L’historien français Paul Gaffarel (1843-1920), auteur de nombreuses publications sur Marseille et l’histoire coloniale, fut professeur à la faculté des lettres de Dijon.
Son Histoire ancienne des peuples de l'Orient jusqu'au premier siècle avant notre ère, éditée en 1879, fut adoptée par le Conseil de l’Instruction Publique pour les bibliothèques scolaires. Cet ouvrage permet donc d’appréhender la teneur de l’enseignement que recevaient les élèves français de la fin du XIXe siècle au chapitre de l’histoire de l’Égypte, et de constater ainsi que les connaissances qui leur étaient proposées au sujet des pyramides se limitaient au strict minimum, voire à des approximations que l’égyptologie scientifique se chargera par la suite de rectifier.
L’introduction au chapitre consacré aux “études égyptiennes” est inspirée par un élan patriotique assurément d’une autre époque, en des termes qui, aujourd’hui, risqueraient fort de créer un incident diplomatique. Jugez plutôt : “L’Égypte, écrit Paul Gaffarel, est presque une terre française. Elle a été régénérée par nos compatriotes, qui ont renouvelé son antique histoire, en déchiffrant les caractères sacrés de ses monuments et de ses papyrus. Ce sont eux encore qui ont ouvert à son commerce et aux destinées de l'humanité comme une ère nouvelle par le percement de l'isthme de Suez. L'Égypte nous appartient donc par les services que nous lui avons rendus et par ceux que nous lui rendons ; par son passé, que nos savants reconstituent siècle par siècle, et par son avenir, qu'auront créé nos ingénieurs et nos négociants.”
“Un peu au-dessus de la fourche du Delta, sur la rive gauche du fleuve, se dressent les fameuses pyramides de Gizeh. Dix lieues avant d'y arriver, on les aperçoit ; on en est à une lieue, et elles dominent tellement qu'on se croit à leur pied. Ces monuments sont peut-être plus remarquables par l'étendue de leur dimension en largeur que par leur hauteur. Aussi ont-ils bravé l’action destructive des hommes et du temps
La grande pyramide, celle de Chéops, est bâtie sur deux cents couches de blocs formant autant de marches jusqu'au sommet, qui, d'en bas, paraît se terminer en pointe d'aiguille, bien que la plate-forme ait cinq mètres de côté, et qu'une pierre lancée du sommet, même avec une fronde, retombe toujours sur les degrés. Intacte, elle avait cent cinquante-deux mètres de hauteur, à peu près deux fois les tours Notre-Dame.
Ce qui augmente sa beauté, c'est qu'elle est assise sur un magnifique rocher. Les pierres dont elle se compose forment la masse effrayante de vingt-cinq millions de mètres cubes, et pourraient fournir les matériaux d'un mur de deux mètres de haut, faisant le tour de la France. D'après Hérodote, il a fallu dix années pour construire le plan incliné par où arrivaient les pierres de la montagne, et vingt ans pour élever la masse. Cent mille ouvriers y furent toujours employés.
Les pyramides ne sont pas, comme l'ont prétendu certains érudits plus ingénieux que sérieux, des instruments astronomiques destinés à faire connaître exactement les quatre points cardinaux, ou des barrières contre les sables du désert, mais des tombeaux. Elles ne diffèrent des amas de pierre et des tumuli, que les peuples primitifs élevaient au-dessus de leurs chefs, que par leurs dimensions extraordinaires et l'art de leur construction.
Le roi Chéops espérait donner à son tombeau l'inviolabilité de l'éternité ; mais les Arabes n'en ont pas respecté le mystère. Ces profanateurs, en quête de prétendus trésors, ont pillé et dévasté les sarcophages, et détruit des inscriptions qui eussent été bien précieuses pour l'histoire.
La seconde pyramide diffère de la grande par sa construction intérieure. Sa maçonnerie n'offre aucun vide, et les chambres qu'elle renferme sont taillées dans le roc. Seule elle possède encore son revêtement extérieur. Elle fut édifiée par le roi Chefren (Schafra).
La troisième pyramide n'atteint pas en hauteur le tiers de la grande, mais elle est plus ornée. Jadis elle possédait un revêtement extérieur de granit de Syène. En 1837, le colonel anglais Howart Wyse explora l'intérieur du monument. Dans la chambre sépulcrale était un sarcophage vide, en basalte brun, orné avec élégance. Dans la salle d'entrée, il trouva, sous un morceau de décombres, des os, des bandelettes de momies et un fragment de cercueil en bois de sycomore, sur lequel étaient inscrites deux lignes d'hiéroglyphes, dont la traduction fit connaître que le roi enterré dans ce cercueil était Men-ké-ré, le Mycérinus d'Hérodote.
Au pied des trois pyramides, et taillé dans le rocher sur lequel il repose, est un sphinx colossal de trente mètres de long sur vingt-cinq de haut. On a profité pour sa bouche d'une des lignes de séparation des couches. Entre ses deux pattes de devant s'ouvre un petit sanctuaire consacré au soleil couchant. Le monument, exécuté sous le règne de Chefren, fut réparé par Touthmès III. Tout mutilé qu'il est, ce sphinx produit un effet saisissant. Il paraît attentif : “Sa grande oreille semble recueillir les bruits du passé ; ses yeux tournés vers l'Orient semblent épier l'avenir.”
On trouve encore à Gizeh six autres pyramides : ce sont les tombeaux des princes de la maison royale et des principaux fonctionnaires de la cour qui, même après la mort, avaient voulu servir de cortège à leurs souverains. Mais ces monuments sont en mauvais état.
Au sud-sud-est de Gizeh, et toujours en remontant la rive gauche du Nil, se dressent d'autres pyramides, à Zaouyet el Arrian, à Abousir, à Sakkarah et à Daschour. L'une d'entre elles, à Sakkarah, a peut-être servi de sépulture au pharaon Kekeou, de la seconde dynastie, et une de celles de Daschour, à Osortasen III, un des rois de la douzième. On a reconnu jusqu'à présent soixante-sept pyramides ; mais, à partir de la douzième dynastie, les Pharaons renoncent à ce genre de tombeaux, et dès lors on ne construit plus de pyramides.”
Source : Gallica
Son Histoire ancienne des peuples de l'Orient jusqu'au premier siècle avant notre ère, éditée en 1879, fut adoptée par le Conseil de l’Instruction Publique pour les bibliothèques scolaires. Cet ouvrage permet donc d’appréhender la teneur de l’enseignement que recevaient les élèves français de la fin du XIXe siècle au chapitre de l’histoire de l’Égypte, et de constater ainsi que les connaissances qui leur étaient proposées au sujet des pyramides se limitaient au strict minimum, voire à des approximations que l’égyptologie scientifique se chargera par la suite de rectifier.
L’introduction au chapitre consacré aux “études égyptiennes” est inspirée par un élan patriotique assurément d’une autre époque, en des termes qui, aujourd’hui, risqueraient fort de créer un incident diplomatique. Jugez plutôt : “L’Égypte, écrit Paul Gaffarel, est presque une terre française. Elle a été régénérée par nos compatriotes, qui ont renouvelé son antique histoire, en déchiffrant les caractères sacrés de ses monuments et de ses papyrus. Ce sont eux encore qui ont ouvert à son commerce et aux destinées de l'humanité comme une ère nouvelle par le percement de l'isthme de Suez. L'Égypte nous appartient donc par les services que nous lui avons rendus et par ceux que nous lui rendons ; par son passé, que nos savants reconstituent siècle par siècle, et par son avenir, qu'auront créé nos ingénieurs et nos négociants.”
Cliché d'un auteur inconnu |
La grande pyramide, celle de Chéops, est bâtie sur deux cents couches de blocs formant autant de marches jusqu'au sommet, qui, d'en bas, paraît se terminer en pointe d'aiguille, bien que la plate-forme ait cinq mètres de côté, et qu'une pierre lancée du sommet, même avec une fronde, retombe toujours sur les degrés. Intacte, elle avait cent cinquante-deux mètres de hauteur, à peu près deux fois les tours Notre-Dame.
Ce qui augmente sa beauté, c'est qu'elle est assise sur un magnifique rocher. Les pierres dont elle se compose forment la masse effrayante de vingt-cinq millions de mètres cubes, et pourraient fournir les matériaux d'un mur de deux mètres de haut, faisant le tour de la France. D'après Hérodote, il a fallu dix années pour construire le plan incliné par où arrivaient les pierres de la montagne, et vingt ans pour élever la masse. Cent mille ouvriers y furent toujours employés.
Les pyramides ne sont pas, comme l'ont prétendu certains érudits plus ingénieux que sérieux, des instruments astronomiques destinés à faire connaître exactement les quatre points cardinaux, ou des barrières contre les sables du désert, mais des tombeaux. Elles ne diffèrent des amas de pierre et des tumuli, que les peuples primitifs élevaient au-dessus de leurs chefs, que par leurs dimensions extraordinaires et l'art de leur construction.
Le roi Chéops espérait donner à son tombeau l'inviolabilité de l'éternité ; mais les Arabes n'en ont pas respecté le mystère. Ces profanateurs, en quête de prétendus trésors, ont pillé et dévasté les sarcophages, et détruit des inscriptions qui eussent été bien précieuses pour l'histoire.
La seconde pyramide diffère de la grande par sa construction intérieure. Sa maçonnerie n'offre aucun vide, et les chambres qu'elle renferme sont taillées dans le roc. Seule elle possède encore son revêtement extérieur. Elle fut édifiée par le roi Chefren (Schafra).
La troisième pyramide n'atteint pas en hauteur le tiers de la grande, mais elle est plus ornée. Jadis elle possédait un revêtement extérieur de granit de Syène. En 1837, le colonel anglais Howart Wyse explora l'intérieur du monument. Dans la chambre sépulcrale était un sarcophage vide, en basalte brun, orné avec élégance. Dans la salle d'entrée, il trouva, sous un morceau de décombres, des os, des bandelettes de momies et un fragment de cercueil en bois de sycomore, sur lequel étaient inscrites deux lignes d'hiéroglyphes, dont la traduction fit connaître que le roi enterré dans ce cercueil était Men-ké-ré, le Mycérinus d'Hérodote.
Au pied des trois pyramides, et taillé dans le rocher sur lequel il repose, est un sphinx colossal de trente mètres de long sur vingt-cinq de haut. On a profité pour sa bouche d'une des lignes de séparation des couches. Entre ses deux pattes de devant s'ouvre un petit sanctuaire consacré au soleil couchant. Le monument, exécuté sous le règne de Chefren, fut réparé par Touthmès III. Tout mutilé qu'il est, ce sphinx produit un effet saisissant. Il paraît attentif : “Sa grande oreille semble recueillir les bruits du passé ; ses yeux tournés vers l'Orient semblent épier l'avenir.”
On trouve encore à Gizeh six autres pyramides : ce sont les tombeaux des princes de la maison royale et des principaux fonctionnaires de la cour qui, même après la mort, avaient voulu servir de cortège à leurs souverains. Mais ces monuments sont en mauvais état.
Au sud-sud-est de Gizeh, et toujours en remontant la rive gauche du Nil, se dressent d'autres pyramides, à Zaouyet el Arrian, à Abousir, à Sakkarah et à Daschour. L'une d'entre elles, à Sakkarah, a peut-être servi de sépulture au pharaon Kekeou, de la seconde dynastie, et une de celles de Daschour, à Osortasen III, un des rois de la douzième. On a reconnu jusqu'à présent soixante-sept pyramides ; mais, à partir de la douzième dynastie, les Pharaons renoncent à ce genre de tombeaux, et dès lors on ne construit plus de pyramides.”
Source : Gallica