vendredi 3 juin 2022

La signification symbolique des pyramides égyptiennes, selon Ernesto Schiaparelli

Ernesto Schiaparelli (1856 - 1928) est un archéologue et égyptologue italien, qui consacra sa vie à l'Égypte antique.


On trouvera ci-dessous le texte intégral de son ouvrage Il Significato Simbolico Delle Piramidi Egiziane, publié en 1884.

Quelques extraits, traduits en français, de cet ouvrage :

"La pyramide était donc pour les Égyptiens le symbole du soleil rayonnant et, indirectement ou dans un sens plus large, du concept solaire en général : mais au-delà, elle en avait aussi un autre plus restreint ou mieux défini, qui a une importance toute particulière pour nos recherches, celui d'un symbole du soleil levant. Cela se déduit de la représentation de la pyramide qui s'élève entre deux montagnes : représentation qui se confirme ou s'illustre par le rapport dans lequel elle est placée au-dessus d'autres monuments avec un mythe essentiellement solaire, qui avait pour centre le sanctuaire d'Héliopolis.
Des nuées d'oiseaux aux plumes dorées et parfumées d'arômes passaient chaque année à certaines saisons sur l'Égypte venant d'Arabie, et tombaient en grand nombre dans les filets tendus par les Égyptiens : selon une légende, qui a dû se répandre parmi le peuple égyptien, parce qu'on le trouve répété par Hérodote, Tacite, Pline, Horapollon, etc. Chez eux, il y avait un oiseau, appelé phénix (...) qui venait se percher sur le sanctuaire d'Héliopolis une fois tous les cinq cents ans, un oiseau unique en son genre, qui en mourant donnait vie à un nouveau phénix, qui recueillait le corps de son parent et l'emmenait à Héliopolis, pour y mourir ensuite à son tour et céder sa place à un tiers. Il n'y a aucune indication positive de cette légende fantastique dans les textes religieux égyptiens, mais on y mentionne cependant souvent l'oiseau Bennu, adoré dans le grand temple d'Héliopolis, qui correspond sans doute au phénix des écrivains grecs ou latins. Le Bennu, qui, selon la légende, ne mourut pas avant d'avoir insufflé la vie à un nouvel être, nous apparaît dans les textes égyptiens comme le symbole de l'Âme divine qui existe malgré le changement ultérieur de formes ; il vit dans le soleil diurne, demeure dans le soleil nocturne et le fait renaître au matin, et donc, alors que dans un sens très large on l'appelait l'âme de Râ et d'Osiris, il représentait particulièrement cet instant de la course du soleil, dans laquelle ce dernier, se dégageant des ténèbres, renaît sur la crête des montagnes de la chaîne arabique.
À cet égard, le Bennu est représenté dans les inscriptions égyptiennes sur une pyramide qui s'élève entre deux crêtes montagneuses, et ainsi les deux parties de cette représentation symbolique s'illustrent et se confirment.
De l'étude du benben et de l'obélisque, dont celui-ci est l'élément essentiel ou générateur, ainsi que de son rapport avec le mythe du phénix, il ressort que la petite pyramide, vénérée dans les temples ou placée dans des tombes, était pour les Égyptiens le symbole du soleil rayonnant et, de façon secondaire et dérivée, du soleil levant. Les gigantesques pyramides de Gizeh, Abusir, Saqqarah, Dashur, Meïdoum, etc., non moins que les petites amulettes pyramidales, que l'on retrouve entre les bandes des momies, ont certainement été inspirées par les mêmes concepts, liés ou combinés avec le concept sépulcral : de ce concept complexe qui en résulte il est nécessaire d'avoir une idée très claire, puisque c'est le seul qui puisse nous donner la raison exacte de la destination, de la forme, de la taille et du nom même qui a été attribué à chacune des pyramides de la nécropole de Memphis.
Dans le soleil qui mourait chaque soir derrière la chaîne libyenne, envoyant les derniers rayons impuissants sur l'Égypte, et qui, en vertu d'une force mystérieuse et inexplicable, ressuscitait le lendemain matin pour mourir de nouveau le soir puis ressusciter à nouveau, les Égyptiens, parallèlement à ce que faisaient leurs frères chez les autres peuples, avaient concrétisé l'idée de l'Être infini et incréé, qui est la cause et la raison de leur propre existence ; celle-là même qui dans toute l'antiquité n'a été conservée dans sa pureté primitive, sans symboles et sans mythes, que par le peuple juif."