Hormis une date de parution (1867) et la mention de l’éditeur (Société des livres religieux - Toulouse) pour cette traduction, nous ne disposons d’aucune information sur l’identité à la fois de l’auteur et du traducteur.
Il est question, dans cet extrait, d’une “polémique” au sujet des sources de l’histoire de l'Égypte ancienne. A qui, à quelles “opinions” peut-on et doit-on se fier ? Les auteurs grecs ? Ou bien “l’autorité de la Bible” ?
On perçoit aisément où va le choix de l’auteur. Il se risque toutefois à citer le “témoignage des monuments”. Dommage qu’il ne soit pas allé jusqu’au bout de son raisonnement.
Cliché de Francis Frith |
l'égard des livres saints.
A leurs yeux, tout ce qui émane de Diodore de Sicile ou d'Hérodote est incontestable, à moins que les monuments n'en démontrent la fausseté ; les opinions et les faits basés sur l'autorité de la Bible sont, au contraire, considérés comme peu dignes d'attention, sinon comme inexacts, jusqu'à ce que les monuments, ou les historiens profanes, ou même les deux réunis en aient prouvé la véracité.
Ainsi, uniquement parce que Diodore l'a écrit, on admet sans hésitation que les premiers colonisateurs de l’Égypte vinrent des contrées qui la bordent au sud, c'est-à-dire de l’Éthiopie. On oublie complètement que la terre de Kousch, en Asie, portait aussi le nom d’Éthiopie et que souvent les écrivains grecs confondent les deux pays. Cette supposition est d'autant plus étrange qu'elle se trouve contredite par les découvertes dues aux recherches de ses partisans.
Si le témoignage des monuments ne doit pas être négligé, Méroé, la capitale de l’Éthiopie, ne peut avoir été le berceau de Thèbes, et l'existence d'une nation éthiopienne puissante, soumise à des institutions civiles et religieuses identiques à celles de l’Égypte, alors que celle-ci n'était pas encore habitée, ne saurait être admise. On ne voit, en effet, sur les nombreux monuments de l’Éthiopie, aucun indice permettant de leur assigner une antiquité comparativement très reculée ; les plus anciens d'entre eux ont été élevés par des rois de la dix-huitième dynastie égyptienne, et leurs inscriptions constatent que l’Éthiopie était alors une dépendance, une province de l’Égypte. Cet état de choses se maintint apparemment jusqu'au règne de Psammétichus, cinq cents ans avant Jésus-Christ.
L'hypothèse que nous combattons n'est pas mieux défendue par les monuments égyptiens. Au milieu de ces derniers, les plus vieux sont, d'après la voix unanime de toutes les traditions, les Pyramides de Djizeh ; or, elles ont été érigées, non dans le voisinage de Thèbes, mais auprès de Memphis, précisément au sommet du Delta, sur la rive orientale du Nil, c'est-à-dire sur le premier point de terre habitable que des émigrants, traversant l'isthme de Suez, devaient rencontrer lorsque le Delta était un marais. (...)
Suivant Manéthon...
Suivant Manéthon, les trois grandes pyramides de Memphis (1) furent élevées par les trois premiers rois de la quatrième dynastie. Tous nos lecteurs connaissent sans doute les descriptions que l'on a faites de ces monuments gigantesques ; ils ont été les objets d'études sérieuses, de recherches approfondies.
Le nom du fondateur de la plus grande des pyramides de Memphis a été découvert dans une petite tombe située tout auprès. Les hiéroglyphes qui l'expriment correspondent à un mot copte dont la signification est “beaucoup de cheveux”. Manéthon l'a écrit en caractères grecs
qu'Eratosthène a traduit par le mot komastos, “qui a de longs cheveux”. C'est le Chéops
d'Hérodote.
On attribue la construction de la seconde pyramide à Céphrem ou Chabryis, fils de Chéops. Cette supposition semble être confirmée par une plaque retirée d'un tombeau dans le voisinage de Memphis et sur laquelle on a lu le nom de Ché-Phré. Manéthon donne à ce souverain le nom de Suphis II.
Cette plaque, aujourd'hui conservée au musée britannique, avait été gravée en mémoire d'un personnage chargé par le roi de la direction des travaux : elle est admirable d'exécution et ne le cède en rien à aucun des spécimens que nous possédons des beaux-arts égyptiens.
Le nom du fondateur de la troisième pyramide a été trouvé dans l'intérieur même du monument. Le colonel Howard Vyse ayant réussi, à la suite de fouilles très étendues, à en dégager l'entrée, pénétra dans une vaste salle intérieure jonchée de débris au milieu desquels on voyait un cercueil en bois ; des ossements et des morceaux d'étoffes de laine gisaient à côté. Un couloir en pente aboutissait de là à un caveau sépulcral où l'on aperçut un sarcophage ouvert ; il avait sans doute contenu autrefois le cercueil qui, plus tard, avait dû être transporté dans l'appartement supérieur. Tous ces restes ont été réunis au musée britannique. L'un d'eux porte une inscription hiéroglyphique gravée avec élégance, et dans laquelle on reconnaît un nom royal qui se prononce Menkarura.
D'après Manéthon, la troisième pyramide fut construite par Menchérès. L'inscription entière a été traduite ; elle reproduit exactement les notions mythologiques dont on trouve l'expression dans les coffres à momies de toutes les époques.
La perfection à laquelle certains arts étaient déjà parvenus, en Égypte, dans les temps si reculés où les pyramides furent construites, ne peut causer aucune surprise à ceux qui songent aux connaissances que devaient posséder les architectes de la ville et de la tour de la plaine de Sinhar. Hérodote prétend que le temple de Bélus, à Babylone, avait une forme pyramidale, et l'on croit que cet édifice, modifié dans la suite, ne fut autre chose au début que l'antique tour de Babel. On peut donc supposer que celle-ci servit de modèle aux constructeurs des pyramides d’Égypte.
L'immutabilité de toutes choses chez les Égyptiens nous porte à déduire de cette circonstance que les fondements de la ville et d'au moins une des pyramides furent jetés en même temps.
L'honneur d'y être enseveli et d'avoir été les auteurs de ces monuments fut probablement attribué aux rois qui les firent achever.”
(1) Ces pyramides portent aujourd'hui le nom de “Pyramides de Djizeh”.
Source : Babel.hathitrust