samedi 6 octobre 2012

Pour une visite du plateau de Guizeh, suivez le guide Nilsson (1907)

Cela ne fait aucun doute : les extraits du Guide pratique : Alexandrie, Le Caire, Port-Saïd et environs, publié en 1907 par Nilsson et édité par la Société de publications égyptiennes (Alexandrie), ne vont nullement révolutionner nos connaissances en égyptologie. Mais est-ce réellement une surprise ? Que peut-on attendre d’un ouvrage de vulgarisation touristique, censé s’adresser au plus grand nombre ? Compte tenu du décalage dans le temps, il pourrait à ce propos être intéressant de comparer le présent ouvrage aux informations et conseils proposés par nos guides touristiques contemporains. L’évolution dans le contenu serait-elle très sensible ?
Quoi qu’il en soit, il m’a paru intéressant de vous suggérer d’adopter, pour quelques instants, la situation d’un touriste du début du XXe siècle et de vous mettre à l’écoute du cicérone Nilsson.
Au besoin, reportez-vous à ce qu’écrivait un autre guide de renom - Karl Baedeker - dont les propos ont déjà été rapportés dans ce blog : “La visite de l'intérieur de la pyramide de Khéops n'offre presque rien d'intéressant au simple touriste.
Les “simples touristes” ont-ils changé aujourd’hui ? Sont-ils devenus plus exigeants ?

“La route qui conduit aux pyramides s'élève en pente douce jusqu'au plateau où on parvient en dix minutes. Ce plateau large (1 500 mètres du nord au sud et 2 000 mètres de l'ouest à l'est) domine la vallée. Les trois pyramides s'y élèvent par ordre de grandeur et d'époque du nord-est au sud-ouest : Khéops, Khéfren, Mykérinos. Le temple de granit et le Sphinx sont un peu sur la gauche du plateau. 



Pyramide de Khéops
Construite de quatre à cinq mille ans avant Jésus-Christ.
Les pyramides furent construites pour servir de tombeaux aux Pharaons de la quatrième dynastie.
“Le nom des pyramides, nous dit Ampère dans son Voyage en Egypte, est aussi ancien qu'elles. Volney l'a voulu tirer de l'arabe. Les Grecs, qui voyaient du grec partout, n'ont pas manqué d'y retrouver le mot pyr (feu), parce que les pyramides étaient, dit-on, consacrées au soleil et plus tard le mot pyros (blé), quand une tradition chrétienne en eut fait les greniers de Joseph.
Ce n'est ni dans l'arabe, ni dans le grec qu'il eût fallu chercher le nom des pyramides : ces origines sont trop récentes pour leur antiquité. C'est à l'ancienne langue de l'Egypte, conservée en partie dans le copte, qu'il fallait demander le nom qui a traversé des siècles. En copte, pirama veut dire la hauteur. Peut-on douter que ce ne soit là le véritable sens du nom donné par les hommes à ce qu'ils ont construit de plus élevé sur la face de la terre ?”
La pyramide de Khéops a été appelée par les Égyptiens Yekhouel Khoufou, c'est-à-dire,le lieu de la splendeur de Khoufou (Khéops) ou Akouil la brillante.
Les pyramides (tombes royales) avaient chacune leur nom. Ce nom, en général, était formé du nom royal du Pharaon qui les faisait construire.
“Khéops bâtit le vaste monument de sa gloire ou de sa folie, dans un siècle, si éloigné du temps où commencent les données certaines de l'histoire profane que nous n'avons pas de mesure qui nous permette d'évaluer les largeurs de l'abîme qui sépare les deux époques si étranges à toutes les sympathies et à tous les intérêts de la grande famille humaine qui peuple maintenant la terre, que même l'histoire sacrée ne sait rien des hommes de la génération de Khéops, rien, si ce n'est qu'ils vécurent, devinrent pères et moururent. Et pourtant, la pyramide de Khéops domine encore de haut le sable du désert, la blancheur sépulcrale de ses blocs de minnulite flamboie encore au soleil brûlant, son ombre immense s'allonge à travers les plaines stériles qui l'entourent et sur le déclin du jour vient assombrir les champs de maïs et de froment de Ghizeh.” Quand le spectateur, placé sur quelque point favorable, arrive à se faire une idée indistincte de l'immensité du monument, aucune parole ne peut décrire le sentiment d'écrasement qui s'abat sur son esprit, il se sent oppressé et chancelle comme sous un fardeau. Au contraire de bien d'autres grandes ruines, les pyramides, de quelque point qu'on les regarde, ne deviennent jamais des amas de débris ou des montagnes. Elles restent l'oeuvre des mains humaines. La marque de leur origine apparaît et ressort toujours et c'est de là, sans doute, que vient le confus sentiment de crainte et de respect qui bouleverse l'esprit lorsqu'il reçoit pour la première fois l'impression distincte de leur immensité.” (Maspero, traduction d'Osburn)

Nombre d'années qu'il fallut pour construire la pyramide de Khéops
Leur masse indescriptible a fatigué le temps.” (Delille.)
Khéops, nous dit Hérodote, contraignit tous les Égyptiens à travailler pour lui ; aux uns on assigna la tâche de traîner les blocs des carrières de la chaîne arabique jusqu'au Nil ; une fois les blocs passés en barque, il prescrivit aux autres de les traîner jusqu'à la chaîne lybique.
Ils travaillaient par cent mille hommes qu'on relevait chaque trimestre.
Le temps que souffrit le peuple se répartit de la sorte : dix années pour construire la chaussée sur laquelle on tirait les blocs, oeuvre qui dut être de fort peu inférieure à la pyramide, car sa longueur est de 5 stades (925 mètres), sa largeur de dix orgyies (19 mètres) et sa plus grande hauteur de huit (15 mètres), le tout en pierres de taille et couvert de figures ; on mit donc dix années à construire cette chaussée et les chambres souterraines creusées dans la colline où se trouvent les pyramides.

Aspect de la pyramide à l'extérieur
Masse compacte de granit d'un gris jaunâtre.
La pyramide a une teinte semblable à celle du sable du désert.
La pyramide a la forme d'un escalier gigantesque aux marches irrégulières.

Intérieur de la grande pyramide
L'intérieur de la pyramide peut être visité par les touristes, bien que l'air y soit vicié, ce qui peut
être une gêne pour certaines personnes ; on ne regrettera pas cette visite à l'hypogée millénaire.
L'entrée de la grande pyramide s'ouvre vers le milieu de la face nord. Elle débouche sur un couloir étroit de 1 m. 20 sur 1 m. 09 de large. Ce couloir descend obliquement jusqu'à 20 mètres environ de l'entrée de ce niveau ; on rencontre un orifice obturé par un bloc de granit, porte d'une
galerie ascendante. Il y a là comme une sorte de carrefour d'une galerie descendante conduisant à une chambre souterraine vide et d'une grande galerie ascendante.
Suivons tout d'abord le couloir descendant dont l'accès est pénible et en partie comblé par des décombres. On parvient, à 70 mètres environ de l'entrée de la pyramide, à une ouverture donnant accès dans une chambre vide et inachevée, qui devait être vraisemblablement le premier et le plus ancien sépulcre de la pyramide.
Au delà de cette chambre, vis-à-vis de son entrée, s'ouvre une galerie horizontale, longue de 16 mètres, qui se termine en cul-de-sac.
Il faut ensuite revenir sur ses pas jusqu'à l'endroit où la galerie d'entrée est fermée par un bloc de granit.
Ne pouvant déplacer celte lourde porte, on l'a contournée en creusant un long couloir de 38 mètres qui monte à la chambre de la reine.
Cette chambre est située dans le grand axe vertical de la pyramide, à 22 mètres au-dessus du niveau du sol et à 120 mètres au-dessous de la plate-forme supérieure.
On revient, par ce même couloir, au bloc de granit derrière lequel on trouve l'entrée de la grande
galerie.
C'est un corridor de 50 mètres de longueur, 1 m. 50 de largeur et 8 m. 50 de hauteur, qui
aboutit à une pièce de 5 mètres de hauteur, 5 m. 34 de largeur, 10 m. 33 de longueur. Cette chambre est dite chambre du roi.
C'est dans cette pièce qu'était déposée la momie royale ; elle contient encore, à l'heure actuelle, un sarcophage de granit rose sans aucune inscription.
Toute la chambre est revêtue de granit rose. Le plafond est formé de neuf poutres monolithes également en granit.
Au-dessus de cette chambre, cinq chambres basses avaient été ménagées. On y parvient par un étroit couloir. Très basses, elles sont superposées sur une hauteur de 17 mètres environ. C'est dans un de ces réduits que le colonel Wyse découvrit le nom du constructeur de la pyramide Khoufou (Chéops) gravé en hiéroglyphes rouges.
On revient par le même chemin à la grande galerie où l'on reprend les mêmes couloirs qu'en venant. 




Ascension de la grande pyramide
(en 10 ou i5 minutes)
Cette ascension est difficile et pénible à faire.
Les blocs de granit sont trop hauts pour qu'un homme puisse y monter d'une enjambée. Pour en
faire l'ascension, deux Bédouins hissent le voyageur de bloc en bloc. Au sommet, il y a une
plate-forme d'environ 10 mètres.
La vue qu'on y embrasse est superbe, surtout au soleil couchant ; le désert se colore alors de teintes douces roses violacées. Le Nil devant soi coule au milieu de plaines verdoyantes. Au delà,le Caire apparaît avec ses élégants minarets.
La descente s'effectue de la même façon que la montée, mais plus rapidement, toujours à l'aide de Bédouins.
A l'est de la grande pyramide se dressent la seconde pyramide Khefren et la troisième pyramide
Mykerinos.

Deuxième pyramide : Khéfren
A peu près à la même hauteur que la première, elle fut construite par Khéfren, frère de Khéops.
“D'après la tradition, ni Khéops, ni Khéfren ne jouirent des tombeaux qu'ils s'étaient préparés au prix de tant de souffrances ; le peuple exaspéré se révolta, arracha leurs corps des sarcophages et les mit en pièces.” (Maspero).

Troisième pyramide : Mykérinos
La plus petite (sa hauteur n'atteint guère le tiers de la plus haute pyramide, 60 mètres) fut construite par Mykérinos et fut terminée par la reine Nitokris “la belle aux joues de rose”.
D'après Maspero, cette princesse avait plus que doublé les dimensions du monument et elle lui avait ajouté ce coûteux revêtement de syénite qui excita plus tard, à juste titre, l'admiration des
voyageurs grecs, romains et arabes.
C'est au centre même de l'édifice, au-dessus de la chambre où le pieux Mykérinos reposait depuis plusieurs siècles, qu'elle fut ensevelie à son tour dans un magnifique sarcophage de basalte bleu dont on retrouve des fragments.
Cela donna lieu, plus tard, de lui attribuer, au détriment du fondateur réel, la construction de la
pyramide entière.
Les voyageurs grecs à qui leurs exégètes racontaient l'histoire de la belle aux joues de rose, changèrent la princesse en courtisane et substituèrent au nom de Nitaqrit le nom plus harmonieux de Rhodopis.
“Un jour quelle se baignait dans le fleuve, un aigle fondit sur une de ses sandales, l'emporta dans la direction de Memphis et la laissa tomber sur les genoux du roi qui rendait alors la justice en plein air. Le roi, émerveillé et par la singularité de l'aventure et par la beauté de la sandale, chercha par tout le pays la femme à qui elle avait appartenu et c'est ainsi que Rodopis devint reine d'Egypte.”
Les pyramides avaient été élevées pour abriter les corps des puissants pharaons, mais le sarcophage seul de Mykérinos demeura jusqu'au temps modernes dans la troisième pyramide.
Les cercueils antiques étaient des sortes de caisses en bois, en basalte ou en granit. Ils contenaient le corps enbaumé par des procédés spéciaux et réduit à un état parcheminé auquel on a donné le nom de Momie. (...)

Le Sphinx
Le sphinx est un monstre fabuleux dont l'origine est essentiellement égyptienne..
Les Égyptiens croyaient d'ailleurs à son existence. On le trouve généralement représenté sous la forme d'un lion couché avec le buste d'un homme, jamais avec celui d'une femme ; quelquefois il a une tête de bélier ; de là plusieurs classes de sphinx chez les Égyptiens : les andro-sphinx (hommes», les crio-sphinx (béliers).
Les sphinx hierocéphales à tête d'épervier : ils représentaient soit le soleil, soit le dieu thébain Amoura. (Larousse.)
Le sphinx mesure 17 mètres de hauteur, du sol au sommet de la tète et 39 mètres de long jusqu'à l'extrémité des pattes.
Il est l'image du dieu Harmakouli (“l'horus dans le soleil brillant”).
On a dû plusieurs fois le dégager des sables qui l'envahissent sans cesse. La première fois, en 1852 ,le duc de Luynes voulut le faire dégager ; ce fut M. Mariette qui dirigea les travaux.
Une deuxième fois, en 1880, Maspero, à l'aide d'une souscription du Journal des Débats se chargea du déblayement.
“Enfoui jusqu'au poitrail, rongé, dévoré par l'âge, tournant le dos au désert et regardant le fleuve, ressemblant par derrière à un incommensurable champignon et par devant à quelque divinité précipitée sur terre des hauteurs de l'Empyrée, il garde encore, malgré ses blessures, je ne sais
quelle sérénité puissante et terrible qui frappe et saisit jusqu'au profond du coeur.”
Le sphinx est antérieur à la pyramide de Khéops.
Source : Gallica