lundi 28 février 2011

“Si l'homme est un atome à côté de ces gigantesques merveilles, il peut par le génie s'élever bien au-dessus d'elles” (Henry Bohan - XIXe s.- à propos des pyramides de Guizeh)

Juge au Tribunal civil de Roanne, ancien Procureur du Roi en Inde, le “Breton” Henry Bohan (XIXe s.), était un patriote au verbe bien tranché. Le récit qu’il fit de son séjour en Inde (Voyage aux Indes orientales, 1866) atteste, sur fond d’antagonisme déclaré à l’égard de l’Angleterre, qu’il était “un homme qui, jeune alors, plein d'ardeur et dévoré du désir de savoir, a voulu par lui-même étudier et observer les mœurs de l'Inde.” Tels sont en tout cas les propos du présentateur de l’ouvrage - un certain E.P. - qui ajoute: “Tout ce que dit M. Bohan, il l'a vu ; tout ce qu'il décrit, il s'en est rendu compte par lui-même, ou bien s'il est entraîné à parler de quelque chose qu'il n'a pu observer en personne, il se met en garde et met en garde le lecteur contre l'erreur involontaire qu'il pourrait commettre et propager. Je ne sache pas de livre écrit avec plus de conscience et d'honnêteté, et ce trait, fût-il le seul, suffirait à prouver l'extraction bretonne dont se glorifie l'auteur.”
Quoi qu’il en soit, hormis une belle déclaration de patriotisme et d’humanisme au pied des pyramides, l’auteur ne semble pas avoir trouvé les mots qu’il fallait pour relater son passage, sans doute très bref, dans la vallée du Nil. Dommage ! “Dgyzé” valait mieux...

Bonaparte devant le Sphinx
Illustration de Jean-Léon Gérôme (Wikimedia commons)
“Je n'ai pas la prétention de parler longuement de l'Égypte ; elle porte trop l'empreinte française, pour que je m'arrête à décrire l'ancien royaume de Cléopâtre. Les souvenirs immortels du Sultan du feu et du Sultan juste sont trop vivaces ; ils semblent dater d'hier, et d'ailleurs pour moi, simple voyageur, que resterait-il à glaner, puisqu'une commission de savants a passé par là ?
Il m'est cependant venu une idée en visitant les mémorables pyramides qui sont situées à trois petites lieues du Caire ; ces pyramides, du sommet desquelles quarante siècles nous contemplent. Comment, parmi tous ces savants, ne s'en est-il pas trouvé un pour faire la proposition de graver sur l'airain aux pieds de Dgyzé, la plus haute des pyramides, ces simples mots : Napoléon Bonaparte. Il y aurait eu du patriotisme et de la philosophie dans cette idée. Une pareille inscription eût certainement été respectée ! Et puis, ce nom, placé aux pieds de ces géants des siècles, n'aurait-il pas démontré au penseur que, si l'homme est un atome à côté de ces gigantesques merveilles, il peut par le génie s'élever bien au-dessus d'elles. Il peut enfin laisser des institutions aussi durables que ces témoignages de hardiesse, appelés à braver les temps passés, présents et futurs !
Les trois pyramides s'élèvent majestueusement sur une hauteur, montagne de sable à l'extrémité du désert. Elles dominent la plaine fertile qui s'étend à leurs pieds et se déroule jusqu'au Nil. Le Nil sépare toute cette plaine du vieux Caire ; en face, et au milieu du Nil, est la Cité qui renferme le palais du Coran, une poudrière et des jardins de plaisance appartenant au pacha.
La première des pyramides, la plus belle, la mémorable Dgyzé, est précédée d'un énorme buste grotesque, que l'on est convenu d'appeler sphinx. La forme des trois pyramides est quadrangulaire ; partant d'une base de 380 mètres sur chaque face, ces masses gigantesques s'élèvent en s'effilant et forment, à leur sommet, des cônes tronqués, conservant la forme rectiligne. Les énormes blocs de rochers qui les composent sont superposés de manière à présenter à chaque ligne du carré une arête phénoménale ou escalier titanique, qui permet de grimper à l'extérieur.
Du côté du nord, et nous ne parlons que de Dgyzé, est percé ce que l'on appelle la Porte. C'est effectivement l'entrée d'un souterrain où l'on descend d'abord, pour s'élever ensuite avec de grandes difficultés dans l'intérieur de la pyramide ; on rampe à la lueur des torches dans un gouffre sans air, jusqu'à un premier endroit de repos, appelé chambre des Dames. On peut arriver ainsi jusqu'au sommet ; mais j'étais assez asphyxié pour m'arrêter à la chambre des Dames. Au Caire, les curieux feront ce que j'ai fait moi-même : ils visiteront la citadelle, le harem (ici c'est une visite extérieure), la nouvelle mosquée et le palais, deux chefs-d'œuvre d'art et de luxe, placés entre le vieux Caire, la nouvelle ville et une partie appelée Boulac.”

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