samedi 1 décembre 2012

La Grande Pyramide de Guizeh : “Un des plus magnifiques tombeaux d'Osiris”, selon Charles-François Dupuis (XVIIIe s.)

Suite de la “conjecture” de Charles-François Dupuis (1742-1809), dans le tome 1 de son ouvrage Origine de tous les cultes ou Religion universelle, publié en L’An III de la République une et indivisible (1795), concernant la destination de la Grande Pyramide de Guizeh.
L’auteur nous invite à le suivre dans une démonstration de haute voltige où l’argumentation, prenant appui notamment sur quelques données techniques du monument (notamment ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler le phénomène d’”apothème”), fait surtout appel à des considérations liées à la cosmogonie égyptienne.
En résumé, voici sa conclusion (que l’on ira ci-dessous) :”La Pyramide, sur laquelle le Soleil venait se reposer à midi, deux fois par an, aux environs des équinoxes, ainsi que toutes les pleines Lunes équinoxiales, était un véritable autel élevé à ces Divinités, un piédestal donné à leurs images, idée la plus hardie qui soit jamais venue dans la tête d'un mortel.”
Pour respectable qu’il soit, le point de vue du “citoyen Dupuis” pose sans doute plus de questions qu’il n’en résout.
Première partie
Planisphère astrologique de style égyptien

“De tous les tombeaux élevés au bienfaisant Osiris, celui qui a coûté le plus de dépense, celui qui étonne le plus par sa masse, et qui a le plus résisté à l'injure des temps, c'est celui qu'on lui avait creusé dans la grande Pyramide, dans laquelle on trouve encore un petit caveau, ou un tombeau de grandeur suffisante pour contenir un corps, et qu'on disait être le tombeau d'un des anciens Rois d'Égypte. Ce Roi, à qui on a cru devoir élever ce monument éternel, comme le Soleil qui l'éclaire, c'est le Roi Bienfaisant, le fameux Osiris, que l'on enseignait aux peuples avoir régné autrefois sur l'Égypte. En effet, eut-on jamais fait une aussi grande dépense si ce tombeau n'eût pas été censé conserver les restes ou les dépouilles mortelles de la première divinité de l'Égypte, surtout chez un peuple qui n”épargnait rien pour donner de la pompe et de la magnificence au culte, et dont le plus grand luxe était le luxe religieux.
Temple de Bélus, à Babylone
C'est ainsi que les Babyloniens, livrés tout entiers au culte du Soleil, et à celui des autres astres, avaient élevé un tombeau au Soleil, sous le nom de tombeau de Jupiter-Bélus ; et on sait que c'était le Soleil qu'ils honoraient sous le nom de Bélus, comme le dit très bien Nonnus. Or, ce tombeau de Jupiter-Hélios, ou de Jupiter-Bélus, était une immense Pyramide. Les proportions de la grande Pyramide d'Égypte, sa position, relativement aux quatre points cardinaux du monde,que regardent exactement ses faces, justifient notre conjecture, et nous la font regarder comme un des plus magnifiques tombeaux d'Osiris, et comme une masse immense, destinée à couvrir le petit caveau, dans lequel on croyait qu'avait été déposé autrefois le corps de l'époux d'Isis, de ce Roi bienfaisant que la reconnaissance des hommes avait dû immortaliser, et dont les titres étaient gravés sur les colonnes dont nous avons parlé ci-dessus.
Quand il s'agit de monuments religieux, rien ne coûte à un peuple puissant, riche et superstitieux, qui prétend à la gloire d'avoir donné à la religion une forme majestueuse et savante. Telle était la prétention des Égyptiens, qui aspiraient à la réputation de sagesse universelle.

“Un but astronomique ou cosmique”
Chazelles (1), qui fut envoyé en Égypte pour mesurer toutes les dimensions de cette Pyramide, trouva qu'elle était exactement orientée, et que les quatre faces regardaient les quatre points cardinaux du monde auxquels aboutissaient les quatre côtés prolongés du carré parfait qui forme sa base. Cette position de la grande Pyramide, confirmée par le témoignage des autres voyageurs, décèle déjà un but astronomique ou cosmique de la part des constructeurs. Il en résulte donc une grande croix qui aboutissait aux quatre coins du monde, et dont les branches se coupaient au centre de la base de la Pyramide, sous laquelle Osiris était étendu mort.
Chazelles nous donne aussi toutes les dimensions de cette Pyramide, et nous allons les rapporter.
Le côté de la base, qui est carrée : 110 toises ou 660 pieds.
Les faces sont des triangles équilatéraux.
Ainsi la superficie de la base est 12,100 toises carrées.
La hauteur perpendiculaire : 77 toises 1/4 ou 466 p. 1/2
La solidité : 313,590 toises cubes.
Telle est la mesure que donne Chazelles, de l'Académie des Sciences, qui avait été exprès sur les lieux en 1693.
Marsham nous donne des mesures un peu différentes, d'après la Pyramidographie de Jean Gravius (2), qui les prit avec le graphomètre. Le côté de la base, qu'il fait aussi carrée, est, suivant cet auteur, de 693 pieds, au lieu de 660 que lui donne Chazelles. La hauteur est de 409 pieds, au lieu de 466 que donne Chazelles ; mais ils s'accordent tous deux à faire les faces triangulaires équilatérales, ce qui nous suffit : car c'est là-dessus que porte toute notre théorie.
En effet, toute Pyramide dont la base est un carré parfait, et dont les quatre faces sont des triangles équilatéraux, peut être inscrite dans une demi-sphère, ou peut être regardée comme une moitié de globe, taillée en Pyramide, de manière que sa base se prenne dans le quadrilatère inscrit dans le cercle, qui forme la base de l'hémisphère, ou dans l'équateur d'une sphère coupée en deux, et que les faces se prennent dans la masse même de la demi-sphère taillée à facettes, de façon à faire aboutir le sommet des quatre faces triangulaires au sommet d'un axe élevé perpendiculairement au centre de la base, et qui devient l'axe de la Pyramide.

“Toutes les proportions d'une Pyramide inscrite dans une demi-sphère”
Par exemple, prenons l'hémisphère visible, ou cette calotte céleste qui nous couvre, et qui s'appuie sur tous les points du cercle de notre horizon. Supposons que l'on tire deux lignes en croix, qui aient leur direction l'une du midi au nord, et l'autre de l'orient au couchant, telle enfin qu'une méridienne coupée à angles droits par une ligne qui va du levant au couchant. Les quatre extrémités de ces deux lignes marqueront exactement les quatre points cardinaux du monde. Joignons ces extrémités par d'autres lignes droites ; nous aurons un carré inscrit dans le cercle de l'horizon, et les quatre lignes qui le formeront seront des cordes qui sous-tendront chacune 90 degrés, puisqu'elles partagent en quatre parties égales la circonférence totale du cercle, qui est de 360 degrés ; voilà donc la base de la Pyramide. Du centre de la base, et sur la croisée des lignes, supposons qu'il s'élève une ligne perpendiculaire, ou axe de l'horizon, qui nécessairement aboutit au Zénith. Cet axe est un rayon de la sphère, égal à celui de chacune des branches de la croix. Donc tous les cercles que nous décrirons du centre de cette base, et qui passeront par le sommet de cet axe, seront parfaitement égaux à ceux qui passent par les extrémités de la croix. Donc les cordes qui sons-tendent des arcs égaux à ceux du cercle de la base sont égales. Donc les lignes, menées du sommet de cet axe aux extrémités de la croix, sont égales à celles qui unissent ces extrémités entre elles. Car elles sous-tendent toutes des arcs de 90°, ou des angles droits, puisque l'axe fait avec les deux lignes qui se croisent, et auxquelles il est perpendiculaire, un angle droit, comme les deux lignes forment des angles droits en se coupant. Mais les lignes, menées du sommet de l'axe élevé au centre, et conduites aux extrémités des quatre branches de la croix, sont les côtés des faces triangulaires. Donc, puisqu'elles sont égales entre elles, et égales aux côtés du quadrilatère, ou aux lignes qui unissent les extrémités de la croix, et qui, sous-tendant des arcs de 90° ou des angles droits, forment un carré qui est la base de la Pyramide, il résulte, que les faces de ces triangles sont terminées par des lignes égales, et que les triangles sont conséquemment équilatéraux, comme les faces de la Pyramide égyptienne.
Donc la grande Pyramide d’Égypte a toutes les proportions d'une Pyramide inscrite dans une demi-sphère. Elle peut être regardée comme l'hémisphère supérieur et visible, taillé en Pyramide, ou représenté par la Pyramide taillée dans la masse d'un hémisphère dont le Zénith forme le sommet, et les quatre points cardinaux les angles d'un quadrilatère qui en serait la base. En faisant tourner sur son axe une telle Pyramide, de manière à lui faire faire un mouvement de 45°, alors, ce ne sont plus ses angles, mais ses faces, qui regarderont les points cardinaux de l'horizon, comme celle d'Égypte ; et elle lui sera en tout semblable, et dans ses proportions et dans sa position. Donc c'est là ce qu'ont voulu représenter les Égyptiens, en réduisant à la Pyramide, taillée dans une demi-sphère, toute la circonférence concave des cieux, qui couvre notre horizon, et qui forme la partie du monde dans laquelle se montrent à nous le Soleil, la Lune et les Astres.

Le point de vue de l'observateur ou de l'adorateur d'Osiris, agenouillé au bas de la Pyramide
Cela supposé, examinons les propriétés d'une telle Pyramide, indépendamment de la longueur de ses côtés et de sa hauteur ; car toutes les Pyramides quadrangulaires, qui ont des côtés équilatéraux, sont semblables, quelle que soit la longueur des côtés, puisque la ressemblance naît de l'identité des proportions. Nous remarquons que l'inclinaison du plan des faces triangulaires sur l'horizon ou sur le plan du quadrilatère de la base, est de 54° 46' environ. Donc ce plan prolongé coupe le Ciel à 54° 45’ de hauteur, et conséquemment, il se trouverait dans le plan même de l'équateur, si la Pyramide était bâtie dans un lieu où la latitude serait de 35° 15', autrement, où l'équateur s'élèverait de 54° 46’ sur le plan de l'horizon. Dans ce cas, le plan de l'équateur et celui des faces inclinées de la Pyramide seraient les mêmes, et le Soleil arrivant dans l'équateur se trouverait aussi dans le plan prolongé de la Pyramide à midi, de manière que cette face, ce jour-là, cesserait à midi d'être couverte d'ombre. Car alors elle se présenterait au Soleil arrivé au méridien, comme l'horizon lui-même s'y présente le matin, au lever précis de cet Astre, et avant qu'il se soit élevé jusqu'à 54° 46’ de hauteur, où il monte à midi le jour de l'équinoxe, dans un pays où l'on suppose que l'équateur passe à 54° 45’ de hauteur sur l'horizon. Donc, si la Pyramide est bâtie dans un pays où l'équateur ait une plus grande élévation, comme à Mernphis, où il passe à 60°de hauteur, le Soleil à midi se trouvera dans le plan de la Pyramide, qui se prolonge vers 54° 45’ de hauteur, plusieurs jours avant d'arriver à l'équateur, qui coupe le ciel vers 60°.
La différence, qui se trouve entre le point où le plan des faces de la Pyramide coupe le ciel, et celui où passe le plan de l'équateur à Memphis, est de 5° 15’. Donc le plan prolongé des faces coupe le ciel dans un parallèle situé au midi de l'équateur, et qui est à 5° 15’ de l'équateur. Ce parallèle est le cercle de déclinaison dans lequel se trouve le Soleil, lorsqu'il a 5° 15’ de déclinaison australe ; ce qui arrive deux fois l'an, c'est-à-dire environ quatorze jours avant l'équinoxe de printemps, et quatorze jours après l'équinoxe d'automne. Car il faut à peu près ce temps au Soleil pour acquérir ou pour perdre 5° 15’ de déclinaison. Donc une Pyramide, ainsi construite et placée à cette latitude, doit à midi cesser de rendre des ombres, quatorze jours avant l'équinoxe de printemps, et commencer de nouveau à en projeter à midi quatorze jours après celui d'automne. Donc le jour où le Soleil se trouvait dans le parallèle ou cercle de déclinaison australe, qui répond à 5° 15’ de déclinaison, ce qui arrivait deux fois l'an aux environs des équinoxes, il passait exactement à midi sur le sommet de la Pyramide, et son disque, pendant quelques instants, placé comme sur un piédestal, paraissait s'y reposer aux yeux de l'observateur ou de l'adorateur d'Osiris, agenouillé au bas de la Pyramide, et qui prolongeait sa vue, le long de sa face boréale, pour y voir son Dieu. J'en dirai autant de la pleine Lune des équinoxes, lorsqu'elle arrivait dans ce même parallèle.

“Le projet le plus hardi qui fût jamais”
Il semblerait que les Égyptiens eussent conçu le projet le plus hardi qui fût jamais : celui de donner un piédestal au Soleil et à la Lune, ou à Osiris et à Isis à midi, lorsqu'ils arrivaient dans la partie du ciel, près laquelle passe la ligne qui sépare l'hémisphère boréal de l’hémisphère austral, et l'empire du bien et de la lumière de l'empire du mal et des ténèbres. C'est ce dessin qui paraît énoncé dans Ammien Marcellin, lorsqu'il nous dit que les Pyramides furent construites suivant des proportions telles qu'il était un temps de l'année où elles cessaient de rendre de l'ombre. C'est-à-dire qu'on voulut que l'ombre disparût de dessus toutes les faces de la Pyramide à midi, tant que le Soleil séjournerait dans l'hémisphère lumineux, et que la face boréale se recouvrît d'ombre lorsque la nuit commencerait à reprendre son empire dans notre hémisphère, ou dans l'hémisphère boréal, au moment où Osiris entrait dans son tombeau.
Quelle idée ingénieuse ! Le tombeau d'Osiris alors était couvert d'ombres, pendant six mois à peu près, après quoi la lumière l'investissait tout entier à midi, lorsqu'Osiris, revenu des enfers, était rentré dans l'empire de la lumière, et qu'il était rendu à Isis et à Orus son
fils, qui avaient enfin vaincu le chef des Ténèbres.
Il semblerait naturel que cette époque du passage des Ténèbres à la Lumière et de la Lumière aux Ténèbres, eût été fixée rigoureusement à l'équateur ou au jour même des équinoxes, et que les faces de la Pyramide eussent dû être inclinées, non de 54° 45', mais de 60° comme l'équateur. Mais, outre qu'une telle Pyramide n'eût plus représenté le monde, et l'hémisphère supérieur, comme la Pyramide quadrangulaire dont les faces étaient des triangles équilatéraux, qui ne donnent que 54° 45’ d'inclinaison, cette Pyramide équatoriale n'eût pu servir qu'au Soleil, et n'eût pu comprendre les écarts de la Lune, qui résultent de l'inclinaison de l'orbite de cette planète sur l’écliptique, et qui font dévier sa déclinaison jusqu'à 5° 15’ environ, c'est-à-dire à quelques minutes près de la même quantité dont le plan prolongé des faces de notre Pyramide s'écarte du plan de l'équateur.
Au contraire, la Pyramide égyptienne, dans les proportions qu'elle a, laisse entre le cercle de l'équateur et le cercle de déclinaison australe, par lequel se prolonge sa face boréale, un intervalle du ciel égal à celui qui comprend les plus grands écarts de la Lune, relativement à la route du Soleil. D'où il résulte que la Lune étant en conjonction, ou en opposition, le jour des équinoxes, quelque grande que fût sa latitude et la déclinaison qui en résultait, elle ne sortait pas des limites tracées dans le ciel, par le prolongement de la face de la Pyramide, et qu'elle passait avec le Soleil ce jour-là dans l'hémisphère supérieur et lumineux, dont le terme était alors non l'équateur, mais le parallèle à l'équateur, qui est à 5° 15’ de déclinaison australe.
En donnant ainsi une étendue à l'hémisphère lumineux, un peu plus grande que celle de l'hémisphère ténébreux, on satisfaisait aux inégalités de la Lune, et on conciliait les variations de cette planète avec la marche réglée et constante du Soleil. Or, comme il fallait quatorze jours environ au Soleil pour franchir ces 5° 15’ en déclinaison avant l'équinoxe, et quatorze jours après, il en résultait un excédent de vingt-huit jours, de la durée du règne de la lumière sur celui des ténèbres. (...)

“La théorie sacrée d'Isis et d'Osiris était liée aux phénomènes produits par la Pyramide”
Osiris
Revenons à notre Pyramide. Nous pensons qu'elle n'était que le vaste tombeau d'Osiris, le Soros ou cercueil, dans lequel on déposait tous les ans son image ; qu'elle était destinée à marquer, chaque année, le quatorzième jour qui précédait le premier équinoxe, et le quatorzième jour qui suivait le second ; conséquemment, les pleines Lunes, qui avaient lieu dans les limites équinoxiales, lorsque la Néoménie arrivait le jour même de l'équinoxe.
Car il est clair que la Lune qui se trouvait pleine le jour où le Soleil arrivait dans le plan incliné de la face de la Pyramide, ou quatorze jours avant l'équinoxe, était nouvelle ensuite le jour de l'équinoxe même.
Ces Lunes des équinoxes étaient le sujet d'observations importantes, puisqu'elles nous ont été conservées dans les traditions sacrées. Car on se rappelle que Plutarque parle de la Néoménie de l'équinoxe de printemps, ou de celle à l'époque de laquelle on célébrait l'entrée d'Osiris dans la Lune. Elle suivait la Lune, qui avait été pleine, lorsque Typhon brisa le coffre dans lequel était Osiris, et qu'il partagea son corps en quatorze parties ; conséquemment elle avait été pleine le jour où le Soleil était entré dans le plan prolongé de la face boréale de la Pyramide, en supposant que la Néoménie suivante arrivât le jour même de l'équinoxe. Car il y a quatorze jours d'intervalle entre la pleine Lune et la nouvelle, comme il y avait quatorze jours entre l'arrivée du Soleil dans le plan de la face de la Pyramide ou au parallèle de 5° 45’ de déclinaison, et le plan de l'équateur.
Pareillement la Lune, qui avait été nouvelle au 3° du Scorpion, ou au jour de l'équinoxe d'automne , se trouvait pleine quatorze jours après, ou 17° du Scorpion, précisément dans la position respective du Soleil et de la Lune que nous donnent les traditions sacrées pour le jour où Osiris entre dans le coffre ténébreux. Ce jour-là, comme nous l'avons vu, ou le quatorzième jour qui suit l'équinoxe d'automne, était précisément celui où la face triangulaire boréale de la Pyramide commençait à se couvrir d'ombres à midi. Donc il y a entre ces pleines et ces nouvelles Lunes des équinoxes, et entre les changements de la face de la Pyramide en lumière et en ombres, une trop grande correspondance pour ne pas s'apercevoir que la théorie sacrée d'Isis et d'Osiris était liée aux phénomènes produits par la Pyramide.
Il y a plus que de la vraisemblance que cet ancien roi, dont le tombeau était creusé dans la solidité de cette Pyramide, était le fameux Osiris, roi bienfaisant, qui régna, disait-on, en Égypte, et à qui on s'était empressé partout d'élever des tombeaux, qui se le disputaient les uns aux autres en magnificence. Parmi ces tombeaux, on vantait surtout celui de Memphis, ville près des ruines de laquelle se trouve la fameuse Pyramide dont nous avons donné la description. (...)

Planisphère des courses d'Isis.

“Peut-on croire qu'on ait employé tant d'années pour couvrir un caveau de six pieds environ, s'il n'eût renfermé que le corps d'un faible mortel?”
Je laisse au lecteur à apprécier cette conjecture, ainsi que toutes les idées que nous venons de hasarder sur le but qu'on s'était proposé en construisant à grands frais une masse aussi énorme que la grande Pyramide, et sur l'usage auquel cette espèce de gnomon sacré était destinée. Peut-on croire qu'on ait employé tant d'années, et les bras de tant de milliers d'hommes, pour couvrir un caveau de six pieds environ, s'il n'eût renfermé que le corps d'un faible mortel ? La Pyramide, sur laquelle le Soleil venait se reposer à midi, deux fois par an, aux environs des équinoxes, ainsi que toutes les pleines Lunes équinoxiales, était un véritable autel élevé à ces Divinités, un piédestal donné à leurs images, idée la plus hardie qui soit jamais venue dans la tête d'un mortel. Aussi Lucain les appelle-t-il les sublimes autels des Dieux, aux pieds desquels on va acquitter des vœux. Les Sabéens, adorateurs du Soleil, de la Lune et des Astres, pensaient que les cendres de leur Dieu Agathodémon ou du bon Génie, reposaient sous ces monuments ; ce qui confirme notre opinion que ce tombeau était celui du Génie bienfaisant de la Nature, du roi Osiris, mis à mort par Typhon.”


(1) Ingénieur hydrographe (1657-1710), envoyé dans le Levant pour reconnaître la position des principaux ports de la Méditerranée. Il remonta d'Alexandrie au Caire en 1694 (ou 1693, comme mentionné par Dupuis), et y mesura les Pyramides.
(2) Il s’agit de John Greaves (notes sur cet auteur dans Pyramidales ICI)
Source : Google livres