinos = 18,59



Exemple de vérification de la durée du règne de Djédefrê et de la durée de construction maximale du complexe funéraire de KhéopsCet exemple permet de constater la grande utilité de cette théorie. Je trouve, pour les ruines d’Abourawash, un nombre de jours après le solstice d'hiver compris entre zéro et quatre. Par chance, il n’y a que trois dates qui peuvent à la rigueur convenir. Je ne retiens pas l’année -2568 qui ne laisserait que 20 ans à Khéops pour ériger, en plus de sa pyramide, les temples haut et bas et la chaussée monumentale. L’année -2562, à mon avis, ne convient pas non plus car un an pour creuser cette excavation ne me semble pas réaliste. En dernier, si Khéphren a commencé sa pyramide en fin -2559, c'est que son frère était mort bien avant, ce qui explique pourquoi je ne compte que quatre ans de travaux. Par contre, pour Khéops, on peut, à la rigueur, considérer que la dernière année a été consacrée aux finitions, ce qui nous donne 26 ans au grand maximum pour la durée des travaux de son complexe funéraire. 


Tableau N°6


Tentative de vérification de la validité de cette théorie sur l’orientation des temples
Normalement, la seule difficulté devrait être la vérification de la date de construction des temples dédiés aux dieux. Contrairement aux temples funéraires qui, eux, devaient en principe commencer dans l’année suivant le début du règne du pharaon, ces autres temples devaient certainement être entrepris qu’une fois le pharaon établi.
Malheureusement, je ne dispose pas de mesures suffisamment précises sur l’orientation des temples et le logiciel Google Earth me donne, dans le meilleur des cas, un azimut à plus ou moins 30 minutes d’arc. De plus, en l’absence de temple de référence sur l’étoile que je veux vérifier, je ne dispose pas de la constante CE (voir le paragraphe n°1), ce qui m’oblige à essayer de déterminer la minute de l’apparition de l’étoile Thuban dans le désert. Compte tenu de toutes ces contraintes, j’obtiens pour tous les temples un SHJ (voir le paragraphe n°1) initial que j’estime à plus ou moins deux jours. Si l’on rajoute à ce chiffre l’imprécision inhérence à cette détermination, les résultats que j’obtiens sont beaucoup trop approximatifs pour être réellement significatifs.

Toutefois, en refaisant plusieurs fois les mesures uniquement sur trois temples, je trouve les résultats suivants :
- Temple funéraire de Thoutmosis III, je trouve deux dates pour le début de la construction
-1499; soit environ deux avant l’usurpation de son trône par sa belle mère Hatchepsout, soit
-1480 environ deux ans après son retour au pouvoir (étoile visée : Alpha de la constellation du lynx) ;
- Temple de Ramsès II dédié à Osiris (à Abydos) ce serait a priori l’année précédant la bataille de Kadesh (étoile visée : béta de la constellation du petit lion). ;
- Temple de Ramsès III (à Médinet Habou) il semble bien que le début de la construction du premier fronton ait commencé l’année suivant du début de son couronnement (étoile visée : 21 LMi de la constellation du petit lion).
Nota : les dates de références sont toujours celles données par Petre A. Clayton.

Ces aperçus sont donnés uniquement pour vous prouver l’aide que peut apporter cette théorie en sachant que pour le moment les fourchettes de dates que les égyptologues nous donnent sont importantes. Ainsi, par exemple, la fourchette de début de règne de Thoutmosis III est de 37 années. 

Conclusion
Cette cérémonie de la tension de la corde est la pierre de Rosette de la chronologie de la civilisation pharaonique.


mercredi 11 juillet 2012

C'est quoi cette histoire de destruction des pyramides ?

Les pyramides égyptiennes font actuellement le buzz...
Il est vrai qu’après la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, le saccage, au Mali, de bâtiments d’une valeur architecturale et patrimoniale inestimable attire l’attention sur les crimes culturels dont sont ou pourraient se rendre coupables des “intégristes” sous couvert de religion (musulmane).


Un récent article de Raymond Ibrahim (“Calls to Destroy Egypt's Great Pyramids Begin”) fait froid dans le dos.
Voici la traduction française qu’en propose Poste de veille :
“Selon plusieurs rapports dans les médias arabes, d'éminents dignitaires religieux musulmans ont commencé à appeler à la démolition des grandes pyramides d'Egypte, ces “symboles du paganisme”, selon les mots du cheikh saoudien Ali bin Said al-Rabi’i, que le parti salafiste d’Égypte envisage depuis longtemps de recouvrir de cire.
Plus récemment, Abd al-Latif al-Mahmoud, “le cheikh des cheikhs sunnites” de Bahreïn et  président de l’Unité nationale, a appelé le nouveau président de l'Egypte, Muhammad Morsi, à “détruire les Pyramides et à réaliser ce que Sahabi Amr bin al-As n’a pas été en mesure d’accomplir”.
Il s’agit d’une référence au compagnon du prophète musulman Mahomet, Amr bin al-As, et ses tribus arabes qui ont envahi et conquis l’Égypte (c.641). Sous al-As et le règne musulman qui a suivi, de nombreuses antiquités égyptiennes, vues comme des vestiges d'infidélité, ont été détruites. Bien que la plupart des universitaires occidentaux prétendent le contraire, les premiers scribes musulmans affirment que la grande Bibliothèque d'Alexandrie elle-même, considérée comme dépositaire du savoir païen contraire au Coran, a été détruite sous le règne de Bin al-As conformément aux instructions du calife Omar. [...]
Aujourd’hui, note le “cheikh des cheikhs” de Bahreïn, la technologie moderne permet de détruire les pyramides. Il reste à savoir si le président d’Égypte, un Frère musulman, est suffisamment “pieux” et s’il est prêt à compléter le processus d’islamisation entamé par le premier conquérant islamiste de l’Égypte.
Un tel scénario n’est pas invraisemblable. L'histoire fourmille d'exemples de musulmans ayant détruit leur patrimoine pré-islamique – à commencer par Mahomet lui-même qui a détruit le temple Ka’ba d’Arabie, le transformant en mosquée. [...]
Une grande partie de la haine des musulmans pour leur patrimoine pré-islamique est liée au fait que, traditionnellement, ils ne s’identifient pas à telle nation, culture ou langue, mais seulement à la oumma, ou nation islamique. Par conséquent, même si de nombreux Égyptiens, musulmans et non musulmans, se voient d’abord et avant tout comme des Égyptiens, les islamistes n'ont pas d'identité nationale, ils s’identifient seulement à la “culture” islamique basée sur la “sunna” du prophète et à l’arabe, la langue de l’islam. Ce sentiment s’est clairement exprimé quand l’ancien leader des Frères musulmans, Mohammed Akef, a récemment déclaré “Au diable l’Égypte !”, indiquant par là que les intérêts de son pays sont subordonnés à ceux de l’islam. [...]”

Je laisse aux spécialistes de l’histoire de l’Égypte le soin d’apprécier une telle lecture des premiers âges de l’islamisation sur les rives du Nil.
Quelle fut notamment la politique de `Amr Ibn AI-'Âs face à l’injonction qui lui aurait été faite de s’attaquer aux pierres des pyramides pour parachever sa lutte contre tout témoin de “paganisme” ? Cette page d’histoire m’est grandement inconnue, si ce n’est que ce que j’ai pu en découvrir atteste du fait que le Compagnon du Prophète était, semble-t-il, plus bâtisseur que démolisseur.

Sur son site internet, Daniel Pipes s’engage dans la même voie, accumulant les exemples de ce qu’il intitule “L”Islam face  l’Histoire” : les Mamelouks utilisant le Grand Sphinx comme cible pour des exercices de tir et faisant usage de la grande pyramide comme carrière ; l’incendie de l’Institut d’Égypte ; etc.

“Considering what Islamistst are doing in Mali - destroying ancient shrines -, écrit Rick Moran, it should surprise no one that the fanatics want to blow up 5500 year old monuments to the genius of man.
The problem for the Islamists is that the pyramids are nearly indestructible. The Great Pyramid has more than 2 million blocks each weighing several tons. It would probably take a couple of decades to dismantle and the amount of explosives involved if they want to blow it up staggers the imagination.
But you know the old saying: Where there's a will, there's a way.” (American Thinker)

Évidemment, tout éclairage complémentaire, voire contradictoire, sera le bienvenu...
Pour en revenir à l’histoire contemporaine, les Salafis égyptiens se sont effectivement fait remarquer par leurs prises de position sur un tourisme “halâl” et leur souhait de voir recouverts de cire les vestiges de la civilisation égyptienne antique. Mais de là à exiger la démolition des plus prestigieux des vestiges de leur pays... Qu’il nous soit quand même encore permis de douter du caractère plausible d’une telle éventualité. En dépit de l'embrouillamini et de la cacophonie qui semblent présider à la situation politique actuelle de l’Égypte, ni le président Morsi, tout “bon Musulman” qu’il soit, ni l’Armée, ni l'intelligentsia, ni a fortiori les services archéologiques, ni la majorité du peuple égyptien, ni la communauté internationale n’accepteront que l’impensable ne se réalise au grand dam des plus hautes valeurs culturelles.

Je note par ailleurs que, contrairement aux affirmations qui lui sont attribuées, le Shayh ‘Alî al-Rabî’î vient d’affirmer sur son compte Twitter que “la visite des pyramides, des tombeaux pharaoniques et des musées de l’Égypte ancienne renforce la foi en Dieu et n’a rien de contraire à la Shari’a”. Il ajoute que son nom a été utilisé frauduleusement. (Source)
نفى الشيخ الداعية الدكتور "علي الربيعي" ما تداولته العديد من المواقع الأخبارية على الإنترنت، والتي نسبت اليه بمطالبته بهدم الأهرامات في مصر لأنها من البدع الشركية
وقال الربيعي في حسابه على "تويتر" @DrAliAlrabieei إن في زيارة الأهرامات ومقابر الفراعنة ومتاحف مصرالقديمة في الأصل يزيد من الإعتبار ويقوي الإيمان بالله وليس في الزيارة مخالفة شرعية كونها خالية من الشرك
وقال أن ما ينشره الشيعة من حسابات منتحلة بأسمه تدعوا إلى هدم الأهرامات في مصر هو في الأصل كلام سخيف لا يصدقه عقل
يذكر أن الربيعي يتداول في صفحته على "تويتر" فضائح الشيعة وإنحرافهم وعلاقتهم الوثيقة بالصهيونية

Ce n’est pas la première fois que la destruction des pyramides égyptiennes est à l’ordre du jour.
Selon des auteurs arabes, les pyramides l'ont échappé belle : le calife Othman Ben Youssuf avait l'intention de détruire la plus petite des trois pyramides de Guizeh, tandis que l'un des derniers califes voulait tout simplement faire exploser la Grande Pyramide, en remplissant de poudre le puits au cœur de cet édifice ! (Pyramidales)

Méhémet-Ali
Le vice-roi d'Égypte Méhémet-Ali (1769-1849) avait entrepris de donner suite à une suggestion qui lui avait été faite de détruire l'une des pyramides de Guizeh pour en faire une carrière de matériaux de construction. (cf, dans Pyramidales, un rappel du courrier adressé au souverain par Jean-François Mimaut (1774-1837), écrivain et diplomate, consul général de France à Alexandrie)
Voici enfin ce qu’écrivait l'historien égyptien al-Maqrîzî (1364-1442) dans Al-mawâ'iz wa al-i'tibâr fî dhikr al-khitab wa-l-âthâr :
“Le roi El-Aziz Othman ben Salah El-Din Youssef ben Ayoub, qui régna après son père, fut poussé par des gens ignorants de sa cour à détruire les pyramides. Il commença par la petite pyramide rouge et y envoya des carriers, des tailleurs de pierre, sous la conduite de quelques émirs du royaume et de grands de l'empire, en leur intimant l'ordre de la détruire. Ceux-ci plantèrent leurs tentes près de la pyramide, rassemblèrent des manœuvres et des ouvriers et n'épargnèrent pas la dépense ; ils restèrent là près de huit mois avec leurs gens et leurs chevaux, détruisant chaque jour une ou deux pierres avec des peines infinies et après des efforts inouïs. Des hommes postés en haut soulevaient avec des leviers la pierre que d'autres tiraient d'en bas au moyen de cordes et de câbles. La pierre en tombant faisait un bruit épouvantable qui s'entendait de fort loin, les montagnes en sursautaient et la terre en tremblait ; la pierre s'enfonçait dans le sable, et il fallait de nouveaux efforts pour la soulever au moyen de leviers afin de creuser par dessous un chemin sur lequel on la faisait rouler; alors on la cassait en monceaux, et chaque morceau était porté sur des charrettes et jeté au pied de la montagne voisine. Et après de très longs efforts et des dépenses énormes, épuisés de fatigue et à bout de forces, ils se virent obligés d'abandonner le travail sans avoir pu l'accomplir ; tout ce qu'ils obtinrent fut de défigurer la pyramide et de donner une preuve de leur impuissance et de l'inanité de leurs efforts. Cela se passait en 593.” (Pyramidales)

Au milieu de tout ce pataquès, misons coûte que coûte sur le vrai discernement et un minimum de sagesse, celle qui voit dans l’acte de construire une plus grande noblesse que dans le geste démolisseur. Et continuons de faire nôtre, face aux vents du fanatisme aveugle, l’émerveillement si bien décrit par l'historien égyptien al-Maqrîzî (1364-1442) :
“Par ta vie ! Qu'as-tu vu de plus merveilleux
Dans tout ce que tu as vu que les pyramides d'Égypte ?
Dressées vers le ciel et plongeant
Dans l'atmosphère plus haut que le phénix et que l'aigle,
Elles se tiennent debout, dominant la terre
Comme deux seins dressés sur une poitrine.”
(Pyramidales)