mardi 25 novembre 2014

“Sans doute les Égyptiens de l'antiquité disposaient de moyens mécaniques d'une admirable puissance et dont nous n'avons pas retrouvé le secret” (Jean-Baptiste-Benoît Eyriès - XIXe s)


Le texte ci-dessous est extrait de “Voyage en Asie et en Afrique, d'après les récits des derniers voyageurs”, publié en 1866. Les auteurs en sont Jean-Baptiste-Benoît Eyriès (1767-1846) et Alfred Jacobs (1827-1870).
Alfred Jacobs était archiviste-paléographe, docteur ès lettres, membre de la commission de topographie des Gaules.
Jean-Baptiste-Benoît Eyriès a consacré beaucoup de temps aux voyages dans le nord de l'Europe, au cours desquels il étudia la botanique et la minéralogie. Il a ensuite mené plusieurs expéditions commerciales dans différentes parties du monde. Collectionneur de livres de voyages, il fut l'un des fondateurs de la Société de géographie. Il a publié plusieurs ouvrages géographiques et a traduit de l'anglais, de l'allemand et des langues scandinaves de nombreux récits de voyageurs et d'explorateurs. Il a également apporté sa contribution aux “Annales des voyages de la géographie et de l'histoire” de Conrad Malte-Brun, à la Biographie universelle de Louis-Gabriel Michaud, à l’Encyclopédie moderne de Léon Renier, à l’Encyclopédie des connaissances utiles et à la collection des Costumes, mœurs et usages de tous les peuples.

Cliché Photoglob


Après deux heures de marche vers le sud-ouest, notre petite caravane traversa avec assez de peine un terrain marécageux ; une demi-lieue plus loin, nous atteignîmes la limite des cultures, et le sabot de nos ânes ne foula plus qu'un sol dur, couvert de sable fin et doré ; les pyramides que nous avions en vue depuis le Caire, grandissaient à chaque instant à nos yeux, et déjà nous étions proches de ce gardien sculpté dans le granit et qui depuis cinquante siècles, toujours immobile au milieu des sables qui l'assiègent, a vu passer tant de générations d'esclaves, de conquérants et de visiteurs venus de tous les coins de la terre. Le sphinx est aujourd'hui enfoui dans le sable jusqu'aux épaules, et il n'est pas possible de juger de sa hauteur totale, ni de vérifier l'assertion des historiens grecs qui racontent que les prêtres égyptiens pénétraient jusque dans la tête du monstre par un souterrain et lui faisaient rendre des oracles.
Malgré leur immensité, les pyramides, à une certaine distance, ne paraissent pas aussi hautes qu'elles le sont en réalité, faute sans doute de points de comparaison au milieu du désert. C'est seulement lorsque le voyageur se trouve à leur pied qu'il est saisi d'étonnement devant ces amas gigantesques de pierres.
Comment les énormes blocs entassés dans ces édifices ont-ils été transportés dans le désert ? Comment les a-t-on élevés à cette hauteur ? Sans doute les Égyptiens de l'antiquité disposaient de moyens mécaniques d'une admirable puissance et dont nous n'avons pas retrouvé le secret.

La première pyramide
On gravit la première au moyen de larges assises hautes chacune d'un mètre ; j'y montai soutenu ou plutôt hissé par deux Bédouins, et, de l'esplanade que la destruction et le temps ont faite à cet immense édifice, nous pûmes jouir à notre aise du magnifique spectacle qu'offrait, au lever du soleil, l'immense panorama se déroulant sous nos yeux ; à nos pieds, autour des masses énormes des pyramides, gisaient pêle-mêle les débris des temples et des sépultures de la vieille Égypte, bornées vers le sud par les immenses catacombes et par les pyramides lointaines de Sakkara. Du sommet du plus gigantesque monument qu'ait élevé la main des hommes, nous embrassions du même coup d'œil les solitudes du désert et cette fertile vallée de l'Égypte, rendez-vous de toutes les gloires du monde : à l'orient, la ville des Mille et une Nuits, la métropole des Arabes, cité active et bruyante dont il me semblait entendre les mourantes rumeurs apportées par le vent du désert ; au sud, l'emplacement de la cité des Pharaons, triste et désert, profané par les destructeurs de trois mille ans, et où le voyageur trouve à peine quelques débris épars.
Presque dépourvue de son revêtement, la grande pyramide est accessible de toutes parts, à l'aide des gradins que forment ses assises ; la descente, sans être très périlleuse, exige cependant de grandes précautions, et les guides racontent qu'il y a plusieurs années, un Anglais imprudent se tua en tombant de la pyramide.
Des monticules, mélange des débris du revêtement et de sables accumulés par les siècles, occupent le pied de chacune des faces de la pyramide. C'est au sommet de celui du nord que se trouve l'entrée du monument, à quarante pieds au-dessus de la base. Le chemin voûté et tortueux qui conduit dans l'intérieur est très pénible à parcourir; dans plusieurs endroits on est obligé de se coucher par terre et de se laisser glisser par une ouverture très étroite ; dans d'autres, les degrés sont élevés et difficiles à gravir. Enfin au milieu d'une foule de chauves-souris et de tous les oiseaux de nuit, dans une atmosphère épaisse, le visiteur parvient à une grande salle appelée chambre du roi ; les parois en sont de granit ; au milieu s'élève un énorme sarcophage sans sculptures, sans inscriptions. En continuant à parcourir de longs corridors, on parvient à une seconde salle, semblable à la première, et qu'on nomme chambre de la reine. C'est tout ce que la pyramide de Chéops offre de remarquable à l'intérieur. Après avoir visité ces royales tombes, vides aujourd'hui, je me hâtai de sortir ; j'avais soif d'air pur et de lumière.

Autres pyramides “de moindres dimensions”
Les autres pyramides, appelées Chephrem et Mycerinus, ne diffèrent de la première que par une moindre étendue de leurs dimensions. Cependant Chephrem est presque aussi considérable ; à son intérieur on trouve, comme dans la grande pyramide, des couloirs rapides et étroits, des rampes raides et ascendantes, enfin des galeries horizontales, construites en larges blocs de granit poli qui conduisent à une vaste pièce dite aussi chambre du roi, et dans laquelle se trouve un sarcophage de granit sans ornement, et dont le couvercle a été brisé. L'entrée de cette pyramide était demeurée inconnue jusqu'en 1818 ; le fameux voyageur Belzoni réussit à la découvrir, après des fouilles dirigées avec la sagacité qui caractérise ses travaux remarquables. Cependant, lorsqu'il pénétra pour la première fois dans l'intérieur, il y lut une inscription qui lui apprenait que cet asile de la mort avait déjà été violé du temps des kalifes, ce qu'indiquaient d'ailleurs les spoliations exercées dans ces sombres demeures et l'état de mutilation du sarcophage, dans lequel il ne trouva que des ossements de bœuf. Le revêtement de l'édifice est encore aujourd'hui presque intact dans sa partie supérieure, et y forme un glacis inaccessible ; on raconte pourtant qu'un soldat le gravit sous les yeux du général Bonaparte, à l'aide de sa baïonnette, et fut assez heureux pour le descendre sans accident.
Mycérinus est semblable aux deux autres pyramides par la forme, mais elle leur est inférieure par les dimensions ; son aspect est embelli par un revêtement de granit rose. Une large tranche verticale a été pratiquée sur le milieu de la face nord par ordre d'un bey des Mameluks, qui voulut tenter d'y pénétrer par ce moyen ; ses efforts demeurèrent infructueux, mais depuis, on en a découvert l'entrée, et son intérieur est assez semblable à celui des autres. Ce monument est le moins bien conservé des trois pyramides de Gizeh.
À côté des grandes pyramides, on en voit un grand nombre d'autres de plus petite dimension, et pour la plupart à demi détruites ; quelques-unes sont couvertes d'hiéroglyphes ; des grottes creusées dans le roc, des chaussées, des tombeaux à moitié recouverts par le sable, les entourent.
Un peu plus au sud de Gizeh et des grandes pyramides commence l'emplacement jadis recouvert par la ville qui, après Thèbes, devint la capitale de l'Égypte.
Il ne reste plus aujourd'hui de Memphis que des ruines éparses entre les villages de Bedrechein, Mit-Rahineh et Menif, et au milieu desquelles pousse un grand bois de dattiers. Aux blocs de granit dispersés dans la plaine, ou déchirant le terrain et se faisant jour à travers les sables qui s'amoncellent autour d'eux et les recouvrent peu à peu, on s'aperçoit qu'on foule le sol d'une antique cité. Entre les deux premiers villages, s'élèvent de longues collines parallèles qui ont semblé à Champollion les éboulements d'une enceinte immense construite en briques crues comme celle de Sais. Depuis quelques années, des ouvriers égyptiens sont occupés à remuer ces décombres et à les enlever pour en extraire du salpêtre.

“Quinze” pyramides à Sakkara
Les pyramides de Sakkara que nous avions entrevues du sommet de Cheops, sont au nombre de quinze ; elles sont en briques et en pierre, et les plus hautes, après celles de Gizeh ; on a découvert d'immenses galeries sous la plus grande d'entre elles, et des chambres couvertes d'hiéroglyphes en relief ou tracés en noir. Autour de ces monuments sont semés les innombrables tombeaux de la nécropole de Memphis ; tous ont été violés, et les sables en ont comblé la plupart.
Dans quelques-uns cependant on trouve une série d'oiseaux sculptés sur les parois, et accompagnés de leurs noms en hiéroglyphes, puis des gazelles, des animaux de diverses sortes, des scènes de la vie domestique gravées en relief.
Dans des jarres arrondies à la base, pointues au sommet, et hermétiquement scellées, sont enfermées des momies d'ibis, oiseau sacré entre tous dans l'Égypte ancienne ; ces reliques sacrées sont enveloppées dans des bandelettes noircies par le bitume ; on en distingue encore les plumes ; au contact de l'air et sous la pression des doigts elles se réduisent en poussière et s'envolent au vent.
Les monuments de Memphis furent construits en pierres tirées des carrières de beau calcaire blanc de la montagne de Thorah, située sur la rive droite du Nil, en face de cette antique capitale. Champollion a visité une à une toutes les cavernes creusées dans le flanc de cette montagne, et il a constaté par la lecture de plusieurs inscriptions hiéroglyphiques qu'elles furent exploitées à toutes les époques de l'histoire égyptienne.

vendredi 21 novembre 2014

“Les principes de l'architecture des Égyptiens : simplicité et solidité” (Joseph Malliot - XVIIIe s.)

Joseph Malliot (1735-1811) fut directeur de l'Académie des arts de Toulouse, professeur près l'École centrale, membre de l'Athénée de Toulouse, correspondant de la Société d'agriculture et des arts arts du département du Tarn…
Dans son ouvrage “Recherches sur les ‘costumes’, les moeurs, les usages religieux, civils et militaires des anciens peuples”, édité en 1804, ouvrage qu’il décrit comme “mêlé de critiques et de préceptes utiles aux jeunes peintres, sculpteurs, architectes et autres artistes ou amateurs”, il se livre à de brèves considérations sur les pyramides en lesquelles il voit la meilleure expression de l’architecture égyptienne ancienne. Pour ce faire, il s’abrite derrière la “savante description” de ces monuments par l'astronome Nicolas-Antoine Nouet, l'un des doyens de l'Expédition d'Égypte, membre de l'Institut d'Égypte.
Il sera donc essentiellement question de mesures, de chiffres, avec leur relative imprécision. En complément, quelques remarques personnelles prennent place dans cet inventaire : elles concernent le revêtement des pyramides, ainsi qu’une brève allusion à de “présumables” rites initiatiques qui se seraient déroulés dans la Grande Pyramide… L’auteur nous laisse néanmoins sur notre faim !

Illustration extraite de la "Description d'Égypte"

“Si (les) principes de l'architecture des Égyptiens, simplicité et solidité, paraissent si fortement empreints sur les temples de la haute Égypte, comment pouvaient-ils être mieux exprimés que par ces pyramides si fameuses depuis plus de vingt siècles, dont Hérodote rapporte la construction à Chéops dans le douzième siècle avant l'ère vulgaire ?

Je n'ajouterai rien à la savante description de ces monuments par l'astronome Nouet, qui en a fixé irrévocablement les dimensions par des opérations aussi scrupuleuses qu'exactes : il en résulte que celle que l'on distingue des autres sous le nom de grande pyramide, et dont plusieurs autres savants ont vérifié la hauteur assise par assise, y est construite sur le rocher pur ; son plan est carré, et a 227 mètres 25 centim. de côté ; sa hauteur perpendiculaire, considérée comme pyramide entière, serait de 143 mètres 17 centim., ; mais elle est tronquée par un plan parallèle à la base ; cette base supérieure a 9 mètres 90 centim. de côté, et la hauteur perpendiculaire du tronc est de 136 mètres 95 centim.

Pour prendre d'après ces dimensions une idée approchée de cette masse, il suffit de savoir qu'elle contient assez de matériaux pour construire un mur de 3 mètres de hauteur et 33 centim. d'épaisseur pour une longueur de 2.359.720 mètres, qui font environ six cents de nos lieues communes, à-peu-près le tour du royaume d'Espagne.

Il était naturel de penser que ces monuments, mesurés par tous les anciens auteurs, devaient nous transmettre avec la plus grande exactitude le rapport de leurs anciennes mesures avec celles de tous les siècles suivants ; mais avec quelle peine on voit qu'eux-mêmes diffèrent tellement entre eux que, connaissant les dimensions qu'ils ont données, on ne peut se faire aucune idée de la pyramide : Hérodote lui donne 8 pléthres ; Diodore 7 pléthres ; Strabon 6 pléthres ; Pline 833 pieds romains.

Les voyageurs modernes n'ont pas moins différé entre eux sur cette mesure, ainsi que sur la hauteur : c'est que tous, comme les anciens, n'en donnaient que l'estime ; et peut-être M. Nouet est le premier qui ait eu le pouvoir et la volonté de faire des opérations rigoureuses qui seules pouvaient faire connaître irrévocablement ces dimensions, en donnant à la coudée égyptienne 19 pouces 7 lignes ou 0m 5304, comme je le dirai plus bas ; cela fait, par la mesure de M. Nouet, 428 coudées et demie. Mais dans les premiers mois de l'an 9, MM. Lepère et Coutelle, qui avaient été chargés de faire des recherches sur la construction des pyramides, ont fait déblayer une première assise sur laquelle vraisemblablement venait s'appuyer la ligne du revêtement : ils ont par des mesures très rigoureuses trouvé cette assise plus longue de 8 mètres que celle supérieure mesurée par M. Nouet, ce qui donne alors à la pyramide 433 coudées et demie ou 6 pléthres et demi de côté ; mesure moyenne entre Strabon et Diodore, les deux écrivains reconnus les plus exacts.

Celle dont il est question est formée de deux cent cinq assises, mais toutes d'inégale hauteur ; elle est bâtie en pierres calcaires, mêlées de numismales. M. Coutelle a lu à l'institut du Caire un mémoire dans lequel il détaille la méthode ingénieuse qu'il suppose que les constructeurs ont dû employer pour le revêtement : il est difficile après l'avoir vue de penser qu'elle ait jamais été revêtue entièment de granit. Je suis monté jusqu'à la portion de revêtement qui reste encore à la seconde pyramide qui est à côté, et je l'ai reconnue en pierre calcaire d'une pâte plus fine que celle du corps de la pyramide : il est vraisemblable que les assises inférieures étaient seules revêtues en granit, car on en voit encore beaucoup de débris autour des quatre côtés ; cependant la petite pyramide dite Mycerinus paraît en avoir été toute revêtue.

Celle qu'on appelle la grande pyramide est ouverte : un long corridor en pente, d'abord en descendant, puis en montant, conduit à deux chambres conservées intérieurement, dans l'une desquelles on voit encore un sarcophage en granit ; on trouve dans le corridor un puits très étroit et très profond, qui vraisemblablement conduisait aux souterrains de la plaine de Sackara, et par où il est présumable qu'on introduisait les initiés dans la pyramide : il y a aujourd'hui beaucoup de décombres dans le fond. 


Au reste toute cette ancienne plaine de Memphis jusqu'à l'entrée du nome arsinoïte renferme un très grand nombre de ces pyramides, et il ne s'en trouve que dans cette partie de la vallée de l'Égypte, les unes en pierres, d'autres en briques seulement séchées au soleil ; ce qui prouve à quel point ce climat est conservateur. On en voit, vers Sackara, construites à étages en retraite ; celle près le village de Meydoun est terminée au sommet en pointe de diamant : leurs faces sont toujours exposées aux quatre points cardinaux ; M. Nouet a cependant trouvé à la grande pyramide une déviation de 20 minutes à l'ouest, à peu près la même que celle trouvée par Picard à la méridienne de l'observatoire d'Uranibourg.”

mardi 18 novembre 2014

“Bien que la description d’Hérodote ne soit pas pleinement intelligible, elle est d'une valeur considérable” (Annie Quibell, XXe s.)


Annie Pirie, à côté de son futur mari

Fille d'un universitaire d’Aberdeen, Annie Quibell, née Pirie (1862-1927), eut une carrière d’artiste avant de s’adonner à l'archéologie. Fascinée par l'Égypte ancienne, elle fut à Londres l'un des premiers étudiants de Flinders Petrie, qu’elle accompagna en Égypte comme copiste.
C’est lors de fouilles au Ramasseum, à El-Kab et à Hierakonpolis qu’elle fit la connaissance de James Edward Quibell, l'assistant de Petrie, avec lequel elle se maria en 1900.
Elle écrivit plusieurs ouvrages de vulgarisation sur l’Égypte, dont “The Pyramids of Giza”, publié en 1923. Ce livre a déjà fait l’objet d’une présentation et d’un résumé en français dans Pyramidales (voir ICI).

J’en propose ci-dessous de larges extraits dans leur version originale.

The pyramids (...) were made to be the graves of something more than mere men ; the king was to be worshipped by all his people on earth and to be received among the gods above, so the kings had devised for themselves a building on a much grander scheme, but not departing from the invariable principle, that a tomb consisted of two parts, one for the living and one for the dead. The pyramid itself is the funeral vault. Its dark recesses, once the king had been laid to rest within, were never to be violated by the foot of the living, but the funerary ritual in his honour was carried on in a temple outside. At the end of the temple, up against the west wall of the pyramid, there was a granite "stela" or false door, just as in a private grave, before which the offerings were placed.

Causeways

The temple of the Great Pyramid has been entirely destroyed, except for a few square feet of its black basalt pavement, which we cross on the way to the Sphinx, but there are considerable remains of the temples of the Second and Third Pyramids. A causeway led up to the temple from the desert and at the lower end of it there was another temple a sort of magnificent gateway where processions arriving on foot, on donkey, or by boat across the flooded fields in the inundation time, met, went through some preliminary ritual and passed along up the causeway to the temple itself. The lines of these causeways can be traced from the desert edge both to the Second and Third Pyramids, and are very distinctly to be seen at Abusir, where the entire groups of temple, valley temple and causeway, are in much better preservation than at Giza. But at Giza there is the finest of all the "valley" or "gateway" temples.
This is the granite temple near the Sphinx, which is often called the Temple of the Sphinx, but which really is the great entrance to the Second Pyramid. No one should fail to go into this temple, which, in its massive simplicity, is one of the most remarkable things in Egypt.
When we consider that the granite blocks of which it is built must have come from Aswan, nearly 600 miles up the Nile, we are filled with amazement at the mechanical skill that had already been arrived at 5000 years ago. The weight of some of the stones in the walls is estimated at 12 or 14 tons, while that of the large columns at the intersection of the aisles cannot be less than 18 tons. This is one of the grandest and simplest of all buildings; it has no ornament whatever on the walls, but originally the unpaved spaces which we see on the floor were occupied by statues of king Chephren. Several of these statues are in Cairo Museum : the finest, which must have been placed at the end of the central aisle, is a superb piece of sculpture in black diorite, one of the toughest of stones and one of the most difficult to carve. This splendid royal portrait ought to be seen by everyone ; it stands in the first of the Old Empire Rooms, directly opposite to the door, in the Cairo Museum.


The Great Sphinx

The Great Sphinx itself belongs to the Second Pyramid group, but it is an accidental adjunct, so to speak, and not an essential part of the pyramid plan. We can see that it is a spur of natural rock which must originally have had some resemblance to a couching lion. The Sphinx is a mythical animal, compounded of the head of a man with the body of a lion and signifying the union of strength and wisdom. King Chephren conceived the grand idea of carving this huge rock into a representation of himself in this symbolical form, which should stand, like a guardian god, watching over the entrance to his temple. This idea of his was forgotten in after ages and the later Egyptians worshipped the Sphinx as a form of the Sun god without reference to any king or to the neighbouring buildings, and it is only in very recent years that systematic research has discovered what was its original purpose.

Herodotus

The oldest of the pyramids is the Step Pyramid of Sakkara, then Medum, which is too far off to be seen, then the Dahshur Pyramids, the farthest we can see to the south, then the Giza Pyramids, far the finest of all, and later than these, numbers of smaller pyramids, most of which were built of rubble and, once their limestone casing was stripped off, soon wore down to look only like little mounds on the desert. The pyramids were built so long ago, and are so much older than any description of them, that it is very difficult to answer the questions which are constantly being put as to the manner of their erection.
The best account is given by Herodotus, the Greek traveller and historian, who visited Egypt in the 5th century before Christ. The pyramids were then well over two thousand years old, but he managed to gather some legends which were still current among the people, and, although his description is not fully intelligible, it is of very considerable value, and some of the statements he makes as to the time required, the numbers of workmen employed, and the oppression of the people, are probably very near the truth. He tells us that Cheops and Chephren were great oppressors of their people and afflicted the country sorely on purpose to obtain the money and labour needed to build their pyramids, and this may well be a reliable tradition handed down from antiquity, for the rest of his account, which relates to the construction and the time required for it, is extremely probable. Herodotus says that for the Pyramid of Cheops there were 100,000 workmen employed for three months at a time on quarrying the stones on the eastern or Arabian desert and in ferrying them over to the western side. Ten years were spent on building the causeway, in preparing the rock, and in making the subterranean chambers, and twenty years in building the pyramid itself. Herodotus' statement that the workmen were employed for three months at a time doubtless refers to the three months of high Nile, during which there was no work to be done in the fields. If supposing, then, that this army of 100,000 workmen worked three months every year for twenty years or more, and were divided up into gangs of eight or ten, which is as many as could conveniently work on one block of stone, each company would be able to quarry and convey to the site an average of ten blocks in the season, so the total of 2,300,000 could very well be arrived at. The average size of the blocks is estimated at about forty cubic feet, and their weight at two and a half tons.

Stones and workmen

The stone for the core of the pyramid was probably quarried not very far away, in a hollow to the south of the plateau, known as the Batnel Baqara ; but the whole of the limestone for the outside casing and the passages and galleries of the interior came from the quarries of the Moqattam Hills on the opposite bank, while the granite used in the doorway and in the king's chamber came from Aswan.
There were large workmen's barracks, traces of which are still remaining near the Second Pyramid, which would have accommodated 4,000 or 5,000 men. These were no doubt skilled workmen, who were permanently employed in raising the stones to their places, in dressing the fine stones, and, lastly, in the building and decoration of the temple.


Herodotus' "machines"

No representations of the building of the pyramids has come down to us, but certainly the ground was first levelled and prepared, the underground chambers were excavated and the causeway built. The stones were then drawn up the causeway by ropes and rollers and they were lastly raised into place by what Herodotus calls "machines made of short pieces of wood." There are in the Museum several specimens of a kind of cradle, made of rough wood, which are only models, for they are quite little things a few inches long, but were found with other model tools in the foundation deposits of large buildings and evidently were representations of the instruments used in building.
It is suggested that Herodotus' "machines" were something of this kind, that the stone was rolled on to this wooden cradle, then rocked up by levers to its place. Some traces have been found that a wooden 12 scaffolding was used for raising very large and heavy blocks such as those in the Granite Temple.
When the floor of the burial chamber was prepared, the sarcophagus was put in its place, the chamber completed, and roofed, and the building of the pyramid gone on with, the casing all finished, with only a small opening left by which, when the king came to die, his remains could be taken to the place so carefully made ready. The temple, too, was finished, for it was equally essential to his continued existence ; the causeway leading up to it was roofed over, and the gateway temple was decorated as a stately portal where processions of priests and lay worshippers would assemble and perhaps perform some initial part of the funerary rites. So when the king died and came to occupy his vast dwelling, his mummified body, enclosed in a wooden coffin, was drawn up to the little door on the north side, and along the dark galleries inside, till it was finally laid in the great granite sarcophagus. Those in charge of these last ceremonies then withdrew, and as they went they let down behind them the heavy portcullises of granite, which had been suspended in the passages when the pyramid was being built. The outer opening needed only to have two or three of the casing stones added to close it completely and make it indistinguishable from the wall. And so the mighty king was left, all having been done that the wit of man could devise that he might be undisturbed for ever.

The Great Pyramid


The Pyramid of Cheops, Egyptian Khufu, has withstood the vicissitudes of 5000 years so well that, in spite of its interior having been ransacked for treasure and its exterior hacked away as a quarry, it remains one of the greatest monuments of ancient times. But all the buildings that belonged to it have disappeared. Nothing is to be seen of the gateway that once gave access to its precincts, and only a few fragments of rock, which stand up in the middle of the village, mark some foundations of the great causeway which Herodotus esteemed to be a work not much less than the Pyramid itself.
When we reach the plateau on which the Pyramid stands, we do indeed find many portions of the limestone pavement of its enclosure, and on the east side blocks of black basalt remind us that this was the site of the temple, though only these fragments of its flooring have escaped destruction.
The three small pyramids to the south are said to have belonged to the daughters of Cheops and at a much later date a little temple for the worship of Isis was built near the southernmost of these.
The area covered by the Great Pyramid is very nearly thirteen acres ; the length of each side is now about 746 feet but was some ten feet more when the outer casing was complete : its perpendicular height is now 450 feet but originally is thought to have been 480 feet. Some of the casing blocks remain beneath the debris on the north side and their fineness and exactness of fitting is very remarkable.
The entrance is on the north side as in all pyramids and is easily approached over the mass of rubbish which lies against its walls. The door was formerly invisible; whether it was closed by a moveable stone or simply built over is not quite certain, but it was supposed to be indistinguishable from the surface of the Pyramid.
The internal plan of all the pyramids shews evidence of an alteration of the scheme after the work was in progress. A glance at the plan of the Great Pyramid will make this clear. In the second and third pyramids the burial chamber is hollowed out of the rock, but in the Great Pyramid, a subterranean chamber which was begun was never finished ; it was decided to build the burial chamber in the central masonry. On entering, the passage slopes down steeply, and (...) would lead on eventually to the subterranean chamber hewn in the rock, which was apparently intended to be the burial chamber when the Pyramid was first designed. The passage is now, however, blocked by a grating, and the chamber, which was never finished, is not accessible. About twenty yards from the entrance, at the angle where the later passage begins to ascend, we find one of the huge granite portcullises blocking it, which so effectually barred further progress that the ancient treasure seekers had to force a way round it rather than attempt to break it up ; and here we follow them, in a somewhat awkward scramble, to the upper level. This is the only part which presents any difficulty, but there are good holds for the hands and feet, which the guides will show.
Above this we clamber up a passage, slippery, but narrow enough for us to hold on to the sides till we come to the extension of the corridor know as Great Hall, which is 155 feet long and twenty-eight feet high. The walls are built up of seven courses of fine Moqattam lime-stone, each projecting slightly beyond the one below and thus narrowing to the roof, which is made of slabs laid horizontally.
On either side of the passage is a ramp, up which the sarcophagus must have been dragged ; we see at regular intervals deep cuttings in the stone where wooden pegs were inserted to prevent it slipping back. A horizontal passage juns from the lower end of the Great Hall to the so-called Queen's Chamber, which was probably intended for the burial vault under the second scheme of the builders. It is a room eighteen feet ten inches long by seventeen feet wide, with a pointed roof, and is particularly well built. But first the subterranean chamber was abandoned, and afterwards the Queen's Chamber, in favour of the much more magnificent Great Hall leading to the King's Chamber.
Continuing the ascent we reach a short passage on the level, which expands into a small antechamber, once closed by four granite falling doors or portcullises, of a grooved pattern familiar in archaic tombs and coffins.
From this we enter the King's Chamber, the walls and roof of which are of massive blocks of granite. Its length is thirty-four and a half feet, its height nineteen, and its width seventeen feet. Its floor is 139 feet above the plateau on which the Pyramid stands. The sarcophagus is also of granite ; empty, broken, and bereft of its lid. It, like all the rest of the chamber, is perfectly plain with no line of inscription anywhere. In this room are two small air-shafts, which are actually apertures running through the whole bulk of the pyramid and admitting a current of air from the outside. The atmosphere is certainly very fresh, which must have been a great benefit to the workmen employed on this room, yet it is very doubtful whether the air shafts were contrived on their account. It seems more likely that Cheops desired ventilation for himself !
Above the King's Chamber are five constructional vaults, made lest the great weight of stone should break through the roof of the King's Chamber. Modern calculations seem to show that this caution was unnecessary. The name of Khufu has repeatedly been noted on mason's marks in these upper chambers.


On returning to the light of day

On returning to the light of day after having penetrated these dark mansions of the dead, we cannot but feel that we realize much more clearly than we did the stupendous nature of the Pyramid building. The ascent will still further impress it on us, but it also is fatiguing and much time and a good deal of assistance is needed for it.
The view from the top is very fine and very different from what any other country can show, with the long stretch of rich, green land on the one side, the limitless desert on the other, and the great cemetery below. Herodotus says that the outside of this Pyramid was covered with writing, and this has sometimes been taken to mean hieroglyphic inscriptions contemporary with it ; but this is most unlikely, none such having ever been seen on the casing blocks which remain, nor on any other pyramid. What is very probable is that there were large numbers of graffiti, that is to say, that a great many travellers wrote their names on it. The old Egyptians had the habit of doing this on show places to a great extent, and it would seem to be a taste deeply engrained in most of mankind, for the top of the Pyramid now records that it is visited every year by numbers of tourists from every part of the world.


Second Pyramid and Sphinx

The Pyramid of Chephren is almost equal in proportions and execution to that of Cheops, and has suffered much less from the ravages of time and spoilers. Not only is part of the original casing still in place on the upper part of the pyramid, but the position and plan of the temple on its eastern face are still traceable ; almost the whole line of the causeway can be clearly seen, and the Valley Temple remains in comparatively good condition.
Besides all this, the Great Sphinx as has been noted, belongs properly to this Pyramid and, though much damaged above and sanded up in its lower part, is so notable an addition to the funerary monuments that it has excited the wonder of all beholders. The entire height, from the pavement to the crown of the head is said to be 66 feet and its length is 187, but unfortunately the ever encroaching sand has hidden the paws completely and with them a pavement and a kind of little temple between where stands a memorial stone purporting to give an account of a clearance of the sand in ancient times. Some remains of brick walls near by shew another attempt, made in Roman times, to clear away the sand, and though the last clearance was made as lately as 1886, the paws are already entirely covered.
The granite temple has been noticed in the introduction along with the Sphinx, but it may be well to mention that the door by which we enter it is the door of exit to the causeway and it is very interesting to follow up the causeway, noting the shafts of later tombs on either side, to "the temple of the pyramid which is still imposing in its ruin. Round the pyramid was a great enclosure wall much of which is still traceable and within the precinct on the south side are the remains of a small pyramid, probably that of the queen.
The site of the Second Pyramid is not quite so advantageous as the level plateau which Cheops utilized. Chephren chose higher, but somewhat sloping ground, and had to cut away some of the rock on the west side, and to build up foundations on the east, in order to level it up. The Pyramid is now 447*4 feet in height and was originally 471. Each side of the base measures now 690 feet, originally 707 M. The two lower courses of the casing were of granite, some blocks of which are still to be seen on the west side. All the upper part was of Tura limestone, much of which still remains. The interior is much less worth visiting than the Great Pyramid. It shows another case of alteration of design while the building was in progress. There were two entrances. It is supposed that a much smaller pyramid was intended and that the sarcophagus was already in place in the chamber first designed. The entrance was to have been in the flooring of the pavement outside the Pyramid. When the plan was changed and a second chamber was excavated in the rock, here, not built as in The Pyramid of Cheops a problem presented itself as to how the coffin 20 was to be moved. The architects decided that, instead of dragging it up again to the outside and in by the new passages to the new chamber, they would tunnel another passage for it through the rock, by which it could be drawn up to the horizontal corridor leading to the new room. The burial chamber is roofed with painted slabs of limestone, placed at the same angle as the sides of the Pyramid. In the face of the cliff on the west, which has been cut away in order to level the plateau on which the Pyramid stands, are several tombs, some of which are of a much later period, and none have any connection with the Pyramid. West of this, above, are the remains of the barracks where the workmen were lodged.


Third Pyramid

The Pyramid of Mycerinus is much smaller than the other two, but must have looked very splendid when its lower half was cased with red Aswan granite. Many of the casing blocks are still in place; others strew the ground round about. It is to be noted that they are still rough on the face, an excess of thickness having been left when they were quarried ; also that they all were intended to be dressed down, for a slanting line has been marked on the side, showing how much had to be cut away. There is some presumption from this that Mycerinus did not live long enough to finish his Pyramid completely, and this is confirmed by the state of the two temples. The upper part of the casing was of Moqartam limestone. The present height of the Pyramid is 204 feet, its former height was 218. The length of the sides is 356 [ / feet. It, like the two larger Pyramids, shows evidence of a change of plan and an enlargement of the first design, but in this case there are some features which differ from any others. The original entrance is seen, far inside the masonry, and a short sloping passage leads down from it to the burial chamber. The present entrance is on the side of the Pyramid, but not so high as in that of Cheops or of Chephren ; the pas- 21 sage is granite-lined till the point when it penetrates the rock. After sloping downwards for 104 feet, it runs for a few feet horizontally, passes through an antechamber, under three portcullisses, continuing for forty-one and a half feet almost on the level, then enters the chamber. This had been further excavated in the rock, and the lower passage enters below the opening to the earlier passage. This was probably the burial chamber of the king, but in this pyramid there is a curious feature different from any of the others, for here we have yet another chamber excavated on a lower level. This, however, was almost certainly made much later. About 600 B. C. There was a sort of Renaissance in Egypt, and not only did the artists of that comparatively late period greatly admire the art of very early times and imitate it to the best of their ability, but they even revived the worship of the old kings, and it is likely, that they found that the pyramid had been plundered but that the king's body was still inside and that they hollowed out a new burial chamber for him and placed the body in a fine new coffin. A large stone sarcophagus was, as a matter of fact, found in this chamber by Col. Vyse, one of the earlier explorers in the nineteenth century, and was removed by him and sent off to the British Museum, but unfortunatetly it was lost at sea, and no drawing of it remains from which its period could be recognised.

mercredi 12 novembre 2014

“Toutes les pyramides étaient posées avec beaucoup de régularité” (comtesse de Genlis - XVIIIe s.)


Comtesse de Genlis


Stéphanie Félicité du Crest de Saint-Aubin, par son mariage comtesse de Genlis, marquise de Sillery (1746-1830) était femme de lettres française, réputée pour son savoir encyclopédique.
Les pyramides égyptiennes ne font l’objet que d’une note détaillée dans son ouvrage Alphonse et Dalinde, ou La féerie de l'art et de la nature : conte moral, publié en 1797. Comme de très nombreux auteurs d’ouvrages de vulgarisation, la Comtesse s’est limitée à quelques observations succinctes, empruntées selon toute vraisemblance à d’autres plumes que la sienne. Il est toutefois intéressant de noter ce qui alimentait la curiosité à une époque où l’égyptologie scientifique n’était pas encore née : la performance physique de l’ascension de la Grande Pyramide et le calcul de ses dimensions prenaient très souvent le "dessus" sur une visite des entrailles du monument.

Les pyramides d'Égypte furent bâties pour servir de tombeaux à ceux qui les ont fait élever. Les Égyptiens de moindre condition, au lieu de pyramides, faisaient creuser pour leurs tombeaux de ces caves qu'on découvre tous les jours et dans lesquelles on trouve des momies.
Toutes les pyramides ont une ouverture qui donne passage dans une allée basse fort longue et qui conduit à une chambre où les anciens Égyptiens mettaient les corps de ceux pour lesquels les pyramides étaient faites. Toutes les pyramides étaient posées avec beaucoup de régularité. Chacune des trois grandes qui subsistent encore sont placées à la tête d'autres petites que l'on ne peut connaître que difficilement parce qu'elles sont couvertes de sable. Toutes sont construites sur un rocher uni, caché sous du sable blanc. Dans toutes les pyramides il y a des puits profonds carrés et taillés dans le roc. Les murailles de quelques-unes ont des figures hiéroglyphiques taillées aussi dans le roc.
Les trois principales pyramides connues des voyageurs sont à environ neuf milles du Caire. La plus belle de toutes est située sur le haut d'une roche dans le désert des sables d'Afrique à un quart de lieue de distance, vers l'ouest, des plaines d'Égypte. Cette roche s'élève environ cent pieds au-dessus du niveau de ces plaines, mais avec une rampe aisée et facile à monter. Elle contribue beaucoup à la majesté de l'ouvrage. On trouve dans cette pyramide des chambres, des corridors, etc. Pour visiter la pyramide en dehors, on monte en reprenant de temps en temps haleine. Environ à la moitié de la hauteur, on rencontre une petite chambre carrée qui ne sert qu'à se reposer Quand on est parvenu au haut, on se trouve sur une plate-forme d'où l'on découvre la plus agréable vue.
La plate-forme qui, à la regarder d'en bas, semble finir en pointe, est de dix à douze grosses pierres et elle a à chaque côté, qui est carré, seize à dix-sept pieds. On ne peut descendre que par le dehors, et cette descente est très dangereuse.
En mesurant cette pyramide d'un coin à l'autre par le devant, le père Vansleb a trouvé qu'elle avait trois cents pas ; ensuite, ayant mesuré la même face avec une corde, cent vingt-huit brasses qui font sept cent quatre pieds.
L'entrée de la pyramide n'est pas au milieu. La hauteur de la pyramide, en la mesurant par-devant avec une corde, est, selon le même voyageur, de cent douze brasses, chacune de cinq pieds et demi, ce qui revient à six cents pieds. On ne peut cependant pas dire de combien elle est plus large que haute, parce que le sable empêche qu'on ne puisse mesurer le pied.

mardi 11 novembre 2014

“Cent ouvriers travaillèrent vingt ans à la construction de la première pyramide” (André Bardon - XVIIIe s.)

Illustration de l'auteur

Artiste peintre, côtoyant les plus grands de sa profession, membre, puis recteur de l’Académie royale de peinture, professeur à l'Académie royale de peinture et de sculpture de Paris, fondateur et recteur de l'Académie de peinture et de sculpture de Marseille, le Français Michel-François Dandré-Bardon, dit aussi André Bardon (1700-1785), est présenté comme un personnage cultivé. Mais être un homme de l’art n’assure pas pour autant une compétence dans tous les domaines du savoir.
Pour preuve ce qu’il écrit - brièvement il est vrai - dans son ouvrage Costume des anciens peuples (1772) sur les pyramides et le Sphinx, auquel est adjoint un étrange jumeau. Des approximations grossières, gobées comme telles sans le moindre examen critique.


Les pyramides d'Égypte étaient réservées pour les rois, les héros et les personnages les plus distingués. (...)
On voit dans ces trois fameuses pyramides la seule des sept merveilles du monde que le temps nous ait conservée. Des voyageurs qui ont mesuré les deux premières (a b) attestent que l'une (a) avait à sa base huit cents pieds de chaque côté et autant de hauteur. On n'aura pas de peine à le croire, quand on saura que d'en bas elle paraît se terminer en pointe, quoiqu'elle ait sur le haut une plate-forme de seize pieds en carré ; l'autre (b), avait six cent trente-un pieds de tous côtés et de hauteur. Quoiqu'on n'ait pas les dimensions particulières de la troisième (c), les historiens assurent qu'elle n'avait que vingt pieds de face de tous côtés, et qu'elle fut bâtie pour la fameuse courtisane Rhodopé.
Des deux premières , la plus grande fut érigée pour servir de tombeau au Roi Thémis ; la seconde pour la sépulture de Cheopez son frère : tel est le témoignage de Polydore-Virgile. Ce qu'on sait de plus assuré, c'est que ces pyramides furent érigées dans des temps différents, près de Memphis, à quelques lieues du Caire, où on les voit encore aujourd'hui. Cent ouvriers travaillèrent vingt ans à la première ; et les historiens rapportent que la dépense seule de la nourriture en légumes des travailleurs montait à quatre millions cinq cent mille livres.
Des sphinx qui sont auprès, l'un (e) a des ailes, l'autre (f) n'en a point. Les Égyptiens ont adopté plus volontiers le symbole du premier, les Grecs ont adopté plus souvent la simplicité du second. Les variétés que l'on rencontre dans le choix de ces peuples, à cet égard, rendent les ailes de sphinx presque arbitraires, relativement aux artistes.

dimanche 9 novembre 2014

De la nature des pierres des pyramides de Guizeh, par Jean-Baptiste-Bernard Grosson (XVIIIe s.)


Illustration extraite de la "Description de l'Égypte"



Membre de l’Académie de Marseille, auteur d’un Almanach historique ainsi que d’un Recueil des antiquités et des monuments de cette ville, le notaire et historien Jean-Baptiste-Bernard Grosson (1733-1800) était un homme cultivé qui entreprit, pour son plaisir, des études d'archéologie.
Pour “L’Esprit des Journaux français et étrangers”, revue éditée par une société de gens de lettres, il rédigea, en juin 1788, une “Lettre sur la nature de la pierre des pyramides d’Égypte” dans laquelle il entreprit de donner la réplique à l’aventurier italien Giuseppe Balsamo, dit Alessandro, alias comte de Cagliostro (sur cet auteur, voir la publication de “Pyramidales” ICI), qui venait, sur un ton quelque peu rocambolesque, de publier Confessions du Conte de C****, avec l’histoire de ses voyages en Russie, Turquie, Italie et dans les Pyramides d’Égypte, 1787.
Objet du différend : la nature (et l’origine) des pierres utilisées dans la construction des pyramides.

J’ai par hasard parcouru la brochure publiée pour la défense du sieur Cagliostro. Parmi les absurdités sans nombre que renferme cet étrange roman, il en est une que je regarde comme une erreur vulgaire, qu’il est aisé de détruire : elle intéresse l’histoire naturelle. C’est ce qui m’engage à vous faire part de mes réflexions.
L’auteur du mémoire, faisant parler son héros, dite à la page 13 : “Je commençai mes voyages par l’Égypte : je visitai ces fameuses pyramides qui ne sont, aux yeux des observateurs superficiels, qu’une masse énorme de marbre et de granit.”
Qui ne dirait, d’après cette période, que ces “masses énormes” sont, en effet, de marbre et de granit ! L’enthousiasme des antiquaires et l’infidélité des récits de la part des voyageurs semblent avoir déterminé depuis longtemps cette croyance. Mais, Messieurs, voici les preuves du contraire : vous serez convaincus que ni le sieur Cagliostro ni son défenseur n’ont jamais vu ces fameuses pyramides.
Monsieur Adanson, ci-devant interprète de la nation française en Égypte, frère du célèbre académicien de ce nom, homme instruit dans plusieurs genres, et très versé dans la connaissance de l’histoire naturelle, a rapporté de ces contrées des morceaux de la pierre dont sont construites les pyramides. J’en ai actuellement sous les yeux divers fragments : cette pierre est absolument calcaire : sa formation est due à un dépôt marin ; elle est entièrement un amas de numismales [ou lenticulaires, ressemblant par leur forme à des pièces de monnaie : note de “Pyramidales” ] disposées en tous sens, de diverses grandeurs.
Sa couleur donne sur le brun, avec une légère teinte de rouge en certains endroits. Il n’est pas possible aux yeux les moins exercés de confondre cette pierre avec les marbres, encore moins avec les granits. Les voyageurs ont la facilité de la comparaison avec la fameuse colonne de Pompée qui est en effet en granit, chargé de feldspath rouge.
J’ai montré la pierre numismale des pyramides à divers de nos négociants qui ont séjourné en Égypte et visité les monuments ; ils ont en effet reconnu celle dont ces masses énormes sont bâties.
M. Adanson, que je questionnai sur la carrière de cette pierre, m’a assuré qu’elle n’était pas bien éloignée des pyramides. Le gluten qui unit les numismales se détache facilement, ce qui me paraît être l’effet du climat excessivement chaud de ces contrées où l’ardeur du soleil est si forte.
Il s’est d’ailleurs écoulé tant de siècles depuis que ces édifices existent qu’on ne doit point être surpris de leur dégradation. Mon dessein n’est point de critiquer le mémoire de Cagliostro. Je laisse au public à l’apprécier. Mon but est uniquement de constater un fait sur lequel jusqu’à présent nombre de personnes étaient dans l‘erreur.

samedi 8 novembre 2014

“On ne peut comprendre comment il a été possible de monter si haut des pierres aussi grandes que celles que l’on y voit” (un dictionnaire du XVIIe s., à propos de la Grande Pyramide de Guizeh)


Qu’attendre d’un ouvrage encyclopédique sinon qu’il propose une synthèse des connaissances à l’époque de sa publication ?
C’est ce que l’on constate avec le "Dictionnaire des Arts et des Sciences", publié en 1694 sous la direction de Thomas Corneille, et notamment avec l’extrait ci-dessous comportant une présentation, somme toute assez sommaire, avec se surcroît de nombreuses approximations, des “trois grosses pyramides” d’Égypte.
Quand on lit “Il y a une autre chambre à côté de celle-ci [la chambre au “tombeau vide fait tout d’une pièce”, autrement dit la chambre du Roi], mais plus petite et sans aucun sépulcre”, il est évident que l’auteur de ces lignes ne peut avoir visité personnellement l’intérieur de la pyramide!
Il apparaît par ailleurs que ce même auteur se méprend sur la configuration extérieure du monument : en affirmant que les pierres de façade ne pouvaient avoir été “taillées en talus” et “posées l'une sur l’autre, sans qu’il eût demeuré aucun rebord”, il exclut le revêtement qui donnait à la pyramide sa perfection architectonique finale.
On prêtera finalement attention à la lecture qui est suggérée de la “brèche ou petite chambre vers le milieu, à l’un des coins” de la Grande Pyramide (emplacement actuellement identifié comme une “encoche”) : l’auteur retient l’hypothèse qu’elle servait à “assurer les machines qui tiraient les matériaux en haut”.
Ce texte a été repris par l'abbé Jean-Raymond de Petity, dans son "Encyclopédie élémentaire ou introduction à l'étude des lettres, des sciences et des arts. Ouvrage utile à la jeunesse et aux personnes de tout âge, enrichi d’amples notices des meilleurs auteurs dans chaque faculté, et orné d’estampes en taille douce" - tome II, 1e partie, 1767



Illustration de Luigi Mayer - 1804


“Les plus superbes monuments de l'Antiquité sont les pyramides d'Égypte. Ces pyramides sont à neuf milles du Caire, et on commence à les voir dès qu'on est sorti de la petite ville de Dézize qui en est à six milles. Ce qui les fait paraître de si loin, c’est qu’elles sont situées sur un terrain pierreux et infertile, qui est beaucoup plus relevé que la plaine. L’on ne peut voir sans étonnement ces énormes masses que l'on admire pas tant pour la dépense incroyable qu’il a fallu faire pour achever un bâtiment si prodigieux que parce qu’on ne peut comprendre comment il a été possible de monter si haut des pierres aussi grandes que celles que l’on y voit, dans un temps où la plupart des belles inventions étaient inconnues.

Il y a trois grosses pyramides distantes l’une de l'autre d’environ cent pas ; mais l’on ne saurait entrer que dans la plus grande, qui est du côté du Nord. Elle est d'une hauteur si prodigieuse que sa pointe paraît seulement émoussée, quoiqu'il y ait une place considérable au sommet. Quelques-uns assurent qu’elle fut bâtie il y a plus de 3000 ans, par un roi d'Égypte appelé Chemnis, qui employa pendant vingt années trois cent soixante mille ouvriers à ce travail. Pline qui en parle ajoute qu’il y fut dépensé dix-huit cents talents, seulement en raves et en oignons, les anciens Égyptiens étant grands mangeurs de raves et de légumes. Il y a des pierres si haut élevées et d'une grosseur si excessive qu'il a fallu des machines bien extraordinaires pour les placer. Plusieurs croient que ces pyramides étaient autrefois plus élevées sur la terre qu’elles ne le sont présentement et que le sable a caché une partie de leur base. Cela pourrait être puisque le côté de Tramontane en est tout couvert jusqu'à la porte et que les trois autres côtés n’en ont point de même : ce qui donne lieu de croire que la Tramontane soufflant de ce côté-là avec plus de violence qu'aucun autre vent, y a plus porté de sable que n’en ont fait les vents des autres côtés.

L’ouverture de la grande pyramide, où l’on peut entrer, est un trou presque carré d’un peu plus de trois pieds de haut. Il est relevé du reste du terrain, et l’on y monte sur des sables que le vent jette contre, et qui le bouchent souvent, en sorte qu’on est obligé de le faire ouvrir. On dit qu’autrefois il y avait auprès de l’entrée une grosse pierre qu'on avait taillée exprès pour boucher cette ouverture ; lorsque le corps qui devait y être mis serait dedans, et que cette pierre l’eut fermée si juste qu’on n’aurait pu reconnaître qu’on l’eût ajustée ; mais qu’un pacha la fit enlever, quelque grande qu’elle fût, afin qu’on ne pût fermer cette pyramide. Sa forme est carrée, et en sortant de terre elle a onze cent soixante pas, ou cinq cent quatre-vingts toises de circuit. Toutes les pierres qui la composent ont trois pieds de haut, et cinq ou six de longueur ; et les côtés qui paraissent en dehors sont tous droits, sans être taillés en talus. Chaque rang se retire en dedans de neuf ou dix pouces afin de venir se retirer en dedans de neuf ou dix pouces, afin de venir à se terminer en pointe à la cime ; et c'est sur ces avances que l'on grimpe pour aller jusqu'au sommet. Vers le milieu il y a à l’un des coins des pierres qui manquent et qui font une brèche ou petite chambre de quelques pieds de profondeur. Elle ne perce pourtant point jusqu'au dedans. On ne sait si les pierres sont tombées ou si elles n'y ont jamais été mises.

Il y a grande apparence qu'on se servait de cet endroit pour assurer les machines qui tiraient les matériaux en haut. C'est encore une raison qui a obligé de bâtir la pyramide avec des degrés à chaque rang ; puisque si les pierres eussent été taillées en talus, et posées l'une sur l’autre, sans qu’il eût demeuré aucun rebord, il aurait était absolument impossible de conduire jusqu'à son sommet les lourdes masses qu'on y a portées ; on se repose ordinairement dans cette brèche, le travail étant grand à s'élancer ainsi trois pieds chaque fois pour monter jusqu’au faîte. Il y a environ deux cent huit degrés formés par le rebord de ces grosses pierres, dans l'épaisseur fait la hauteur de l’un à l’autre ; ce qui semble être pointu d’en bas a quinze à seize pieds en carré et fait une une plate-forme qui peut contenir quarante personnes. Ceux qui y montent découvrent de là une partie de l’Égypte, le désert sablonneux qui s'étend dans le pays de Barca et ceux de la Thébaïde de l'autre côté. Le Caire ne paraît presque pas éloigné de ce lieu quoi qu'il en soit à neuf milles.

On entre aussi dans la même pyramide et il faut se pourvoir de lumières pour cela.

On passe la première rentrée en se courbant, et l'on trouve comme une allée qui va en descendant environ quatre-vingts pas. Elle est voûté en dos d'âne, et apparemment toute entière dans l'épaisseur du mur ; puisqu'on n'y voit rien qui ne soit solide de tous côtés. Cette allée a assez d'élévation et de largeur pour y pouvoir marcher ; mais son pavé baisse encore quoiqu’en glacis, sans avoir aucun degré, et la pierre n’a que de légères piqûres de pas en pas pour retenir les talons ; de sorte que le pour s’empêcher de tomber, on est obligé de se tenir avec les mains aux deux côtés du mur. Les pierres sont si bien unies ensemble qu'à peine peut-on apercevoir les jointures.

Au bout de cette année on trouve un passage qui n’a d'ouverture que ce qu'il en faut pour laisser passer un homme. Il est ordinairement rempli de sable, qui n'est pas sitôt poussé par le vent dans la première ouverture, qu'il suit le penchant de la pierre, et se vient tous rassembler en ce lieu-là. Lorsqu'on a ôté ce sable et qu'on a passé ce trou en se traînant huit ou dix pas sur le ventre, on voit une voûte à la main droite qui semble descendre à côté de la pyramide.

On trouve aussi un grand vide, avec un puits d’une grande profondeur. Ce puits va en bas par une pente perpendiculaire à l'horizon, qui ne laisse pas de biaiser un peu ; et quand ceux qui y descendent sont environ à soixante-sept pieds en comptant du haut en bas, ils trouvent une fenêtre carrée qui entre dans une petite grotte creusée dans la montagne qui en cet endroit n'est pas de pierre vive. Ce n'est qu'une espèce de gravier attaché fortement l’un contre l'autre. Cette grotte s’étend en long de l’Orient à l'Occident ; et de là à quinze pieds en continuant de descendre en bas est une coulisse fort penchante et entaillée dans le roc. Elle approche presque de la ligne perpendiculaire, et est large environ de deux pieds et un tiers, et haute de deux pieds et demi. Elle descend cent vingt-trois pieds en bas, après quoi elle est remplie de sable et de fiente de chauves-souris.

On croit que ce puits avait été fait pour y descendre les corps que l'on déposait dans des cavernes qui sont sous la pyramide. Après qu'on est arrivé à ce grand vide où le puits est à gauche, on est obligé de grimper sur un rocher dont la hauteur et de vingt-cinq ou trente pieds. Au-dessus est un espace long de dic ou douze pas, et quand on l'a traversé au monte par une ouverture qui n'est pas plus large que le passage où l’on est obligé de se traîner, mais qui a pourtant assez d’élévation pour y marcher sans que l'on se baisse. Il n'y a point de degrés non plus qu'au reste. On y fait seulement des trous de chaque côté, qui sont de distance en distance. On n'y met les pieds en s’écartant un peu ; et l’on s’appuie contre les murs qui sont de pierres de taille fort polies et jointes ensemble avec autant d'adresse que toutes les autres.

Les niches vides que l'on y voit de trois en trois pieds et qui en ont un de largeur et deux de hauteur donnent lieu de croire qu'elles étaient autrefois remplies d'idoles. Ce passage est haut de quatre-vingts pas et on n'y saurait monter sans beaucoup de peine. On trouve au-dessus un peu d’espace de plain pied ; et ensuite une chambre qui a trente-deux pieds de long et seize de large. Sa hauteur est de dix-neuf pieds et au lieu de goûte, elle a un plancher ou lambris tout plat. Il est composé de neuf pierres dont les sept du milieu sont larges chacune de quatre pieds et longues de seize. Les deux autres qui sont à l’un et l'autre bout ne paraissent larges que de deux pieds seulement. Cela vient de ce que l'autre moitié de chacune est appuyé sur la muraille. Elles sont de la même longueur que les sept autres et toutes les neuf traversent la largeur de cette chambre ayant chacune un bout appuyé sur la muraille et l'autre sur la muraille qui est de l'autre côté.

Cette chambre dont les murs sont fort unis n'a aucun jour ; et dans le bout qui est opposé à la porte, il y a un tombeau vide fait tout d’une pièce. Il est long de sept pieds et large de trois, et a trois pieds quatre pouces de hauteur et cinq pouces d’épaisseur. La pierre en est d’un gris tirant sur le rouge pâle et à peu près semblable au porphyre. Quand on la frappe, elle rend un son clair comme une cloche. Elle est fort belle lorsqu'elle est polie, mais tellement dure que le marteau a peine à la rompre.

Il y a une autre chambre à côté de celle-ci, mais plus petite et sans aucun sépulcre. C'est là le plus haut endroit où l'on puisse aller au dedans de la pyramide qui n'a pour toute ouverture que le passage d'en bas au-dessus duquel est une pierre en travers, qui a onze pieds de long et huit de large. Vers cette entrée est un écho qui répète les paroles jusqu'à dix fois. Ce manque de jour dans toute la pyramide est cause qu'on y respire un air extrêmement étouffé. La flamme des flambeaux que l'on y porte paraît toute bleue et l'on s'en fournit toujours d'un fort bon nombre puisque s'ils venaient à s'éteindre lorsqu'on est monté bien haut, il serait absolument impossible d'en sortir.

Les deux autres pyramides ne sont ni si hautes ni si grosses ce que la première. Elles n'ont aucune ouverture et quoiqu'elle soient aussi bâties par degrés, on n'y peut monter à cause que le ciment dont l'une et l'autre est enduite n'est pas assez tombé. Elles paraissent d’en bas tout à fait pointues dans leur sommet.

On attribue ses superbes monuments à celui des pharaons qui fut englouti dans la mer Rouge. On prétend que les deux moindres étaient pour la reine sa femme et pour la princesse sa fille, et que leur corps il est temps y étant été mis, on les a fermés ensuite en sorte que l'on ne peut reconnaître de quel côté en était l’entrée. La grande était destinée pour ce malheureux monarque ; et comme il n’a pas eu besoin de tombeau, elle est toujours restée ouverte.”