vendredi 25 février 2011

L’entrée “à usage multiple” de la Grande Pyramide, selon Jean-Pierre Houdin


30 mars 2007 :
Khéops Révélé.
27 janvier 2011 : Khéops Renaissance.
Deux dates qui ponctuent, pour l’architecte Jean-Pierre Houdin, quelque douze années de recherches sur le “pourquoi” et surtout le “comment” des pyramides d’Égypte. Deux temps forts, ponctuant l’évolution d’une “théorie” dont les prémisses remontent à 1999, lorsque l’ingénieur Henri Houdin, père de Jean-Pierre, eut l’intuition que quelque chose clochait dans la présentation “normalisée” du chantier de construction de la Grande Pyramide. D’où l’idée de la rampe intérieure, qui connaîtra par la suite les développements que l’on sait.
Dans une interview exclusive accordée à Pyramidales, Jean-Pierre Houdin présentait les grandes lignes de Khéops Renaissance, à savoir sa nouvelle lecture des structures internes et de l’environnement de la pyramide de Khéops.
Différentes notes de ce blog ont déjà été consacrées à cet inventaire : les antichambres, la Chambre du Roi, le “Circuit Noble”, l’aménagement du Plateau de Guizeh... (voir liens ci-dessous)
L’entrée de la pyramide a, elle aussi, fait l’objet d’une relecture sur laquelle Jean Pierre Houdin apporte, à l’intention des lecteurs de Pyramidales, les précisions qui suivent.

L'entrée de la pyramide et son échafaudage

Nous sommes (approximativement) en l’an - 2550. Le roi Khéops, pharaon et maître souverain d’Égypte, est mort. Vive le Roi !
Son corps est transporté à Guizeh dans sa Barque Solaire jusqu’au temple bas, où les prêtres doivent procéder à la momification, rituel qui durera soixante-dix jours. Le pharaon est alors prêt pour son grand voyage vers les Étoiles Impérissables, en transitant par la Voie Royale de sa pyramide, construite pour cette seule circonstance des funérailles solennelles.
La procession funéraire commence par remonter la chaussée monumentale qui relie le temple de la

Cérémonie au Temple Haut
vallée au temple haut, au pied de la face est de la pyramide. “Là, commente Jean-Pierre Houdin, les prêtres procèdent à la cérémonie de l’ouverture de la bouche afin de rendre au Roi l’usage de ses sens. Celui-ci retrouve alors la parole et peut comparaître devant Osiris pour la pesée des âmes.
Aucun reproche n’étant apparu lors de sa confession, il est prêt pour l’éternité dans l’au-delà.”
Au soleil couchant, la procession rejoint l’entrée de la dernière demeure du pharaon -”sa” pyramide -, à plus de dix-sept mètres au-dessus du sol sur la façade nord. Pour ce faire, elle emprunte un échafaudage en bois, construit depuis de nombreuses années, qui donne accès à l’intérieur du monument. Elle s’apprête alors à pénétrer dans les entrailles du monument pour rejoindre la Chambre du Roi, où le volumineux sarcophage de granit a été mis en place, pour cause d’encombrement, dès l’année de la construction de cette chambre.


Circuit de service” et “Circuit Noble”

Selon Jean-Pierre Houdin, la procession funéraire pénétrera bien par le débouché du couloir descendant en face nord mais, contrairement à ce qui est communément admis, abandonnera ce dernier quelques mètres plus loin en ignorant tout le tracé lui faisant suite : couloir ascendant (auquel nous ajouterons désormais la précision “N° 1”), Grande Galerie, chambre des herses, couloir d’accès (auquel nous ajouterons également la précision “N° 1”) à la Chambre du Roi, un tracé que les visiteurs du monde entier rejoignent, depuis que le tourisme et la curiosité existent, en empruntant le tunnel d’effraction creusé dans l’axe nord/sud par le calife al-Ma’moun en 820 de notre ère.
Cet itinéraire ne sera pas suivi, et pour cause : il a été bouché en plusieurs endroits. Il fut utilisé, comme “circuit de service”, durant toute la période de la construction de la Chambre du Roi et de l’étrange structure qui la chapeaute. Au terme de ce chantier, devenu inutile, il a été abandonné au silence des pierres, jusqu’à ce qu’il retrouve la fréquentation de “visiteurs”, plus ou moins bien intentionnés, lesquels étaient à cent lieues d’imaginer que tel n’était pas le vrai circuit pour les obsèques royales.
La procession suivra, d’après les indications de Jean-Pierre Houdin, ce que nous pourrions appeler un “itinéraire bis”, mais qui en réalité, pour reprendre les termes de l’architecte, est le “Circuit Noble”, celui qui a été conçu et construit pour le seul jour de la cérémonie solennelle des obsèques royales.
Conséquence de cette configuration, à ce jour inconnue : l’entrée originelle de la Grande Pyramide, pour donner accès non seulement au “circuit de service”, mais également et surtout au “Circuit Noble”, doit comporter dans sa structure même cette dualité fonctionnelle, censée rester secrète pour ne donner aucune indication aux éventuels profanateurs de la sépulture royale. Preuve en est que le calife al-Ma’moun et ses soldats-sapeurs n’ont pas réussi à détecter la véritable entrée du monument, mais ont entrepris de creuser à un niveau inférieur pour déboucher sur... le “circuit de service” !



Présence d’indices


Exclusion étant faite de la trouée d’al-Ma’moun, qui est comme une verrue, même très utile aujourd’hui pour l’accès des touristes, dans la façade nord de la pyramide, et compte tenu du fait que cette pyramide est, depuis plusieurs siècles, privée de ses blocs de revêtement en calcaire de Tourah, quels indices peuvent être révélateurs de la véritable entrée du “Circuit Noble” ?

Jean-Pierre Houdin les énumère ainsi :



Chevrons et "pierre de Strabon"

- les chevrons en calcaire de Tourah au-dessus de l’entrée d’origine sont surdimensionnés pour la couverture du couloir descendant (deux coudées de large, soit 1m 05) et, par ailleurs, bien trop hauts par rapport à celui-ci ;
- on peut constater sur place, en mesurant les butées obliques existantes, qu’il manque six paires de chevrons en partie basse et trois paires en partie haute : la série inférieure couvrait un vide, tandis que la série supérieure constituait un chevauchement de toiture, en prolongement d’un second vide “que les bâtisseurs égyptiens, précise Jean-Pierre Houdin, économes en temps et en matériaux, avaient dû avoir une très bonne raison de bâtir. Le grand trou actuel n’existait pas à l’époque. Tout ce qui est visible aujourd’hui était noyé dans la masse de maçonnerie et en retrait derrière la face nord d’origine, à une dizaine de mètres. Au plus près de la façade, une première pièce (à la place du trou actuel), était située juste au-dessus du couloir descendant et un puits vertical d’accès, centré dans la pièce, reliait directement ces deux ouvrages. Le reste du couloir descendant est censé avoir été emprunté par la procession funéraire, mais, en réalité, il ne fut utilisé que par les ouvriers du chantier de construction de la pyramide” ;

Flèche : zone de surdensité

- “des mesures effectuées il y a 25 ans par microgravimétrie,
poursuit Jean-Pierre Houdin, ont détecté une anomalie, à savoir la présence d’une zone en forte surdensité sous la face nord de la pyramide, dans le prolongement exact des chevrons de l’entrée. Celle-ci se situe à l’est de l’axe nord/sud, donc dans l’alignement des couloirs connus de la pyramide. Plus encore, cette surdensité s’arrête à l’aplomb de la 2ème section de la rampe intérieure supposée. (1)
- le bloc cannelé inséré sous la première rangée de chevrons, et auparavant stocké au fond de la deuxième pièce, a visiblement été poussé de l’intérieur, des traces de mortier débordant sous le chevron droit. Devant ce bloc, on peut constater que le sol en calcaire a été jointoyé au plâtre et a reçu une finition surfacée et parfaitement plane ;
- le bloc cannelé ne va pas jusqu’à la pointe de l’ouverture ; un triangle d’une quarantaine de centimètres de hauteur a été comblé avec de la maçonnerie axée sur la faîtière des chevrons.
À propos de cette pierre, le géographe grec Strabon (1er siècle avant notre ère) écrivait : “À une certaine hauteur sur un de ses côtés se trouve une pierre qui peut s'enlever, et qui, une fois enlevée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau.” (2) D’où son appellation actuelle de “pierre de Strabon”.



Une entrée unique débouchant sur deux pièces


Face à ces constats, j’avais la preuve, poursuit Jean-Pierre Houdin, que d’autres chevrons avaient été mis en place jusqu’à une distance très réduite de la face, à l’avant des chevrons actuellement visibles. Il était dès lors évident que dans la zone du trou béant actuel, il y avait deux pièces, l’une à l’avant de la pierre de Strabon, l’autre derrière cette pierre, légèrement décalée en hauteur.
“J’ai alors compris que les Égyptiens, en très grands architectes qu’ils étaient, avaient imaginé une entrée unique pour desservir plusieurs couloirs à la fois. Cette entrée pouvait conduire à n’importe quelle chambre dans le monument, donc servir pour les funérailles de Khéops et, à tout autre moment, pour l’accès au chantier pendant la construction de la pyramide.
“Les deux pièces sous les chevrons permettaient de faire une liaison directe avec le couloir descendant et le relier avec une deuxième série de couloirs qui conduisaient à la Chambre de la Reine et à la Chambre du Roi sans passer par la Grande Galerie.”


 

Par la complexité de sa configuration, l’entrée originelle de la pyramide se caractérise donc par une astucieuse diversité d’utilisation : elle donne accès, par le couloir descendant, au “circuit de service” (sans utilité à la fin du chantier de construction), et elle ouvre sur le “Circuit Noble”, lequel comporte immédiatement deux axes distincts : l’un, horizontal, en direction de la Chambre de la Reine (n’oublions pas que cette chambre était destinée, en cas de décès prématuré du roi, à accueillir sa sépulture) ; l’autre, ascendant, comme première partie du trajet menant à la Chambre du Roi.

Les deux pièces successives ont pour fonction de faire démarrer le “Circuit Noble” (la “Voie Royale”) en profondeur dans la masse de la pyramide (le fond de la deuxième pièce est à environ 16 mètres de la façade). Contrairement à toutes les pyramides précédentes, la Chambre du Roi est très en hauteur dans la masse de la pyramide ; dès lors, il n’est plus question de la relier par une “descenderie”, qui débouche pratiquement perpendiculairement à la façade, mais tout d’abord par une “ascenderie” (plus ou moins parallèle à cette façade, débouchant tangentiellement et non plus perpendiculairement : une configuration “en sifflet” très complexe à traiter), puis par un couloir horizontal (N° 2) débouchant sur les deux antichambres. De plus, le passage de la rampe intérieure dans la zone aurait eu pour effet de couper le couloir ascendant N° 2, par lequel commence le “Circuit Noble” funéraire vers la Chambre du Roi ; la solution la plus simple et la plus économique était de repousser le départ de ce couloir plus en profondeur dans la masse, les deux pièces horizontales d’entrée servant de modules de liaison et de report.


Trajet de sortie des ouvriers

Au même point de départ, un puits est relié à la rampe interne voisine, pour l’évacuation des derniers ouvriers : “À la fin des funérailles de Khéops, précise Jean-Pierre Houdin, et après avoir scellé la pyramide en plusieurs points “sensibles” (chambre, antichambres, couloir d’accès, pièce d’entrée), les ouvriers sont supposés avoir quitté le circuit funéraire par la rampe intérieure en la rejoignant par un puits de liaison creusé juste à l’arrière de la deuxième pièce d’entrée, au point de départ du second couloir ascendant. Les concepteurs avaient au préalable simulé ce dispositif dans la maquette de chantier creusée dans le socle rocheux à une cinquantaine de mètres à l’est de la pyramide.”
Auparavant, les prêtres et autres officiels de la cérémonie des funérailles sont sortis de la pyramide comme ils y étaient entrés, en empruntant exactement le même itinéraire, noblesse de leur fonction oblige.




(1) La rampe intérieure représentait l’un des éléments majeurs de Khéops Révélé. Elle est évidemment toujours présente dans Khéops Renaissance, mais avec des variantes qui feront l’objet d’une prochaine note de Pyramidales.
(2) la traduction exacte du texte grec, telle que confirmée par exemple par Ian Lawton, auteur de Giza, the Truth, dans un courrier adressé à Jean-Pierre Houdin, est bien “aboutissant au tombeau” (et non pas “aux fondations”). C’est celle qui fut proposée par Amédée Tardieu : ”À une certaine hauteur sur un de ses côtés se trouve une pierre qui peut s'enlever, et, qui une fois enlevée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau.”


Illustrations: copyright Jean-Pierre Houdin/Dassault Systèmes
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