samedi 25 juillet 2009

La théorie du "grand verrou" d'Émile-Charles Vanderlinden

Qualifiée de "pour le moins osée'" et "audacieuse" par le comité de rédaction de la revue Kadath dans laquelle elle a été publiée (N° 70, printemps-été 1989), la théorie d'Émile-Charles Vanderlinden, docteur en philosophie et lettres, sur "Les chemins secrets de Khéops" mérite sans nul doute une attention rétrospective.
Elle est basée sur certaines anomalies structurelles que l'auteur a observées dans la Grande Pyramide. La clé de ces "bizarreries" repose, selon lui, sur la descente (intentionnelle, cela va de soi, de la part des bâtisseurs égyptiens) d'une énorme "masse mobile", de l'ordre de 300 m³ (soit 700 tonnes), au cœur de l'édifice après les funérailles du pharaon et la dépose de son sarcophage dans la chambre mortuaire. Le mouvement vers le bas, sur une distance de 8 coudées (environ 4,25 m), de cette masse a entraîné notamment la descente des herses, dont la fonction n'était pas de barrer l'accès à la Chambre du Roi, mais de bloquer le passage vers la véritable "zone sépulcrale", située sous cette chambre et accessible par un escalier "dont nous n'avons aucune trace visible".
Une telle technique fut rendue possible, selon l'auteur, par la mise en œuvre d'un "descenseur à sable" : "une cavité, verticale en principe, est remplie de sable fin, avec un exutoire bouché au départ. (...) L'objet à descendre est posé sur une plate-forme de même section que la cavité. Si on enlève le bouchon, le sable fin se comporte comme un liquide et s'échappe en laissant descendre la charge plus ou moins doucement." Seule variante pour le cas de l'énorme masse mobile de la pyramide de Khéops : le sable a été remplacé par de la brique crue dont les débris auraient été ensuite évacués par un torrent d'eau à partir d'un réservoir situé au-dessus du couloir horizontal.
 
Cliquer sur l'illustration pour l'agrandir.
Illustration reproduite avec l'aimable autorisation de Jacques Gossart
(comité de rédaction de la revue Kadath)


Quant à la chambre funéraire, "il est raisonnable de penser, écrit Émile-Charles Vanderlinden, [qu'après avoir été refermée sur Khéops, elle] était mobile et reposait sur une assise de sable, et peut-être de briques crues. La même commande qui faisait s'abaisser le plafond des galeries a alors provoqué la descente de la chambre. Mais si cette manœuvre n'amenait pas la momie au centre du monument, il était facile d'y remédier. Il suffisait de donner à la base de la masse à déplacer un profil en biseau, et de prévoir au fond de la fosse un guide de même inclinaison, pour que la masse glisse dans le sens désiré."
Puis l'auteur de se demander sur quelle distance cette chambre mortuaire est descendue. Sa réponse est la suivante :"Une hypothèse envisageable est qu'elle repose au niveau de la base de la pyramide, donc à quelque vingt mètres sous la chambre de la Reine ; toute la pyramide serait bâtie par-dessus la chambre funéraire."
Reste enfin le vide créé au-dessus de la chambre :"Il a été comblé comme il est de règle (...). Il suffit qu'une réserve de sable ait été prévue, communiquant avec le puits par des lumières qu'[obturait] la chambre dans sa position initiale. À mesure qu'elle [descendait], le sable [prenait] la place, et peut-être la légère anomalie constatée dans un coin de la Chambre du Roi tient-elle à une poche d'air qui serait restée ou se serait formée par le tassement du sable."
Cet article comporte d'autres aspects techniques dont la complexité m'interdit une présentation qui risquerait d'être trop sommaire. J'en ai toutefois retenu ici ceux qui m'ont paru les plus révélateurs de la théorie d'E.-C. Vanderlinden. Il est par ailleurs évident que pour plus de précisions, une lecture des développements de l'auteur, dans leur intégralité, s'impose.
Pour se procurer le numéro 70 de la revue Kadath, renseignements sur le site Internet Kadath.

vendredi 24 juillet 2009

Selon Jean-François Deschamps, la Grande Pyramide comporterait une entrée cachée menant vers une chambre secrète

 
Illustration de J.-F. Deschamps
reproduite avec l'aimable autorisation de son auteur

Dans un article publié sur le site http://repertorium.net/rostau/, Jean-François Deschamps affirme avoir "la preuve qu’au moins une chambre reste non découverte à l’intérieur de la pyramide de Khufu (et que) l’on pourrait accéder à ces structures secrètes, par des moyens non destructeurs pour la pyramide".
L'accès à cette chambre secrète, destinée aux funérailles du pharaon, serait, selon lui, possible par un "passage sud souterrain (représentant) un conduit similaire à ceux des chambres supérieures (les "conduits d'aération"), bien que plus grand". Autrement dit, les trois chambres que nous connaissons (Chambre du Roi, Chambre de la Reine, chambre souterraine) n'auraient été conçues que comme des leurres.
Bien qu'apparemment dépourvue de telles structures, la chambre souterraine "possède des caractéristiques étranges, parmi lesquelles (un) passage bas de plafond qui va vers le sud et finit dans un mur". Selon Jean-François Deschamps, elle pourrait ainsi comporter également une "paire de conduits", celui du nord correspondant au couloir descendant. Et il s'ensuit que le conduit sud "ne peut qu'être déduit".
Sauf à reprendre dans son intégralité l'article de cet auteur (ce qui est évidemment impossible !), je ne peux que vous inciter à le consulter en cliquant ICI

mercredi 22 juillet 2009

Une "utilisation intelligente de la géométrie appliquée", comme préambule à la construction des pyramides

Les pyramides ont été construites grâce à une "utilisation intelligente de la géométrie appliquée", à une technologie rudimentaire ("primitive technology") et à une bonne quantité d'efforts et d'ingéniosité : telle est la thèse développée par Seamus Chapman dans son ouvrage Building Egyptian Pyramids - Achieving the Impossible (1st Books Library, 2003, 104 pages).
La démonstration de l'auteur est essentiellement centrée sur ce qu'il appelle la "méthode du sommet virtuel". Compte tenu de la hauteur et de la base du futur monument, le triangle rectangle intégrant cette hauteur et la distance entre le centre et l'un des angles permet de définir l'hypoténuse, autrement dit l'angle ou l'inclinaison à respecter pour la mise en œuvre des blocs de pierre intégrés dans l'édifice, sans aucune référence visuelle à un sommet "réel". Grâce à cette seule méthode, les bâtisseurs égyptiens ont pu construire un monument équilibré, avec des arêtes se rencontrant en un même point sommital.
Quant aux techniques de construction proprement dites, je relève de la lecture de l'ouvrage de Seamus Chapman les éléments suivants :
- la structure du noyau, dans sa forme la plus simple, est une tour ("tower") entourée par des murs de contrefort ("buttress walls"), mis en place à intervalles réguliers ;
- aucun engin de levage n'a été utilisé ; les bâtisseurs égyptiens ont simplement eu recours à un "berceau" ("cradle"), sorte de "balançoire" en bois formée d'une surface plane et d'une base courbe, pour la rotation des blocs de pierre ;
- pour la première partie du chantier (construction du noyau, puis des éléments de façade à l'état brut), jusqu'à la hauteur de 37 coudées royales (correspondant à la hauteur de la Chambre de la Reine), ils ont utilisé une rampe perpendiculaire à l'une des faces de la pyramide, cette rampe permettant le transport des blocs jusqu'à la plateforme de travail ;
- une fois achevées les premières assises de la pyramide, la deuxième phase du chantier jusqu'à une nouvelle hauteur peut commencer ; et ainsi de suite jusqu'au sommet. À ce stade de la construction, la rampe perpendiculaire est prolongée par une rampe en spirale épousant les quatre côtés de la pyramide et reposant sur les deux contreforts extérieurs ;
- quand le sommet de la pyramide est atteint, celui-ci est distant de 280 coudées royales du centre exact (devenu à son tour "virtuel") de la base. Les travaux de finition peuvent alors commencer : taille et polissage des pierres de revêtement ; démantèlement des plateformes et des rampes.
La perfection de ces aménagements extérieurs contraste, selon l'auteur, avec ce qui lui semble être des imprécisions, et même des changements en cours de construction, dans le plan des aménagements intérieurs.
"Il se pourrait, commente-t-il, que la Chambre du Roi et ses chambres de décharge aient été créées uniquement comme une conséquence de la décision d'utiliser un surplus de blocs originellement destinés à équiper l'intérieur de la pyramide d'un système de sécurité efficace, mais parvenus trop tard pour être installés à leur emplacement prévu." (op.cit. p. 89)

vendredi 17 juillet 2009

Jacques Bouet prend rang parmi les "hydro-pyramidologues"

 
Illustration extraite de la revue Kadath
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Dans un article publié par la revue Kadath (n°90 - printemps-été 1998), Jacques Bouet se réclame d'emblée de la théorie développée par Manuel Minguez, selon laquelle les bâtisseurs de pyramides ont (auraient) eu recours à un gigantesque escalier hydraulique : "Après examen des solutions proposées pour expliquer la construction de la Grande Pyramide, écrit-il, l'hypothèse de Manuel Minguez nous paraît la plus séduisante."
Un "Cependant" vient toutefois immédiatement après, attestant d'une volonté de "prolongement" par rapport à la théorie de Manuel Minguez :" (...) même dans ce cadre, poursuit-il, plusieurs problèmes importants subsistent. Ils portent sur l'approvisionnement en eau, le déversement accidentel de celle-ci, l'utilisation économique de l'eau, l'utilisation économique du travail humain."
Les "solutions originales" proposées par Jacques Bouet sont les suivantes :
- utilisation des animaux domestiques (ânes) pour l'approvisionnement en eau, au lieu des manœuvres équipés de seaux auxquels a eu recours Manuel Minguez ;
- installation de l'escalier hydraulique "au cœur de la pyramide en cours de construction", la Grande Galerie jouant le rôle de sas parfaitement sécurisé ;
- pour éviter les fuites d'eau, "lorsque la hauteur de la pyramide atteint 3 mètres, un ensemble de murs parallèles provisoires en briques est installé : ces murs sont distants de 4 m. Deux murs sont mis en place tout autour de l'assise, l'un exactement au bord de celle-ci, l'autre légèrement en retrait vers l'intérieur, à 4 m du premier. Le sas Grande Galerie, point d'arrivée des blocs de pierre définitifs, est situé dans une zone relativement centrale de l'assise. À partir de cette zone, deux murs parallèles sont élevés : ils vont de la sortie du sas Grande Galerie jusqu'aux doubles murs encerclant l'assise en construction. L'espace compris entre les doubles murs est toujours de 4 m. L'eau est ensuite déversée entre ces murs, l'assise étant ainsi pourvue d'une sorte de réseau de canaux provisoires comprenant un canal périphérique et un canal allant de la périphérie au centre. (...) Le volume d'eau emprisonné dans les canaux provisoires est raisonnable ; c'est pourquoi ceux-ci auront une épaisseur n'ayant aucune comparaison avec celle de la muraille définitive qui va entourer l'assise pendant les travaux d'installation d'une nouvelle strate de blocs de pierre."
- pour économiser l'eau :"Le sas Grande Galerie doit être complété par des réservoirs installés à l'intérieur du monument entourant celui-ci. Ces réservoirs communiquent avec lui et sont situés les uns au-dessous des autres. Ainsi complété, le sas Grande Galerie pourra fonctionner, lui aussi, selon les principes de réduction au minimum de l'énergie dépensée pour approvisionner en eau le système hydraulique."
- pour le transport des blocs de pierre extraits de la carrière proche de la Grande Pyramide, Jacques Bouet retient le système développé et expérimenté par Manuel Minguez, à savoir que ces blocs sont attachés "sous" les mini-chalands dès lors que la carrière, entourée d'un mur provisoire de 3-4 m de haut, est inondée par l'eau du Nil. Il retient par ailleurs l'hypothèse selon laquelle un plan d'eau était aménagé en permanence autour de la pyramide pendant sa construction, avec un système de sas hydrauliques pour le transport des blocs de pierre utilisés pour l'édification des premières assises, le sas Grande Galerie prenant ensuite le relais pour les assises supérieures.

mercredi 15 juillet 2009

Topographie et règle à calcul : les deux outils indispensables, selon John A.R. Legon, pour la compréhension du "mystère" des pyramides

 
Sur son site Internet La Maison de Maât (Maât est, dans la mythologie égyptienne, la déesse de l'ordre), version française du site Egyptology and the Giza Pyramids, John A.R. Legon propose une dizaine d'articles traitant des unités de mesure appliquées par l'Égypte ancienne, notamment dans les projets de construction des pyramides.
Plus qu'à une approche proprement "constructive" (choix, transport et mise en œuvre des matériaux, techniques de construction...), il consacre ses recherches aux dessins (ou desseins) préalables à l'édification, aux projets des architectes, aux connaissances théoriques présupposées par l'édification des pyramides.
J'extrais plus particulièrement les cinq articles suivants :

- La Coudée Royale et le Canon de l'Art Égyptien
- Le plan au sol des Pyramides de Guizeh
- Le plan de la Grande Pyramide
- La géométrie des "conduits de ventilation"
- À propos des dimensions et des proportions des pyramides

Il est hors du propos de ce modeste blog de tenter une synthèse de ces articles, dont le contenu, au demeurant, dépasse mes non moins modestes compétences (ma formation et mes activités professionnelles m'ayant orienté ailleurs que dans le domaine des relevés topographiques et des racines carrées !).
Je souligne simplement ces conclusions de l'auteur :
- "Une enquête plus approfondie révèle la grande habileté avec laquelle les dimensions finales du plan de Guizeh ont été sélectionnées en vue d'obtenir le maximum de cohérence, pour que la conception globale ait la plus grande pertinence."
- "Bien que [notre] description du système des passages dans la Grande Pyramide ne représente pas une analyse complète, on voit qu'une grande quantité de données a été mise en évidence montrant la grande précision avec laquelle les dimensions des passages ont été construits, tant en termes de la coudée royale égyptienne qu'en référence à une conception géométrique et logique bien arrêtée. (...) Bien que l'usage du théorème de Pythagore puisse être un sujet de débat, des problèmes concernant l'hypoténuse d'un triangle rectangle pourraient avoir été résolus à l'aide de mesures sur un plan tracé à une échelle appropriée. Quelles que soient les méthodes utilisées, les compétences de l'architecte en ce qui concerne la sélection des dimensions inclinées, horizontales, et verticales du système des passages, ont été clairement tout à fait considérables. De plus, la qualité très cohérente de la conception et du plan est un autre argument très fort contre l'hypothèse couramment répandue que la structure de la pyramide a fait l'objet d'un changement de plan en cours de construction."

On l'aura compris : je ne puis mieux faire que de conseiller au lecteur de consulter directement le site de John A.R. Legon, en version soit française, soit anglaise.
En complément, voir sur ce sujet l'article de Wikipédia Observation mathématique de la pyramide de Khéops.

lundi 13 juillet 2009

Hypothèse Davidovits : le débat n'est pas définitivement clos

Dans mon inventaire de la revue Kadath, je découvre le numéro 91 (automne-hiver 1998). Un bon tiers de cette publication, sous la plume de Jacques Gossart, membre du comité de rédaction de la revue, David H. Campbell (Construction Technology Laboratories de Stokie, Illinois) et Robert L. Folk (University of Texas, Austin), est consacré à la théorie proposée par Joseph Davidovits et Margie Morris. Cette théorie, basée sur des analyses scientifiques, des éléments archéologiques, des textes hiéroglyphes ainsi que sur des aspects religieux et historiques, suggère que les pyramides de Guizeh ont été construites non pas avec d'énormes blocs taillés et traînés sur des rampes, mais avec des pierres ré-agglomérées, autrement dit des pierres calcaires naturelles fabriquées comme du béton, puis moulées.
Dans son article "Construire les pyramides : une méthode en béton", Jacques Gossart expose en détail la thèse Davidovits-Morris, présentée comme "la recette du chef", en précisant qu'elle suscite "du pour et du contre". Quant à sa conclusion personnelle, il la propose en ces termes :"Il me paraît difficile (...) d'émettre une opinion définitive. Et pour tout dire, je reste dubitatif. Certes, l'hypothèse est audacieuse et le moins que l'on puisse dire est qu'elle sort résolument des sentiers battus (ou plutôt des rampes embouteillées). Il faut mettre à son actif qu'elle apporte une solution radicale aux problèmes techniques et d'intendance qui se posent tout au long de la chaîne de construction des pyramides, problèmes qui n'ont jamais trouvé de solution satisfaisante (...). Mais ces éléments ne peuvent entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agit de juger de la validité de l'hypothèse." (p. 45)
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La revue fait ensuite place, sous le titre "Géologues v.s. Davidovits : béton ou roche ?" au point de vue d'opposants à la théorie des pierres reconstituées : David H. Campbell et Robert L Folk.
Je ne peux ici que renvoyer à l'article pour l'exposé des arguments des auteurs. Ceux-ci, après avoir précisé qu"ils n'ont jamais observé de traces de moulage dans les matériaux utilisés pour la construction des pyramides, mais plutôt des traces d'outils attestant que les blocs ont été "taillés" dans la roche, avancent la conclusion :"Notre visite du site et nos analyses en laboratoire ne nous ont permis d'apporter aucune preuve confirmant la théorie selon laquelle les blocs des pyramides et des édifices associés auraient été coulés sur place. Nous pensons que la stratification et la minéralogie des blocs ne peuvent raisonnablement être interprétés que d'une façon géologique. Nous n'avons trouvé aucune preuve de l'existence d'un ciment géopolymère, ni aucun des indices qui avaient été rapportés et évoquant un coulage sur place." (p. 51)

dimanche 12 juillet 2009

La chambre souterraine de la pyramide de Khéops : une "copie de la première cataracte" sur le Nil, selon Jacques Bouet


Mesurant 14 m x 8 m x 4 m, la chambre souterraine de la Grande Pyramide est généralement qualifiée d'"inachevée". Les interrogations demeurent en tout cas sur sa destination, son utilité...
Dans un article publié par le revue Kadath (n° 96, printemps-été 2002), Jacques Bouet développe sa théorie selon laquelle la configuration de cette chambre souterraine, avec ses structures rocheuses, présente des ressemblances avec le site de la première cataracte sur le Nil :"Les principales curiosités de la première cataracte à l'époque de Khéops, écrit-il, comportent : un fleuve avec plusieurs îles, un îlot dominé par un rocher ayant la forme d'un siège, et sur une île voisine escarpée, un tombeau célèbre [celui d'Osiris]. Le cours du fleuve comporte des cascades ; son lit montre un trou profond d'où semble émerger avec force, au moment des crues, un flot bouillonnant. Ce dernier a presque l'aspect de la terre en raison de l'importance du limon en suspension. Enfin, encerclant ce site, des parois rocheuses verticales. Ces particularités très remarquables se retrouvent dans les structures rocheuses de la chambre souterraine." (art. cit. p. 37)



Comment se présente donc la configuration de ladite chambre ?
Les ondulations du sol (configuration sinusoïdale) symbolisent l'eau (d'un fleuve ou d'un puits).
Les deux plateaux rectangulaires dominant le sol représentent :
- l'un, en forme de trône : l'escarpement rocheux face à l'île de Philae ;
- l'autre, en forme de tombeau : le tombeau d'Osiris qui existait sur l'île de Biggeh.
Le puits "rappelle le gouffre sans fond situé dans le lit du Nil, d'où sort en flots bouillonnants l'eau de l'inondation."
Le couloir entre les deux plateaux reçoit deux interprétations possibles : soit les bancs rocheux à l'origine de la cascade, soit les marches qui permettent l'accès aux tombeaux élevés.
Selon Jacques Bouet, ces ressemblances ne sont pas dues au hasard :"Nil, Osiris, pharaon entretiennent, dans la religion égyptienne, de nombreux rapports. Ces interrelations conduisent à une sorte de fusion lorsque l'on considère un élément-clé de leur personnalité : le pouvoir de renaissance. (...) Après toutes ces observations et analyses, le sens du décor rocheux de la chambre souterraine apparaît. La première cataracte est un lieu où la renaissance d'Osiris, identifiée au Nil, est invoquée et réalisée. La chambre souterraine, copie de la première cataracte, assume les mêmes fonctions : c'est le lieu de la renaissance du pharaon, identifié à Osiris, lui-même identifié au Nil, est invoquée et réalisée à son tour."
Voir sur le sujet de la tombe symbolique d'Osiris ce qu'écrit Zahi Hawass : ICI (traduction en français sur le site Osiris.net)
Illustrations extraites de la revue Kadath.

samedi 11 juillet 2009

Les tertres rocheux du plateau de Guizeh

Illustration extraite de la revue Kadath
Dans un article publié par la revue Kadath (*), dans le numéro 99 (printemps-été 2004), Joël Bertho, avec la collaboration des géologues Suzanne Raynaud et Farid Makroum, ainsi que de Muriel Planas, doctorante en pétrochimie, démontre que "les architectes égyptiens ont su exploiter judicieusement les ressources naturelles du site de [Guizeh] en mettant à profit la géologie et la topographie du plateau."
Le relief du plateau a ainsi été intégré dans la construction des pyramides et du Sphinx, cette présence du noyaux rocheux réduisant "de façon drastique le volume de la pierre nécessaire pour terminer les pyramides". En outre, ont été mis en œuvre dans la construction les "produits des décaissements" extraits lors des travaux préparatoires de mise à niveau.
L'estimation des volumes des tertres rocheux et des blocs découpés sur place fait l'objet de variantes allant d'un cinquième à la moitié environ du volume des pyramides. Et l'auteur de préciser :"Nos calculs ont permis de montrer que 20 à 50 % du volume des pyramides est constitué des roches provenant du plateau de [Guizeh], dont au minimum 300.000 m³ pour chacun des tertres rocheux. La présence de ce rocher naturel sous les pyramides n'a jamais été réellement pris en compte dans les calculs de mise en œuvre des blocs."
La présence d'une ancienne "colline rocheuse" permet à Joël Bertho de formuler l'hypothèse suivante pour la Grande Galerie, la Chambre du Roi et sa salle de décharge : "La Chambre du Roi aurait été construite au sommet de la butte rocheuse et la Grande Galerie suivrait sa pente. (...) Ce passage en pente douce aurait permis, avant son achèvement, l'acheminement des matériaux de construction et, en particulier, [des] énormes blocs de granite formant le plafond de la Chambre du Roi et sa structure de décharge."

(*) nom emprunté à l’œuvre de H.P. Lovecraft ; c'est celui de la cité légendaire des Grands Anciens, symbole de l’origine des civilisations. Cette publication "se veut à la fois revue d’actualité, tribune libre et encyclopédie, à laquelle le lecteur pourra se référer utilement, mais aussi à usage du chercheur avisé. Soucieuse d’objectivité, elle fait le point sur toutes les énigmes de l’archéologie, en ne retenant que des faits rigoureusement vérifiés mais en ne glissant rien sous le tapis. Soucieuse aussi d’ouverture, elle préfère donner la parole aux tenants d’une archéologie nouvelle qui, pour appuyer leurs théories, ne se basent que sur des documents irréfutables, sans pour autant renier les vrais acquis de la science."
Je remercie Jacques Gossart de m'avoir adressé les numéros de la revue contenant un ou plusieurs articles consacrés à la construction des pyramides de Guizeh. Ils feront l'objet de plusieurs notes sur ce blog.

mercredi 8 juillet 2009

"Le mystère de la Grande Pyramide"

 
Je me suis fait prendre au piège. Tant pis ! Mais tant qu'à faire, je vous invite à vous fourvoyer également... Ne sommes-nous pas en période de (grandes ou petites) vacances pour nous permettre un brin de détente et de fantaisie ?
Je me suis donc procuré cet album BD relatant les aventures de Blake et Mortimer sur la terre des pharaons (éditions Dargaud). Bien entendu, il n'est pas question ici de vous relater l'intrigue, ni surtout l'issue des histoires rocambolesques auxquelles elle donne lieu, sur fond d'espionnage, de contrebande d'antiquités, de bagarres épiques, de suspicions tous azimuts. Vous devez quand même bien supposer qui, des "héros" de l'histoire, sortira vainqueur.
Sachez toutefois, si vous n'êtes pas familier de ce genre de littérature, que l'auteur (Edgar P. Jacobs) puise son inspiration dans des sources qui, généralement, alimentent des débats d'un autre genre. Entre deux planches de dessins consacrés à une course poursuite ou autres événements nous maintenant en haleine, il est en effet question du papyrus de Manéthon, de chambre secrète ("chambre d'Horus"), de trésor d'Akhénaton, de passage souterrain reliant le Sphinx à la Grande Pyramide, d'un certain Dr. Grossgrabenstein (alias l'égyptologue belge Jean Capart)... Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?
Bref, la fiction rejoint étrangement la réalité, sous prétexte de ce qui reste un bel amusement.
Si l'histoire vous titille, je vous invite à consulter l'article de Wikipédia sur cette publication en deux tomes : voir ICI

jeudi 2 juillet 2009

"La fantastique histoire des bâtisseurs de pyramides"

Le Dr Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités d'Égypte et directeur des fouilles du plateau de Guizeh, est un personnage incontournable dans la sphère des spécialistes en égyptologie. Après avoir étudié l'archéologie en Égypte et aux États-Unis, où il a été diplômé d’un doctorat à l'Université de Pennsylvanie, il a enseigné à l'université américaine du Caire, à l’UCLA ainsi que dans d'autres universités dans le monde. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l’Égypte ancienne, dont celui-ci (titre original : Mountains of the Pharaohs. The Untold Story of the Pyramid Builders, Doubleday, 2006).
Sur fond de chronologie de l'Ancien Empire (v. 2650-2150 av.J.-C.) et de saga de la 4e dynastie pharaonique, dominée par le règne de Khéops, le Dieu Soleil, Zahi Hawass souligne l'importance de l'édification des complexes pyramidaux à Dahchour et, surtout,  à Guizeh, non seulement pour les bâtisseurs de diverses spécialisations (architectes, carriers, tailleurs de pierre, maçons...), mais également pour l'ensemble du peuple :"Les chantiers des pyramides jouaient un rôle important en unifiant les forces vives du pays entier." (p. 229)
Plus que technique, le propos de l'auteur est ici essentiellement historique. Se tenant momentanément à l'écart des débats entre spécialistes à propos des techniques de construction mises en œuvre par les bâtisseurs des pyramides, Zahi Hawass décrit et illustre, avec ses incontestables talents de conteur et son indispensable expérience, les grandes étapes et les faits majeurs des différents règnes rattachés à la 4e dynastie, l'édification des complexes pyramidaux jouant bien évidemment un rôle majeur au nombre de ces étapes les plus marquantes.
En bon "patron" de la sauvegarde des antiquités de son pays, et plus particulièrement de la Grande Pyramide, star incontestée du plateau de Guizeh, l'auteur n'en fait pas moins brièvement le point sur l'état des recherches (certitudes et questions) ainsi que sur certaines théories "ridicules et infondées" qu'il pourfend d'un trait de plume. Il rappelle, entre autres précisions, que les "conduits d'aération", qualifiés d'"anomalies", des chambres du roi et de la reine n'ont pas encore reçu leur véritable interprétation, laquelle est liée à de nouvelles explorations à venir.
De longs et passionnants développements sont consacrés aux conditions de vie et de travail des constructeurs des pyramides (qui, il est bon de le souligner, n'étaient nullement des esclaves) :"Les pyramides étaient le projet national de l'Égypte ; elles symbolisaient la puissance de la maison régnante, assuraient la renaissance du roi en tant que dieu et maintenaient magiquement l'univers tel qu'il devait être ; le pays entier a dû participer à leur érection, chaque grande famille payant son dû en envoyant nourriture, matériaux et main-d'œuvre. (...) Le chantier de la pyramide a dû être un étonnant moyen de socialisation dans les premières années de la royauté égyptienne." (p. 186)
Une remarque enfin : quoique présentée de manière presque anecdotique, une brève description de la cérémonie des funérailles de Khéops ne pourra passer inaperçue dans le contexte des explorations actuelles au cœur de la pyramide édifiée pour servir de dernière demeure au pharaon. "Le jour des funérailles, écrit Zahi Hawass, la momie royale fut placée à l'intérieur d'un sarcophage en or qui fut ensuite transporté vers le nord de la pyramide par une procession de prêtres. Dès que le sarcophage eut atteint l'entrée de la pyramide, Ânkhaf [vizir de Khéops] stoppa la procession et ne garda avec lui que deux prêtres. Laissant sur place le cortège funéraire, il mena les porteurs du sarcophage à travers le vestibule jusqu'à la chambre qui se trouvait au centre des trois autres chambres. Une ouverture avait été ménagée dans un mur, et les prêtres glissèrent le sarcophage dans la chambre secrète, puis la scellèrent. Quand Ânkhaf en émergea avec les deux prêtres, il ordonna que l'entrée de la pyramide [fût] scellée, afin de protéger le secret : Khéops n'avait en fait pas été enterré dans la chambre avec le sarcophage de granite, mais était caché en un lieu où il serait en sécurité pour l'éternité. Même le prochain roi, Djédefré, ignorait se secret." (p. 127)
Comment s'étonner alors que la Grande Pyramide soit associée, depuis tant et tant de siècles, au mot "mystère" ?

éditions du Rocher, 2009, 254 pages