Adepte des pseudonymes, dont celui de Paul Christian, Jean-Baptiste Pitois (1811-1872 ou 1877 ou 1881), exerça la fonction de bibliothécaire au ministère de l’Instruction publique et des Cultes, où il fut chargé d’inventorier un fonds d’ouvrages provenant de monastères fermés pendant la Révolution. C’est alors qu’il eut, semble-t-il, la révélation de sa vie : celle des sciences occultes, particulièrement de l’astrologie.
De ses nombreux ouvrages de vulgarisation historique, j’ai choisi son Histoire de la magie, du monde surnaturel et de la fatalité à travers les temps et les peuples (1870), dans laquelle il consacra tout un chapitre aux pyramides égyptiennes et au Sphinx, ce dernier monument captant plus particulièrement son attention et lui permettant de se lancer dans de longs développements à saveur d’occultisme, qui, bien entendu, ne retiendront pas ici notre attention.
On prendra par contre connaissance, ci-dessous, de ses considérations sur les pyramides de Guizeh qu’il découvrit, à l’évidence, d’un oeil neuf, en se basant sur des données préalables pour le moins approximatives.
Ces trois masses, à bases carrées, un peu inégales en grandeur, forment par leur situation respective un triangle dont une face regarde le Nord, une autre l'Occident, et la troisième l'Orient. La plus grande, située à l'angle du nord et vers le Delta, symbolise la force de la Nature ; la seconde, élevée au sud-ouest, à distance d'une portée de flèche de la première, est le symbole du Mouvement ; et la dernière, bâtie au sud-est de celle-ci, à distance d’un jet de pierre de la seconde, symbolise le Temps. Au midi de cette dernière, à une médiocre distance, sur une ligne qui se prolonge de l'orient à l'occident, se dressent trois autres pyramides, formant des masses moins considérables, et près desquelles s'entassent d'innombrables pierres colossales que l'on pourrait considérer comme les ruines d'une septième pyramide. Il est, en effet, permis de supposer que les Égyptiens avaient voulu représenter par sept aiguilles, ou conoïdes flammiformes, les sept mondes planétaires dont les Génies régissent notre Univers, et dont Hermès fut le révélateur.
L'origine de ces monuments n'a point de chronologie avérée. Hérodote, le père de l'histoire grecque, prétend que la grande pyramide fut bâtie par le roi Chéops. Diodore de Sicile l'attribue à Chemmis. Georges le Syncelle à Souphis ; d'autres lui prêtent pour fondateur Athotès, Thoth ou Hermès.
La même obscurité enveloppe l'origine des autres. L'historien juif Flavien Josèphe avance sans preuves que toutes les pyramides sont l'oeuvre des Hébreux pendant leur captivité en Égypte, et je ne sais où j'ai lu que 365,000 ouvriers furent employés pendant 78 ans à ce gigantesque travail. Ce problème historique ne sera sans doute jamais résolu, pas plus que tant d'autres sur lesquels s'exercent en vain les rêveries des archéologues.
“Orientée avec une extraordinaire précision”
Le rocher qui fournit le socle des Pyramides, présente une surface absolument aride, élevée d'environ 100 pieds au-dessus des plus grandes eaux du Nil, et forme une masse granitique dont on n'a pas trouvé la base en sondant, jusqu'à 200 pieds de profondeur, le puits creusé dans le plus considérable de ces édifices. La base de la plus grande pyramide est longue d'environ 720 pieds : il en résulte pour la masse du monument un volume d'environ 75,000,000 de pieds cubes, c'est-à-dire assez de pierres pour bâtir une muraille haute de 6 pieds, qui aurait 1,000 lieues et pourrait faire le tour de la France. Au-dessus de la première assise, encadrée par un fossé très régulièrement creusé dans le roc vif, on en compte 202 autres, placées successivement en retraite, la supérieure sur l'inférieure, et formant autant de gradins. La somme .de ces gradins donne à la pyramide, pour hauteur verticale, environ 428 pieds ; mais on a reconnu que, dans l'état actuel du monument, deux assises au moins ont été détruites au sommet, et, en tenant compte de cette dégradation, la hauteur totale et primitive devait être de 450 pieds : c'est la hauteur du clocher de Strasbourg, ou plus de deux fois celle des tours de Notre-Dame de Paris.
Cette pyramide est orientée avec une extraordinaire précision : chacun de ses angles fait face à l'un des quatre points cardinaux. De cette parfaite orientation, l'on a tiré ce fait, d'une haute importance pour l'histoire physique du globe, que depuis plusieurs milliers d'années la position de l'axe terrestre n'a pas varié d'une manière sensible ; et la grande pyramide est le seul monument qui, par son antiquité, puisse fournir l'occasion d'une semblable observation.
Une entrée “masquée par une table de pierre qu'un mécanisme faisait mouvoir de droite à gauche”
La face Nord-Est est celle où se trouve l'entrée actuelle, au niveau de la quinzième assise, à 45 pieds environ d'élévation au-dessus de la base. Elle était masquée autrefois par une table de pierre qu'un mécanisme faisait mouvoir de droite à gauche, pour donner accès dans un canal incliné, à l'extrémité duquel se trouvait un palier longeant l'ouverture du puits dont j'ai parlé, et qui communiquait avec des souterrains dans lesquels l'air respirable circulait sans doute au moyen de ventilateurs savamment ménagés. De ce palier l'on remontait, par un autre couloir conduisant à deux chambres sépulcrales, placées l'une au-dessus de l'autre, et qui contenaient chacune, quand on les a découvertes, un sarcophage en granit, mais dépourvu de toute inscription.
Or, comme tous les obélisques, toutes les ruines des temples, tous les tombeaux sont revêtus d'hiéroglyphes, la nudité de la grande pyramide assigne sa première date à une époque antérieure, et doit la faire considérer comme le mystérieux témoin de la plus lointaine antiquité. Il est avéré qu'avec tous les progrès des sciences, ce serait, même de nos jours, un problème bien difficile à résoudre que d'arriver, comme les architectes égyptiens de la première dynastie, à construire dans une masse telle que celle des Pyramides, des chambres et des couloirs intérieurs qui, malgré les millions de kilogrammes qui pèsent sur eux, conservent, au bout de soixante siècles, toute leur régularité primitive et n'ont fléchi sur aucun point.
Le Sphinx, accroupi au pied et à peu de distance de la grande pyramide, est taillé dans le granit du plateau, et adhère au sol. Sa hauteur, qui est d'environ 75 pieds, donne une idée de l'énorme travail qu'il a fallu exécuter pour faire le vide autour de lui, et pour égaliser la surface sur laquelle il se dresse. Sa longueur totale est de 120 pieds ; la hauteur, depuis le ventre jusqu'au menton, mesure 50 pieds ; depuis le menton jusqu'au sommet de la tête, 25 pieds ; le contour de la tête, pris au front, 80 pieds. Les assises du granit dans lequel il a été découpé partagent sa face en zones horizontales d'un étrange effet ; sa bouche est tracée par une des lignes de séparation des couches.
Une excavation de quelques pieds avait été pratiquée sur la tête ; elle servait sans doute à y fixer quelques ornements symboliques, une tiare religieuse, ou une couronne royale. Ce monolithe, d'une teinte rougeâtre, encore debout au-dessus des sables, est d'un effet prodigieux. C'est un fantôme de pierre qui paraît attentif ; on dirait qu'il écoute et qu'il regarde ; sa grande oreille semble recueillir le bruit du passé ; ses yeux, tournés vers l'Orient, semblent épier l'avenir ; le regard a une profondeur et une fixité qui fascinent le spectateur. Sur cette figure, moitié statue, moitié montagne, on découvre une majesté singulière, une grande sérénité et même une certaine douceur.”
Source : Gallica