Très souvent, après ce qui ressemble peu ou prou à de la déception, l’admiration va grandissante. On pensait connaître, puis on réalise à quel point la réalité dépasse l’imagination.
Le capitaine François-Thomas Walsh, dans son Journal de l'expédition anglaise en Égypte dans l'année mil huit cent (texte ci-dessous dans la traduction de l’anglais par M.A.T., éditée en 1823), se singularise par une observation préliminaire pour le moins surprenante : comment a-t-il donc pu, même sous le coup d’un “effet d’optique” et à deux cents mètres de distance, voir les pierres des pyramides comme “pas plus grosses que des briques ordinaires” ? Une vue plus rapprochée lui permettra évidemment d’autres observations plus réalistes.
Extrait de la "Description de l’Égypte" |
“Le 11 septembre, après nous être procuré des bateaux et nous être munis de tous les autres objets nécessaires à l'excursion que nous comptions faire, nous quittâmes Giseh aussitôt après le déjeuner, pour aller visiter les pyramides. Nous fîmes route sur un canal rempli par l'inondation du Nil, et la beauté du temps rendit ce trajet très agréable. Nous quittâmes nos bateaux après avoir fait environ douze milles en deux heures.
Le pays autour de nous était presque entièrement couvert d'eau, et de l'endroit où nous débarquâmes, il nous restait environ un mille à faire, sur un terrain sablonneux, pour nous rendre à la grande pyramide. En approchant de ces monuments d'antiquité, les plus étonnants et les plus anciens du monde, nous fûmes surpris de ne pas voir leur volume augmenter à nos yeux ; et ce qui nous parut encore plus singulier, ce fut qu'à la distance de deux cents mètres, les pierres dont ils sont construits ne nous paraissaient pas plus grosses que des briques ordinaires. Mais lorsque nous fûmes au pied de la première pyramide, qui est la plus grande de toutes, nous fûmes frappés d'étonnement, en songeant au travail immense et aux sommes énormes qu'avait dû coûter la construction de ces édifices. Les pierres qui à quelque distance nous semblaient si petites, étaient alors transformées en masse de quatre pieds carrés à la base, et de deux pieds de hauteur. J'ignore s'il faut attribuer cette illusion au genre de construction de ces monuments, dont toutes les assises, depuis la base jusqu'au sommet, sont placées en retraite les unes sur les autres, ou si elle est due à tout autre effet d'optique.
Plusieurs énormes débris, formés de pierres de la même dimension et taillées de la même manière que celles des pyramides, sont épars autour de ces monuments : mais ces pierres sont plus tendres et paraissent d'une autre nature.
Ces immenses édifices, bâtis avec toutes les proportions nécessaires pour en assurer la solidité, ne sont certainement pas des morceaux remarquables sous le rapport de l'élégance ; mais ils prouvent une grande connaissance des lois de l'architecture, dans le peuple qui les a construits. Ni les efforts des ouragans et des tempêtes, ni ceux des siècles, ni la main dévastatrice de l'homme n'ont pu les renverser jusqu'à présent ; et même de nos jours, après une si longue durée, les travaux et les dépenses que coûterait leur démolition seraient incalculables.
Des pyramides, nous nous avançâmes vers la statue colossale du Sphinx. La figure en a été mutilée, et ne conserve plus de sa première forme que ce qui est nécessaire pour faire reconnaître ce qu'elle était autrefois. Les Français, en débarrassant le sable qui entoure ses fondations, ont donné les moyens de s'assurer que jamais cette tête ne fut unie à un corps, ainsi qu'on le supposait autrefois.”
Source : Gallica