jeudi 29 octobre 2015

"J'ai construit la Grande Pyramide", de Christian Jacq

On le sait : Christian Jacq occupe une place à part, diversement interprétée et appréciée, dans l’univers de l’égyptologie. Il le prouve une fois encore avec la publication de ce roman dans lequel le lecteur est invité à suivre le parcours d’un bâtisseur de l’ancienne Égypte, qui a la “chance” d’exercer “le plus fabuleux des métiers : édifier la Grande Pyramide”.
Le récit comporte tous les ingrédients d’un roman, en premier lieu les élans amoureux de notre tailleur de pierre, vite promu chef de chantier, envers la belle Lotus, puis Méréty, fille du maître d’oeuvre Hémiounou. 

L’originalité de cet ouvrage, qui surfe sur des événements fruits de l’imagination féconde de l’auteur, est qu’il se greffe sur une page majeure de l’histoire de la IVe dynastie de l’Égypte ancienne : la construction de la pyramide de Khéops. Nous nous retrouvons ainsi au coeur de ce gigantesque chantier, avec l’organisation méticuleuse du fonctionnement des équipes, composées de 2.000 permanents et d’autres milliers d’ouvriers temporaires, les conditions de travail (les ouvriers n’étaient nullement de esclaves, mais ils représentaient une élite), la vie au village des ouvriers (où la consommation de bière et de vin introduit ou clôt maintes manifestations de la vie sociale).
L’histoire évolue au gré de la progression du chantier de construction, au cours de laquelle nous apparaissent les composantes de la pyramide : la chambre souterraine, le couloir ascendant, la Chambre de la Reine, la Grande Galerie, la Chambre du Roi ou “chambre de résurrection”, les conduits de ventilation/communication, les chambres de décharge, le pyramidion...


Photo Marc Chartier
Les techniques de construction mises en oeuvre font également l’objet de fréquentes bribes de description, reflétant souvent les questions techniques des responsables du chantier, notamment une rampe externe et une rampe interne, ainsi que l’utilisation d’un ingénieux système de contrepoids pour hisser les blocs de pierre, dont les énormes poutres monolithes de granit formant le plafond de la Chambre du Roi.
On aura évidemment reconnu au passage les éléments principaux de la théorie développée par l’architecte français Jean-Pierre Houdin (cité dans la jaquette de l’ouvrage) pour la reconstitution du chantier de construction de la Grande Pyramide.

Puis, reprenant le fil de son schéma mi-imaginaire mi-historique, Christian Jacq fait dire à son héros, comme pour déjouer notre tentative de privilégier telle lecture plutôt que telle autre : “À cet instant, je fus conscient de l’importance vitale de la pyramide ; les exploits techniques, qui nécessitaient tant d’efforts et de novations, n’étaient rien au regard de la signification de l’oeuvre, dont chaque détail avait un sens. Le plan du Maître n’était le produit ni de son imagination ni de son bon plaisir, mais l’expression de la pensée divine et la concrétisation de l’invisible.

Certes, si l’on s’en tient à une lecture “au premier degré”, on trouvera ici de quoi se laisser embarquer dans une histoire aux péripéties haletantes, avec leur lot de suspense et d’idylles de bon aloi. Si, par contre, on est tenté par un examen quelque peu scrupuleux des informations techniques distillées de-ci de-là, on risque fort de rester sur sa fin. On retiendra néanmoins ce qui apparaît comme un message central, comme une grille de lecture d’un livre à classer plus au rayon de la fiction que de la relation historique :
Grâce à la Grande Pyramide, des bâtisseurs avaient vécu ensemble et seraient immortels ensemble. Nous disparus, la contrée de lumière, composée de pierres vivantes, vaincrait le temps ; et c’est ensemble que nous avions édifié cet accès à l’éternité, visible aux yeux des humains.

Cet ouvrage, tout romanesque qu’il soit, leur est à l’évidence dédié.

MC
XO éditions, 2015, 406 pages

mercredi 28 octobre 2015

Kamal al-Mallakh, le découvreur de la barque de Khéops


Issu d’une famille copte de Haute-Égypte, Kamal al-Mallakh (26 octobre 1918 - 29 octobre 1987) était diplômé en architecture et titulaire d’une maîtrise en égyptologie.
Conjointement à ses travaux de fouilles sur la zone de Giza, où il est intervenu durant quatorze années, il collaborait au journal “Al-Ahram”. Il fut en outre l’un des fondateurs du Festival international du Film du Caire.



Son nom reste attaché à un événement majeur de l’histoire de l’égyptologie : la découverte, en 1954, d’une première barque solaire, au sud de la Grande Pyramide de Giza, ainsi que d’une autre fosse qui, selon lui, devait renfermer une seconde barque.
Tout commence en avril 1950. Kamal al-Mallakh suit attentivement les travaux de construction d’une route, pour le confort des touristes, entre la Grande Pyramide et le Sphinx. Il porte notamment son attention sur un alignement d’une quarantaine de grandes dalles de calcaire de longue portée, découvertes par les ouvriers du chantier. L’archéologue est convaincu qu’elles ne font pas partie des fondations de la pyramide de Khéops, mais qu’elles recouvrent, comme un toit, une fosse dont le contenu reste à découvrir. 


Le 26 mai 1954, avec une petite équipe d’ouvriers, il commence à gratter et élargir progressivement un interstice entre deux dalles plus friables que les autres pour pouvoir y passer la tête, puis le buste. Il perçoit alors une forte odeur de bois de cèdre provenant de la cavité. Serait-il donc sur le point d’aboutir au terme de ses longues recherches et patientes recherches, tel un Carter découvrant les “merveilles” de la tombe de Toutankhamon ?
Le 26 mai, relate-t-il, à midi par une journée torride, j'enfonçai hystériquement mon visage pour voir le bois. D'abord je ne pus rien distinguer à cause du contraste entre la lumière aveuglante du dehors et l'obscurité de l'intérieur. Comme je fermais les yeux pour rassembler mes esprits et me préparais à regarder de nouveau, je perçus l'odeur d'un vague parfum. Alors, je souris. C'était l'odeur d'un étrange composé vieux de 5000 ans. Pour moi c'était le parfum du temps. J'étais certain, à présent, que le bois était encore là. Faisant apporter deux miroirs pour refléter la lumière du soleil, le dieu des anciens Égyptiens, vers l'intérieur, par le trou, je distinguai la barque et son grand gouvernail. Nous savons aujourd'hui que le bois est du cèdre apporté du Liban. Des joints en bois rassemblaient les diverses parties du pont ; on pouvait voir des clous en bois et des joints. J'aperçus aussi un petit joint en cuivre. De plus, on pouvait distinguer une étoffe recouvrant certaines parties du bois.
Le front ensanglanté, Kamal al-Mallakh se retourne vers les membres de sa petite équipe : des larmes de joie coulent sur leurs visages souriants.




La barque, datée de 4.600 ans, est en bois de cèdre. De forme papyriforme, elle est munie de tout son outillage - rames, cordes et cabine - et comprend 1.224 pièces détachées. Elle mesure 43,5 m de long. Sa proue, formée d’un élément vertical papyriforme, s'élève à 5 m et sa poupe à 7 m. Les planches de la coque sont assemblées comme un puzzle, par tenons et mortaises, et solidarisées par des cordes en alfa. “Avec émerveillement, écrit Jean Leclant dans “Orientalia”, vol. 30, on peut voir comment les pièces étaient percées de trous permettant le passage des cordes les fixant les unes aux autres ; les cordes passaient à l’intérieur même du bois et, sauf en de rares cas, elles n’étaient pas visibles de l’extérieur. Le navire était ainsi constitué de pièces ‘cousues’ littéralement les unes aux autres.” Sur le pont, le rouf était peut-être destiné à accueillir momentanément la dépouille du pharaon lors de son transfert, sur le Nil, vers la nécropole de Giza.
Une fonction symbolique est également liée à cette embarcation. “Des savants, écrit Jean Yoyotte dans le “Dictionnaire de la civilisation égyptienne” (Hazan, 2011), ayant suggéré que les barques ainsi enterrées dans la nécropole permettaient au défunt de s’identifier à Rê, on dit couramment les “barques solaires de Giza”. Mais d’autres conjectures sont plausibles : barques pour se promener dans l’autre monde, barques-catafalques perpétuant par leur présence la vertu des rites d’enterrement, barques pour aller se revivifier aux lieux saints… Tous ces genres de bateaux sont en effet connus du rituel funéraire, et, dans l’embarras du choix, mieux vaut pour l’instant parler de ‘la barque de Chéops’.

Conscient de la portée scientifique de sa découverte, Kamal al-Mallakh extrait avec une infinie précaution les multiples pièces du bateau. Ce travail lui prend 20 mois. Puis la tâche est confiée à Hag Ahmed Youssef Moustafa, spécialiste en restauration des antiquités, ainsi qu’à Zaki Iskander et Zaki Nour, de reconstruire l’embarcation, dont la destination finale est un musée construit au pied de la Grande Pyramide, au-dessus de la fosse où elle fut découverte.

La deuxième fosse, identifiée par Kamal al-Mallakh, fait l’objet de recherches en septembre 1987 par une équipe d’archéologues japonais. Elle contient également une barque, très dégradée. Les recherches sont poursuivies en 1992-1993, puis à partir de juin 2011, par l'Université japonaise de Waseda. Compte tenu de son extrême fragilité, cette seconde barque solaire a droit aux mêmes égards, voire plus encore, que la première. Toutefois, contrairement à celle-ci, il n’est pas envisagé, pour l’instant tout au moins, qu’elle fasse l’objet d’une exposition au public.

Plus d’un demi-siècle après leur extraordinaire découverte, l’énigme suscitée par les “barques solaires” demeure. Mais quelle que soit l’interprétation donnée à leur fonction dans les rites funéraires pharaoniques, Kamal al-Mallakh aura, par son intuition et sa détermination, contribué à écrire l’une des plus belles pages de l’égyptologie moderne.

MC

Sources



Jean Leclant, “Orientalia” : Vol. 30, No. 1


"Resurrecting the Pharaoh’s Solar Boat", by Leyland Cecco



Orientalia : Vol. 30, No. 1

lundi 26 octobre 2015

Mission "ScanPyramids" : zoom sur les techniques utilisées


La mission égypto-internationale qui vient d’être mise en place pour étudier certains aspects encore “mystérieux” de la structure interne de quatre pyramides majeures à Dahchour et sur le plateau de Giza (voir ici) présente la particularité de conjuguer trois techniques exploratrices non invasives complémentaires : la thermographie infrarouge, la radiographie par muons, la photogrammétrie (scanner et reconstruction 3D).



La première de ces techniques regroupe deux missions : l’une de courte durée, menée par le spécialiste Jean-Claude Barré, de LedLiquid ; l’autre (thermographie modulée), qui s’étendra sur une année au moins, conduite par l’université Laval de Québec. Elles permettront d’établir une carte thermique des monuments et d’y révéler d'éventuels espaces creux sous leur surface visible.
La thermographie infrarouge mise en oeuvre par Jean-Claude Barré (mission courte) est l’une des méthodes les plus prometteuses pour permettre de comprendre, depuis la surface d’un monument, ce qui se passe sous ses faces. Le principe en est simple, mais son application repose sur des instruments sophistiqués et des opérateurs très expérimentés.
Elle repose sur la loi physique suivante : tous les matériaux émettent par rayonnement de l’énergie en fonction de leur température, sous forme d'ondes infrarouges pouvant être mesurées par des caméras équipées de capteurs. Grâce à un modèle numérique, les caméras génèrent des images dont chaque couleur correspond à une température donnée. Intérêt de cette technique largement utilisée pour révéler la déperdition de chaleur dans les habitations mal isolées : elle permet de localiser, grâce aux anomalies de l’image thermique obtenue, la présence de défauts dans le bâtiment. Ainsi, un courant d’air froid à l’intérieur se signalera par une zone bleue, une source de chaleur par une zone rouge. Les caméras sont également capables de quantifier l’"émissivité" des matériaux. Tous, en effet, n’absorbent pas, ne transmettent pas et ne réfléchissent pas les rayonnements de la même manière. "Sous le même soleil, l’habitacle d’une voiture blanche sera moins chaud que celui d’une voiture noire, commente Jean-Claude Barré. De la même façon, sous un soleil identique, granit et calcaire ne renverront pas la même température."

Application pour les pyramides : les différences d’"émissivité" pourront permettre de vérifier si les pierres de surface, qui ont toutes aujourd’hui la même couleur en raison des intempéries, du sable et de la pollution, sont de même nature. "Mais, poursuit Jean-Claude Barré, ce qui nous intéresse surtout, ce sont d’éventuelles zones froides qui pourraient révéler des courants d’air, donc des cavités, des chambres ou des couloirs, à l’intérieur des monuments."

C’est une véritable carte thermique des pyramides de Dahchour et Giza qu’il se propose de réaliser. Une carte dynamique, car les pyramides, comme tout bâtiment, absorbent dans la journée la chaleur du soleil, et en restituent une part la nuit. Le programme de l’opérateur est ainsi le suivant : réaliser des images sur les quatre faces une demi-heure avant le lever du soleil, lorsque le monument, ayant évacué un maximum d’énergie pendant la nuit, sera le plus froid. Et à partir de ce point 0, qui servira d’étalon, renouveler l’opération à midi et le soir. En quelques jours, Jean-Claude Barré enregistrera ainsi des centaines de milliers d’images qui seront comparées entre elles par un programme informatique. Les pyramides dévoileront peut-être alors certains de leur secrets... en bleu ou en rouge !



Quant à la thermographie modulée (mission longue), elle est couramment utilisée en industrie aérospatiale pour le contrôle non destructif des matériaux. Le principe de la mesure est le suivant : la matière - objet ou structure à l’essai - est d’abord légèrement chauffée. Si un défaut interne (anomalie non visible) est présent, la signature thermique correspondante révélera sa présence par de légères différences de température en surface. Cette signature n’est pas instantanément mesurable : elle n’apparaît qu’après un temps donné dont la durée dépend de la profondeur de l’anomalie et de ses caractéristiques propres.

Les mesures thermiques sont réalisées par une caméra infrarouge. Celle-ci enregistre l’évolution de la température en surface sous la forme d’images thermiques en fonction du temps. Un certain nombre de techniques sont disponibles pour améliorer ensuite les images thermiques obtenues, détecter et caractériser les défauts. De même, différentes techniques de chauffage existent pour stimuler l’objet ou la structure à l’essai. L’une de ces techniques consiste à moduler la source de chauffage de manière répétée suivant un motif donné (par exemple un sinus) et enregistrer la réponse thermique obtenue avec la caméra infrarouge.

Les images enregistrées sont ensuite traitées et réduites à une seule image qui condense toutes les informations reliées aux anomalies internes de l’objet. Dans le cas de grands objets, un immeuble par exemple, le rayonnement solaire constitue une source de chauffage modulée intéressante, offrant des variations périodiques naturelles sur une grande surface (tel le cycle quotidien jour / nuit). Fait intéressant : plus la variation périodique du chauffage est lente, plus l’onde thermique engendrée pourra pénétrer profondément dans le matériau. Ainsi, une onde thermique produite par un cycle jour / nuit est capable de sonder plusieurs centimètres dans un mur en béton, tandis que les variations thermiques causées par le cycle annuel des saisons (température chaude l’été et froide l’hiver) engendrent des ondes thermiques pouvant pénétrer plus profondément encore. Les variations thermiques saisonnières annuelles sont donc l’approche privilégiée pour l’étude de la pyramide en quête de possibles cavités internes proches de sa surface. 



En complément, deux missions de radiographie par muons sont programmées. Cette technique, développée au Japon par les équipes du KEK (High Energy Accelerator Research Organization) et l’Université de Nagoya, est aujourd’hui fréquemment utilisée dans l’observation des volcans, notamment par les équipes de recherche de l’université de Nagoya. Plus récemment le KEK a développé une approche de détection à base de scintillateurs électroniques résistants, contrairement aux émulsions chimiques, aux radiations nucléaires, afin de scanner l’intérieur des réacteurs de la centrale de Fukushima. Ce programme aura pour objectif de vérifier et visualiser avec précision la présence d'éventuelles structures inconnues au sein des pyramides.

Les muons, qui tombent sur le sol presque à la vitesse de la lumière avec un débit permanent d’environ 10.000 par m² par minute, proviennent des hautes couches de l’atmosphère terrestre, où ils ont été créés lors de collisions entre des rayons cosmiques issus de notre environnement galactique et les noyaux des atomes de l’atmosphère. À l’instar des rayons X qui traversent notre corps et permettent de visualiser notre squelette, ces particules élémentaires, sorte d’électrons lourds, peuvent traverser très facilement même des roches de grande épaisseur, telles les montagnes. Des détecteurs, placés aux endroits judicieux (par exemple à l’intérieur de la pyramide, sous une possible chambre encore non détectée), permettent, par accumulation dans le temps des muons, de discerner les zones de vide (que les muons ont traversées sans problème) et les zones plus denses où certains d’entre eux ont pu être absorbés ou déviés.

Tout l’art de la mesure consiste à réaliser des détecteurs extrêmement sensibles - soit des gels de type émulsions argentiques, soit des scintillateurs. Puis à accumuler assez de données (pendant plusieurs jours ou mois) pour accentuer les contrastes.
Le laboratoire de l’équipe japonaise, consacré au développement et à l’analyse des images captées par les muons, a d’ores et déjà été installé au Caire.


Parallèlement aux missions d’exploration, la société Iconem, représentée par Yves Ubelmann, réalisera une reconstitution en 3D des plateaux de Dahchour et de Giza, avec tous les monuments qui y sont érigés : pyramides, temples, Sphinx… Pour ce faire, elle combinera deux technologies : la photogrammétrie et les drones.

Les algorithmes informatiques qui sont à la base de la photogrammétrie, permettent, à partir d’une grande quantité d’images prises de points de vue différents, de reconstruire un objet 3D. Les algorithmes utilisés par Iconem ont été mis au point par l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique). La grande nouveauté - déjà développée par la société Iconem à Pompéi, en Syrie et en Afghanistan, pour reconstituer des sites menacés - est que les appareils photographiques seront embarqués à bord d’engins volants téléguidés.

Pour cette mission, Iconem utilisera deux types de drones. "Tout d’abord, des drones type ailes volantes, avions, détaille Yves Ubelmann. Grâce à leur autonomie, ils nous permettront d’obtenir des données sur de grandes surfaces et de modéliser l’environnement des pyramides à 5 centimètres près." Ils pourront positionner très précisément tous les monuments, repérer les niveaux et pentes, et éventuellement les traces d’anciennes rampes par lesquelles les matériaux auraient été acheminés lors de la construction. Les détails de la micro-topographie fourniront aussi des indices sur la position ou la forme de bâtiments non encore fouillés, qui sont visibles uniquement à travers la forme du terrain.

Les drones du deuxième type ressemblent davantage à des hélicoptères. Ils ont moins d’autonomie mais peuvent réaliser des vols stationnaires, prendre des images à quelques mètres des monuments, du plus haut au plus bas, suivre leurs pentes. Le détail sera, dans ce cas, de l’ordre du centimètre. Une telle définition donnera des informations géométriques, notamment sur l’alignement et l’assemblage des blocs, ainsi que des indications de texture, avec éventuellement des traces d’outils, de gestes de construction.

"La photogrammétrie, conclut Yves Ubelmann, permet de combiner différentes échelles, de les croiser dans le même modèle numérique et de proposer une interprétation globale des sites." Pour parfaire cette vision inédite, son équipe réalisera à l’intérieur des monuments, dans des endroits confinés et sombres où la photogrammétrie est peu opérante, des relevés au scanner laser.
Ces modélisations seront mises à disposition des chercheurs et du public, en open data, par l’Institut HIP.

MC

http://www.hip.institute/
http://scanpyramids.org


dimanche 25 octobre 2015

La Mission "ScanPyramids", top départ !


Les pyramides d’Égypte - notamment celles du plateau de Giza et de Dahchour - sont de nouveau à la une de l’actualité. Après quelque quarante-cinq siècles d’existence, elles ne s’en fatiguent pas ! Il est vrai qu’en dépit des multiples conjectures émises, depuis Hérodote jusqu’à aujourd’hui, sur les techniques mises en oeuvre pour leur construction, la certitude absolue n’est toujours pas de mise. On parle de “mystère” des pyramides… En réalité, il s’agit plutôt d’un sempiternel défi lancé à nos hypothèses ou théories, aussi ingénieuses soient-elles, par les bâtisseurs de l’ancienne Égypte.

Pour ne citer que le seul exemple de la Grande Pyramide de Giza, comment expliquer la perfection de ses lignes, en dépit des détériorations que diverses générations lui ont fait subir ? Par quels types de rampes et avec quels moyens de manutention les blocs de quelque soixante tonnes ont pu être hissés jusqu’à plus de quarante mètres de hauteur, pour bâtir la Chambre du Roi ? En outre - “last but non least” -, que recèlent les entrailles de ce gigantesque monument ? Renferme-t-il des espaces “secrets”, chambres ou espaces utilisés à des fins rituelles ou lors de la construction, qui auraient jusqu’à ce jour déjoué l’observation des égyptologues et autres chercheurs ?

Pour tenter d'élucider ces zones d'ombre, nous n'en sommes plus à l'époque de la pioche et de la dynamite ! Fini le temps où un calife Abdallah Al-Ma’moun ben Haroun El-Rachid, étant allé visiter les pyramides, eut le désir, sinon d'en démolir une pour savoir ce qu'elle renfermait, du moins d'ouvrir une brèche - encore béante aujourd'hui - pour la création de laquelle on employa "le feu, le vinaigre et les leviers".
Hany Helal
Par respect pour des monuments qui continuent de défier le temps, l'heure est désormais à l'utilisation de techniques non destructives et non invasives. Tel est l'objectif qui vient d'être fixé à "Scan Pyramids", une mission égypto-internationale, sous l’égide du ministère égyptien des Antiquités nationales, initiée, conçue et coordonnée par la Faculté des Ingénieurs de l’Université du Caire, sous la direction du professeur Hany Helal, ancien ministre de la Recherche et de l’Éducation supérieure du gouvernement égyptien, et l’Institut français HIP (Heritage, Innovation, Preservation). Dans le but de sonder, sans y percer le moindre orifice, le coeur des plus grandes pyramides d’Égypte, seront ainsi mises en œuvre les technologies les plus innovantes, utilisées par des chercheurs de réputation internationale et trois grandes universités (le Caire, Québec, Nagoya).





Cette mission, d'une ampleur jamais atteinte en terre d'Égypte, portera sur quatre monuments majeurs de la IVe dynastie (2575 – 2465) : la pyramide Sud, dite "rhomboïdale" et la pyramide Nord, dite "pyramide rouge", bâties par Snefrou (2575 - 2551) sur le site de Dahchour, à une quinzaine de kilomètres au sud de Saqqarah ; les pyramides de Kheops et Khephren, fils et petit-fils de Snefrou, élevées sur le plateau de Giza à une vingtaine de kilomètres du Caire.

Quant aux techniques de pointe qui seront appliquées, elles concernent tout d'abord deux missions de thermographie infrarouge, l’une de courte durée menée par le spécialiste Jean-Claude Barré de LedLiquid, l’autre, qui s’étendra sur une année au moins, conduite par l’université Laval de Québec : elles permettront d’établir une carte thermique des monuments et d’y révéler d'éventuels vides sous leur surface visible.

Par ailleurs et en complément, deux missions de radiographie par muons - technique développée au Japon par les équipes du KEK (High Energy Accelerator Research Organization) et l’Université de Nagoya, notamment pour inspecter l'intérieur des volcans et les réacteurs de Fukushima - auront pour objectif de vérifier et visualiser avec précision la présence de structures inconnues au sein des pyramides. "De nombreuses théories ont été émises, précise Hany Helal, à la fois pour leur construction et leurs anomalies de structure, mais nous sommes des physiciens et des ingénieurs, pas des archéologues. Notre objectif est d’utiliser des techniques pour obtenir des résultats concrets. Aux égyptologues ensuite de les interpréter !"

Le laboratoire de l’équipe japonaise, consacré au développement et à l’analyse des images captées par les muons, a d’ores et déjà été installé au Caire. "À plus long terme, indique Hany Helal, vu la richesse archéologique de l’Égypte, nous imaginons utiliser ces techniques pour d’autres monuments, soit pour les restaurer, soit pour les découvrir. Si elles démontrent leur efficacité, elles pourront même être mises en oeuvre dans d’autres pays."

Parallèlement aux missions d’exploration, la société Iconem réalisera, à l’aide de drones, une campagne de photogrammétrie qui permettra de reconstituer en 3D, avec une précision centimétrique jamais atteinte, le plateau de Giza et le site de Dahchour, ainsi que tous les monuments qui y sont érigés. Ces modélisations seront mises à disposition des chercheurs et du public, en open data, par l’Institut HIP. 


Mehdi Tayoubi
Partage et transfert sont les maîtres mots de cette campagne, dédiée à l'avancée des connaissances et soutenue par les autorités égyptiennes. "Notre volonté, confirme Mehdi Tayoubi, président de l’Institut HIP et co-directeur de la mission, est de former un corps d’experts international et de confronter leurs approches théoriques et technologiques à la réalité du terrain archéologique."

Sur quels résultats débouchera la mission, qui devrait durer au moins jusqu’à fin 2016 ? Est-il besoin d'ajouter un nouveau "mystère" à un condensé de questions qui ne cesse de tarauder archéologues et amateurs d’égyptologie ?

"L’essentiel, conclut avec philosophie et son éloquent pragmatisme Mehdi Tayoubi, est d’avancer en mettant en oeuvre de nouvelles approches. Beaucoup de missions précédentes ont tenté de percer les mystères des pyramides et si elles n’y sont pas parvenues, elles ont néanmoins fait progresser la connaissance, comme ce fut le cas par exemple, il y a tout juste trente ans, pour la mission de la Fondation EDF ayant décelé une anomalie de sous-densité en forme spiralée dans Kheops. Notre objectif est d’apporter notre pierre à l’édifice et de préparer, en toute humilité, le chemin pour les futures missions de recherche scientifique."

MC

Pour en savoir plus
http://www.hip.institute/
http://scanpyramids.org

À suivre : une présentation plus détaillée des différentes techniques utilisées dans le cadre de la mission "Scan Pyramids" - voir ICI

mardi 13 octobre 2015

Positionnement des pyramides de Guizeh : une nouvelle édition pour le site "Numérus" de Michel Sélaudoux


Un message de Michel Sélaudoux 



"Concernant Guizeh, j'ai remanié le site Numérus en y notifiant l'abandon pur et simple de la thèse des trames pour les implantations, mes bases documentaires des années 1998-2003 s'étant avérées incorrectes.
(Uniquement pour ce qui concerne les implantations des trois grandes pyramides car les trames sont par ailleurs utilisées à de multiples occasions)

Après de longs mois, cette remise en question m'a conduit à proposer depuis juillet 2015 une réponse uniquement basée sur les relevés de W.F.Petrie.
Cette contribution se rapporte au positionnement des pyramides de Guizeh.
Il suffit de questionner le web avec les mots "positionnement des pyramides de Guizeh" pour obtenir quelques milliers de réponses différentes.
Si la question n'est en principe pas résolue, certains auteurs tels John Legon ou plus récemment Ronald Birdsall ont publié des approches beaucoup plus rationnelles que les "diverses et variées" que l'on peut rencontrer, tels les carrés et rectangles magiques, Pi, le nombre d'or, la constellation d'Orion, et autres atlantes ou extra-terrestres...

Pour "Le plan au sol", les mesures les plus fiables et le plus communément admises sont celles qui résultent des travaux de William Matthieu Flinders Petrie.
En conséquence de cette recherche complémentaire, je propose cette réponse que chacun pourra aisément vérifier :

Implantations réciproques : elles se résument à quelques proportions qui utilisent la longueur de base de chacune des pyramides. C'est du niveau lycée élémentaire.

http://numerus.free.fr/p_images/distances.jpg

copyright : Michel Sélaudoux
Mesures telles que selon relevés de W.F. Petrie : lorsqu'une différence de mesure existe les valeurs de Petrie figurent en brun/rouge.
http://numerus.free.fr/p_images/pz_plansol3P02.jpg




Ce qui en résulte :
http://numerus.free.fr/p_images/reciproques.jpg 




Si cette réponse est facilement vérifiable et peu discutable, elle ne manque cependant pas de poser de nombreuses questions et je n'en donnerai qu'un bref exemple.
Si les positionnements ont été effectués au moyen de la combinaison des dimensions des bases des trois pyramides, cela pourrait-il signifier que ces dimensions étaient connues ou prédéterminées depuis la date de conception de celle de Khéops ?
Et si tel n'était pas les cas s'agirait-il d'un mode de calcul basé sur les proportions qui serait intervenu après la réalisation de Khéops, mais le positionnement de Képhren n'est-il pas lui même déjà régi par la prise en compte de la valeur de Mykérinos ?
Etc.
"

Lire également:
http://numerus.free.fr/m4_1.php
http://numerus.free.fr/m2_1.php