lundi 20 décembre 2010

Construction des pyramides d’Égypte : recueil de textes, traduits en français, de John Greaves (XVIIe s.) - 4e partie

Suite et fin des extraits de textes, traduits en français, de John Greaves (1602-1652), publiés dans l’ouvrage collectif Relations de divers voyages curieux, qui n'ont point été publiées ou qui ont été traduites d'Hacluyt, de Purchas et d'autres voyageurs anglais, hollandais, portugais, allemands, espagnols et de quelques persans, arabes et autres auteurs orientaux..., tome 1,1663-1696, par Melchisédech Thévenot (1620-1692), Richard Hakluyt (1552?-1616) et Samuel Purchas (1575?-1626).
Après avoir décrit la Grande Pyramide, par l’extérieur et l’intérieur (cf. notes précédentes), puis les deux autres pyramides du plateau de Guizeh (textes non retenus ici), Greaves donne son point de vue sur les techniques de construction de ces monuments.
Il ne retient ni la théorie d’Hérodote (les “machines”), ni celle de Diodore (les rampes), mais plutôt celle que l’on qualifiera plus tard de l’ “accrétion” : une tour centrale à laquelle viennent s’accoler des ajouts successifs. 

Les pyramides en 1862 (auteur du cliché inconnu)
“Après avoir achevé mon discours des pyramides, il me reste à examiner la manière dont elles ont été bâties, et comment d’aussi grandes masses de pierres que celles qui se voient dans la première ont pu être portées jusqu’au haut de ces pyramides.
Hérodote, qui a été le premier à mouvoir ce doute, explique la chose de la sorte : ils élevaient, dit-il, les autres pierres avec de petits engins faits de bois, qui les tiraient sur le premier rang ; de là, une autre machine les élevait jusques sur le premier degré, d’où elles étaient portées sur un autre second degré par une machine placée sur le premier, et autant qu’il y avait de marches et de rangs de degrés, autant il y avait de machines pour les élever, où ils transportaient la machine autant de fois qu’ils avaient à élever les pierres.
Ce qui suit  fait voir qu’il y a de l’erreur dans le texte ; c’est pourquoi je n’en dirai pas davantage. Mais la première partie de cette description d’Hérodote est pleine de difficultés, car en plaçant et en dressant ces machines qui devaient élever des pierres aussi massives, elles devaient déplacer des degrés sur lesquels elles étaient posées, ou y faire quelque brèche, ce qui aurait été un grand défaut dans une fabrique aussi magnifique.
Diodore se l’est imaginé autrement : les pierres, se dit-il, étaient taillées en Arabie, et comme en ce temps-là on n’avait pas encore l’invention des machines pour élever des fardeaux, on élevait de la terre à la hauteur où ces pierres devaient être posées, et on les roulait dessus ; et ce qui est le pus admirable, c’est qu’à l’endroit où toutes ces pyramides sont dressées, on n’y voit aucun vestige de cette terre, ni de la taille des pierres, si bien qu’il semble que c’est plutôt l’ouvrage de quelque divinité que des hommes.
Les Égyptiens en disent merveilles, et nous voudraient faire croire je ne sais quelles fables, que ces chaussées avaient été faites de nitre et de sel, et qu’elles avaient été détruites par le moyen de l’eau qui les avait fait fondre sans autre travail ; mais il il y a plus d’apparence à croire que ce grand nombre de gens qui avaient travaillé à les bâtir et à les dresser, auraient été employés à la fin à ôter tout ce qui ne servait de rien à la beauté de la structure, car on y avait employé 360.000 hommes, et à peine cet ouvrage fut-il achevé en vingt ans de temps.
Pline s’accorde en quelque façon avec Diodore, et dit : on est en peine de savoir comment le mortier se pouvait porter si haut. Il aurait eu meilleure grâce de demander comment on aurait pu porter si haut les pierres. Quelques-uns, dit-il,  ont cru qu’on avait fait des digues de sel et de nitre qu’on avait après fait dissoudre, faisant tomber dessus l’eau du Nil ; d’autres, qu’on avait fait des chaussées de brique qui avaient été détruites après, et employées à bâtir des maisons ; car ces derniers considéraient que les eaux du Nil étant plus basses que l’édifice, elles n’auraient pas pu aisément détruire ces montagnes de nitre et de sel.
Pour moi, si on me permet d’en dire mon jugement, je crois qu’elles ont été élevées tout autrement qu’Hérodote, Diodore et Pline ne se le sont imaginé, que premièrement, ils avaient fait une large et spacieuse tour au milieu du carré de la base de la pyramide ; cette tour était si haute que le devait être toute la pyramide. Je m’imagine qu’aux côtés de cette tour on y avait appliqué les autres parties de cette fabrique pièce à pièce, jusqu’à ce qu’ils fussent venus jusqu’au premier degré, la plus difficile pièce de ce bâtiment ayant été fait par cette voie qui semble la plus aisée ; et il ne fait pas s’étonner si cela n’a pas été imité par les anciens, ou si Vitruve ne l’a pas recommandée ; cependant, à juger des choses par leurs événements, l’intention de ceux qui dressent des monuments étant de perpétuer la mémoire des morts, il n’y a point de genre de bâtiments plus propre à le faire que la pyramide. (...)
J’ai dit ce que j’avais à dire de cet ouvrage. Il me reste à parler de ceux qui y ont travaillé. On demeure d’accord, ce dit-il, qu’elles surpassent tout ce qu’il y a en Égypte, pour la beauté et la magnificence de la structure, et la science de ceux qui l’ont entrepris. Et les Égyptiens croient qu’on doit admirer davantage les artisans que les princes qui en ont fait la dépense.”

Source : Gallica

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