mercredi 12 décembre 2012

Approximations et émerveillement de D. de Juigné-Broissinière (XVIIe s.) dans sa rapide description des “miraculeuses” pyramides d’Égypte

D. de Juigné-Broissinière, sieur de Mollières (XVIIe s.) était un lexicographe français, spécialiste de jurisprudence.
On ne connaît de lui qu’un seul ouvrage, un Dictionnaire théologique et historique, poétique et cosmographique, édité en 1644, très largement inspiré du Dictionarium historicum ac poeticum de Charles Estienne. Les critiques avisés soulignent les inexactitudes et la superficialité de cet ouvrage, bien qu’il ait été considéré en son temps comme très utile, cette qualité prenant le dessus sur “les défauts presque inévitables dans un essai”.
Il est aisé de retrouver ces caractéristiques dans le bref extrait ci-dessous (tome 2 de l’ouvrage), relatif aux pyramides égyptiennes, et, comme on le constatera, bourré d’approximations.

Illustration de Johanne Baptista Homann (1724)

“Pyramide est appelée cette masse de pierre carrée qui s’élève en une hauteur immense, toujours en pointe, en forme de flamme, dont elle a pris son nom du mot grec pyr, qui signifie feu.
Les plus signalées ou plutôt miraculeuses ont été celles d’Égypte, et entre autres il y en a trois dont la renommée est par tout le monde, qui sont assises du côté d’Afrique en un roc stérile, à 4 milles près du Nil, et à 6 du grand Caire.
La plus grosse et plus grande qui y soit, selon Pline, est faite de pierre arabesque, à la façon de laquelle 32.000 hommes furent employés 20 ans durant : elle contenait 8 arpents, ayant par le bas 883 pieds de tous côtés en “écarrure”, et la cime 25. La moyenne avait 737 pieds en chaque sens, et la moindre de toutes n’en avait que 363, mais faite d’une certaine pierre très singulière.
Les trois furent faites en 98 ans et 4 mois, et y employa-t-on en ails, reforts et oignons seulement 1800 talents qui font 1080000 écus.
Elles ont été mises entre les sept merveilles du monde. Aussi ne se voit-il rien de semblable ès ouvrages les plus superbes de l’antiquité. (Plin. liv. 36 chap. 12)
Mais Belon, auteur moderne qui a été sur les lieux, dit que les Égyptiens appellent ces pyramides “Pharaons”, qu’elles sont en un lieu élevé à trois jets de pierres loin du Nil, à 4 milles loin du Caire, et commencent à paraître de 40000, pas loin que la plus belle ne peut avoir par le pied 324, pas d’”écarrure” qui font 1296 de tout, e de la base jusques à la cime il y a 250 degrés, desquels chacun contient 5 semelles, dont chacune a 9 pouces, et au haut de son aiguille peuvent tenir 50 hommes, qu’il y en a davantage plusieurs autres moindres au nombre de plus de 100 qui sont éparses, qui çà qui là dans un lieu désert et sablonneux.
Les rois d’Égypte qui firent ces folles et grandes dépenses ne les faisaient à autre intention, comme dit Pline, que pour garder le peuple d’être oisif, et que de là il ne prît occasion de se soulever ; mais quant à ceux qui les ont fabriquées, les auteurs profanes n’en parlent point ; et ceux qui en parlent taisent même le nom des Pharaons.
Mais nous pouvons recueillir des Lettres saintes que ç’ont été les enfants et successeurs de Jacob, lesquels longtemps après la mort de Joseph (lorsqu’ils furent captifs en Égypte l’espace de 400 ans) furent travaillés par les naturels du pays, et asservis à faire cuire des briques et autres œuvres de bâtiments, ainsi qu’il est spécifié au 1; chap. de l’Exode.”

Source : Gallica