L’Écossais James Bruce (1730-1794) fut un grand voyageur. Le poste de Consul général d’Angleterre à Alger, qu’il occupa de 1763 à 1765, lui permit de visiter tout d’abord le nord de l’Afrique. Puis, en 1765, il entreprit un long périple qui le conduisit dans divers pays : Crète, Rhodes, Chypre, Syrie, Palestine.
Son principal voyage débuta en 1768 : James Bruce s’embarqua à Saïda pour rejoindre Alexandrie, puis il remonta le Nil jusqu’à Assouan, et poursuivit sa route, via l’Arabie et l’Éthiopie, à la recherche des sources du Nil.
Il relata cette exploration dans son ouvrage Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssinie, pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 et 1772, traduit de l'anglais par J. H. Castera, 1790.
Le texte qui suit est extrait du tome 1 de cet ouvrage. L’auteur y décrit sa visite aux pyramides de Guizeh. La relation est sommaire, mais très explicite quant à la technique d’observation : "s’en rapporter tranquillement" aux seuls récits antérieurs peut être source d’erreurs - des erreurs que l’on contribuera peut-être à propager, voire à amplifier. Il est de loin préférable, pour soi-même et pour "l’avantage des sciences", de faire usage de ses propres yeux et - pourquoi pas ? - de "remuer un peu le sable" !
À environ onze milles plus loin, on rencontre les pyramides, auxquelles Géeza a donné leur nom, et dont les descriptions sont si connues. On les a gravées et publiées à Londres, à très grand point, deux ans avant mon voyage en Égypte, et j'ai vu de ces gravures chez M. Davidson, consul à Nice, qui en avait lui-même levé les plans et fourni les dessins.
C'est aussi M. Davidson qui découvrit la petite chambre, au-dessus de l'endroit où l'on arrive, quand on monte la longue galerie de la grande pyramide, à main gauche ; et il y laissa l'échelle, dont il s'était servi, pour que les voyageurs, qui viendraient après lui, pussent en profiter. Mais la petite chambre, découverte par M. Davidson, n'a rien de remarquable que d'avoir échappé, pendant tant de siècles, aux recherches des curieux.
La découverte m'en paraît d'autant plus extraordinaire que ces pyramides sont si connues que la plupart des voyageurs se contentaient de suivre le rapport des Anciens, au lieu de faire usage de leurs propres yeux.
On a toujours cru que les pierres, dont on a bâti les pyramides, ont été portées des montagnes de la Libye. Cependant, si on avait pris la peine de remuer un peu le sable, qui est à l'occident de ces édifices, on aurait trouvé un roc solide et creusé par degrés.
Dans la route de la grande chambre, où s'élève le sarcophage, et dans celle de la galerie qui conduit à cette chambre, on voit de larges fragments de rochers, qui prouvent incontestablement que les pyramides n'étaient d'abord que des rocs énormes trouvés au même lieu où on les voit. Les plus convenables furent choisis pour former le corps de la pyramide, et on tailla les autres pour le couronnement, et l'extérieur de l'édifice.(...
Une immense quantité de ruines de Memphis subsistent au milieu du Caire. Les murailles, les écuries, les abreuvoirs des chevaux du Bey, ne sont que de superbes débris qu'on a tirés de Métrahenny.
Le reste a, sans doute, été couvert par les sables mouvants de Saccara, ainsi que les Sphinx, et les édifices abandonnés l'étaient déjà au temps de Strabon, parce qu'il n'y avait déjà plus dans ces endroits des plantes dont les racines continssent la terre, comme on a soin d'en entretenir dans ces pays, autour des lieux qu'on habite. Les sables du désert n'ont point trouvé d'obstacle, et vraisemblablement couvrent pour jamais les restes de la capitale de l'Égypte.
L'homme sent son cœur défaillir quand il jette les yeux au sud et au sud-ouest de Métrahenny. Ses regards se perdent dans l'immensité du désert qu'il contemple devant lui, et où subsistent encore tant de pyramides. Frappé d'étonnement à l'aspect de l'étendue immense, qu'on découvre par-delà les palmiers, et à laquelle il n'est point accoutumé, il commence à se décourager, et il redoute les effets de ces brûlants climats.
L'habitude de l'indolence qu'il a contractée au Caire, les tristes récits qu'il a entendu faire du mauvais gouvernement et de la barbarie des peuples de ces contrées, l'ignorance de la langue, le manque de plan, tout enfin l'empêche de tenter des découvertes dans les sables mouvants de Saccara ; et il aime mieux s'en rapporter tranquillement à ce qu'en disent ceux qu'il croit avoir été plus curieux et plus hardis que lui.
Ainsi, l'on ne crée point de nouvelles erreurs ; mais en adoptant les erreurs des autres, on leur prête plus de force ; et quoique le même nombre de voyageurs se succède dans ces pays, les sciences n'en retirent presque aucun avantage."
Source : Gallica
Son principal voyage débuta en 1768 : James Bruce s’embarqua à Saïda pour rejoindre Alexandrie, puis il remonta le Nil jusqu’à Assouan, et poursuivit sa route, via l’Arabie et l’Éthiopie, à la recherche des sources du Nil.
Il relata cette exploration dans son ouvrage Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssinie, pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 et 1772, traduit de l'anglais par J. H. Castera, 1790.
Le texte qui suit est extrait du tome 1 de cet ouvrage. L’auteur y décrit sa visite aux pyramides de Guizeh. La relation est sommaire, mais très explicite quant à la technique d’observation : "s’en rapporter tranquillement" aux seuls récits antérieurs peut être source d’erreurs - des erreurs que l’on contribuera peut-être à propager, voire à amplifier. Il est de loin préférable, pour soi-même et pour "l’avantage des sciences", de faire usage de ses propres yeux et - pourquoi pas ? - de "remuer un peu le sable" !
James Bruce (Wikimedia commons)
"Au-delà du Caire, sur la rive du Nil, est Géeza, nommée ainsi suivant les auteurs arabes, parce qu'il y a eu autrefois un pont. Géeza signifie passage.À environ onze milles plus loin, on rencontre les pyramides, auxquelles Géeza a donné leur nom, et dont les descriptions sont si connues. On les a gravées et publiées à Londres, à très grand point, deux ans avant mon voyage en Égypte, et j'ai vu de ces gravures chez M. Davidson, consul à Nice, qui en avait lui-même levé les plans et fourni les dessins.
C'est aussi M. Davidson qui découvrit la petite chambre, au-dessus de l'endroit où l'on arrive, quand on monte la longue galerie de la grande pyramide, à main gauche ; et il y laissa l'échelle, dont il s'était servi, pour que les voyageurs, qui viendraient après lui, pussent en profiter. Mais la petite chambre, découverte par M. Davidson, n'a rien de remarquable que d'avoir échappé, pendant tant de siècles, aux recherches des curieux.
La découverte m'en paraît d'autant plus extraordinaire que ces pyramides sont si connues que la plupart des voyageurs se contentaient de suivre le rapport des Anciens, au lieu de faire usage de leurs propres yeux.
On a toujours cru que les pierres, dont on a bâti les pyramides, ont été portées des montagnes de la Libye. Cependant, si on avait pris la peine de remuer un peu le sable, qui est à l'occident de ces édifices, on aurait trouvé un roc solide et creusé par degrés.
Dans la route de la grande chambre, où s'élève le sarcophage, et dans celle de la galerie qui conduit à cette chambre, on voit de larges fragments de rochers, qui prouvent incontestablement que les pyramides n'étaient d'abord que des rocs énormes trouvés au même lieu où on les voit. Les plus convenables furent choisis pour former le corps de la pyramide, et on tailla les autres pour le couronnement, et l'extérieur de l'édifice.(...
Une immense quantité de ruines de Memphis subsistent au milieu du Caire. Les murailles, les écuries, les abreuvoirs des chevaux du Bey, ne sont que de superbes débris qu'on a tirés de Métrahenny.
Le reste a, sans doute, été couvert par les sables mouvants de Saccara, ainsi que les Sphinx, et les édifices abandonnés l'étaient déjà au temps de Strabon, parce qu'il n'y avait déjà plus dans ces endroits des plantes dont les racines continssent la terre, comme on a soin d'en entretenir dans ces pays, autour des lieux qu'on habite. Les sables du désert n'ont point trouvé d'obstacle, et vraisemblablement couvrent pour jamais les restes de la capitale de l'Égypte.
L'homme sent son cœur défaillir quand il jette les yeux au sud et au sud-ouest de Métrahenny. Ses regards se perdent dans l'immensité du désert qu'il contemple devant lui, et où subsistent encore tant de pyramides. Frappé d'étonnement à l'aspect de l'étendue immense, qu'on découvre par-delà les palmiers, et à laquelle il n'est point accoutumé, il commence à se décourager, et il redoute les effets de ces brûlants climats.
L'habitude de l'indolence qu'il a contractée au Caire, les tristes récits qu'il a entendu faire du mauvais gouvernement et de la barbarie des peuples de ces contrées, l'ignorance de la langue, le manque de plan, tout enfin l'empêche de tenter des découvertes dans les sables mouvants de Saccara ; et il aime mieux s'en rapporter tranquillement à ce qu'en disent ceux qu'il croit avoir été plus curieux et plus hardis que lui.
Ainsi, l'on ne crée point de nouvelles erreurs ; mais en adoptant les erreurs des autres, on leur prête plus de force ; et quoique le même nombre de voyageurs se succède dans ces pays, les sciences n'en retirent presque aucun avantage."
Source : Gallica
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