illustration from "View of ancient and modem Egypt", by Michael Russell, engraving by Branston, 1831 |
Selon Pline, elles ont été bâties partie par l'ostentation des souverains, qui voulaient se faire élever des tombeaux magnifiques, partie par politique, afin que le peuple égyptien, occupé par ce travail, ne songeât pas à se révolter. Du reste on ignore le temps de leur élévation et le nom des princes qui les ont fait élever. Il faut rejeter l'hypothèse de ceux qui veulent qu'elles aient été bâties par les Israélites, victimes de la tyrannie des Pharaons, et de ceux qui en attribuaient la fondation à Joseph, qui, dit-on, y fit conserver les blés recueillis dans les années d'abondance. Mais il est incontestable qu'elles datent d'une époque très reculée, et qu'elles ont au moins trois mille ans d'antiquité.
Les pyramides étaient formées de différentes assises de pierres, qui diminuaient successivement de largeur suivant que l'exigeaient les proportions de l'édifice. L'assise inférieure débordait toujours celle qu'on élevait immédiatement au dessus, et chacun des côtés de la pyramide formait ainsi une espèce d'escalier.
On prétend qu'originairement toutes ces pyramides avaient été revêtues, soit de carreaux de marbre, soit de petites pierres, de sorte qu'elles présentaient à l'œil un talus parfaitement uni. Cette forme pyramidale avait été choisie comme la plus solide et la plus durable. Peut être aussi sous cette forme les Égyptiens ont-ils voulu représenter comme par un symbole les attributs de quelques dieux, car, dans les temps les plus reculés, les pyramides et les obélisques étaient regardés comme les simulacres de certaines divinités.
La plupart de ces édifices prodigieux ont résisté aux injures du temps et aux dévastations des hordes barbares qui se sont succédé sur le sol de l'Égypte. Vingt sont encore debout ; mais trois surtout captivent l'admiration, et méritent le titre de merveilles du monde que l'on a donné à toutes. La plus grande des trois, celle que l'on appelle vulgairement la grande pyramide, forme un carré dont chacun des côtés a 660 pieds. Son circuit est par conséquent de 2.640 pieds. Elle en a près de 500 de hauteur perpendiculaire. Son sommet est terminé par une plate-ferme carrée, dont chaque côté peut avoir seize ou dix-sept pieds, quoique d'en-bas elle semble être une pointe aiguë. La masse totale de la pyramide est de 313.590 toises cubes. Cette masse est composée de pierres d'une grandeur extraordinaire. Il y en a plusieurs qui ont trente pieds de longueur, sur quatre de hauteur et trois de largeur.
L'intérieur est encore plus étonnant que l'extérieur ; mais les anciens n'avaient sur ce point aucun détail, et ce n'est qu'après les voyages et les observations des modernes qu'on est parvenu à les connaître. Un puits immense, qui conduisait dans des souterrains destinés aux initiations, des galeries d'une longueur prodigieuse et une salle magnifique dont le pavé, les murs et le plafond étaient incrustés de pierres semblables à du porphyre, en étaient les ornements principaux.
Au rapport de Diodore, trois cent soixante mille ouvriers furent occupés en même temps à la construction de cette pyramide. Ils étaient relevés de trois mois on trois mois par un pareil nombre. Dix années entières furent employées à tailler et à voiturer les pierres. Il fallut vingt ans pour achever cet immense édifice. Une inscription hiéroglyphique apprenait combien il en avait coûté pour les poireaux, l'ail, les oignons et autres légumes fournis aux ouvriers. Cette somme montait, dit-on, à seize cents talents d'argent, c'est-à-dire à près de sept millions de notre monnaie.
La seconde pyramide, presque aussi large par la base, mais moins haute et surtout moins élégante à l'intérieur que la première, était surtout remarquable par un sphinx d'une seule pierre qui, selon Pline, avait 168 pieds de large et 62 de haut. Aujourd'hui tout le corps du monstre est enseveli dans le sable, et l'on ne voit que le cou et la tête qui ensemble ont 27 pieds de hauteur."
extrait de Dictionnaire classique de l'antiquité sacrée et profane, Volume 2, 1828, par Marie Nicolas Bouillet (1798-1864), professeur, traducteur et lexicographe français, officier de l'Instruction publique, dont le nom reste associé au Dictionnaire universel d'histoire et de géographie qu'il publia en 1842.