Illustration extraite de Wikipédia
Strabon (vers 57 av.J.-C - entre 21 et 25 av.J.-C.) est un géographe grec. Il voyagea en Égypte en 25 ou 24 av.J.-C., accompagnant le préfet romain Aelius Gallus. Il fit le récit de ce voyage dans sa Géographie (Γεωγραφικά / Geôgraphiká), dont voici un extrait (Livre XVII) :
"À 40 stades au delà de Memphis, règne une côte montagneuse sur laquelle se dressent plusieurs pyramides, qui sont autant de sépultures royales. Trois de ces pyramides sont particulièrement remarquables. Il y en a même deux, sur les trois, qui sont rangées au nombre des sept Merveilles du monde, et rien n'est plus juste : elles n'ont pas moins d'un stade de hauteur, leur forme est quadrangulaire et la longueur de chacun de leurs côtés n'est inférieure que de très peu à leur hauteur. L'une des deux pyramides est un peu plus grande que l'autre. À une certaine hauteur sur un de ses côtés se trouve une pierre qui peut s'enlever, et, qui une fois enlevée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau. Ces deux pyramides sont bâties l'une à côté de l'autre sur le même plan. Plus loin maintenant et sur un point plus élevé de la montagne est la troisième pyramide, qui, de dimensions beaucoup moindres que les deux autres, se trouve cependant avoir coûté beaucoup plus cher de construction : cette différence tient à ce que, depuis la base jusqu'à moitié de la hauteur environ, il n'a été employé d'autre pierre que cette pierre noire qui entre aussi dans la composition des mortiers, pierre qu'on fait venir des montagnes situées tout à l'extrémité de l'Éthiopie, et qui, par son extrême dureté et sa difficulté à se laisser travailler, augmente beaucoup le prix de la main-d'œuvre. La pyramide en question passe pour être le tombeau d'une courtisane célèbre et pour avoir été édifiée aux frais de ses amants, et ladite courtisane ne serait autre que cette Doricha dont parle Sappho, l'illustre mélographe, comme ayant été la maîtresse de son frère Charaxus, au temps où celui-ci, négociant en vins de Lesbos, fréquentait Naucratis pour ses affaires. Quelques auteurs donnent à cette même courtisane le nom de Rhodôpis et racontent à son sujet la fable ou légende que voici : un jour, comme elle était au bain, un aigle enleva une de ses chaussures des mains de sa suivante, et s'envola vers Memphis où, s'étant arrêté juste au-dessus du roi, qui rendait alors la justice en plein air dans une des cours de son palais, il laissa tomber la sandale dans les plis de sa robe. Les proportions mignonnes de la sandale et le merveilleux de l'aventure émurent le roi, il envoya aussitôt par tout le pays des agents à la recherche de la femme dont le pied pouvait chausser une chaussure pareille ; ceux-ci finirent par la trouver dans la ville de Naucratis, et l'amenèrent au roi, qui l'épousa et qui, après sa mort, lui fit élever ce magnifique tombeau.
En visitant les pyramides, nous avons observé un fait extraordinaire et qui nous a paru mériter de ne pas être passé sous silence. Il s'agit de gros tas d'éclats de pierre qui couvrent le sol en avant des pyramides et dans lesquels on n'a qu'à fouiller pour trouver de petites pétrifications ayant la forme et la dimension d'une lentille et reposant parfois sur un lit de débris [également pétrifiés] assez semblables à des épluchures de légumes à moitié écossés. On prétend que ces pétrifications sont les restes des repas des ouvriers qui ont élevé les pyramides, mais la chose n'est guère vraisemblable. Il existe en effet dans une des plaines de notre pays une colline allongée, remplie, comme celle-ci, de fragments de tuf siliceux qui ont aussi cette configuration lenticulaire. La formation des cailloux de la mer et des rivières qui soulève à peu près les mêmes difficultés s'explique à la rigueur par la nature du mouvement qu'imprime aux corps tout courant d'eau, mais ici la question est plus embarrassante."
Traduction d'Amédée Tardieu, Hachette, Paris, 1867
On peut retrouver ce texte sur http://www.mediterranees.net/
Pour consulter l'ensemble de la Géographie de Strabon sur ce même site : cliquer ICI
(Ce document avait fait l'objet d'une publication antérieure sur ce blog. Suite à une mauvaise manipulation, il en avait disparu. D'où cette nouvelle parution)
"À 40 stades au delà de Memphis, règne une côte montagneuse sur laquelle se dressent plusieurs pyramides, qui sont autant de sépultures royales. Trois de ces pyramides sont particulièrement remarquables. Il y en a même deux, sur les trois, qui sont rangées au nombre des sept Merveilles du monde, et rien n'est plus juste : elles n'ont pas moins d'un stade de hauteur, leur forme est quadrangulaire et la longueur de chacun de leurs côtés n'est inférieure que de très peu à leur hauteur. L'une des deux pyramides est un peu plus grande que l'autre. À une certaine hauteur sur un de ses côtés se trouve une pierre qui peut s'enlever, et, qui une fois enlevée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau. Ces deux pyramides sont bâties l'une à côté de l'autre sur le même plan. Plus loin maintenant et sur un point plus élevé de la montagne est la troisième pyramide, qui, de dimensions beaucoup moindres que les deux autres, se trouve cependant avoir coûté beaucoup plus cher de construction : cette différence tient à ce que, depuis la base jusqu'à moitié de la hauteur environ, il n'a été employé d'autre pierre que cette pierre noire qui entre aussi dans la composition des mortiers, pierre qu'on fait venir des montagnes situées tout à l'extrémité de l'Éthiopie, et qui, par son extrême dureté et sa difficulté à se laisser travailler, augmente beaucoup le prix de la main-d'œuvre. La pyramide en question passe pour être le tombeau d'une courtisane célèbre et pour avoir été édifiée aux frais de ses amants, et ladite courtisane ne serait autre que cette Doricha dont parle Sappho, l'illustre mélographe, comme ayant été la maîtresse de son frère Charaxus, au temps où celui-ci, négociant en vins de Lesbos, fréquentait Naucratis pour ses affaires. Quelques auteurs donnent à cette même courtisane le nom de Rhodôpis et racontent à son sujet la fable ou légende que voici : un jour, comme elle était au bain, un aigle enleva une de ses chaussures des mains de sa suivante, et s'envola vers Memphis où, s'étant arrêté juste au-dessus du roi, qui rendait alors la justice en plein air dans une des cours de son palais, il laissa tomber la sandale dans les plis de sa robe. Les proportions mignonnes de la sandale et le merveilleux de l'aventure émurent le roi, il envoya aussitôt par tout le pays des agents à la recherche de la femme dont le pied pouvait chausser une chaussure pareille ; ceux-ci finirent par la trouver dans la ville de Naucratis, et l'amenèrent au roi, qui l'épousa et qui, après sa mort, lui fit élever ce magnifique tombeau.
En visitant les pyramides, nous avons observé un fait extraordinaire et qui nous a paru mériter de ne pas être passé sous silence. Il s'agit de gros tas d'éclats de pierre qui couvrent le sol en avant des pyramides et dans lesquels on n'a qu'à fouiller pour trouver de petites pétrifications ayant la forme et la dimension d'une lentille et reposant parfois sur un lit de débris [également pétrifiés] assez semblables à des épluchures de légumes à moitié écossés. On prétend que ces pétrifications sont les restes des repas des ouvriers qui ont élevé les pyramides, mais la chose n'est guère vraisemblable. Il existe en effet dans une des plaines de notre pays une colline allongée, remplie, comme celle-ci, de fragments de tuf siliceux qui ont aussi cette configuration lenticulaire. La formation des cailloux de la mer et des rivières qui soulève à peu près les mêmes difficultés s'explique à la rigueur par la nature du mouvement qu'imprime aux corps tout courant d'eau, mais ici la question est plus embarrassante."
Traduction d'Amédée Tardieu, Hachette, Paris, 1867
On peut retrouver ce texte sur http://www.mediterranees.net/
Pour consulter l'ensemble de la Géographie de Strabon sur ce même site : cliquer ICI
(Ce document avait fait l'objet d'une publication antérieure sur ce blog. Suite à une mauvaise manipulation, il en avait disparu. D'où cette nouvelle parution)
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