D'avril à décembre 1844, il a effectué un voyage qui l’a conduit, entre autres destinations, en Égypte, au Sinaï, à Jérusalem.
Il est revenu de ce périple avec une cinquantaine de manuscrits anciens, dont quelques feuillets d'un Ancien Testament grec datant du début du IVe siècle.
La description qu’il a proposée des pyramides égyptiennes, dans son ouvrage Terre-Sainte, avec les souvenirs de S. A. I. le grand duc Constantin, 1868, est très succincte, presque banale. L’auteur donne l’impression de les avoir considérées simplement comme une étape obligatoire de son voyage (“Nul étranger venu, pour visiter l'Égypte, ne s'arrêtera au Caire sans faire une excursion aux pyramides”). De surcroît, il n’a trouvé aucun intérêt à découvrir l’intérieur des monuments, se satisfaisant de l’escalade rituelle de la pyramide de Khéops. Les “trois constructions colossales, (dressées) fraternellement l’une près de l’autre” méritaient mieux de la part d’un voyageur féru d’histoire, comme l’était sans nul doute von Tischerdorf.
Constantin von Tischerdorf |
Derrière la ville, les rives du fleuve sacré ressortent avec leur verdure ardente ; elles entourent de ce côté la vieille ville comme d'une ceinture d'immortelle espérance ; elles marquent aussi la limite entre la vie et la mort : car immédiatement après elles commencent les pâles collines de sable du désert, ces collines de sable qui, dans le cours des siècles, ont enseveli tant de vies.
Mais du sein de cette région du silence et de la mort s'élèvent fièrement vers l'azur foncé du ciel les impérissables pyramides, témoins silencieux et pourtant éloquents d'un passé déjà bien éloigné. C'est sur elles que le regard s'arrête le plus longtemps. Quand elles se montrent ainsi de loin, à travers le voile léger de l'air du désert, on s'imagine qu'on va lire les mystères de l'antiquité, il semble qu'on doive prêter l'oreille à des accents lointains, on se sent attiré par une puissance magique. Aussi conserve-t-on dans la mémoire leur impression fidèle, longtemps après qu'elles ont disparu à nos regards.
Nul étranger venu, pour visiter l'Égypte, de la patrie de l'observation et de la pensée ne s'arrêtera au Caire sans faire une excursion aux pyramides. Elles forment des groupes au bord du désert qui s'étendent du nord au sud, non loin des rives du Nil. Aux groupes qui tirent leur nom des villages d'Abousir, Sakara, Dachour, etc., le voyageur préfère depuis longtemps celui de Gizeh. Là se dressent fraternellement, l'une près de l'autre, ces trois constructions colossales que, dans le Ve siècle avant J.-C., Hérodote attribuait déjà à Chéops, Chéphren et Mikérinos (d'après les monuments : Choufou, Chafra, Menkéra).
La pyramide de Chéops est la plus grande : elle mesure, depuis son socle naturel de rocher, qui est en grande partie dans le sable, jusqu'à son sommet actuellement usé, 421 pieds, de sorte qu'originairement elle a dû avoir 500 pieds y compris le socle, et dépasser ainsi de beaucoup le plus haut monument de l'Europe, la cathédrale de Strasbourg, qui compte 438 pieds d'élévation. La pyramide de Chéphren est à peu près de la même hauteur, tandis que celle de Mykérinos est de moitié plus petite.
On a rendu accessible l'intérieur de toutes trois, mais les visites se bornent généralement à la plus grande. Là même, le chemin malaisé, souterrain, ne conduit qu'à des chambres désertes creusées dans le roc, et dont l'air étouffé paraît convenir aux seules chauves-souris.
Une de ces chambres est à 600 pieds au-dessous de la pointe de la pyramide ; deux autres, situées beaucoup moins bas, sont désignées comme celles du roi et de la reine. La dernière a 20 pieds de haut et de large, sur une longueur de 30 pieds. Elle renferme encore le sarcophage en granit où la momie de Chéops avait reposé près de quatre mille ans lorsque le calife Mamoun vint la troubler en 820, pour chercher des trésors royaux qu'il ne trouva point.
Il vaut beaucoup moins la peine de visiter l'intérieur de ce colosse de pierre - qui mesure 90 millions de pieds cubes - que de monter, au risque du vertige, jusqu'à son sommet. Les pierres de taille de nummulite calcaire, recouvertes il y a quelque mille ans de marbre poli, mais maintenant complètement mises à nu et faisant saillie d'un pied, forment deux cent six hautes marches ; on monte par là jusqu'à la plate-forme qui peut recevoir vingt personnes. De ce point élevé on jouit d'une vue des plus remarquables (...).
Cliché d'Antonio Beato (1864) |
“Dans le monument tout entier [le Sphinx], la nature et l'art se sont donné la main”
Au sud-est de notre groupe de pyramides et de leur champ des morts, nous sommes attirés de nouveau par un ancien monument de pierre, très admiré, et contemporain des pyramides, puisqu'on y a lu le nom de Chafra, constructeur de la seconde pyramide. Pour la plupart des visiteurs, elle est malheureusement ensablée en très grande partie ; seuls, Caviglia en 1817, plus tard Lepsius et enfin Mariette ont fait enlever le sable qui la cachait et réussi, notamment le savant français, à étudier de près le secret de sa construction.
Ce que j'en ai vu se borne à la tête et au cou du sphinx, qui représente le dieu Soleil. La beauté tant célébrée de la figure géante est gravement compromise par la perte du nez. Dans le monument tout entier, la nature et l'art se sont donné la main. Le rocher naturel a servi à former un immense sphinx. Tandis que le corps et le cou ont subi peu de transformation, c'est la tête qui a réclamé surtout le talent du sculpteur. Lorsqu'on dégagea pour la première fois le colosse des masses de sable, on découvrit, entre les deux pattes étendues vers l'orient, un petit temple, devant lequel se trouvaient deux lions, placés sur des socles, ainsi qu'un troisième regardant entre les deux, vers l'entrée. Depuis l'extrémité des pattes jusqu'à la naissance de la queue, les dernières mesures ont indiqué 172 pieds.
D'après les découvertes de Mariette, il y a encore, au sud du “Lion de la Nuit”, comme les Arabes l'appellent, un superbe temple, des galeries et des salles, entourés - rapporte Brugsch, un témoin oculaire - de murailles cyclopéennes de syénite et d'albâtre. C'était vraisemblablement le centre du culte de la divinité symbolisée d'une façon si grandiose.”
Source : Gallica