Le texte qui suit, extrait de la Gazette des beaux-arts - courrier européen de l'art et de la curiosité (1859), est antérieur d’une quinzaine d’années à celui publié précédemment dans ce blog. Il fait partie d’un article portant pour titre “L’Antiquité à l’Exposition Universelle : L’Égypte” (il doit s’agir de l’Exposition de 1855).
Dans la vaste fresque historique dressée par l’auteur, la période des grandes pyramides (IVe dynastie) a droit à tous les honneurs, la richesse intérieure de l’Égypte se manifestant alors par moult expressions et recherches de la splendeur, à commencer par celle que les bâtisseurs ont inscrites dans leurs pyramides.
Cliché du début du XXe siècle (source : environmentalgraffiti.com) |
“Avec la quatrième dynastie, memphite comme la troisième, l'histoire s'éclaircit et les monuments se multiplient. C'est l'âge de la construction des grandes pyramides élevées par les trois rois Khoufou (Chéops), Schafra (Chéphren) et Menkéra (Mycérinus). Chéops fut un roi guerrier ; les bas-reliefs du Sinaï célèbrent ses victoires sur les Bédouins qui harcelaient les colonies d'ouvriers égyptiens établies dans cette contrée pour l'exploitation des mines de cuivre. Mais c'est à sa pyramide qu'il doit d'avoir vu son nom traverser les siècles, assuré de l'immortalité tant qu'il y aura des hommes. Cent mille ouvriers qui se relayaient tous les trois mois furent, dit-on, employés pendant trente ans à construire ce gigantesque monument, dont son orgueil lui avait fait concevoir le plan pour abriter sa dépouille et qui est demeuré la plus prodigieuse des œuvres humaines, au moins par sa masse. La science de construction que révèlent les pyramides est immense, et n'a jamais été surpassée. Avec tous les progrès des sciences ce serait, même de nos jours, un problème bien difficile à résoudre que d'arriver, comme les architectes égyptiens de la quatrième dynastie, à construire dans une masse telle que celle des pyramides des chambres et des couloirs intérieurs qui, malgré les millions de kilogrammes qui pèsent sur eux, conservent au bout de soixante siècles toute leur régularité première et n'ont fléchi sur aucun point.
L'époque de la quatrième dynastie marque le point culminant de l'histoire primitive de l'Égypte. La splendeur et la richesse intérieure du pays paraissent avoir été immenses sous ces princes, et sont suffisamment attestées par leurs prodigieuses constructions. Les limites de la monarchie
allaient jusqu'aux cataractes; mais la capitale était à Memphis, et le centre de la vie de l'empire demeurait dans ses environs.
Les monuments de la quatrième dynastie, qui régna 284 ans, et ceux de la cinquième, aussi memphite, qui occupa le trône pendant 258 ans au milieu d'une civilisation non moins florissante, sont très multipliés.
Autour de Memphis, particulièrement à Ghizeh et à Sakkarah, la pioche des fouilleurs a rendu à la lumière les hypogées d'un grand nombre de personnages qui tenaient les premiers rangs à la cour des rois de ces deux dynasties. Les plus beaux comme art sont sans contredit ces tombeaux de Ti et de Phtah-Hotep, dont M. Mariette a fait reproduire les peintures dans la salle intérieure du temple qui renferme, au Champ de Mars, les plus remarquables morceaux de son musée de Boulak, apportés en originaux à Paris pour le temps de l'Exposition. (...)
Un style d'architecture tout particulier
Dans l'ornementation des portes des hypogées de la quatrième dynastie et des sarcophages que l'on y rencontre quelquefois, on remarque un style d'architecture tout particulier et différent de celui qu'offriront les monuments d'époques moins reculées, style qui paraît caractéristique de
l'âge des pyramides. Dans ce système d'architecture, toute la décoration consiste dans l'agencement de bandes horizontales et verticales étroites à surface convexe. C'est l'imitation de bâtiments construits en bois légers comme ceux du sycomore et du palmier, les deux arbres principaux de l'Égypte, dont on n'aurait pas même équarri les troncs pour les employer. De même, le plus souvent, dans ces tombeaux, la chambre sépulcrale est couverte par des poutres de pierre arrondies de manière à reproduire l'aspect de troncs de palmiers. Ainsi, les Égyptiens n'avaient pas commencé, comme on l'a cru si longtemps, par mener la vie de troglodytes. Leurs plus anciens édifices ont été des constructions de bois élevées dans le milieu de la vallée du Nil ; et, dans les premiers hypogées qu'ils ont .creusés au flanc de la chaîne Arabique et de la chaîne Libyque, ils ont copié le style et la disposition de ces constructions légères, dont le type est toujours demeuré celui de leurs habitations.”
Source : Gallica