On sait que, en dépit de sa large diffusion, pour des raisons autant historiques que techniques, cette théorie des “greniers de Pharaon” ne correspond pas à la vérité.
Pour y faire néanmoins place dans cet inventaire, j’ai choisi le court texte que lui a consacré Georges Lengherand (“mayeur” de Mons en Haynaut) dans son récit Voyage de Georges Lengherand, à Venise, Rome, Jérusalem, Mont Sinaï & le Kayre, 1485-1486, édité en 1861, avec une introduction, des notes et un glossaire, par le marquis de Denis-Charles Godefroy Ménilglaise, membre de la Société des Bibliophiles de Mons, de celle des Antiquaires de France, etc.
J’ai gardé le texte dans sa version originale, ne serait-ce que pour constater, si besoin était, que la langue française a fait bien des progrès depuis le XVe siècle !
Les "greniers de Joseph", teks que représentés par les mosaïques de la basilique Saint-Marc de Venise |
Et de là oultre l'on va aux greniers que fist faire ledit Pharaon par le conseil de Joseph, (qui sont bien a VII milles du dict Babilonne) combien qu'il semble qu'ilz soyent plus près mais le tour qu'il convient prendre le long d'une levée pour le marais fait le long chemin et fault passer IX ponts de pierre qui semblent nouvelIement faiz, et ont les dictes pierres esté prinses et viennent des'dicts greniers de Pharaon ; les deux d'iceulx et les plus prochains des dicts greniers, chascun ayant dix arcures, les aucuns six, aultres quattre, trois, et deux.
Ces greniers sont de très merveilleux édiffices et y en soutoit avoir XIII, et maintenant n'en y a que six ou sept.
On n'entre point dedens, et sont tous de pierre de taille, (ayant) couverture à feste (faîte) tout de mesme, et sont en manière de tallus commenchent dès le piet lequel a IIe LXXV pas de long, et est quarré par le dessoubz ; si sont les aultres, et a bien VIIIe piez de hault ; et sont deux de ceste grandeur et fachon, et les aultres de ceste fachon mesmes, ung peu mendres. Et pour lors que y estions, y trouvâmes trois loups dormans sur les pierres d'aucuns d'iceulx greniers, et assez hault. Et aussy icelles pierres sont de grandeur et haulteur l'une par l'autre dIII piez ou environ. Et à l'enthour de ces greniers y a petittes chambrettes, pluiseurs tailliés en rocq ne scay à quoy ce a peu servir, sy n'estoit que du temps que iceulx greniers estoient en estre, aucunnes gardes se tenoyent en icelles chambrettes.
Là est pareillement une grosse teste taillié en rocq, plantée en terre, que on dist en temps passé avoir esté ung ydolle et parloit et bailloit responce par les fallaces du déable.”
Source : Gallica