"... il est indiscutable que la Grande Pyramide a bien été recouverte d'un enduit-peinture à base d'ocre rouge.
L'hypothèse des experts chimistes du Musée Egyptien, rapportée par M. Lauer, ne peut être sérieusement retenue. S'il en était ainsi, la teneur en fer et en manganèse de la roche du parement devrait être une fonction continue décroissant proportionnellement avec la profondeur, c'est-à-dire que les analyses effectuées sur des échantillons prélevés à des profondeurs croissantes devraient révéler des teneurs en fer et en manganèse décroissantes. Il n'en est rien. À moins de deux millimètres au-dessous de la couche superficielle, il n'y a plus trace ni de fer ni de manganèse. Ces deux éléments ne proviennent donc pas de la roche elle-même, et leur présence est, sans aucun doute possible, due à un apport extérieur.
D'ailleurs, si l'on admet les conclusions des experts chimistes du Musée Egyptien, il est évident que le soi-disant phénomène de condensation superficielle des sels de fer contenus dans la roche elle-même devrait se continuer au cours des âges et de nos jours encore. Or, la Grande Pyramide a été dépouillée de son revêtement sous Saladin ( 1176 ap. J.-C.) et les blocs remployés à l'édification de la Citadelle et de certaines mosquées du Caire. Depuis plus de 700 ans qu'ils ont été mis au jour, les blocs du noyau de la pyramide, de même nature et de même provenance que les blocs de parement, devraient, atténués peut-être, présenter le même phénomène de condensation superficielle des sels de fer et être devenus rougeâtres. Ainsi qu'on peut aisément le constater, il n'en est rien et il en est de même pour les blocs constituant le noyau de la troisième pyramide, laquelle est également entièrement dépourvue de son revêtement calcaire qui prolongeait, jusqu'au sommet, son revêtement de base en syénite.
Au contraire, les blocs inférieurs du noyau de la pyramide de Khéphren sont, en maints endroits, nettement teintés en rouge et cela suivant des traînées verticales bien visibles. Ce phénomène est aisément explicable car cette pyramide a conservé, à sa partie supérieure, une partie de son revêtement ; les eaux de pluie, délavant l'enduit-peinture du parement encore en place, ont ruisselé sur les blocs inférieurs du noyau et les ont teintés en rouge. La face du Sphinx présente nettement le même phénomène de délavage.
Ces constatations élémentaires corroborent donc les résultats des analyses chimiques et spectrales et il n'est pas douteux que les grandes pyramides aient été recouvertes d'un enduit à base d'ocre rouge, la théorie de condensation superficielle des sels de fer étant insoutenable.
Mais la preuve formelle de notre conclusion consiste dans le quatrième fragment du revêtement de la pyramide de Khéops, fragment actuellement au Musée du Louvre. Ce fragment présente, par endroits, des bavures d'enduit de deux millimètres d'épaisseur environ ; cet enduit, qui devait être assez fluide au moment de l'emploi, a coulé entre les blocs qui surmontaient celui d'où provient le fragment ; une partie de bavure est d'une teinte nettement rouge. M. Boulanger ne voulut pas prélever les échantillons nécessaires à ses analyses sur ce fragment afin de ne pas le détériorer, sa vue, seule, devant lever tout doute possible.
Tenter d'expliquer, ici, la présence de la couche ferrugineuse par le phénomène de condensation superficielle serait extravagant car la couche se trouve sur la face plane supérieure horizontale du bloc de parement, laquelle face était protégée de l'action des agents atmosphériques par le bloc immédiatement superposé.
D'ailleurs, on peut trouver, en place, à la base de la face Sud de la Grande Pyramide, des blocs présentant à leur partie supérieure des bavures analogues d'épaisseur variable, dues à la coulée de l'enduit dans les joints des blocs de revêtement.
En définitive, il est, pour nous, incontestable que les revêtements des grandes pyramides de Giza ont été peints."
Réponse de Jean-Philippe Lauer :