Bref, voici une relation dont on aurait souhaité qu’elle fût un peu plus “critique”, comme le laissait à entendre le titre de l’ouvrage. Il s’en dégage toutefois, avec un bémol pour le Sphinx qui se voit accoler le qualificatif de “ridicule”, une impression globale d’admiration dont on pourra, faute de mieux, se satisfaire.
(*) extrait de Mémoires critiques sur l'Orient, suivis de Réflexions politiques et Essai sur l'île de Corfou et d'un Petit aperçu du sort des officiers de l'armée napolitaine après les événements de 1821 (1845)
Photo de 1920 (auteur inconnu) |
La plus grande des pyramides compte environ six cents pieds de hauteur et cinq cents de largeur à sa base ; elle est composée de grandes pierres taillées et arrangées de manière, l'une sur l'autre, qu'il n'est pas facile d'en faire la description. Les premières pierres, celles qui couvrent immédiatement les fondements, sont de la hauteur d'un homme. La surface de chaque triangle offre à la vue autant de pointes qu'il y a de pierres. L'appareil, tout-à-fait particulier par le moyen duquel a été exécuté ce travail, est une chose extraordinaire de nos jours, et même nous croyons qu'on ne trouverait pas un homme qui voudrait en hasarder l'exécution, d'autant plus qu'il en coûterait des sommes immenses. Je le répète encore, le grandiose de ce monument effraierait celui qui voudrait l'imiter.
La grande pyramide est accessible jusqu'au sommet, car le constructeur a eu soin de laisser les pierres (ou pour mieux dire les parallélépipèdes dont elle a été construite) divergentes en dehors, ainsi qu'il qu'il l'a fait pour toute la surface extérieure des différents côtés du mausolée. Je dis mausolée, car il est prouvé que ces bâtiments contiennent des sarcophages et des tombeaux. Je ne saurai donner une description exacte de la partie interne de la grande pyramide, attendu que l'ouverture par laquelle on y entre actuellement présente la forme d'un long spirale (**). À cette vue, je me sentis ému, voyant que je ne pourrais m'y introduire sans risquer d'y être étouffé. Cependant il paraît que la véritable porte d'entrée a été scellée par les anciens, après qu'ils y eurent déposé les corps. On sait que la partie cachée renferme plusieurs étages et des chambres dans lesquelles on entre en grimpant avec beaucoup [de] peine , et ceux qui ont voulu satisfaire leur curiosité rapportent qu'on y trouve des sarcophages de granit et de porphyre, des momies et bien des choses allégoriques.
À quelque distance de la première, il y a une autre pyramide plus petite, ce qui fait que de loin on les croit de la même grandeur ; mais la seconde n'est pas accessible au dehors. D'après sa surface extérieure, il paraît qu'elle a été incrustée de verre ancien, du moins, c'est ce que ses vestiges font croire.
Sur ces montagnes de sable, il y a d'espace en espace d'autres petites pyramides qui ne s'aperçoivent pas de loin. Il y a aussi un puits très profond, dans lequel on déterre des momies, des sarcophages, des urnes et d'autres objets qui rappellent les anciennes mœurs. Un sphinx d'une grandeur énorme précède les pyramides. Nous croyons qu'il a été placé là comme un gardien muet du lieu sacré. Il suffit de savoir que sa tête symbolique présente une dimension de quinze pieds carrés. Tout cela nous paraît extraordinaire et ridicule, et nous voyons par là ce que c'était que les anciens idolâtres.”
Source : Gallica
(**) l’auteur-traducteur a utilisé le masculin pour ce mot