mardi 28 avril 2009

L'étrange berger Philitis : l'interprétation d'Otto Muck


Tout part de ce qu'écrivit Hérodote dans le livre II de son Histoire :
"Les mêmes prêtres m'apprirent que Khéphren régna cinquante-six ans : ainsi les Égyptiens furent accablés cent six ans de toutes sortes de maux, et, pendant tout ce temps, les temples restèrent fermés. Les Égyptiens ont tant d'aversion pour la mémoire de ces deux princes [Khéops et Khéphren], qu'ils ne veulent pas même les nommer ; ils appellent, par cette raison, ces pyramides du nom du berger Philitis, qui, dans ce temps-là, menait paître ses troupeaux vers l'endroit où elles sont." (CXXVIII)

Dans son ouvrage Chéops et la Grande Pyramide - L'apogée de l'Ancien Empire d'Égypte (Payot, 1961), Otto Muck décrit le portrait de cet étrange berger Philitis en ces termes :
- il n'était ni sémite, ni hamite, mais européen ;
- pour pouvoir s'approcher au plus près de la pyramide en construction, il ne pouvait être un simple berger :"... seule une personne employée à la construction de la pyramide pouvait avoir accès au chantier. Il faut donc supposer que les troupeaux que le berger Philitis faisait paître à cet endroit étaient non pas des moutons ou d'autres ruminants, mais des troupes d'ouvriers, que cet homme mystérieux dirigeait au nom du roi." (op. cit. p. 111) ;
- son titre de "berger" faisait de lui "un des fonctionnaires administratifs les plus importants du royaume" (p. 113), "le personnage qui seul avait le droit, et le devoir, de se tenir dans l'enceinte du chantier pendant les travaux" (ibid.), "le chef de tous les ouvriers du roi, (le) vizir et le confident de Cheops" (ibid.);
- "plus proche qu'un autre" du souverain, il "devait avoir un certain rapport de parenté avec la femme blonde qui fut la reine préférée de Cheops et la mère de la blonde princesse héritière" (p. 114) ;
- il a introduit en Égypte les renseignements qui servirent de base au calendrier de Sothis.
D'où la conclusion :" ... si Philitis fut le premier au-dessous du roi, (...) on peut comprendre pourquoi on a donné son nom aux pyramides. Comme surintendant de tous les travaux, il devait attacher une importance primordiale à la construction des pyramides, puisqu'elles devaient assurer un repos éternel au souverain." (p. 114)
Selon Otto Muck, le berger mystérieux qui dirigea le chantier de construction des pyramides de Khéops et de Khéphren "devait être le prince héritier et le fils [adoptif] du roi". C'est à cause de ce lien étroit de filiation et par désaffection à l'égard des pharaons bâtisseurs que les Égyptiens que connut Hérodote, 2.000 ans après la construction des pyramides, donnèrent aux édifices géants le nom du valeureux "berger".
À la faveur d'une démonstration complexe qu'il m'est impossible de reprendre et synthétiser ici, Otto Muck développe également une autre thèse dans son ouvrage : la pyramide dite "de Khéops" ne fut finalement, contrairement au projet initial, qu'une tombe fictive pour le pharaon. Suite à un "changement radical dans la vie du roi et de l'Ancien Empire et [à] ses répercussions théologiques dans l'histoire [par l'inauguration du] monothéisme de Ra", le monument devint un temple, le premier sanctuaire de Ra et la gardienne des périodes sothiaques. Telle est la raison de l'introduction d'un nouvel aménagement dans la configuration du monument : la création d'un chemin pavé carré autour de la pyramide pour les processions rituelles (chemin  sous lequel ont été découvertes les barques solaires de Khéops).
Quant à savoir où est l'emplacement de la sépulture royale, Otto Muck ne fait état d'aucune certitude, sinon qu'il ne s'agit pas de la pyramide elle-même, désormais dédiée à une finalité cultuelle. Il n'en avance pas moins une hypothèse : dans le rocher de Guizeh. Puis de préciser, s'appuyant une fois encore sur le récit d'Hérodote :"La topographie (...) ne contredit pas les indications d'Hérodote. Quels détails nous donne-t-il ? Un fossé maçonné aurait conduit du Nil au rocher de la pyramide et l'eau aurait pénétré dans le roc de façon à isoler un noyau central sur lequel le sarcophage devait trôner comme sur une île.( p. 155)

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