Jean-Joseph Marcel |
Il recueillit des manuscrits et inscriptions qui servirent à la Description de l'Égypte.
De retour en France, il fut nommé, en 1803, directeur de l'Imprimerie nationale, puis Imprimerie Impériale. On pouvait attendre de ses compétences et de son expérience de l’Égypte qu’il émît sur le patrimoine architectural de ce pays, en tout premier lieu sur les pyramides, des observations de premier ordre. Or, il n’en est rien. Ou peu s’en faut... Dans son récit “Égypte depuis la conquête des Arabes jusqu'à la domination française”, extrait de L'univers pittoresque : histoire et description de tous les peuples (1848), il se contenta d’écrire : “Nous ne dirons ici que peu de chose de ces merveilles de l'antiquité, dont il a été question ailleurs.” Il est vrai qu’il faisait là référence à l’ouvrage L’Egypte ancienne, de Champollion Figeac (cf. Pyramidales), après qui il était sans doute difficile, à l’époque, de faire oeuvre originale.
On reste néanmoins surpris du caractère expéditif et incomplet de ce que l’auteur retint de sa vraisemblable visite des pyramides :”Il y a peu d'observations à faire dans l'intérieur des pyramides.” Fort heureusement, il s’est trouvé dans l’armada des savants qui accompagnèrent Bonaparte en Égypte des “observateurs” un peu plus curieux et diserts pour faire sortir l’égyptologie de sa préhistoire !
“Le voisinage des pyramides (1) de Gizeh et des tombeaux de Sakkarah ajoute à l'intérêt que présente la ville du Caire. (...)
La grande pyramide avait, dans son intégrité, quatre cent cinquante et un pieds, selon les mesures prises par les savants de l'expédition d'Egypte ; c'est à peu près la hauteur (moins onze pieds) du clocher de Strasbourg. Sauf un petit nombre de chambres, deux couloirs et deux étroits soupiraux, la pyramide est entièrement pleine. Les pierres dont elle se compose forment une masse véritablement effrayante. Cette masse, d'environ soixante-quinze millions de pieds cubes, pourrait fournir les matériaux d'un mur haut de six pieds qui aurait mille lieues, et ferait le tour de la France.
On se demande d'abord où l'on a pris ces matériaux. On admet généralement qu'ils ont été tirés des carrières de Tourah, de l'autre côté du Nil. Cependant la masse de la grande pyramide, selon M. Vays, a été construite avec la pierre même qui lui sert de base. Le revêtement seul, tant extérieur qu'intérieur, a été apporté de l'autre côté du Nil.
Hérodote parle d'une inscription tracée sur la grande pyramide ; des inscriptions en caractères antiques et inconnus existaient encore au moyen âge, selon les auteurs arabes ; aujourd'hui, on ne lit rien sur les murs des pyramides. Cette contradiction apparente s'explique facilement ; il est maintenant établi, grâce aux savantes recherches de M. Letronne, que la grande pyramide était primitivement couverte d'un revêtement en pierre polie. C'est sur ce revêtement, dont une partie fut détruite par Saladin et dont une partie subsistait encore au commencement du quinzième siècle, que se lisait sans doute l'inscription rapportée par Hérodote (2).
Il y a peu d'observations à faire dans l'intérieur des pyramides. On entre dans la grande pyramide du côté nord, par un corridor qui descend d'abord, puis remonte et conduit à la salle qu'on nomme la chambre du roi, et qui renferme un sarcophage de granit. Le travail de la maçonnerie est merveilleux, et la lumière agitée des torches est reflétée par un mur du plus beau poli. De cette salle partent des conduits étroits qui vont aboutir au dehors. On est d'accord aujourd'hui à n'y voir que des ventilateurs nécessaires aux ouvriers pendant qu'ils travaillaient dans le coeur de la pyramide.
Cinq chambres plus basses sont placées au-dessus de la chambre du roi on a reconnu qu'elles n'ont pas d'autre objet que d'alléger par leur vide le poids de la masse énorme de maçonnerie qui la presse.
Après avoir visité cette chambre, on redescend la pente qu'on a gravie pour y monter ; on retrouve le corridor par lequel on est entré, et, en le reprenant où on l'a quitté, on arrive dans une autre chambre, placée presque au-dessous de la première et dans l'axe central de la pyramide ; cette chambre s'appelle la chambre de la reine.
Beaucoup plus bas est une troisième chambre taillée dans le roc, et à laquelle on arrive soit par un puits, soit par un passage incliné qui va rejoindre l'entrée de la pyramide.
Telle est la disposition de la grande pyramide ; celle des deux autres est analogue, seulement leur maçonnerie n'offre aucun vide, et les chambres qu'elles renferment sont creusées dans le roc.
L’immense intérêt de la plus petite des pyramides
L'entrée de la seconde pyramide fut découverte par Belzoni. Il en devina, pour ainsi dire, la présence à travers les débris amoncelés par le temps. Dans un des tombeaux voisins, on a lu le nom de Chafra, qui paraît être celui du roi Chéphren, le constructeur de la seconde pyramide.
La plus petite des pyramides dont la hauteur n'atteint guère que le tiers de la plus grande, n'est pas la moins curieuse. C'était la plus ornée ; son revêtement était de granit, comme l'affirme Hérodote, et comme on le voit encore. Mais ce qui donne à cette pyramide un immense intérêt, c'est qu'on y trouve le cercueil en bois du roi Mycérinus, par qui elle fut construite, et le nom de ce roi écrit sur les planches du cercueil (3).
On a longuement discuté sur le but de ces constructions, symboles de la stabilité. Un fait remarquable, c'est que les pyramides sont orientées avec une grande précision. La légère direction qu'on y a signalée diffère à peine, dit M. Biot, de celle que Picard a cru reconnaître dans la méridienne de Tycho-Brahé (*).”
(1) Le nom de pyramide vient, non pas du grec pur feu, mais du copte pirama, hauteur.
(2) Les hiéroglyphes qu'on voit dans l'intérieur de la pyramide présentent le nom du roi
Choufou, qui est sans doute le roi Chœups, auquel on attribue la construction de cette pyramide.
(3) Ces planches monumentales se trouvent aujourd'hui an musée de Londres.
Source : Gallica
(*) Astronome danois