J’ai souhaité un complément d’informations sur la technique de transport préconisée, notamment pour le cas précis des monolithes de la Chambre du Roi, mais pour cause d’indisponibilité actuelle, l’auteur n’a pas pu répondre à mes questions.
Lorsque j’obtiendrai ces précisions, je ne manquerai pas d’apporter des ajouts à la présente note.
“On estime généralement, que les blocs constituant les grandes pyramides auraient été hissés par des ouvriers attelés à des traîneaux circulant sur une rampe, plan incliné rectiligne (Lauer), hélicoïdal (Goyon ) ou en zigzags (Hölscher). Mais pourquoi aurait-on ajouté un plan incliné à un édifice qui en comporte déjà quatre ?
Certes, la pente de ces derniers (52°) est impraticable pour les hommes, mais elle convient parfaitement à des contrepoids. Étant divisibles en petites masses (sacs de sable), ces contrepoids sont montés, de main en main, par des manœuvres disposés en multiples chaînes parallèles sur la face nord. Accumulés sur des traîneaux cunéiformes y ou z, ils redescendent en tirant les blocs, par l'intermédiaire de câbles, sur la face sud.
Une image bien connue (déplacement d'un colosse) montre qu'on sait fabriquer des cordages robustes et de grande longueur. Vu qu'on ne soulève jamais de charge lourde, tout Égyptien valide peut être requis.”
Un chantier en aires parallèles
“Constitué de la terrasse et des faces N et S, le chantier est divisé en aires parallèles (une quarantaine au début, une seule à la fin). Chaque aire est le domaine d'une unité constituée de maçons, de hercheurs et de manœuvres. Aux bords N et S de la terrasse, les câbles sont défléchis par des cornières de basalte demi-circulaires entaillées de trois gorges, avec axe de fixation et orifice pour clavette (Selim Hassan en a retrouvé un exemplaire).
Ces cornières sont fixées par paires, sur des portiques grossiers en bois de palmier (un matériau très médiocre. mais seul disponible en Égypte). Chacun des cordages ne transmettant que 1/6ème de la charge, ils peuvent être assez minces pour s'accommoder du faible rayon de courbure des cornières.
Chaque chaîne comporte deux ouvriers par assise, dont l'un est placé à mi-hauteur sur un cube fait de briques, qu'on démonte pour le déplacer vers l'axe et vers le haut selon la progression du chantier. Dans chaque unité, pour mettre en place chaque bloc, on opère par séquences de 8 manœuvres, selon figures 1 à 8.
p = traîneau cunéiforme ascenseur des blocs (machine d'Hérodote)
y et z = traîneaux cunéiformes descenseurs alternatifs des sacs de sable
h = hercheurs
Le poids monté chaque jour par chaque unité est indépendant de l'époque et de la hauteur. Admettons que chaque ouvrier fasse suivre 10 sacs de sable de 12,5 kg. par minute (chiffre raisonnable, avec plusieurs relèves par jour). En 30 minutes : 12,5 x 10 x 30 = 3750 kg. Avec un rendement mécanique de ⅔ : 2500 kg, poids d'un bloc.
Si la manœuvre du funiculaire demande 10' (soit au total 40' ) : en 10 h : 60' x 10 : 40 = 15 blocs par unité - En 1 an de 328 j.o. = 4920 blocs.
En 536 unités-années = 2 637 120 blocs, chiffre conforme aux estimations courantes.
Quand une assise n est terminée : dans chaque aire, on commence par constituer deux petites provisions de matériaux servant à amener le portique Sud au niveau n, et à élever le portique Nord au niveau n+1. Ils sont maintenant prêts à alimenter l'assise n+1.
Chargement d'un bloc |
Arrivée d'un bloc |
Déchargement d'un bloc |
Cornière de pierre |
Quand une tranche atteint sa hauteur : ses maçons et ses hercheurs sont démobilisés ; ses manœuvres sont affectés aux tranches qui continuent de s'élever ; son funiculaire est démonté ; ses parties visibles reçoivent leur couche de calcaire (la pose du revêtement se poursuit pendant toute la durée du chantier).
Immédiatement après l'acheminement du pyramidion par le câble axial, celui-ci est démonté pour livrer le terrain à la dernière tranche du revêtement. La pyramide est achevée ; il n'y a pas de rampe à démolir : on ferme le chantier.”
La convergence des arêtes est facilement contrôlée
“Très important : la convergence des arêtes, souci de tous les auteurs, est facilement contrôlée. En effet, les deux extrémités du funiculaire axial ont été, à l'origine, marquées définitivement au sol : il reste dans un plan vertical fixe ; son câble constitue un repère matériel pour jalonner fréquemment la terrasse.
La terrasse, côté nord :
A : livraison des blocs
B : envoi d’un message côté sud
C : maçons
D : hercheurs faisant descendre p et monter y ou z
E : chaîne au temps gauche/droite
F : chaîne au temps droite/gauche
G : pause
Le travail des manœuvres est cadencé g-d, d-g. La rupture d'un funiculaire (peu probable avec 6 filins) ne produirait que des dégâts matériels, car personne ne traverse les voies (circulation N-S exclusivement). Les rampes de brique crue, décrites par certaines thèses, se seraient effondrées sous les blocs de dizaines de tonnes. Nos traîneaux ne glissent que sur la pleine masse de l'édifice. La faisabilité de funiculaires est admise par une des théories de la rampe (chariot-contrepoids de Houdin ).Certains auteurs estiment le nombre d'hommes qui ont travaillé sur le chantier. Ce chiffre est peu significatif, car le temps de participation diffère considérablement, de requis à professionnels.
En résumé : les voies d'approvisionnement sont nécessairement multiples, sans croisements, en lignes droites parallèles. Sur les pentes fortes : inventeurs du chadouf, les Égyptiens savaient utiliser la force motrice de contrepoids, en les fragmentant. Sur les pentes faibles ou nulles du plateau et de la terrasse, la traction humaine s'imposait de préférence à celle des animaux, encombrants, et qu'il faut atteler.
Portée par la foi de tout un peuple, en l'Égypte et en ses dieux, l'édification de la Grande Pyramide a été accomplie avec l'outillage de l'époque, en ne demandant aux hommes que des efforts supportables. Prodigieux ? Certes. Miraculeux ? Non ! L'exploit pourrait être renouvelé de nos jours, en respectant notre législation du travail.
Du haut d'Orion ou de Sirius, Khéops sourit peut-être de nos problèmes.”
Site internet de Bernard Capet