lundi 21 décembre 2009
"La conception architecturale de la pyramide n'a pas été une fortuite trouvaille de génie" (Alexandre Moret -XXe s.)
Dans un article publié, sous le titre "Autour des pyramides", dans La Revue de Paris (livraison du 15 septembre 1907), l'égyptologue français Alexandre Moret (1868-1938) reprend à son compte la théorie de Lepsius sur la technique de construction des pyramides ("chaque pyramide se développe par cristallisation et revêtements successifs autour d'un noyau de forme achevée"). Il complète cette technique par l'utilisation de plans inclinés, puis des "petites machines en bois" façon Hérodote.
Sa description de l'intérieur de la Grande Pyramide est semblable à de très nombreuses autres relations, avec cette particularité concernant la fonction de la Grande Galerie :"Il est possible qu'on ait voulu ménager ainsi un chemin de halage pour hisser le cercueil qui glissait sur le sol même de la galerie entre les deux banquettes."
L'intérêt particulier de cet article réside plutôt dans la description, proposée par l'auteur, de l'évolution du concept architectural adopté par les bâtisseurs égyptiens dans la construction des édifices sépulcraux :"Il y a dix ans encore, nous pensions trouver autour des pyramides les débuts de l'histoire d'Égypte et les archives les plus lointaines de l'humanité ; depuis, les nécropoles préhistoriques et les tombes royales d'Abydos nous ont fait admettre l'existence des deux premières dynasties et nous ont révélé dans ses grands traits la civilisation thinite. Du même coup, les rois constructeurs des Pyramides ont été ramenés à leur vraie place chronologique, c'est-à-dire au deuxième stade de l'histoire d'Égypte ; mais plus que jamais la pyramide nous apparaît comme douée de signification. À l'époque thinite qui précède, elle n'était pas connue ; sous les dynasties thébaines qui suivent, elle cesse d'être en usage, après la XIIe dynastie. La pyramide est donc caractéristique d'une période, l'ancien empire ; son emploi est assez sensiblement localisé dans une région, la banlieue de Memphis ; sans doute exprime-t-elle un nouvel Idéal artistique et religieux. La conception architecturale de la pyramide n'a pas été une fortuite trouvaille de génie ; elle est née d'une évolution assez lente et de perfectionnements successifs, que les générations apportèrent aux tombes primitives."
L'auteur illustre ensuite son propos en marquant les différentes étapes de l'art architectural funéraire :
- les "fosses" des "indigènes préhistoriques" ;
- les tombes royales construites en briques (influence de la Chaldée) :"la fosse élargie devient rectangulaire ; ses parois croulantes sont soutenues par un revêtement de briques ; un plafond de bois isole le corps de la terre jetée par-dessus (...). L'ensemble a l'allure d'un édifice trapu et allongé, recouvert de sable ; on y descend par un escalier de briques. Tel est le tombeau royal au début de l'époque thinite. Pour assurer une demeure inviolable au corps et à l'âme dont les destinées préoccupent une population de plus en plus soucieuse de l'au-delà, on creusa le caveau funéraire jusqu'au roc. La tombe prit l'aspect d'une galerie allongée, à laquelle le roc vif fournit un plafond impénétrable. Cette cachette présentait un point faible : la galerie d'accès, toujours ouverte. Pour la défendre, les architectes percèrent perpendiculairement au plafond plusieurs puits étroits, en partant du sol supérieur ; une fois le corps enseveli, on laissait tomber par ces cheminées d'énormes pierres formant herses et oblitérant hermétiquement le passage. Les bouches de ces puits s'ouvraient elles-mêmes sur le sable ; un tas de terre ou de sable, retenu par des murettes, les dissimulait."
- les mastabas : disparition de l'escalier ; apparition d'un puits vertical, traversant la maçonnerie, pour descendre le cadavre dans son tombeau, ce puis étant comblé après les funérailles ;
- vers l'an 4.000 av.J.-C. :apparition de la forme pyramidale, "conception caractéristique d'un édifice "sortant du sol" et faisant converger vers un point du ciel quatre parois lisses, qui semblent retomber du ciel sur terre en triangles parfaits".
"Il semble, ajoute Alexandre Moret, que Chéops, Chéphren et Mycérinos aient cédé à une sorte d'ivresse en développant cette formule jusqu'aux dimensions gigantesques des trois grandes pyramides de Gizeh.
L' "Horizon" , que bâtit Chéops, avait 233 mètres de largeur sur 147 de haut ; la "Grande" élevée par Chephren, 138 mètres de haut sur 215 ; la "Suprême", œuvre de Mycérinos, 66 mètres de haut sur 108 à la base. L'effort maximum fut donné au début de la IVe dynastie, et après avoir produit tout son effet, il alla peu à peu s'affaiblissant. L'impression en est très sensible à l'œil du visiteur. La grande pyramide apparaît
la première à l'orée du désert ; sa masse démesurée atteste un rêve de grandeur colossale qui ne pouvait se réaliser qu'une fois ; la deuxième et la troisième pyramides, bâties suivant la diagonale de la première, élèvent derrière celle-ci, l'une des formes plus élancées, l'autre des proportions fort réduites qui ramènent l'esprit à des concepts raisonnables et mesurés si bien qu'après la première impression d'accablement, on est obsédé du désir de comprendre les secrets de la construction et la destination de ces monuments."
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